La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Ce matin, l'Assemblée a commencé l'examen des crédits relatifs à la recherche et à l'enseignement supérieur (no 3399, annexes 33 et 34 ; no 3398, tome X ; no 3400, tome XIV ; no 3459, tomes IV et V), s'arrêtant à l'amendement no 327 à l'article 33 et état B.
L'amendement no 327 de M. Éric Pauget est défendu.
La parole est à M. Francis Chouat, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission.
L'amendement concerne la terrible maladie de l'endométriose dont les causes restent largement inconnues.
La recherche clinique sur l'endométriose est bien développée en France ; les travaux de recherche fondamentale sont plus récents, fruit de l'émergence de nouvelles équipes. La recherche épidémiologique se développe au sein d'équipes d'épidémiologie de Santé publique France et au travers de différentes cohortes. Pour les aspects fondamentaux, plusieurs études françaises sont en cours dans le domaine de la génétique et de l'épigénétique, ciblant les mécanismes régulateurs du fonctionnement du système reproducteur ; en matière de recherche clinique, de nombreuses équipes françaises sont reconnues internationalement.
La recherche est en cours de développement en France ; vu sa qualité, elle peut bénéficier des appels à projets compétitifs existants de l'Agence nationale de recherche – ANR – pour la recherche préclinique, et du programme hospitalier pour la recherche clinique, ainsi que des programmes du PIA4 – Programme d'investissements d'avenir 4 – sur les cohortes, les réseaux hospitaliers universitaires, etc. Le renforcement des moyens de l'ANR prévu en 2021 devrait permettre d'amplifier les efforts de recherche préclinique.
C'est pourquoi je propose le retrait de l'amendement ; à défaut, avis défavorable.
La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, pour donner l'avis du Gouvernement.
Même avis.
L'amendement no 327 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour soutenir l'amendement no 863 .
Madame la ministre, si je connais la réponse que vous allez me faire, qui sera cohérente avec vos réponses de ce matin, je ne peux me résoudre à retirer mon amendement. Celui-ci porte sur une pathologie heureusement beaucoup moins fréquente que la maladie de Lyme – sujet de nombreux échanges que nous avons eus aujourd'hui – , mais qui touche les enfants.
Les amyotrophies bulbo-spinales de l'enfant sont des maladies neuromusculaires qui, bien que rares, sont en l'état actuel de la recherche non seulement incurables, mais également peu diagnostiquées. En France, la recherche sur ces maladies est quasi inexistante, alors qu'elles laissent les familles des enfants atteints dans le désespoir le plus total – j'ai d'ailleurs en cet instant une pensée particulière pour Lucien et sa famille. Le présent amendement vise à y attribuer un crédit d'un million d'euros.
Je comprends d'autant mieux que vous mainteniez votre amendement que je suis élu dans une circonscription qui abrite le siège de l'Association française contre les myopathies et du Genopole, à Évry-Courcouronnes et Corbeil-Essonnes. Cela fait plusieurs décennies que je connais l'enjeu de la recherche sur ces maladies rares.
Le troisième plan national Maladies rares vise à faire en sorte que toutes les personnes qui en souffrent reçoivent un diagnostic. Les maladies rares font également l'objet d'un programme prioritaire de recherche du PIA, dont le premier appel à projets sur les impasses diagnostiques est en cours. Le second, qui sera publié cet automne, vise à développer de nouvelles bases de données interopérables et réutilisables. Enfin, la priorité donnée par l'ANR à la recherche translationnelle sur les maladies rares permet de financer des projets supplémentaires, figurant sur la liste complémentaire, à hauteur de 2 millions d'euros, pendant toute la durée du plan national Maladies rares.
Ces actions – permettez-moi d'insister sur ce point – sont complétées par le programme européen EJP Maladies rares – European Joint Programme on Rare Diseases – , piloté par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM. Ce programme tend à développer la recherche au travers d'appels à projets transnationaux, cofinancés par l'ANR à hauteur de 3 millions d'euros par an, et à partager les données sur les maladies rares, les connaissances et les savoir-faire à travers l'Europe, pour favoriser l'éclosion d'un écosystème susceptible d'accélérer la recherche dans ce domaine.
C'est pourquoi, si je comprends que vous ne retiriez pas votre amendement, vous comprendrez que j'y sois défavorable.
L'amendement no 863 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à soutenir l'IFPEN, l'Institut français du pétrole-Énergies nouvelles. J'ai évoqué la situation délicate de l'établissement pour le prochain exercice budgétaire, mais deux autres rapporteurs en ont également fait état ; nous l'avons constaté pendant l'élaboration du rapport. La recette que je propose consiste à prélever un peu d'argent là où cela fera le moins mal, en l'occurrence à l'ANR, pour panser la plaie la plus douloureuse parmi les organismes de recherche, celle de l'IFPEN.
Je rappelle que c'est un établissement public à caractère industriel et commercial – EPIC – issu de l'ancien Institut français du pétrole créé en 1919, qui s'est réorienté ces dernières années vers des activités de recherche en mobilité durable et en énergies nouvelles. Entre autres missions, c'est lui qui a accompagné avec le Commissariat à l'énergie atomique – CEA – les travaux de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques – OPECST – dans le cadre de la mission de Stéphane Piednoir et d'Huguette Tiegna sur la transition vers la mobilité hydrogène et électrique.
Bien sûr, l'IFPEN est amené à jouer un rôle de recherche et développement important dans le cadre du plan hydrogène. Il est donc paradoxal, alors que ce plan se voit doter de moyens considérablement supérieurs, que le budget de l'IFPEN prévu dans le projet de loi de finances stagne entre 2020 et 2021 à 122 millions d'euros, soit 6 millions de moins qu'en 2018. C'est d'autant plus embarrassant que l'IFPEN dépend pour une large part de produits de brevets et dividendes des filiales du secteur de l'énergie. Or, dans le cadre de la crise liée au covid-19, les brevets et dividendes rapporteront moins que prévu : pour 2020, le trou est estimé à quelque 4 millions ; si l'on y ajoute celui attendu pour l'année qui vient, on peut estimer le manque à gagner à une dizaine de millions – un montant considérable pour un établissement dont le budget total est de l'ordre de 280 millions d'euros.
Afin de soutenir l'IFPEN dans le contexte du plan de relance hydrogène – et parce qu'il serait surprenant de ne pas trouver une poignée de millions pour le budget de cet organisme de recherche quand on met sur la table 2 milliards pour le plan hydrogène – , je propose d'en corriger le budget en allant puiser un peu d'argent dans celui de l'ANR. Les 9 millions dont je suggère d'abonder le budget de l'IFPEN correspondent presque exactement à la différence entre la dotation allouée actuellement en autorisations d'engagement – AE – à l'ANR et celle qui a été votée dans le cadre de la loi de programmation de la recherche. Cela représente à peu près le manque à gagner pour l'IFPEN dans le cadre de la crise du covid-19. L'effort sera d'autant moins douloureux pour l'ANR que le plan de relance prévoit de lui allouer 428 millions d'euros supplémentaires en autorisations d'engagement.
Monsieur Villani, nous avons eu l'occasion d'échanger à plusieurs reprises sur la question, vous en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, moi en tant que rapporteur spécial de la commission des finances. Plusieurs amendements, sans être en discussion commune avec celui-ci, portent sur ce sujet important : je propose donc d'y faire une réponse globale. Je présenterai en même temps un amendement d'appel, no 767, que j'ai moi-même déposé.
La question que vous posez concerne particulièrement l'IFPEN, mais va au-delà de ce seul organisme. Dans l'amendement que j'ai déposé, je propose de créer au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur » un nouveau programme budgétaire, qui serait destiné à donner des moyens financiers aux opérateurs de recherche afin de mettre un terme à l'érosion de leurs effectifs.
En effet – c'est le paradoxe dont on parlait ce matin – , même si de nombreux organismes voient leurs subventions pour charges de service public progresser, conformément aux dispositions de la loi de programmation de la recherche, le montant qui leur est alloué paraît pourtant insuffisant pour leur permettre de faire face à deux difficultés.
D'abord, le fameux glissement vieillesse technicité – GVT – , qui désigne l'augmentation de la masse salariale du fait de la progression des agents dans la grille indiciaire, les conduit à supprimer des emplois année après année, bien que leurs subventions pour charges de service public restent stables voire augmentent. L'exemple topique est le CNRS qui voit sa dotation progresser de 68 millions d'euros pour contrer ce problème ; mais d'autres organismes, dont la situation et les budgets sont différents, ne connaissent pas d'augmentation semblable. Vous avez cité l'IFPEN ; je citerai pour ma part l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement – INRAE – qui estime l'impact de son GVT à 4,5 millions d'euros par an.
La deuxième difficulté, c'est la baisse des ressources propres qui, nous l'espérons tous, est plus conjoncturelle. La crise économique détériore considérablement les marges de manoeuvre que les ressources propres offraient à certains opérateurs. C'est le cas pour l'IFPEN, mais aussi pour le CEA ou l'INRAE. Afin de les soutenir, je propose de créer un nouveau programme.
Je souligne que la revalorisation des carrières – pour laquelle, on l'a dit ce matin, un accord vient d'être signé – et la création de 315 emplois sur le programme 172, pour lesquels les moyens sont également nécessaires, représentent deux difficultés distinctes. C'est pourquoi nous sommes nombreux à attendre la réponse de Mme la ministre.
Le budget de l'IFPEN dans le PLF 2021 permet à l'établissement de conserver une situation financière saine, si l'on prend en considération l'ensemble de ses ressources, même compte tenu de la crise actuelle. Nous travaillons avec le ministère de l'économie, des finances et de la relance et avec l'IFPEN sur un contrat d'objectifs et de moyens, afin de cadrer la transformation que l'établissement est en train d'opérer, et de sanctuariser une série de crédits. En 2019, nous sommes venus en aide à cet établissement en ajoutant 1 million d'euros à son budget. Je reste attentive à ce que tous les organismes de recherche soient correctement financés, mais l'IFPEN s'est lui-même engagé dans une série de démarches de transformation profonde de ses projets et objets. L'institut bénéficiera évidemment des financements du plan hydrogène puisque la révision de ses recherches sur ces sujets fait partie de ses objectifs.
Le dialogue étant en cours, il me semble prématuré d'intervenir dans ce processus qui, à mon sens, doit aboutir et dont les objectifs de recherche dépendront des sous-jacents budgétaires que nous aurons négociés conjointement avec le ministère de l'économie, des finances et de la relance.
Avis défavorable sur l'amendement no 755 , comme sur l'amendement suivant, également relatif à l'IFPEN.
L'amendement no 755 n'est pas adopté.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l'amendement no 1379 .
Je serai très bref : le présent amendement, que j'ai proposé à la commission du développement durable, qui l'a adopté, poursuit le même objectif que celui que vient de défendre notre collègue Villani.
J'ai bien entendu la réponse de Mme la ministre ; nous serons très attentifs aux mesures qui viseront l'IFPEN, comme nous le serons à la réponse qui sera apportée au rapporteur spécial dont l'amendement no 767 pourrait faciliter la situation d'une série d'organismes.
L'amendement no 1379 vise à affecter à l'IFPEN une enveloppe de 7 millions d'euros, qui correspond à la dégradation de sa trésorerie.
M. le rapporteur spécial et Mme la ministre ont déjà émis un avis défavorable.
L'amendement no 1379 n'est pas adopté.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l'amendement no 181 .
Lors de leur audition, menée dans le cadre des travaux sur mon avis budgétaire, les représentants de l'INSERM ont indiqué souhaiter la fusion de l'ANRS, l'Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales, et du consortium REACTing – RESearch and ACTion targeting emerging infectious diseases – , afin de créer une nouvelle agence aux moyens accrus, à même de coordonner l'ensemble des questions liées aux zoonoses et aux maladies infectieuses émergentes.
Nous retrouvons un sujet que nous avons longuement évoqué à la fin de la séance de ce matin. Cette solution permettrait de coordonner tous les travaux de recherche dont nous parlions. Le projet de création de la nouvelle agence aurait reçu un accueil favorable du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, mais la demande formulée par l'INSERM, visant à ouvrir des crédits supplémentaires pour 2021 afin de mener ce projet à bien, semble être restée sans suite si l'on s'en réfère aux données du PLF que nous examinons.
L'amendement vise en conséquence à flécher certains crédits pour faciliter la création de la nouvelle agence.
C'est Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation elle-même qui a souhaité la création d'une nouvelle agence au sein de l'INSERM, regroupant l'actuelle ANRS et la cellule REACTing, consortium multidisciplinaire qui rassemble divers laboratoires et équipes afin de préparer et de coordonner la recherche pour faire face aux crises sanitaires liées aux maladies infectieuses émergentes – il est vrai, monsieur Descoeur que, sur d'autres sujets, nous avons beaucoup parlé de coordination ce matin.
Il n'en reste pas moins que le travail d'analyse préparatoire à la constitution de cette agence est encore en cours et que des réunions de travail sont programmées concernant le volet financier de l'opération pour en estimer le coût. Par ailleurs, une partie des crédits ouverts sur les actions 01 « Pilotage et animation », et 14 « Moyens généraux et d'appui à la recherche » du programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », correspondant à 165 millions d'euros, est inscrite en subvention pour charges de service public sans toutefois pouvoir être rattachée en totalité à des opérateurs précis au stade du projet de d'élaboration de cette loi de finances – il est impossible de savoir à l'avance à quels opérateurs certaines subventions ponctuelles seront effectivement versées. En tant qu'opérateur du programme 172, l'INSERM devrait logiquement bénéficier d'une part de ce montant – Mme la ministre nous apportera sans doute des précisions à ce sujet.
Je vous suggère de retirer voter amendement. À défaut, mon avis sera défavorable.
Comme vient de le dire le rapporteur spécial, j'ai souhaité qu'il y ait une organisation coordonnée de l'ensemble des recherches sur les problématiques liées aux zoonoses et aux maladies infectieuses émergentes. J'ai demandé au président de l'INSERM d'y réfléchir, et il est bien légitime qu'il ait évoqué devant vous ce projet sur lequel une réflexion est en cours.
Dans le cadre du plan « France relance » annoncé en septembre dernier par le Gouvernement, il est prévu, au sein du quatrième PIA, de mobiliser 2,6 milliards d'euros de nouveaux financements en faveur de stratégies d'investissement prioritaire. Les maladies infectieuses émergentes constituant l'une de ces stratégies d'investissement retenues par mon ministère, j'ai été chargée par le Premier ministre de proposer une note de cadrage pour en présenter les objectifs et le périmètre. L'INSERM sera bien sûr pleinement mobilisé dans ce cadre, et l'ANRS deviendra un opérateur plus large qui aura à gérer un périmètre agrandi.
En conséquence, parce qu'il est prématuré, je souhaite le retrait de l'amendement sans quoi mon avis sera défavorable.
Monsieur Descoeur, souhaitez vous maintenir votre amendement ou le retirer ?
Je remercie madame la ministre pour les précisions qu'elle vient de nous apporter. Nous serons très attentifs aux moyens qui seront mis à la disposition de l'INSERM pour mener ce projet à bien. Comme une marque de bonne volonté et, évidemment, parce que je fais confiance à Mme la ministre, je retire l'amendement.
L'amendement no 181 est retiré.
Nous en venons à l'amendement no 913 de Mme Josette Manin.
Avant de vous donner la parole, madame la députée, j'informe l'assemblée que, sur les amendements nos 912 et 767 , qui viennent après le vôtre, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Ces scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Josette Manin, pour soutenir l'amendement no 913 .
Dans la lignée des amendements précédents, il a pour objet la création d'un nouveau programme budgétaire de 50 millions d'euros au sein de la « Recherche et enseignement supérieur », destiné à donner des moyens financiers aux opérateurs de recherche afin de mettre un terme à l'érosion de leur masse salariale.
Je ne reprendrai pas ce qui a été dit. Je précise seulement qu'en 2020, d'après la Conférence des présidents d'université, le montant du GVT – glissement vieillesse technicité – se situerait entre 100 000 euros et 2 millions selon les établissements, pour un montant global de 50 millions d'euros.
Madame la présidente, vous me permettrez, au moment ou je donne avis du Gouvernement sur l'amendement no 913 de répondre globalement aux amendements relatifs au GVT.
Il résulte du passage du financement des ressources humaines des établissements autonomes que sont devenues les universités après la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, dite LRU, du titre 2 au titre 3, que ce financement n'est plus compensé de manière systématique. Cette politique est cohérente avec l'autonomie des établissements, auxquels il appartient depuis l'entrée en vigueur de cette loi, de réaliser des arbitrages permettant un pilotage global maîtrisé de leur masse salariale dans le cadre des ressources dont ils disposent.
Néanmoins, comme vous le savez, je n'ai absolument pas abandonné les établissements qui ont rencontré des difficultés financières liées à l'évolution tendancielle de leur GVT – j'insiste sur la notion d'évolution tendancielle, car le phénomène est lié à la pyramide des âges.
Depuis deux ans, ces établissements bénéficient d'un accompagnement comportant l'allocation de moyens supplémentaires, déterminés par la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle, dans le cadre du dialogue stratégique et de gestion, en contrepartie de la mise en place d'un plan partagé de déploiement des ressources humaines. En 2020, 15 millions d'euros ont été ainsi attribués – certains établissements ont été soutenus à hauteur d'1 million d'euros. En 2021, bien sûr, nous continuerons d'appliquer cette logique. Les crédits du projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030, prévus dans le PLF à hauteur de 51 millions d'euros, intègrent des ressources destinées au financement des établissements dans ce contexte.
Le Gouvernement demande donc le retrait des amendements relatifs au GVT. À défaut, son avis sera défavorable.
Désolée, monsieur Hetzel, j'avais oublié que vous m'aviez demandé la parole. Nous vous écoutons.
Avant que nous ne votions, je voulais en effet réagir aux propos de Mme la ministre, qui comportent quelques erreurs.
Tout d'abord, nous discutons de l'ensemble des opérateurs de la mission « Recherche et enseignement supérieur », autrement dit, notre discussion porte aussi, au-delà des opérateurs du programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », sur l'ensemble organismes de recherche. Ce qui signifie que, contrairement à ce que vous affirmez, les problèmes du GVT ne sont pas liés à la seule loi LRU, puisque cette dernière ne concerne que les opérateurs du programme 150. Si l'on s'en tient à votre raisonnement, les organismes de recherche ne devraient pas être considérés, alors que l'amendement de M. Chouat, par exemple, les concerne.
S'agissant des établissements d'enseignement supérieur du programme 150, s'il est vrai que l'autonomie a provoqué un transfert technique de la masse salariale du titre 2 vers le titre 3, cela n'a rien à voir avec la décision de ne pas compenser. C'est un autre sujet.
Mais non !
C'est une décision de nature politique.
Il est essentiel qu'un dialogue s'instaure avec les établissements concernés, sans quoi vous les asphyxiez. L'asphyxie, que j'ai évoquée ce matin à l'ouverture de cette discussion budgétaire, guette l'ensemble des opérateurs de la mission. Mécaniquement, sans compensation, leurs marges de manoeuvres disparaissent progressivement ce qui oblige les organismes et les établissements à jouer différemment avec leur masse salariale en ayant moins de moins d'emplois à pourvoir. Il y a là un problème majeur. Ne nous dites pas que c'est la conséquence de la loi de 2007 ! Celle-ci a créé un nouveau mécanisme, mais c'est au ministère qu'il revient de prendre ou non ses responsabilités. Et, manifestement, vous ne semblez pas vouloir les prendre.
Monsieur Hetzel, je réponds sur les amendements nos 913 et 912 , relatifs au programme 150, c'est-à-dire le budget des universités. Comme vous le rappelez vous-même, le GVT n'est plus compensé de manière systématique dans les établissements depuis 2007. C'était effectivement un choix politique qui remonte à 2007.
Mme Cendra Motin applaudit.
L'amendement no 913 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Josette Manin, pour soutenir l'amendement no 912 , qui fera l'objet d'un scrutin public déjà annoncé.
Il s'agit d'un amendement de repli qui tend à créer un nouveau programme budgétaire de 9,313 millions d'euros au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Même avis.
Monsieur le rapporteur spécial, je ne vous comprends pas : vous donnez un avis défavorable à un amendement que vous avez signé et dont vous êtes l'auteur.
M. Patrick Hetzel applaudit.
En effet, ce n'est pas exactement le même, mais là n'est pas l'essentiel. J'ai déposé un amendement que je soumets à la discussion et sur lequel j'attends de connaître l'avis de Mme la ministre. Comme dirait l'autre, je préfère l'original à la copie, et je n'aime pas être copié, surtout à la vingt-cinquième heure.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 71
Nombre de suffrages exprimés 71
Majorité absolue 36
Pour l'adoption 22
Contre 49
L'amendement no 912 n'est pas adopté.
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour soutenir l'amendement no 767 . J'indique qu'en plus du groupe Socialistes et apparentés, qui m'a saisie d'une demande de scrutin public, déjà annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée, j'ai également reçu, sur cet amendement, une demande de scrutin public de la part du groupe Les Républicains.
L'amendement no 767 est défendu. Je souhaite d'entendre la position de Mme la ministre.
Monsieur le rapporteur spécial, votre amendement est, en quelque sorte, en miroir par rapport à ceux qui concernent le programme 150 dont nous venons de débattre. Je partage votre désir de voir se renforcer les établissements et les organismes de recherche, mais je ne peux pas partager votre volonté d'affaiblir le principal programme de soutien à la recherche, c'est-à-dire le programme 172, ni celle d'alourdir les charges administratives des établissements en leur demandant de répondre à plusieurs responsables de programmes pour des parties de subventions qui seraient dispersées entre différentes administrations centrales.
Depuis la fin des années trente, le système de la recherche publique vit d'équilibre entre des moyens donnés directement aux établissements et des moyens financés sur appels à projets. La création de l'ANR, en 2005, avait permis de clarifier cette situation en réduisant les guichets publics d'appel à projets et en les concentrant au sein de l'Agence. Comme j'ai souvent eu l'occasion de le dire, ces modes de financement ne sont absolument pas à opposer.
La réduction des moyens d'intervention de l'ANR lors du précédent quinquennat a conduit à diminuer le taux de succès de celle-ci, l'amenant à un niveau extrêmement périlleux, au point qu'une partie de la communauté a remis en cause jusqu'au principe même du financement et de l'évaluation des projets de recherche par les pairs. Cela s'est ressenti jusque dans les mesures bibliométriques de la production scientifique française.
Après concertation avec les acteurs de la recherche, le Gouvernement a donc décidé de donner de nouveaux moyens aux organismes de recherche, d'augmenter leurs crédits pour répondre au problème que vous évoquez, et de prendre en considération en priorité ce qu'on appelle le « mur du CNRS ». Il prévoit un financement de 68 millions d'euros qui nous permettra de détruire ce mur, si je puis m'exprimer ainsi, et, dès l'année prochaine, une augmentation de 10 % des crédits de base aux laboratoires.
Dans le même temps, j'ai souhaité augmenter fortement le taux de succès de l'ANR. L'objectif visé est de 30 %. Lorsque je suis arrivée au ministère, ce taux était extrêmement faible ; nous l'avons ramené jusqu'à 19 % et il sera de 23 % l'année prochaine. Grâce au préciput, un financement complémentaire sera apporté aux politiques de site, aux établissements et directement aux laboratoires.
On constatera donc un renforcement global des moyens des établissements et des organismes de recherche, qui leur permettra de prendre en considération les problématiques que vous évoquez sur la gestion de leur masse salariale. Je demande le retrait de l'amendement, sinon ce sera un avis négatif.
Merci, madame la ministre. Il s'agissait d'un amendement d'appel. Vous avez apporté des précisions, au-delà de ce qui est prévu pour le CNRS. Vous confirmez notamment devant la représentation nationale ce que vous aviez déjà annoncé, à savoir l'augmentation des crédits de base dès 2021, alors qu'elle était, je crois, initialement prévue pour 2022. Les organismes qui connaissent les difficultés que nous avons décrites pourront améliorer leur situation grâce à l'augmentation des taux de succès de l'ANR et du préciput. Avec la vigilance que nous nous devons d'avoir, je prends acte de ces informations et de cette confirmation.
C'est la raison pour laquelle je vais, cher collègues, vous épargner un second scrutin public, en annonçant le retrait de l'amendement.
Rires sur divers bancs.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 75
Nombre de suffrages exprimés 75
Majorité absolue 38
Pour l'adoption 22
Contre 53
L'amendement no 767 n'est pas adopté.
Cet amendement est proposé par notre collègue Philippe Naillet. Le Gouvernement a souhaité supprimer une disposition appliquée jusqu'alors qui permettait aux entreprises demandant à un organisme de recherche public de réaliser une prestation de recherche, de bénéficier d'un remboursement sur la base d'une assiette doublée. L'article 8 du projet de loi de finances pour 2021 prévoit de supprimer le doublement d'assiette qui avait été instauré en 2004 dans le but d'inciter à la synergie entre la recherche publique et la recherche privée.
En outre-mer, cette suppression aura un impact fort sur les organismes publics qui mettent à disposition le plateau technique et les moyens humains associés dans le cadre de prestations de recherche et développement. Ces prestations ne peuvent être remplacées par des opérateurs privés non présents sur nos territoires. Elle sera d'autant plus préjudiciable pour l'outre-mer, dont l'écosystème de recherche et développement reste fragile du fait de l'éloignement et de la petitesse des territoires.
Il nous semble qu'il faut demander le maintien du dispositif de majoration antérieur, ou à tout le moins un régime dérogatoire afin de protéger les acteurs ultramarins.
L'amendement vise à revenir sur les mesures que nous avons votées en première partie de la loi de finances, à l'article 8, concernant l'harmonisation des modalités de sous-traitance qui s'appliquent aux dépenses. Mais il anticipe trop : alors que les dispositions adoptées ne s'appliquent qu'à partir de janvier 2022, il sollicite une compensation dès 2021.
Par ailleurs, l'outre-mer bénéficie déjà d'un taux majoré. Ainsi, les dépenses de recherches exposées par une entreprise située dans un département d'outre-mer sont prises en compte à hauteur de 50 % et non 30 %.
Enfin, la suppression du doublement d'assiette répond à une obligation déjà vieille de mise en conformité avec le droit de l'Union européenne.
C'est pourquoi j'émets un avis défavorable.
Le Gouvernement a pleinement conscience de l'importance de soutenir, d'une part, la recherche et l'innovation et, d'autre part, les PME, de manière générale mais peut-être plus encore dans la période actuelle. C'est pourquoi des moyens considérables sont mis en oeuvre, notamment dans le quatrième volet du PIA, ainsi que dans le plan de relance et le projet de loi de programmation de la recherche.
Comme l'a rappelé le rapporteur spécial, la suppression du dispositif de doublement du crédit d'impôt recherche, le CIR, fait suite à une plainte adressée à la Commission européenne et était à ce titre inévitable pour éviter une remise en cause de l'ensemble du dispositif. Cette suppression interviendra en 2022.
Les spécificités de la recherche et de l'innovation en outre-mer sont bien identifiées. Faisant suite aux assises des outre-mer, le Livre bleu a identifié le besoin d'une meilleure structuration de la recherche. C'est pourquoi la constitution de plates-formes de recherche par bassin géographique pour encourager les synergies, donner de la visibilité et faire rayonner la recherche ultramarine, est en cours.
Le Livre bleu identifie également un besoin dans les appels à projets de l'ANR pour des thématiques propres aux outre-mer, que ce soient des risques spécifiques – séismes, éruptions, ouragans, sargasses, chlordécone, pollution au mercure, disparition des coraux – ou des opportunités remarquables comme l'organisation des sociétés et des cultures locales, les échanges avec les pays de la région, l'aquaculture, la sylviculture, la biodiversité ou l'agroalimentaire. Avec le concours des régions volontaires, il est prévu que des appels à projets dits de maturation soient proposés et financés selon un modèle actuellement expérimenté par la région Guadeloupe et soutenu par la mobilisation de fonds européens. C'est donc une demande de retrait ou, à défaut, un avis défavorable.
L'amendement no 481 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 419 .
Il s'agit d'un amendement d'appel. Sur les 100 milliards du plan de relance annoncé le 3 septembre, 1 milliard d'euros sont spécifiquement réservés à l'agriculture et à l'agroalimentaire, le secteur forestier récupérant 200 millions d'euros au titre de la lutte contre le réchauffement climatique.
Plus précisément, pour renforcer la souveraineté alimentaire, l'exécutif prévoit 360 millions d'euros, dont 100 millions pour un plan d'indépendance protéique végétale et 250 millions pour les filières animales. Ces efforts restent insuffisants. Le plan protéines n'a pas encore été détaillé, par exemple. Or notre agriculture souffre. Il convient de soutenir plus encore la recherche pour permettre à nos agriculteurs de réussir notamment leur transition vers plus de bio sans qu'ils aient à en payer le prix. Il faut renforcer les circuits courts pour développer des débouchés avec une rémunération non pas seulement « intéressante », pour reprendre les termes du ministre de l'agriculture, mais aussi et surtout suffisante et digne pour nos agriculteurs. Je rappelle que le nombre d'agriculteurs a diminué de moitié en France entre 1998 et 2016. Il est donc plus que temps de leur apporter un réel soutien.
Comme vous le dites vous-même, le plan de relance va apporter un soutien considérable à la transition agricole, avec plus de 1 milliard d'euros – 1,124 milliard précisément, mais le plan de relance est loin d'être l'unique source de financement de la transition agricole. L'INRAE, financé par plusieurs programmes de la mission « Recherche », percevra une subvention pour charges de service public de 777 millions d'euros en 2021. Avec un budget supérieur à 1 milliard d'euros et 12 000 collaborateurs, il se mobilise sur les problématiques de transition agricole et écologique.
En outre, le plan « Agriculture-Innovation 2025 » a fixé des orientations de recherche, d'innovation et de formation structurées autour de cinq grandes thématiques pour la décennie à venir : l'agro-écologie, la bioéconomie, le biocontrôle, les biotechnologies végétales et l'agriculture numérique ainsi que les agroéquipements. L'une des quatre priorités du plan est d'ailleurs de renforcer la recherche sur les sols agricoles, l'agriculture et le climat. Je pense donc que votre amendement est satisfait et j'en demande le retrait. À défaut, avis défavorable.
L'amendement no 419 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour soutenir l'amendement no 847 .
Cet amendement, qui fait suite au récent débat sur la réautorisation des néonicotinoïdes dans l'enrobage des semences de betterave, tend à abonder le budget de l'INRAE afin de financer la recherche d'éléments ou de pratiques de substitution à cette molécule. Ce chiffre de 7 millions d'euros est tiré des annonces du ministre de l'agriculture sur les besoins de la recherche pour pouvoir enfin se passer des néonicotinoïdes d'ici à 2023.
Chère collègue, vous n'êtes pas sans savoir le rôle très important que jouent l'INRAE et l'Institut technique de la betterave, l'ITB, dans le Plan national de recherche et innovation – PNRI – afin de trouver des alternatives à ces fameux néonicotinoïdes. Ces deux organismes mènent depuis plusieurs années des recherches pour comprendre les mécanismes des viroses sur les grandes cultures, en particulier les betteraves.
Le PNRI bénéficiera d'un financement public additionnel de 7 millions d'euros sur trois ans, pour un montant global estimé à 20 millions d'euros, grâce aux autres co-financements : l'INRAE, l'ITB, ainsi que d'autres financeurs dont les semenciers.
Ces 7 millions seront distribués sur trois ans à travers le plan de relance et le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ». Par ailleurs, je précise que le programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles » voit ses crédits progresser de 2,25 %, soit 8 millions supplémentaires en 2021. De toute évidence, la recherche agricole est une priorité constante du Gouvernement. Je suis donc défavorable à l'amendement et je vous invite à le retirer.
En complément des propos du rapporteur spécial, je rappelle que le programme prioritaire de recherche « Protéger et cultiver autrement » a été lancé fin 2019 avec une enveloppe de 30 millions d'euros. Piloté par l'INRAE, il a pour ambition de favoriser, grâce à des projets de recherche dans différents domaines, la substitution des produits phytosanitaires dans l'agriculture. Je vous invite à mon tour à retirer l'amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.
L'amendement no 847 n'est pas adopté.
La parole est à M. Christophe Naegelen, pour soutenir l'amendement no 566 .
Le réchauffement climatique a eu de nombreuses conséquences désastreuses, notamment pour les forêts de la région Grand-Est, particulièrement pour les forêts vosgiennes. En six mois, la prolifération des scolytes a fait passer le nombre d'arbres morts de 5 à 9 millions. La seule solution est aujourd'hui l'abattage. Or la vente du bois est difficile actuellement en France et en Europe. Nous sommes obligés d'exporter dans des pays situés hors de l'Union européenne. Malheureusement, les autorités françaises imposent que l'on effectue un traitement thermique des bois qui rend ces exportations coûteuses et non compétitives.
Il paraît indispensable de trouver un traitement efficace contre les scolytes. Afin de financer la recherche, il est donc proposé d'attribuer 2 millions de crédits supplémentaires à l'action 02 « Recherche, développement et transfert de technologie » du programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles » pour soutenir la filière du bois et créer les dispositifs nécessaires à sa survie.
Vous me voyez bien confus, monsieur Naegelen, car je ne suis que le modeste rapporteur spécial du budget de la recherche ! Votre amendement vise à consacrer 2 millions au soutien de la filière forestière par la création de dispositifs lui permettant de maintenir sa compétitivité, or les crédits de l'action 02 du programme 142 sont destinés à des activités de recherche, notamment à travers une subvention de 27 millions à l'INRAE, dont les unités de Nancy, d'Orléans, de Bordeaux et d'Avignon sont déjà mobilisées.
Par ailleurs, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a mis en place des mesures pour accompagner le secteur forestier, en finançant notamment l'obtention de cartographies par télédétection. La création en décembre 2019, il y a bientôt un an, d'une aide à l'exploitation et à la commercialisation des bois scolytés dans certaines régions a également permis d'organiser l'évacuation de ces bois. Enfin, dans son volet agricole et forestier, le plan de relance comporte une mesure pour aider à la reconstitution des forêts touchées par la crise des scolytes.
Votre amendement est loin d'être infondé, mais il n'a pas sa place dans le budget de la recherche. Je vous invite à le retirer ; à défaut – et croyez-bien que j'en sois désolé – , mon avis sera défavorable.
Les moyens financiers consacrés au soutien de la filière de la forêt et du bois sont inscrits dans le programme 149 de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». Le Gouvernement a bel et bien prévu de venir en aide à cette filière : par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, l'enveloppe destinée au Fonds stratégique de la forêt et du bois dans le programme 149 – « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture » – a été augmentée de 4,4 millions en autorisations d'engagement et de 6,8 millions en crédits de paiement. Cette dotation en hausse est notamment destinée à financer des mesures d'aide contre la crise des scolytes. Demande de retrait ou avis défavorable.
L'amendement no 566 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 418 .
Il s'agit d'un amendement d'appel pour alerter une nouvelle fois le Gouvernement sur les éoliennes. De plus en plus de voix s'élèvent en France pour s'opposer à « l'hérésie écologique » qu'elles représentent, dénonçant la pollution visuelle, la pollution sonore, les infrasons, les atteintes nombreuses à la flore et à la faune dont elles sont la cause, sans compter les problèmes de durée de vie et de recyclage des matériaux, qui posent de nombreuses questions, parmi lesquelles l'utilisation de terres rares ou l'impossibilité du recyclage des pales en carbone.
Votre Gouvernement se refuse toujours à considérer sérieusement la possibilité d'implanter des fermes photovoltaïques sur des sites dégradés. L'implantation de ces parcs solaires sur des friches industrielles, des décharges, des carrières et des zones de stockage devrait être préférée aux éoliennes. Il faut s'y atteler sérieusement !
J'ai bien compris que l'amendement était d'appel, madame Ménard, mais à quoi appelle-t-il vraiment ? La recherche sur les énergies propres auxquelles vous faites référence relève du programme 190, auquel vous enlevez 10 000 euros de manière symbolique. Votre amendement serait dès lors contre-productif. J'y suis défavorable.
Avis défavorable.
Cet amendement est peut-être symbolique, mais la politique se nourrit de symboles et celui-là est important. Nous sommes de nombreux élus à déplorer le développement de projets d'éoliennes en mer : ils détruisent des emplois dans la pêche et abîment les paysages – c'est le cas en Picardie maritime. L'Assemblée enverrait un signal fort en adoptant l'amendement. Je note d'ailleurs que des projets d'éoliennes en mer sont parfois abandonnés. On l'a vu récemment, au large du Touquet, comme par hasard… Pour ma part, je trouve que cet amendement a beaucoup de sens.
L'amendement no 418 n'est pas adopté.
Tout pour les PME et les ETI ! Tel est le sens de cet amendement, qui vise à renforcer les capacités d'innovation et de croissance des petites et moyennes entreprises, ainsi que des entreprises de taille intermédiaire. Nous proposons, à cet effet, de transférer des crédits de l'action 04 du programme 193 « Recherche spatiale » vers l'action 02 du programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle ».
Cet amendement n'est pas raisonnable, cher collègue. Vous souhaitez renforcer les capacités d'innovation et de croissance des PME et des ETI, mais deux dispositifs y contribuent déjà largement et de manière bien plus efficace que ne le ferait votre amendement.
Le premier est le crédit d'impôt en faveur de l'innovation, une mesure fiscale réservée aux PME, qui représente 184 millions d'euros en 2021. Ce dispositif a pour objectif de favoriser tout type d'innovation, même incrémentale, et d'inciter les entreprises à concevoir des produits aux performances supérieures.
Le second, unanimement salué, est le régime « jeune entreprise innovante » – JEI – , qui soutient les jeunes PME à fort potentiel d'innovation et qui a concerné 4 200 bénéficiaires en 2019.
Bpifrance constitue également un acteur majeur du soutien à l'innovation pour les PME et les ETI à travers ses prêts et ses avances. J'ajoute que le crédit d'impôt recherche, dont nous allons probablement beaucoup discuter dans le cadre de ce PLF pour 2021, bénéficie prioritairement en nombre aux PME et aux ETI. Avis défavorable.
L'amendement no 421 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l'amendement no 902 .
Il vise à réattribuer les crédits de l'ANR en privilégiant les crédits pérennes aux crédits destinés à des appels à projets. Il ne s'agit évidemment pas de supprimer des crédits, ni même de les augmenter, mais d'allouer les 125 millions supplémentaires de l'ANR aux organismes publics de recherche sous forme de dotations de base.
Chère présidente Rabault, nous avons déjà eu l'occasion de débattre de ce sujet. Le fonctionnement par appels à projets de l'ANR, que vous remettez grandement en cause avec cet amendement, est complémentaire du financement de la recherche publique traditionnel sous forme de versements récurrents à des organismes de recherche.
Or, comme nous le disions ce matin pendant la discussion liminaire, les dépenses françaises consacrées à la recherche par appels à projets sont très en-deçà des dépenses similaires de nos voisins européens.
Ce n'est pas une question de gravité. Dans ce domaine, la décision budgétaire relève d'un choix stratégique et politique. De toute évidence, nous avons sur ce choix des avis divergents. Avis défavorable – j'en suis désolé.
Avis défavorable.
J'entends ce que vous dites, monsieur le rapporteur spécial, mais la comparaison avec nos voisins européens ne me paraît pas pertinente, bien qu'elle soit fréquemment avancée. Au cours des dix dernières années, dans le financement total de la recherche, la part du financement par crédits budgétaires est passée de 69 % à 60 % : elle a donc perdu dix points. Cette évolution ne vous est évidemment pas imputable, je n'ai jamais rien prétendu de tel – elle découle des précédents quinquennats – , mais nous avons quant à nous la volonté d'y mettre un terme. C'est pourquoi nous proposons de flécher les crédits supplémentaires octroyés à l'ANR vers des crédits pérennes plutôt que vers des crédits d'appels à projets.
L'amendement no 902 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l'amendement no 886 .
Cet amendement a peu de chance d'être adopté – bien qu'on puisse toujours espérer un sursaut – car il concerne un montant de crédits important : 672 millions. Lors de l'examen du projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur, nous avons revu la maquette budgétaire pour atteindre l'objectif de 1 % du PIB consacré à la recherche d'ici à 2027 ; et nous avons estimé le budget de la recherche pour 2021 non sur la base du PIB de 2020, durement touché par la crise sanitaire, mais sur celle du PIB de 2019. Or, pour atteindre cet objectif, 672 millions supplémentaires sont nécessaires dans le budget de la recherche.
L'examen du projet de loi de finances pour 2021 nous donne l'occasion de poursuivre le débat engagé, lors de l'examen, en première lecture, de la loi de programmation de la recherche, sur l'objectif de 1 % du PIB consacré à la recherche d'ici à 2027.
Je rappelle que le texte a été amendé par notre assemblée afin d'indiquer explicitement à l'article 1er « l'objectif de porter les dépenses intérieures de recherche et développement des administrations et des entreprises à au moins 3 % du produit intérieur brut annuel au cours de la décennie suivante, dont au moins 1 % de dépenses intérieures de
recherche et de développement des administrations » d'ici à 2030. Cet objectif est conforté par le projet de loi de finances pour 2021 et par les dispositifs complémentaires qu'il prévoit afin de consolider l'effort public de recherche, dispositifs que nous avons évoqués à plusieurs reprises depuis ce matin.
C'est la raison pour laquelle je pense qu'il faut laisser la trajectoire fixée dans la loi de programmation de la recherche suivre son cours. En 2021, cette trajectoire sera respectée, et vous savez très bien que nous serons nombreux à veiller, comme nous l'avons fait cette année, à ce qu'elle le soit également dans les lois de finances à venir.
Nous avons même adopté des amendements concernant l'articulation – qui fera l'objet d'une évaluation – entre la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 et le début de la mise en oeuvre de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Pour cette raison, et cela ne vous étonnera pas, je ne suis pas favorable à votre amendement.
Même avis.
J'entends les arguments de M. le rapporteur spécial. Il a rappelé que l'objectif devant conduire à consacrer 3 % du PIB à la recherche, dont 1 % à la recherche publique, n'était pas écrit noir sur blanc dans le projet de loi de programmation de la recherche initial. C'est un amendement du rapporteur qui a permis de l'inclure dans le texte émanant de l'Assemblée nationale ; bien entendu, nous l'avons voté.
Cependant, nous pourrions essayer de traduire ces objectifs en euros sonnants et trébuchants. Sinon, on peut toujours se raconter de belles histoires, mais elle ne se concrétiseront jamais. Si nous voulons que 1 % du PIB soit consacré à la recherche publique en 2027, il faut que le budget de la recherche soit augmenté au minimum de 672 millions d'euros en 2021. À défaut, l'objectif ne sera qu'incantation et, même si nous ne serons sans doute plus là pour le voir, il est certain que le budget de la recherche publique ne représentera pas 1 % du PIB en 2027.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 75
Nombre de suffrages exprimés 69
Majorité absolue 35
Pour l'adoption 17
Contre 52
L'amendement no 886 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l'amendement no 903 .
Il vise à attribuer 2 millions d'euros de crédits supplémentaires aux sciences sociales. Nous sommes loin des 672 millions d'euros demandés tout à l'heure, et j'espère que le rapporteur spécial, dont je sais qu'il maîtrise parfaitement les ordres de grandeur, se dira que pour une telle somme, il peut être judicieux de donner un coup de pouce aux sciences sociales.
Les écoles doctorales de sciences sociales françaises ont une forte valeur ajoutée et leur créativité est très importante. Elles pâtissent pourtant d'un manque de reconnaissance sur la scène internationale, notamment parce qu'elles manquent de crédits par exemple pour engager la traduction de leurs publications. De tels crédits permettraient de faire connaître leurs avancées.
Nous proposons donc d'allouer 2 millions d'euros aux sciences sociales, notamment en crédits de traduction, afin de leur permettre de rayonner davantage à l'international – tout le monde ne parlant pas français, certaines recherches demeurent insuffisamment connues en dépit de leur grande qualité. C'est un petit amendement, monsieur le rapporteur spécial, qui ne coûterait que 2 millions d'euros.
Vous le savez, l'avis que je donne sur un amendement ne dépend pas seulement de son poids financier.
Je m'étonne que cela vous étonne. Ne nous lançons pas dans de faux débats ; il y a suffisamment matière à débattre, surtout sur ce type de sujet.
Il est évident que l'activité de recherche est de plus en plus internationalisée ; c'est pour cela que les différents programmes de la mission comportent d'ores et déjà des objectifs en la matière, que l'on pourrait citer de manière plus complète et plus précise.
Je sais et vous savez que Mme la ministre est particulièrement attachée à la dimension internationale, en particulier au niveau européen. Nous savons également qu'il s'agit d'un des enjeux essentiels de la loi de programmation de la recherche. À cet égard, le programme 172 – « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » – sur lequel vous souhaitez prélever 2 millions d'euros, compte précisément parmi ses objectifs celui de « développer le rayonnement international de la recherche française », et le premier indicateur de cet objectif indique que le taux de chercheurs étrangers recrutés dans les laboratoires s'élève à 18 %, selon les prévisions pour 2020 et 2021.
Par ailleurs, la France dispose d'un réseau d'implantations scientifiques à l'étranger – instituts français et unités mixtes de recherche à l'étranger. Elles sont reconnues à l'échelle mondiale comme des références de premier plan dans leurs domaines respectifs, et sont destinées à promouvoir la mobilité internationale des chercheurs et des enseignants-chercheurs, notamment pour les sciences humaines et sociales.
J'ajoute que nous disposons d'un réseau diplomatique au service de la recherche et des partenariats scientifiques internationaux ; il constitue une singularité française, et c'est un des leviers essentiels de notre influence, comme le rappelle chaque année le classement Soft Power 30.
Enfin, au sein du programme 150 – « Formations supérieures et recherche universitaire » – , nous consacrons 1,3 million d'euros à des actions destinées à soutenir la mobilité et les échanges internationaux des étudiants, des enseignants et des chercheurs, et à développer des formations tournées vers l'international.
Je pense donc que, même si nous repoussons votre amendement, nous sommes d'accord sur la stratégie à adopter. Avis défavorable.
Monsieur le rapporteur spécial, je me permets de vous rappeler qu'en principe, les réponses ne doivent pas excéder deux minutes. Il est d'usage que le rapporteur ait un temps de parole supérieur, mais je vous invite à respecter cette règle, afin que nous puissions terminer l'examen du texte dans des délais raisonnables.
Vous le savez, mon ministère attache une importance toute particulière à l'internationalisation de la recherche ; il soutient les sciences humaines et sociales sur ce sujet comme sur d'autres – en témoigne le doublement des délégations auprès du CNRS qui leur seront réservées dans les années à venir.
Nous avons développé des instruments en faveur de l'internationalisation dans le cadre des programmes prioritaires de recherche et dans celui de l'ANR, mais aussi, plus spécifiquement, en soutenant le réseau des instituts d'études avancées et l'INSHS – institut des sciences humaines et sociales du CNRS – , qui favorise la mobilité internationale.
S'agissant des questions de traduction, les chercheurs nous demandent plutôt de pouvoir partager la pensée grâce à l'organisation de colloques ou de séminaires internationaux.
Il ne suffit pas de traduire pour partager la pensée ; il faut être capable de la reformuler. C'est ce que les chercheurs nous indiquent, et il me semble plus important que nous soutenions les programmes dédiés à la communication de la recherche, les colloques et le réseau des instituts d'études avancées. Avis défavorable.
Je partage votre objectif, madame la ministre, et mon amendement ne traitait pas que des traductions ; il devait également servir à soutenir la participation à des colloques, que vous avez évoquée. Cette ligne budgétaire permettrait d'acter l'importance d'un tel objectif, que nous partageons.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 80
Nombre de suffrages exprimés 76
Majorité absolue 39
Pour l'adoption 20
Contre 56
L'amendement no 903 n'est pas adopté.
Sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », je suis saisie par les groupes La République en marche et La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l'amendement no 907 .
Il vise à permettre une revalorisation non seulement des chercheurs et enseignants-chercheurs, mais de l'ensemble des personnels qui les accompagnent.
Nous proposons une enveloppe de 250 millions d'euros supplémentaires par an jusqu'en 2025 par rapport à la trajectoire que vous prévoyez, ce qui permettrait une revalorisation moyenne d'environ 1 700 euros par an.
La somme allouée en 2021 constituerait une première étape vers la réalisation de cet objectif ; 200 millions iraient aux chercheurs et aux enseignants-chercheurs, et 50 aux personnels de soutien à la recherche. C'est là encore une proposition que nous avons soutenu dans le cadre de l'examen du projet de loi de programmation de la recherche.
La revalorisation indemnitaire – mais aussi celle des carrières – des personnels de recherche est une mesure phare du projet de loi de programmation de la recherche. Je préfère m'en tenir au premier accord national majoritaire en matière de recherche et d'enseignement supérieur, qui a été signé entre les syndicats majoritaires et les grands organismes de recherche en présence de Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et du Premier ministre, le 12 octobre dernier. Avis défavorable.
Il est également défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 80
Nombre de suffrages exprimés 74
Majorité absolue 38
Pour l'adoption 17
Contre 57
L'amendement no 907 n'est pas adopté.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement no 915 .
Le groupe Socialistes et apparentés a déposé cinq amendements visant à donner du sens à la recherche dans les territoires. Le premier avait pour objet le lien entre les PME et l'écosystème de recherche et développement sur chaque territoire ; un autre promouvait le concept « une seule santé », qui a été intégré grâce à notre proposition dans le projet de loi de programmation de la recherche.
Nous avons également soutenu le dispositif « tous chercheurs », initiative du muséum d'histoire naturelle qui s'est déployée dans trois territoires en France et qui vise à développer une science participative et citoyenne ; je pense notamment à l'expérience de l'INRAE à Champenoux, près de Nancy, dans le Grand Est, qui encourage les citoyens à participer à la lutte contre la maladie de Lyme par la collecte de données et organise des séances de réflexion sur le sens même de la recherche.
Cette initiative participe de l'éducation civique et populaire ; elle permet de lutter contre les obscurantismes et donne l'occasion aux citoyens de s'approprier des processus scientifiques qui, autrement, leur resteraient étrangers. Elle contribue à éclairer la Nation, à créer une citoyenneté active dans un champ qui n'est pas celui des idéologies et des spiritualités mais celui de la raison et de la science. C'est en tous points une véritable promesse pour notre pays.
Nous proposons donc que cette expérimentation, engagée à Marseille puis dupliquée à Metz et à Nancy, soit déclinée sur dix sites en France. Nous proposons un investissement de 1,6 million d'euros correspondant au budget du laboratoire « tous chercheurs » marseillais ; il permettrait de déployer dix expériences de ce type dans notre pays, ce dont nous tirerions une fierté collective.
Je partage les objectifs que vous visez, mais les expérimentations que vous préconisez peuvent être réalisées dans le cadre budgétaire prévu.
La loi de programmation prévoit, dans le programme 172, une enveloppe de 3 millions d'euros consacrée à la culture scientifique. Cette enveloppe doit précisément servir à favoriser la participation des citoyens aux projets de recherche. C'est particulièrement important dans ce moment de défiance envers le progrès et la connaissance.
Par ailleurs, comme je vous l'avais dit en commission des finances, l'ancien programme 186 – « Recherche culturelle et culture scientifique » – , désormais confié au ministère de la culture, bénéficiera de 112 millions d'euros en 2021. Enfin, l'ANR doit devenir un outil central pour contribuer au dialogue entre science et société. Au moins 1 % de son budget d'intervention sera dédié à des actions de soutien à la diffusion de la culture scientifique.
Votre volonté est donc satisfaite. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Le dispositif « tous chercheurs », qui est né à Marseille grâce à une association et s'est ensuite développé à Metz, Nancy et, ne l'oublions pas, à Vittel – sur la thématique « eau et environnement » est bien connu du ministère qui a déjà eu l'occasion de le soutenir financièrement. Il a notamment été lauréat de l'appel à projets « science et société ».
Toutes ces initiatives auront bien sûr leur place dans l'ensemble des actions que le ministère va déployer au cours des prochaines années en matière de sciences participatives.
C'est la raison pour laquelle le projet de loi de finances et la LPR prévoient des financements et l'application d'un principe : l'ANR consacrera désormais au moins 1 % de son budget d'intervention au partage de la culture scientifique.
Cet amendement me semblant satisfait, j'en demande le retrait, sinon j'émettrai un avis défavorable.
Je vais le maintenir car, même si je suis heureux de l'engagement du rapporteur spécial et de la ministre, mais j'aurais aimé qu'il soit plus précis. Dix expérimentations, c'est du déploiement. Cela devient une politique publique qui implique une logique d'appels à projets, alors que noyer les propositions dans des masses budgétaires non identifiées ne me paraît pas satisfaisant.
Nous constatons un véritable enthousiasme, une inspiration du Muséum national d'histoire naturelle, une incarnation, y compris à Vittel – merci de l'avoir rappelé. Lors d'un déplacement à Nancy, vous avez failli visiter l'INRAE de Champenoux. Vous auriez été convaincue qu'il fallait, dans dix endroits de France, planter ces drapeaux de la recherche et de la conscience citoyenne.
J'en suis convaincue !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 84
Nombre de suffrages exprimés 73
Majorité absolue 37
Pour l'adoption 17
Contre 56
L'amendement no 915 n'est pas adopté.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 87
Nombre de suffrages exprimés 85
Majorité absolue 43
Pour l'adoption 61
Contre 24
Les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » sont adoptés.
Il vise à demander au Gouvernement, dans un délai de trois mois après la promulgation de la loi, un rapport concernant les effets des bourses sur le niveau de vie des étudiants boursiers au cours des cinq dernières années, sachant qu'il a été très affecté par la récente pandémie.
Le Gouvernement a revalorisé le montant des bourses par deux fois cette année, en mai et en octobre. Malgré ce double coup de pouce, les difficultés des étudiants boursiers se sont fortement aggravées. Nombre de ceux qui avaient un petit boulot, notamment dans un restaurant ou un café, l'ont perdu en raison des conséquences de la pandémie, confinement et couvre-feu. En outre, l'achat de masques et de gel pèse dans des budgets où le reste à vivre ne dépasse parfois pas trois ou quatre euros par jour.
Les associations caritatives et humanitaires reçoivent ces étudiants qui, par milliers, viennent chercher un colis alimentaire. J'ai eu l'occasion de participer à ces distributions à Lille, dans mon département, ou à Saint-Denis.
Le rapport que nous demandons permettrait d'évaluer les mesures à prendre en faveur des étudiants.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Fabrice Le Vigoureux étant retenu par une obligation imprévue, je vais vous répondre à sa place.
Cette idée de rapport est évidemment intéressant. Néanmoins, l'avis est défavorable pour deux raisons : le délai de trois mois est très court ; l'Observatoire de la vie étudiante a effectué en 2020 une enquête sur les conditions de vie des étudiants, qui pourrait se révéler plus intéressante car elle permettrait d'analyser, avec un peu de recul, la réforme des bourses et les problèmes actuels.
L'amendement no 795 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous en avons terminé avec l'examen des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures vingt-cinq.
Nous abordons l'examen des crédits relatifs au plan de relance et au plan d'urgence face à la crise sanitaire (no 3399, annexe 46 ; no 3400, tome XV).
La parole est à M. le président et rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Chaque jour qui passe, le virus progresse et la réalité de l'exercice budgétaire trépasse. Aujourd'hui, sans doute faut-il parler davantage d'urgence que de relance, mais nous parlons de la mission « Plan de relance ». Avec plus de 36 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 22 milliards d'euros en crédits de paiement – CP – , c'est, en ordre d'importance, la cinquième mission du budget pour 2021. S'il faut relativiser la portée de l'effort que représentent ces crédits – des plans de relance ont été adoptés à peu près dans tous les pays – , ces sommes sont évidemment gigantesques.
Ce plan de relance est aussi un outil de communication : le chiffre rond de 100 milliards d'euros marque les esprits. Il est constitué d'un mélange d'argent neuf, de recyclage de crédits précédemment votés, à l'image des 3 milliards d'euros de reste à payer, votés en 2020, portés dans les crédits de paiement par la mission « Plan de relance ». Citons encore les 10 milliards de CP déjà votés dans le troisième projet de loi de finances rectificative – PLFR3 – , qui sont déployés ou redéployés dans les différentes missions du budget pour 2021, au titre du plan de relance.
La mission « Plan de relance » ne représente « que » 57 % des autorisations d'engagement consacrées à la relance elle-même, ouverte en 2021, compte tenu des positionnements dans les crédits budgétaires traditionnels comme dans le PIA. Les 43 % restants se dispersent entre d'autres lignes budgétaires.
Sur le fond, les dépenses éligibles à la mission « Plan de relance » devraient, à mon avis, répondre aux questions suivantes : ces mesures permettent-elles d'accélérer la transition écologique et numérique de notre nation ? Permettent-elles d'augmenter durablement le niveau de croissance potentielle du pays ? S'agit-il de dépenses de relance ou d'un alibi pour réaliser des dépenses de rattrapage ?
À la lumière de ces questions, plusieurs mesures n'ont aucune raison de se trouver dans un plan de relance pour sauver la France. Plusieurs mesures n'ont aucun lien avec la relance, notamment les commandes publiques visant à combler un besoin ancien en matériels dans quelques ministères : les 30 000 caméras-piéton pour les forces de police ; les 2 000 tasers ou les 4 000 housses tactiques modulaires pour la protection des forces de l'ordre.
D'autres mesures sont des dépenses de fonctionnement, sans lien avec un quelconque objectif de compétitivité ou de transition, telles que le renforcement des moyens alloués à l'hébergement et à l'aide au retour des demandeurs d'asile. Et je doute sincèrement que les crédits affectés aux jardins partagés, à la plantation de haies ou encore au soutien à l'accueil des animaux abandonnés et en fin de vie, soient de la relance.
Quel est l'impact de ces mesures sur l'accélération de la transition écologique et sur l'amélioration de la croissance potentielle de notre pays ? Il est évidemment nul. Il ne s'agit pas de remettre en cause la légitimité de ces dépenses, mais nous devons nous demander si la relance ne devient pas parfois un alibi à la dépense.
Autre réserve : au lieu de clarifier le débat, cette mission « Plan de relance » apporte beaucoup de complexité en raison d'un important saupoudrage, et d'une illisibilité des crédits entre cette mission, les autres missions de ce projet de loi de finances et les PLFR adoptés au printemps dernier.
C'est ainsi que l'on ne compte pas moins de vingt-six mesures différentes pour les jeunes dans la mission de relance, pour un montant de 3,4 milliards d'euros – sachant que 1 milliard a déjà été voté au printemps et que des mesures se trouvent dans la mission « Travail et emploi ».
Quant à la consommation des crédits, elle est très incertaine. Les modalités de sélection des projets ne vont pas garantir une répartition équitable de la ressource publique. Il va falloir décaisser vite et bien – c'est d'ailleurs la nature même de l'exercice. Pourtant, j'ai quelques doutes quand nous votons les autorisations d'engagement qui devraient être intégralement consommées sur deux ans, alors que le Gouvernement se dit capable d'en consommer les deux tiers dès 2021. N'est-ce pas irréaliste ? En outre, certains crédits me semblent sous-estimés, comme les 900 millions d'euros qui doivent permettre la transformation de prêts en quasi-fonds propres. Cela me semble vraiment très peu.
J'ai donc beaucoup d'inquiétudes sur la capacité à réellement relancer l'activité, au travers de cette mission. Le tout est très foisonnant. Quoi qu'il en soit, la relance est nécessaire. Je terminerai comme j'ai commencé : il me semble assez anachronique de parler de relance quand un couvre-feu s'applique à quasiment tout le territoire et que l'on annonce chaque jour de nouvelles mesures de soutien.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Jean-Luc Mélenchon applaudit également.
La parole est à M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, rapporteur spécial.
Une crise, deux réponses : nous devons apporter deux réponses à la crise actuelle. La première est la réponse à l'urgence, le soutien économique à tous les secteurs qui, contrairement à d'autres, n'ont pas pu redémarrer ou dont l'activité est de nouveau contrainte par l'épisode du couvre-feu. Nous continuerons de soutenir ces secteurs, comme nous l'avons fait depuis l'adoption de la loi de finances rectificative du 23 mars, avec des outils désormais bien connus et maîtrisés, à savoir le fonds de solidarité, les prêts garantis par l'État, ainsi que l'activité partielle ou encore le report et l'annulation de charges. C'est évidemment au chevet des entreprises en difficulté que nous devons être.
Mais la seconde réponse se prépare dès maintenant : c'est celle de l'investissement, pour faire redémarrer notre économie et retrouver la prospérité d'avant la crise. Cette réponse prend la forme d'un plan de relance de 100 milliards d'euros. L'intégralité de cette somme ne sera pas examinée dans le cadre de la mission – au sens de la LOLF – qui nous réunit aujourd'hui. Certaines mesures, par exemple, ont déjà été adoptées dans le cadre du troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020, à hauteur de 13 milliards d'euros. S'y ajoutent les 11 milliards d'euros qui seront consacrés à la relance dans le cadre du quatrième programme d'investissements d'avenir – PIA – , que Mme Dalloz connaît bien, ou encore les moyens déployés par Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations, à hauteur de 5 milliards d'euros. Le reste figure dans la mission « Plan de relance » que nous examinons aujourd'hui : 39 milliards d'euros de crédits de paiement seront ainsi mobilisés dès 2021.
Ils seront déployés à travers trois programmes : « Écologie », « Compétitivité » et « Cohésion ». L'écologie, qui représentera un tiers du plan de relance, doit être l'occasion de mettre enfin notre économie sur les rails d'une croissance verte, c'est-à-dire sur la trajectoire d'une transition écologique accélérée. Cette transition, chers collègues, ne consistera pas à passer un coup de pinceau vert sur l'activité des entreprises, mais à créer les emplois de demain en favorisant le développement des filières d'avenir, qui seront davantage respectueuses de l'environnement. Je pense, parmi d'autres exemples, aux 2 milliards d'euros qui seront consacrés au plan hydrogène entre 2020 et 2022.
Nous avons évoqué la compétitivité et l'emploi à l'occasion de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, avec la baisse des impôts de production. Cette orientation trouve son écho en seconde partie du texte au sein de la mission « Plan de relance », à travers les aides à l'investissement, notamment en faveur de l'industrie, qui visent à rendre les process industriels plus vertueux, par exemple en matière de respect des normes environnementales. Elle se matérialise également, pour les particuliers et les ménages, par le dispositif MaPrimeRénov' et par toute une série de mesures qui accompagneront la rénovation thermique des bâtiments.
La cohésion passe, quant à elle, avant tout par un meilleur accès – notamment des jeunes – à l'emploi et par la formation. Beaucoup des crédits afférents à cet objectif figurent dans le troisième programme de la mission « Plan de relance ».
Toutes ces mesures visent à mettre la France sur les bons rails pour prendre le tournant de la décennie à venir : n'oublions pas que, face à la crise, nous devons préparer l'avenir. Le plan de relance nous permettra de préparer la France à faire mieux dans un monde qui a changé et que nous avons parfois regardé évoluer sans nous. Je pense notamment au programme « Compétitivité », grâce auquel, je l'espère, nous offrirons enfin à nos entreprises des conditions d'investissement et d'emploi au moins comparables à celles de nos voisins, pour retrouver un niveau d'emploi digne de la puissance économique que nous sommes.
La relance, c'est donc maintenant – ce n'est pas anachronique que de le dire – et c'est surtout pour tous. Entreprises, ménages, associations, collectivités territoriales, administrations : le plan de relance doit permettre à chacun de trouver une réponse à ses besoins. Si nous en examinons aujourd'hui les crédits, le véritable enjeu consistera à le déployer dans toute la France, en faisant preuve de pédagogie. Chacun doit pouvoir prendre connaissance, notamment à travers la consultation du site internet planderelance. gouv. fr, des mesures qui lui sont destinées. Il ne faut pas attendre. Certains projets sont d'ailleurs déjà lancés. Je pense notamment aux fonds de relocalisation industrielle, qui ont déjà fait l'objet de plus de 3 600 demandes, ou encore à la rénovation thermique des bâtiments publics, pour laquelle plus de 4 000 projets ont déjà été déposés. Voilà la preuve que, si nous examinons le plan de relance aujourd'hui, il a en réalité déjà bel et bien commencé.
L'indicateur clef du succès du plan résidera dans son exécution : au-delà du fait qu'il soit déjà lancé et que les crédits soient fongibles – ce qui permettra, si certains programmes tardaient à débuter, de réorienter les crédits correspondants vers d'autres actions et programmes – , l'enjeu majeur sera celui du suivi et de la concrétisation des crédits consacrés à la mission « Plan de relance ». Nous, parlementaires, devrons, comme le Premier ministre l'a clairement précisé dans sa circulaire du 23 octobre, être étroitement consultés, dans tous les territoires, pour chaque euro d'argent public dépensé dans le cadre de cette mission. Oui, le succès de cette mission tiendra dans son exécution.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme Anne-France Brunet, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques.
Comme vous le savez, la France a connu cette année une crise d'une ampleur exceptionnelle, dont les effets se sont fait sentir dès le printemps dernier et continueront de se propager pendant de longs mois. Pour souligner la dimension historique de la période actuelle, rappelons qu'il faut remonter à 1942, année pendant laquelle la France avait connu une récession de 10,5 %, pour trouver une contraction du PIB plus forte que celle que nous connaissons.
Face à ce défi, le Gouvernement n'est pas resté inerte, tant s'en faut : il a réagi en proposant dès le printemps une série de mesures elles aussi inédites de soutien aux ménages et aux entreprises. Au sein du projet de loi de finances, la mission « Plan de relance » doit nous permettre de rebondir en soutenant la croissance de notre pays. Elle est dotée de 36,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 22 milliards d'euros en crédits de paiement pour 2021. Ce sont là des sommes importantes, qui ne produiront leurs effets qu'à condition d'être bien employées et bien déployées.
Quelles sont les conditions de succès du plan de relance ? Le pilotage du plan constitue, à mon sens, une condition sine qua non de son succès : il importe que son suivi soit à la hauteur de son ambition. À ce titre, je salue la création d'un comité de pilotage national, de postes de sous-préfets à la relance et de comités régionaux de suivi et d'exécution du plan de relance. J'insiste sur la nécessité d'associer les parlementaires à cette démarche. Nous sommes en effet d'utiles relais pour faire connaître les mesures sur le terrain et faire remonter les difficultés d'application de certains dispositifs. Aussi les moyens humains de la relance doivent-ils correspondre à l'ambition du plan, pour que les délais de traitement des dossiers ne contreviennent pas à l'impératif de rapidité d'exécution des dispositions qu'il contient.
Disons le franchement : une véritable stratégie de communication doit également être mise en oeuvre, au niveau territorial, pour donner de la lisibilité aux mesures annoncées : ces dernières sont nombreuses et les acteurs économiques n'ont pas toujours le temps de rechercher l'information. Je plaide en conséquence pour l'application, de façon aussi généralisée que possible, d'une logique de guichet unique, qui répondrait à une attente forte de nos concitoyens.
Pour conclure, je veux insister sur la dimension transformatrice du plan de relance : il faut assumer des objectifs ambitieux, en particulier dans le domaine de l'égalité entre les femmes et les hommes. Selon les chiffres de l'INSEE, en 2017, les femmes salariées dans le secteur privé ont perçu en moyenne 16,8 % de moins que les hommes en équivalent temps plein.
Cette différence atteint même 28,5 % lorsqu'elle intègre les inégalités de volume de travail. Les femmes sont en effet bien plus souvent à temps partiel et moins souvent employées pendant toute l'année que les hommes. Il nous faut donc agir en la matière et – si j'ose dire – décliner le plan de relance au féminin. Pour ce faire, la conditionnalité des aides me semble constituer un bon levier. Mon approche est pragmatique : elle consiste à ne pas créer de contraintes supplémentaires, mais à faire preuve d'exigence concernant les obligations déjà existantes – en l'espèce, la publication des indices d'écart de rémunération entre les hommes et les femmes. C'est aussi cela, la vocation transformatrice du plan de relance ! Dans cet esprit, j'ai déposé un amendement visant à conditionner l'octroi des aides destinées aux entreprises de plus de cinquante salariés au respect de l'obligation de publier les indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et aux actions engagées pour les résorber. Aucune nouvelle contrainte n'est créée, puisque cette obligation existe depuis la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel : il s'agit simplement de s'assurer qu'elle est bien respectée par les entreprises aidées dans le cadre du plan de relance. Je n'en dis pas plus, car nous aurons l'occasion d'en discuter ultérieurement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Après le plan d'urgence enclenché pour apporter un soutien immédiat aux entreprises pendant le confinement – plan qui a été globalement salué par les entreprises et les salariés, tant pour ses modalités de mise en oeuvre que pour la réactivité dont ont fait preuve tous les services de l'État – , nous débattons aujourd'hui des crédits alloués au plan de relance voulu par le Gouvernement dans un triple objectif : sauvegarder un maximum d'emplois et d'entreprises, rendre plus compétitifs et innovants les acteurs économiques français et assurer la transformation environnementale du pays.
Ainsi, les crédits de la mission « Plan de relance » se répartissent en trois piliers : l'écologie pour 18 milliards d'euros, la compétitivité pour 6 milliards et la cohésion pour 12 milliards. L'intégration de 36 milliards d'euros en autorisations d'engagement dans la mission est à saluer, car elle traduit un effort en faveur d'une meilleure lisibilité. Toutefois, dans les faits, l'examen de la mission en commission a mis en lumière la difficulté à identifier tous les crédits annoncés au titre du plan de relance. L'articulation du plan avec les missions classiques est, en outre, parfois malaisée. Cet état de fait peut s'expliquer par le caractère inédit d'une telle mission, mais nous devrons y être vigilants au cours de nos débats. Nous attendons du Gouvernement un suivi précis et régulier de la consommation de ces crédits, ainsi que de ceux qui font également partie du plan de relance de 100 milliards d'euros mais sont rattachés à d'autres missions.
En tout état de cause, le regroupement des crédits au sein de la mission « Plan de relance », pilotée par le ministère de l'économie, des finances et de la relance, garantira un suivi direct des niveaux d'engagement et d'exécution de la dépense prévue pour chaque mesure. La consommation rapide et efficace des crédits constitue en effet l'enjeu majeur de la réussite du plan de relance.
Cette consommation devra être rapide. Sur les 36 milliards d'euros d'autorisations d'engagement prévus par la mission, 22 milliards font l'objet de crédits de paiement pour 2021, soit près des deux tiers des autorisations d'engagement ouvertes. Nos compatriotes doivent constater les premiers effets du plan de 100 milliards d'euros le plus rapidement possible. C'est ainsi que nous pourrons tisser à nouveau le lien de confiance avec les Français.
L'exécution du plan devra également être efficace : l'annonce du déploiement de milliards d'euros annoncés ici et là doit se traduire très concrètement. L'argent doit aller aux secteurs d'activité, aux entreprises, aux administrations ou aux collectivités qui en auront l'utilité. L'identification des besoins dans nos territoires et la délivrance de solutions adaptées passera par le travail conjoint des différents acteurs – maires, parlementaires, préfets, sous-préfets à la relance, corps intermédiaires. Cette coopération sera indispensable pour identifier rapidement les projets susceptibles de débuter à brève échéance et de s'inscrire dans les ambitions du plan de relance. En ce sens, l'effort de pédagogie fourni à travers la création du site internet planderelance. gouv. fr participe de cette volonté de simplification, de clarté et d'accessibilité des aides et appels à projets disponibles. Je vous invite à consulter ce site, qui est remarquablement bien conçu. Si nous réussissons ce tour de force de garantir la rapidité et l'efficacité du déploiement du plan de relance, alors celui-ci aura tout pour devenir un succès, car il est articulé de façon cohérente autour de trois piliers majeurs : la transition écologique, la compétitivité et la cohésion.
Je veux dire un mot de la rénovation thermique des bâtiments, qui mobilise plus d'un tiers des crédits du programme « Écologie ». L'ouverture exceptionnelle du dispositif MaPrimeRénov' à tous les propriétaires, indépendamment de leurs revenus, répond à une demande de longue date. Le groupe Agir ensemble se réjouit de cette mesure, tout en s'interrogeant sur la disponibilité des entreprises qui réaliseront lesdits travaux.
Enfin, le plan de relance n'oublie pas les publics les plus touchés par la crise. Une attention particulière est portée aux jeunes, ce dont nous nous réjouissons. Les primes à l'embauche d'un jeune ou d'un alternant sont des mécanismes incitatifs très puissants, dont le groupe Agir ensemble salue l'instauration. Cependant, le Gouvernement ne pourrait-il pas ouvrir la prime à l'embauche des jeunes aux collectivités territoriales ? Ce serait une mesure pertinente pour les deux parties.
Les territoires sont également placés au coeur de la relance. Cette mission contient ainsi des mesures salutaires attendues de soutien à l'agriculture, au développement du numérique sur l'ensemble du territoire, à la rénovation des commerces de centre-ville, à l'économie circulaire et aux circuits courts.
Cependant la dégradation de la situation sanitaire actuelle nous rappelle que la relance n'est pas l'épilogue d'une crise qui devrait malheureusement affecter durablement notre vie économique et sociale. Nous serons donc aux côtés du Gouvernement pour proposer des dispositifs adaptés afin de soutenir les secteurs sinistrés.
Plus que jamais convaincu que nous ne parviendrons à vaincre le virus et à sauver notre économie qu'en étant constructifs, le groupe Agir ensemble votera les crédits de la mission « Plan de relance ».
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Dem. M. Laurent Saint-Martin, rapporteur spécial, applaudit également.
Nous sommes aujourd'hui confrontés à l'une des plus importantes récessions survenues depuis 1945. Le plan de relance intervient dans un contexte inédit où l'économie française fait face à de très grandes incertitudes, avec une explosion de la dette, un taux de croissance en moyenne inférieur à celui de nos voisins européens, une balance commerciale structurellement déficitaire et la pandémie, qui continue d'aggraver notre conjoncture économique.
Un effort considérable sera nécessaire si l'on souhaite que la richesse nationale retrouve en 2022 le niveau qui était le sien avant la crise. Je tiens à rappeler que 86 milliards sont prévus dans le PLF pour 2021, et seulement 22 milliards en crédits de paiement dans la mission « Plan de relance »
Nous devons néanmoins être vigilants concernant le décaissement de ces crédits et leur mise en oeuvre de manière pérenne, structurelle et rapide, si nous souhaitons faire du plan de relance un outil d'accompagnement efficace, en adéquation avec ce que nous défendons. Nous regrettons d'ailleurs le manque de lisibilité des crédits et des crédits ajoutés qui n'ont pas de vocation de relance. En effet, si l'enjeu, ici, est de garantir que tous les crédits fléchés aient bien un impact sur l'accélération de la croissance potentielle, cette relance doit surtout se déployer le plus rapidement possible dans les territoires. La question de la fluidité de la coordination entre les fonds européens et régionaux se pose ici avec acuité.
Au-delà du débat classique entre politique de l'offre et politique de la demande, les mesures ciblées sur ceux qui ont été les plus touchés par la crise – les ménages et les entreprises – sont celles qui auront un impact massif. Les dispositifs de chômage partiel, de soutien aux plus précaires ou encore d'aide à l'embauche ou à la formation représenteraient 37 % des dépenses liées au plan de relance en 2021.
Pour le groupe UDI et indépendants, il semble indispensable de stimuler l'investissement des entreprises qui se retrouvent aujourd'hui asphyxiées par une montagne de dettes. Nous avons déposé en ce sens une proposition de loi, en septembre dernier, puis un amendement qui vise à créer une nouvelle ligne de programme : « Transformation des prêts garantis par l'État en quasi fonds propres ». Cette transformation serait de nature à renforcer la structure des fonds propres des entreprises afin de ne pas diluer leur capital et de provoquer un effet de levier sur la dette classique, tout en permettant un remboursement sur une longue durée avec un différé d'amortissement.
Nous proposons aussi de soutenir la filière tourisme et d'inscrire dans le cadre du plan de relance les dispositifs nécessaires à sa survie. J'ai une pensée particulière pour mon territoire, les Vosges, et pour tous les acteurs du tourisme qui contribuent à son rayonnement.
Par ailleurs, le secteur de la défense demeure le grand oublié de ce plan, ce qui constitue une erreur stratégique majeure qui peut contribuer à la fragilisation durable de notre industrie de défense, condition et base de l'autonomie stratégique de la France.
Enfin, le financement de la relance ne doit pas se faire au détriment de la dette publique. Le total de celle-ci atteindra 120 %, un niveau que la France n'a pas connu depuis les deux guerres mondiales. Mais au regard de cette deuxième vague que nous traversons, les prévisions financières peuvent sembler caduques. Il sera donc nécessaire de mettre en place de nouvelles mesures que nous examinerons dans le cadre du PLFR 4. Même si le moment n'est pas opportun, il faut se rendre à l'évidence : nous devrons freiner les dépenses, notamment de fonctionnement, en étant capables de mener, de front, aides aux entreprises et aux collectivités d'une part, et diminutions ciblées de la dépense publique d'autre part.
Au vu de la situation économique dans laquelle se trouve notre pays, qui rend nécessaire le plan de relance, notre groupe se prononcera bien sûr favorablement sur les crédits de cette mission.
Tandis que le PIB français plongeait de 13,8 % au deuxième trimestre 2020 et que nos voisins européens présentaient les uns après les autres leur plan de relance, le Gouvernement a, lui, attendu, début septembre pour annoncer les grandes lignes de son plan, qu'il dit avoir évalué à 100 milliards. Il a donc estimé judicieux d'attendre le PLF pour 2021 pour intégrer ces mesures de soutien à l'économie, alors qu'il aurait fallu faire voter un PLFR 4 dès le mois de septembre.
Ce choix, j'en suis convaincu, sera préjudiciable. La crise imposait une réponse rapide afin de limiter les défaillances des entreprises et la casse sociale. Or vous avez repoussé au premier semestre 2021 l'application des mesures de soutien à l'économie, alors même que la deuxième vague de la covid-19 frappait notre pays. Vous me direz que des plans sectoriels figuraient dans le troisième budget rectificatif : je vous répondrai qu'ils ne concernaient qu'un nombre limité de filières, essentiellement l'aéronautique et l'automobile.
D'ailleurs, si on les regarde de plus près, la majorité de vos mesures de soutien relèvent non pas d'une politique de relance mais plutôt du redressement de la compétitivité de l'industrie française. C'est différent, y compris sur le plan du timing. La diminution des impôts de production, par exemple, était de longue date dans vos cartons. Sur le fond, nous y sommes favorables, mais ce sont les seules mesures durables, qui ne relèvent pas d'un plan de relance.
Nous regrettons néanmoins que vous choisissiez de supprimer un impôt local, rognant un peu plus encore l'autonomie fiscale des collectivités territoriales, sans le remplacer par un autre impôt à base territoriale, dont les collectivités auraient la maîtrise des taux.
Les mesures de soutien à l'innovation, telles que la stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène, ne pansent pas, elles non plus, les plaies de la crise mais préparent l'avenir.
Vous avancez en outre le chiffre magique de 100 milliards. En réalité, votre plan est bien moins ambitieux qu'il n'y paraît. Vous vous livrez à l'exercice classique du mélange des chiffres : on compte sur deux ans, on mixe les apports de Bpifrance et ceux de la Banque des territoires, les crédits alloués au quatrième programme d'investissements d'avenir sans oublier les 13 milliards de crédits déjà ouverts. Bref, on use d'artifices pour gonfler l'enveloppe.
Ainsi, seuls 64 milliards d'autorisations d'engagement seront-ils mobilisés dans la mission « Plan de relance » sur deux ans, 2021 et 2022, dont 36 milliards pour 2021. In fine, seuls 22 milliards de crédits de paiement seront disponibles cet année, soit 1 % de notre PIB. La baudruche se dégonfle nettement.
La création d'une mission ad hoc s'est par ailleurs avérée une bien mauvaise idée. Elle vient apporter de la complexité à un budget déjà peu lisible pour les non-initiés. L'augmentation des crédits des missions déjà existantes aurait non seulement permis un meilleur suivi de leur évolution mais également une gestion plus efficace des fonds par les ministères concernés.
Ne nous leurrons pas : en confiant au ministre de l'économie, des finances et de la relance, c'est-à-dire à Bercy, la gestion de la mission « Plan de relance », vous vous exposez à une sous-consommation de ces crédits. On peut même s'interroger sur la compatibilité de cette mission avec les dispositions de la loi organique puisque des crédits de même nature se retrouvent dans deux missions différentes.
M. Paul Molac applaudit.
Or, en application de l'article 7 de la loi organique, les crédits sont répartis par programme ou par dotation. Aucune des dérogations prévues à l'article 8 ne correspond à la nouvelle mission « Plan de relance ».
Sur le fond, cette mission présente des avancées, par exemple dans le domaine de la transition écologique de notre économie, que nous saluons. Je ne m'attarderai pas sur les prétendues contreparties environnementales aux aides aux entreprises – nous y reviendrons lors de l'examen des amendements.
Laissez-moi en revanche dire un mot à propos de la rénovation énergétique : elle est priorisée à travers une hausse des crédits du dispositif MaPrimeRenov'. Les propriétaires bailleurs, les ménages des neuvième et dixième déciles y seront éligibles, ce qui répond à une demande formulée par le groupe Libertés et territoires depuis longtemps. Je formulerai cependant trois regrets : tout d'abord, cet effort permettrait à peine de revenir au niveau d'investissement public atteint en 2018 par le CITE, le crédit d'impôt pour la transition énergétique. Ensuite, cette hausse n'est prévue que pour deux ans alors que ce secteur a besoin d'un soutien pérenne et d'une stabilité des dispositifs. Enfin, un des angles morts de votre plan est la faiblesse du soutien à la construction, un secteur particulièrement touché.
L'autre faiblesse concerne le volet social, parent pauvre de cette mission et plus largement de ce budget. Le dispositif de chômage partiel a constitué un filet de sécurité pour beaucoup de salariés. Nous accueillons également favorablement l'accompagnement des jeunes vers l'emploi. Mais il reste des trous béants dans la raquette : les titulaires d'emplois précaires, les intérimaires, les indépendants ou les chômeurs sont les oubliés de la relance. Les annonces de ce week-end, fruit d'une prise de conscience tardive du problème, n'y changeront rien. De même, trop peu est encore une fois accordé aux associations, pourtant amenées à jouer un rôle déterminant dans la période actuelle.
En conclusion, cette mission « Plan de relance », bien mal nommée, non seulement arrive trop tard mais se montre également à bien des égards insuffisante, concernant la transition écologique, la relance de la construction, mais aussi et surtout le soutien aux plus précaires. Si elle restait en l'état, une majorité de membres de notre groupe s'abstiendrait lors du vote.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
Je ne dirai pas grand-chose du plan de relance car tout a déjà été dit par mes collègues à cette tribune. Je le résumerai ainsi : ce n'est pas un plan, c'est un saupoudrage, sur deux ans, d'une somme qui ne correspond même pas au rattrapage des investissements que l'État n'a pas faits pendant les trois ou quatre dernières années.
Ensuite, ce n'est pas un plan global puisqu'il ne comporte aucune conditionnalité sociale ni écologique. Ce n'est pas non plus un plan de relance, à supposer qu'il faille relancer ce qui existait déjà plutôt que d'organiser le déploiement de ce qui devrait exister. Nous allons en effet réinjecter deux points de richesse dans la circulation économique du pays là où il en manque dix, pendant que nos voisins allemands, pour six points perdus, en réinjectent vingt. L'Allemagne bénéficie d'ailleurs à elle seule de 57 % du total des aides aux entreprises européennes prévu pour les différents plans de relance, ce qui signifie que l'écart économique entre nos deux pays va se maintenir.
Mais si je suis venu ici, c'est pour aborder un seul sujet : la pauvreté. Elle explose. Vous avez lancé un plan sur ce sujet, samedi : or le Premier ministre est déjà en train de le rectifier, tant les associations du secteur se disent sidérées par son insuffisance. Nous compterons 1 million de pauvres supplémentaires en 2020, une situation inédite depuis 1945. Le nombre de pauvres va dépasser les 10 millions, dont un enfant sur cinq. Le plan de relance ne leur accorde que quelques toutes petites miettes sur la table plantureuse, à laquelle d'autres se gavent : 800 millions, ce qui représente 0,8 % du plan dit de relance, dont 600 millions – soit les trois quarts – sont déjà dépensés.
Les 150 euros annoncés par M. le président Macron, qui correspondent à une dépense de 1 milliard d'euros, ne seront pas versés avant décembre. Ils ne concernent que 3 millions de Français, loin des 10 millions de pauvres que je mentionnais. Cette somme, versée une fois seulement, ne représente qu'un tiers des dépenses contraintes des plus pauvres pendant un seul mois.
Pendant ce temps, évidemment, encore une baisse d'impôts de 20 milliards concédée aux entreprises, ou prétendues telles, car je suis à peu près certain qu'on n'en retrouvera pas plus la trace dans les investissements et dans la production qu'après cette pluie d'allégements d'impôts déversée sur elles au cours des dix dernières années. La vérité, c'est que cet argent est passé pour l'essentiel dans les dividendes, qui ont augmenté de 70 % en dix ans pendant que les investissements, eux, reculaient de 5 %, malgré la manne incroyable de crédits d'impôt et d'autres cadeaux fiscaux. Et les prétendues entreprises qui vont en bénéficier réellement ne représentent que 0,01 % du total des entreprises existantes.
Non, ce ne peut pas être, une fois de plus, tout pour les riches et rien pour les pauvres ! Les associations vous demandent d'augmenter le RSA d'au moins 100 euros et de l'étendre aux jeunes de moins de 25 ans, sans discuter le principe étant donné la période de détresse que nous traversons. Cette idée vaut la peine d'être entendue et suivie car, pendant ce temps, on sait où trouver la ressource : tout va de mieux en mieux pour les riches, tandis que tout va de pire en pire pour les pauvres ! En effet, pendant le confinement, la fortune des milliardaires a augmenté de 45 % ! Il vous suffit donc, pour financer les mesures que demandent les associations du secteur, d'une contribution exceptionnelle sur les grandes fortunes : deux jours de gains des milliardaires équivalent à 3 milliards qui pourraient abonder les caisses de l'État.
Les gens abandonnés seront, en définitive, ceux qui rendront impossible toute la dynamique de la société, car, pour s'accomplir, cette dynamique suppose qu'une partie de la société ne soit pas enfermée dans la servitude de la misère. Je vous rappelle ce principe énoncé si clairement et si lucidement par Maximilien Robespierre : « Quel est le premier des droits imprescriptibles de l'homme ? Celui d'exister. La première loi sociale est donc celle qui garantit à tous les membres de la société les moyens d'exister. » Pour 10 millions de pauvres, cette réalité n'est toujours pas accomplie.
M. Fabien Roussel applaudit.
Pour nous, les députés communistes, ce plan de relance aura bien du mal à répondre à l'urgence économique, écologique et sociale, car il est incomplet et même parfois source d'inégalités : les oublis en sont nombreux ; les moyens pour créer des emplois et lutter contre le chômage sont inadaptés, des dizaines de milliards d'euros sont encore versés à de grandes entreprises sans rien leur demander en échange. Quand les bons enjeux sont ciblés, les moyens sont souvent insuffisants, notamment pour lutter contre la misère qui grandit dangereusement dans notre pays.
Il faut dire que les 100 milliards de ce plan de relance se répartissent en deux fois 50 milliards sur deux ans, et que sur ces 50 milliards, il n'y a en vérité que 21 milliards de crédits nouveaux. La raison en est simple : accorder des coupes franches dans les impôts de production, soit plus de 20 milliards d'euros sur deux ans, limite tout de suite les marges de manoeuvre. Restons sur cette nouvelle baisse d'impôts que vous et votre majorité accordez aux entreprises, soit 10 milliards d'euros par an. C'est encore une fois les grosses entreprises qui récupèrent la grosse part du gâteau – sans qu'elles aient eu besoin de le demander d'ailleurs – , alors que les petites n'auront droit qu'aux miettes : 6,6 milliards d'euros bénéficieront ainsi à 9 240 grandes entreprises et entreprises de taille intermédiaire, les 3,3 milliards restants allant aux 567 000 PME et TPE !
Il suffit, dans le tableau que Bercy nous a fourni, d'additionner le nombre d'entreprises et les sommes qui correspondent en face. C'est open bar pour les grosses boîtes ! Oui, c'est un vrai un cadeau pour elles que de bénéficier de cette baisse d'impôts sans même l'avoir demandée. Certaines, même, versent des dividendes et licencient en même temps : je pense à Total, qui a versé 6,9 milliards d'euros de dividendes et supprime 1 150 emplois, à Sanofi, qui a versé 3,9 milliards d'euros de dividendes et supprime 1 000 emplois, à Thales, qui en a versé 130 millions et supprime 1 000 emplois, et aussi de plus petites entreprises, comme Cargill, dans le Nord, qui décide la suppression de 186 emplois tout en annonçant à ses salariés qu'elle s'apprête à verser un dividende exceptionnel au premier trimestre 2021.
Pour mettre fin à cette situation de plus en plus inacceptable, nous vous proposerons aujourd'hui une règle simple pour encadrer les aides aux grandes entreprises : conditionner, contrôler et sanctionner.
Conditionner les aides, c'est mettre en place de véritables critères pour que ces dizaines de milliards d'euros d'argent public – notre argent – servent efficacement au maintien des emplois, à la relocalisation, à la réindustrialisation, à la transition écologique des entreprises ou à la parité salariale entre les femmes et les hommes.
Contrôler et sanctionner, c'est annoncer aux grandes entreprises que nous les surveillerons et qu'elles ne feront pas ce qu'elles veulent, tout le contraire de l'amendement quelque peu fantaisiste proposé par la majorité.
Sourires.
Pour le reste, je le disais au début, votre plan de relance ne met pas les moyens sur les enjeux essentiels : 900 millions d'euros pour la rénovation des logements privés, c'est bien, mais les passoires thermiques représentent 7 millions de logements – des moyens supplémentaires seraient donc nécessaires ; il en est de même des 600 millions d'euros pour le ferroviaire, alors qu'il s'agit du mode de transport de demain, et du milliard d'euros, à peine, pour la souveraineté économique et pour les relocalisations, alors que la crise a montré les défaillances de notre pays en la matière. Comment croire alors que nous pourrons bâtir une véritable politique industrielle ambitieuse, qui intègre les enjeux de relocalisation et les enjeux écologiques, aujourd'hui centraux ? Tous ces chiffres font pâle figure à côté des 20 milliards de baisse d'impôts de production.
Mais il y a un chiffre qui fait encore plus pâle figure : à peine 86 millions d'euros en 2021 pour le soutien aux plus précaires, alors que la crise sociale s'annonce dévastatrice avec 1 million d'emplois détruits d'ici à la fin de l'année, sans compter l'explosion des demandes de RSA, comme le rapportent les départements abandonnés à leur sort, 1 million de personnes ayant basculé dans la pauvreté depuis le début de la crise selon les associations caritatives et humanitaires. D'autres mesures, comme le chômage partiel, sont utiles et nous les saluons, mais elles laissent sur le bord de la route encore beaucoup de personnes : je pense aux autoentrepreneurs, aux intérimaires et aux précaires qui attendent toujours des réponses. Il vous avait fallu trois mois en début d'année pour apporter une petite prime aux allocataires des minima sociaux. Ce sera pareil cette fois-ci. Pourtant, ces personnes attendent des solutions pérennes, pour pouvoir vivre dignement, sans être tributaires de primes que vous voulez bien leur accorder de temps en temps.
C'est dans l'esprit qui anime l'ensemble de cette intervention que les députés communistes défendront leurs propositions. Nous serons très attentifs au sort qui sera fait à nos amendements, lesquels visent à conditionner les aides publiques versées aux grandes entreprise. Notre vote sur l'ensemble de cette mission dépendra du soutien que vous leur accorderez.
L'année 2020, qui s'achèvera dans deux mois, aura été l'une des plus incertaines et des plus difficiles depuis le début de ce siècle et probablement depuis plusieurs décennies. Elle constitue une rupture brutale et, à bien des égards, alimente le doute, voire la peur, que l'on peut ressentir devant un avenir incertain, le désespoir même auquel certains de nos concitoyens sont confrontés.
Pourtant, le message que je veux lancer à cette tribune est un message de confiance, empreint non pas de naïveté mais d'espoir dans notre pays et d'espoir pour notre avenir et celui des générations futures. Comme toute crise, celle-ci peut être l'occasion d'une mobilisation générale pour le redressement de notre économie et sa transformation vers un modèle plus respectueux de notre environnement et plus résilient, face à un monde de plus en plus incertain.
Les crédits de la mission « Plan de relance » sont l'armature de cet espoir. Nous faisons le choix, à travers France relance, d'investir 100 milliards d'euros pour reconstruire notre pays et nous tourner vers l'avenir. Avec France relance, nous reprenons notre destin en main.
Le premier défi auquel nous devons faire face est de réussir la transition écologique. La France de demain devra être plus verte, plus respectueuse du climat et de notre planète : 30 milliards des 100 milliards sont ainsi destinés au financement de la transition écologique. C'est un défi immense, qui concerne tous les pans de notre économie et de notre société, un défi qui nécessite de repenser modèle de production, investissements, modes de vie, habitudes de consommation, modes de transport. C'est pourquoi, dans le cadre de France relance, nous investissons 400 millions d'euros pour accélérer la transformation des exploitations agricoles vers le bio et les circuits courts, 6,7 milliards d'euros dans la rénovation thermique des bâtiments publics, des logements, y compris des logements sociaux, et des locaux des TPE-PME, donnant ainsi à ce secteur les moyens de changer d'échelle, et nous faisons le choix fort d'investir 2 milliards d'euros dans les énergies de demain comme l'hydrogène. Grâce à France relance, nous irons plus loin dans le développement des transports plus propres – le train, les véhicules électriques, mais également les transports en commun et le vélo. Le budget vert, que le Gouvernement a présenté cette année sous l'impulsion de la majorité et tout particulièrement de notre collègue Bénédicte Peyrol, est une première mondiale, …
… une première itération d'un outil précieux pour mieux évaluer les dépenses publiques favorables ou défavorables à l'environnement.
Le plan de relance investit massivement aussi pour rendre notre modèle de production plus compétitif. L'objectif est clair : construire l'entreprise du XXIe siècle. Moderniser nos entreprises, c'est créer les conditions qui les incitent à investir, à produire et à créer les emplois de demain en France. En réduisant les impôts qui pèsent sur leur compétitivité, nous créons ainsi les conditions d'une telle évolution. Plus encore, pour réussir, nous devons accompagner nos TPE et nos PME partout sur le territoire. Mais les accompagner ne veut pas dire les conditionner.
La majorité, pleinement mobilisée, présentera un amendement ambitieux qui repose sur trois piliers : l'écologie, la parité et la gouvernance. Nous ne sommes ni dans le symbole, ni dans la surenchère, ni dans l'incantation : nous sommes dans l'action concrète. Il s'agit de créer les conditions pour décupler l'efficacité du soutien que nous nous devons d'apporter aux entreprises selon un principe clef : cet accompagnement ne peut entraver ni ralentir la mise en oeuvre, le plus rapidement possible, du plan de relance pour préserver notre économie. Il y va de la survie d'un très grand nombre d'entreprises, partout sur le territoire. Nous ne pouvons pas prendre le risque de voir disparaître un pan entier de notre tissu productif.
Outre l'urgence climatique, nous devons également répondre aux besoins de protection des plus modestes de nos compatriotes, que la crise économique rend plus vulnérables encore. Le plan de relance consacre 36 milliards d'euros aux mesures de cohésion sociale. Là encore, nous sommes dans le concret, pas dans la formule. Ainsi, pour sauvegarder l'emploi, nous finançons les dispositifs d'activité partielle, la prime à l'embauche pour les jeunes et pour les travailleurs handicapés, ainsi que le renforcement des moyens de Pôle emploi. Nous consacrons aussi 200 millions d'euros aux associations qui luttent contre la précarité, nous majorons l'allocation de rentrée scolaire et nous généralisons les déjeuners à un euro à l'université. Je sais que chacun d'entre vous a pu voir dans sa circonscription la détresse de certains de nos concitoyens. Prenons nos responsabilités pour leur venir en aide.
Le plan de relance et la mission qui lui est dédiée nous permettent d'entrer dans une nouvelle phase : celle de la relance et de la reconstruction de notre pays. Et c'est avec fierté que le groupe La République en marche votera la mission « Plan de relance ».
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur de nombreux bancs du groupe Dem.
À la guerre, on ne compte pas. Aujourd'hui, nous sommes en guerre contre une double crise, à la fois sanitaire et économique. À situation d'exception, réponse d'exception. Si l'histoire économique a montré que le keynésianisme au long cours était une voie sans issue, la relance contracyclique, elle, a tout son sens. Le groupe Les Républicains ne peut donc qu'en soutenir le principe.
Cette mission doit s'analyser au regard du cadre plus général du plan de relance et de la mission « Investissements d'avenir ». Le plan de relance comporte de bonnes choses, comme la baisse des impôts de production, que nous réclamions en vain depuis des années, outil utile pour rendre espoir à ces milliers de cols bleus qui payent le prix de la désindustrialisation, que l'on combat non pas par décret mais par une attractivité retrouvée !
Trois programmes pour relancer la machine, respectivement intitulés « Écologie », « Compétitivité », « Cohésion » : c'est parfait. Mais à condition d'avoir une vision stratégique qui ne sombre pas dans le saupoudrage ou dans la démagogie de la conditionnalité, que votre majorité voudrait imposer au risque de ruiner l'efficacité et la lisibilité de ces programmes.
Mais ne barguignons pas : nos réserves ne portent pas sur ce qui se trouve dans la mission « Plan de relance ». Elles portent sur ce que le plan ne dit pas, ce qu'il ne garantit pas, ce qu'il ne prévoit pas.
Ce qu'il ne dit pas, c'est comment ces dépenses seront financées : 60 milliards pour la France, 40 milliards au titre de la dette commune, dont nul ne sait si elle verra le jour. En clair, cela signifie potentiellement de nouveaux impôts, ce que vous avez déjà commencé à faire en repoussant à 2033 la fin de la CRDS – contribution au remboursement de la dette sociale. C'est d'autant plus vrai que, de 2017 à 2019, vous n'avez pas su, ou voulu, réduire les déficits. Avec la majorité qui était la vôtre, vous pouviez être les Schröder français, au mieux, vous avez été les Fabius Cunctator de l'impuissance budgétaire.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Nous payons aujourd'hui cette absence de réformes structurelles. Car, ce que le plan dit encore moins, c'est que, faute de marge budgétaire pour temps de disette, il est somme toute modeste : 100 milliards, à comparer aux 284 milliards de notre voisin allemand. Demain, notre principal compétiteur risque d'en sortir plus fort, quand nous en sortirons plus faibles.
Ce qu'il ne garantit pas, c'est l'efficacité de sa mise en oeuvre au plus près des territoires et des entreprises. Votre solution : un fonctionnaire de plus ! Après le préfet à la politique de la ville et le préfet à l'égalité des chances, voici le sous-préfet à la relance. Pourquoi ne faites-vous pas confiance aux collectivités chargées du développement économique : les régions et les intercommunalités ? Confiez à vos préfets, les seuls qui n'ont pas faibli quand vacillait l'État sanitaire, la mission de servir d'aiguillon à l'emploi du fonds de relance ; ils le feront parfaitement.
Ce qu'il ne prévoit pas, enfin, c'est un volet souveraineté et défense ; c'est l'angle mort de votre plan, le quatrième pilier qui lui fait défaut. Dans la mission parlementaire que j'ai eu l'honneur de conduire avec Benjamin Griveaux, nous avons montré que cette industrie était celle qui avait le meilleur multiplicateur keynésien, avec 4 000 PME et 200 000 salariés répartis sur tout le territoire.
On a trop entendu dire que la loi de programmation militaire était le plan de relance : c'est faux, et vous le savez bien. Nul n'avait anticipé la pandémie. La loi de programmation militaire a été votée pour répondre aux menaces d'un monde de plus en plus incertain, et pour rien d'autre. Aujourd'hui, les entreprises duales sont frappées de plein fouet : pour restaurer notre souveraineté stratégique, il faut prendre des mesures budgétaires, accélérer la mise en oeuvre de la loi de programmation militaire et créer un fonds souverain réunissant tous les acteurs autour de Bpifrance, autrement mieux dotée que Definvest ou Definnov. Vous ne pouvez avoir sans cesse à la bouche le mot souveraineté, qui va bien au-delà de la défense, et ne pas forger les outils qu'elle requiert.
Alors, malgré tout, parce qu'elle fait sien ce mot de Saint-Exupéry dans Pilote de guerre : « Pour être, il importe d'abord de prendre en charge », le groupe Les Républicains assumera sa part du fardeau et votera le plan de relance.
Voyez dans cette décision une marque de responsabilité dans l'épreuve ; voyez-y, surtout, une incitation à corriger le cap. Créez ce quatrième pilier, celui de la souveraineté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous examinons aujourd'hui la nouvelle mission « Plan de relance ». Ce plan d'une ampleur inédite – 100 milliards d'euros, dont 86 milliards à la charge de l'État, avec 40 milliards financés par l'Union européenne – vise à préserver et à renforcer le tissu entrepreneurial français le temps de surmonter la crise sanitaire. La situation des entreprises s'est fortement détériorée, avec une perte de revenus estimée à 54 milliards d'euros entre mi-mars et mi-juillet dernier ; le Gouvernement a réagi en proposant des aides indispensables au sauvetage de l'activité et de l'emploi, prolongées par les trois lois de finances rectificatives de 2020 : chômage partiel, report voire annulation des échéances fiscales et sociales, PGE – prêt garanti par l'État – et fonds de solidarité. Ces mesures ont permis de maintenir, globalement, le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Nous les prolongerons, évidemment, dans le cadre du quatrième projet de loi de finances rectificative.
La mission budgétaire que nous examinons permettra une meilleure lisibilité, un pilotage plus aisé et un meilleur suivi budgétaire du plan de relance. Les députés du groupe Mouvement démocrate MoDem et démocrates apparentés, attachés au rôle du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement, …
… défendront un amendement visant à instaurer un comité de suivi et d'évaluation du plan France relance ; nous souhaitons qu'y siègent des parlementaires issus tant de la majorité que des rangs de l'opposition.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Nous voterons résolument les 36 milliards d'euros d'autorisations d'engagement pour relancer et transformer l'économie ; néanmoins, des conditions doivent être posées pour que cet emprunt historique soit rentabilisé sur le long terme.
La première condition à court terme est de restaurer la confiance des entreprises et des ménages. Sans confiance, toute relance par la dépense publique est à fonds perdus ; il vaut mieux inciter les épargnants à investir pour relancer l'économie.
La deuxième condition est que chaque Français puisse se sentir engagé par le plan de relance. Je veux parler ici du partage des fruits de la croissance dans chaque entreprise, dans tous les territoires.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Le plan de relance est une occasion historique d'accélérer la reprise et la transformation de l'économie dans de nombreux domaines, comme la transition écologique, la cohésion sociale ou encore la numérisation. L'importance des crédits déployés nous oblige à être exigeants et ambitieux. Le Gouvernement a d'ores et déjà engagé des discussions avec les parlementaires sociaux sur l'égalité femmes-hommes et le partage de la valeur au sein de l'entreprise, et notre groupe a déposé des amendements invitant notamment les entreprises bénéficiaires du plan de relance à généraliser l'intéressement.
La troisième condition est l'adaptation rapide et territorialisée des mesures du plan de relance. Nous devons non pas nous cantonner au financement d'anciens projets sortis des cartons des administrations, mais viser l'innovation sociale et territoriale par l'injection rapide des fonds dans les territoires et les entreprises. Il faut par ailleurs que ces crédits soient répartis de façon égale entre grandes et petites collectivités, entre grandes et petites entreprises. Les petites communes, les TPE et les PME devront être accompagnées dans la création et le suivi de leurs demandes de crédits. En outre, donner une place aux parlementaires dans les comités territoriaux de relance, aux côtés des élus locaux et des administrations déconcentrées, me semble indispensable, comme l'a souligné notre collègue Anne-France Brunet.
Outre ces trois conditions préalables à la bonne réalisation du plan de relance, nous visons un rétablissement général de l'économie qui soit supérieur à l'absorption du choc de 2020. L'augmentation de la dette et du déficit, que le plan de relance porte à un niveau inédit, n'a de sens que si l'argent public ainsi mobilisé est bien utilisé : elle elle nous impose d'être plus soucieux encore de son contrôle et de son évaluation. C'est la quatrième condition de la réussite du plan de relance. Certains ici considèrent qu'il faudrait dépenser sans compter ni contrôler pour relancer la machine car, de toute manière, la dette publique ne sera jamais remboursée. Les députés démocrates s'inscrivent en faux contre de telles illusions : la dette sera remboursée d'une manière ou d'une autre, et le meilleur moyen d'y arriver est de retrouver le chemin de la croissance.
Si nous remplissons ces quatre conditions, nous ferons reculer cet anesthésiant puissant qu'est l'incertitude. Pour faire progresser la confiance et reprendre l'initiative, à notre niveau, dans l'hémicycle, en saluant le travail extraordinaire des soignants, nous agissons de façon complémentaire au travail des chercheurs contre le virus, pour que chaque citoyen, chaque entreprise, puisse à nouveau croire en l'avenir.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. M. Dominique Potier applaudit également.
Nous examinons aujourd'hui deux missions créées cette année pour tenir compte des effets sans précédent de la crise sanitaire.
La première mission, « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », a bénéficié de l'ouverture de 52 milliards d'euros de crédits en 2020 pour quatre programmes, via trois collectifs budgétaires. Étonnamment, aucun crédit n'a été ouvert sur cette mission pour l'année 2021, alors qu'elle est maintenue dans la maquette budgétaire et que les dispositifs qui en relèvent n'auront pas tous perdu leur pertinence en 2021 – je pense, par exemple, au fonds de solidarité. Pour les députés socialistes et apparentés, ce fonds doit être prolongé au moins jusqu'au 30 juin 2021 pour donner de la visibilité aux chefs d'entreprise, qui souffrent fortement de la crise. Nous avons déposé un amendement en ce sens.
Étonnamment, toujours, la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » n'était pas formellement inscrite à l'ordre du jour de la séance. Cet oubli nous pousse à nous interroger quant à la réalité de son devenir.
La seconde mission, « Plan de relance », rassemble 36 % des crédits totaux du plan de relance en autorisations d'engagement, soit 36 milliards d'euros sur 100, dont 22 milliards de crédits de paiement pour 2021. La forme de la mission, autant que son contenu, pose question.
Sur la forme, le Gouvernement a fait le choix de centraliser la responsabilité des trois programmes de la mission sous l'autorité du ministre de l'économie, des finances et de la relance, c'est-à-dire celle de Bercy. Toutefois, la mise en oeuvre effective des mesures relèvera des différents ministères concernés. Cette organisation interroge sur la capacité du Gouvernement à décaisser rapidement les crédits inscrits dans le PLF pour 2021, sachant qu'il se donne pour objectif de consommer 100 % des crédits, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement.
Par ailleurs, il est paradoxal de se donner une telle ambition quand les ministères à la manoeuvre pour l'application du plan de relance connaîtront, eux, des baisses de postes : 2 135 équivalents temps plein en moins pour le ministère et l'économie et des finances chargé du programme « Compétitivité » de la mission « Plan de relance » ; 779 en moins pour le ministère de la transition écologique et 185 pour le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, tous deux chargés du programme « Écologie » ; enfin, 221 en moins pour le ministère du travail, chargé, lui, du programme « Cohésion ».
Sur le fond, le Gouvernement réunit dans cette mission un nombre très important d'actions sur des sujets très différents, qui noient l'objectif politique sous un saupoudrage de crédits. Ainsi, une quarantaine de dispositifs sont concernés sur les sujets de l'emploi et de la formation, sans que priorité soit donnée à ceux qui ont fait preuve de la plus grande efficacité.
Surtout, le programme « Cohésion » de la mission ne comprend aucun dispositif de soutien direct aux Français les plus modestes, sinon les 86 millions d'euros – soit 0,4 % des crédits de paiement – , en direction des associations de lutte contre la précarité et de l'hébergement d'urgence. C'est comme si 1 million de pauvres supplémentaires vous laissaient indifférents. Le groupe Socialistes et apparentés a déposé des amendements visant à renforcer les dispositifs de soutien en direction de ces Françaises et de ces Français qui ont souvent connu une perte d'emploi ou de revenus et qui ont creusé dans leur petite épargne ces derniers mois, alors qu'un probable reconfinement se profile.
Une cinquantaine d'autres amendements ont été déposés par le groupe, notamment pour décliner les propositions du plan de rebond que nous avions présenté en juin dernier.
Parce que nous ne comprenons pas l'absence d'ouverture de crédits sur la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », parce que nous doutons des choix fait par le Gouvernement sur la mission « Plan de relance », parce que le sectarisme est toujours de mise, nous nous abstiendrons sur ces deux missions. Et, question complémentaire pour M. le ministre de l'économie : où en est le plan européen ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. M. Paul Molac applaudit également.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Nous nous trouvons face à la deuxième vague de l'épidémie. Cette vague, nous la redoutions. Elle est forte, elle touche la France, et frappe tous les pays européens. Elle nous amène à prendre des mesures sanitaires qui ont des conséquences économiques que nous devons, comme à chaque fois, anticiper et prévenir.
Nous avions anticipé ce risque pandémique, même si nous sommes tous surpris en Europe par la virulence de cette deuxième vague. Ce risque sanitaire, comme les risques internationaux, m'avait amené à retenir pour 2020 un chiffre de croissance prudent de -10 %, plutôt que de retenir les hypothèses plus favorables, avancées par un certain nombre d'instituts statistiques, de -9 %, ou de -8,5 %. Nous avions également anticipé que la croissance au quatrième trimestre serait négative, après un fort rebond au troisième trimestre. Je vous confirme qu'après un rebond attendu de 16 % environ au troisième trimestre 2020, la croissance sera négative au quatrième trimestre.
Je veux dire à tous les Français que cela ne retire rien à la capacité de rebond de l'économie française. Cela ne retire rien à la force de l'appareil productif français, à celle de nos industries, de nos technologies, de nos innovations, des compétences de nos salariés et de nos ouvriers, dont les Français avaient apporté la preuve à la fin de l'année 2019, avec un niveau de croissance parmi les plus élevés de la zone euro, et un chômage en recul, pour la première fois depuis des années.
Nous surmonterons cette crise. Si, comme je l'ai toujours dit, elle sera longue, difficile, violente dans un certain nombre de secteurs, nous la surmonterons. Nous nous donnons deux ans pour y parvenir.
Je mesure et nous mesurons tous ici la violence du choc économique qui touche la France. Je mesure l'inquiétude, le désarroi et parfois la détresse, de salariés qui ont perdu leur travail, des intérimaires qui ne retrouvent pas de mission, de travailleurs en CDD dont on n'a pas renouvelé le contrat, de tous les entrepreneurs qui ont vu s'effondrer en quelques semaines le fruit de plusieurs années de travail et des indépendants qui ne trouvent plus de contrats et voient leurs perspectives s'assombrir. À chacun d'entre eux, je veux dire que nous avons été là depuis le premier jour de la crise sanitaire, et que nous resterons là tant qu'elle durera.
Nous ne ferons pas de miracles, mais nous ferons le maximum. Nous resterons présents, nous protégerons chacun. Nous protégerons et soutiendrons aussi nos entreprises face aux menaces de boycott dont elles font l'objet. Ces pratiques, inacceptables, le deviennent encore plus quand elles répondent à une politique qui ne vise qu'à défendre la liberté, la liberté d'expression notamment. La France n'attaque personne. La France ne cible personne. La France défend ses valeurs, et la liberté. Je voudrais remercier l'Union européenne, la Commission européenne et tous les États européens de leur soutien sans faille dans ce combat.
Face à cette situation économique exceptionnelle, notre stratégie restera la même, tout simplement parce qu'elle a fait la preuve de son efficacité au cours des derniers mois. Notre stratégie restera la même, notre méthode restera la même, notre ambition restera la même.
Notre stratégie consiste à protéger les salariés et les entreprises, et à relancer l'activité économique dans le même temps. Rien ne serait plus dommageable que de laisser tomber la relance alors que notre économie est touchée de plein fouet.
Nous devons avancer sur deux jambes : la protection et la relance ; l'urgence et le long terme. C'est justement parce que notre économie est touchée que nous devons, tout en protégeant les plus fragiles, investir pour l'avenir, préparer les conditions du redressement économique, investir dans l'hydrogène, dans les batteries électriques, dans la 5G, lutter contre le réchauffement climatique, accélérer la décarbonation de notre économie. C'est comme cela que nous sortirons plus forts de la crise économique actuelle – je rejoins les propos de M. Laurent Saint-Martin à cet égard.
La méthode que nous suivons avec Olivier Dussopt restera également la même : consulter encore, consulter toujours, dialoguer, ouvrir toutes les discussions nécessaires avec les organisations syndicales comme patronales, travailler main dans la main avec les élus nationaux et locaux, notamment avec les régions qui ont une responsabilité particulière en matière économique.
Je rétablirai dans les jours qui viennent le suivi régulier, hebdomadaire, que j'avais instauré au début de la crise, avec les filières les plus touchées, avec les organisations syndicales et patronales et avec les élus locaux. Je mobiliserai les ministres délégués et secrétaires d'État placés sous mon autorité. Je demanderai à mes services de continuer à garantir un suivi individuel renforcé de toutes les entreprises les plus touchées par la crise. Nous adapterons tous nos dispositifs à la gravité de la situation économique et à la persistance de la circulation du virus. Notre ambition restera la même : retrouver en 2022 le niveau d'activité économique que nous avions avant la crise.
La protection des entreprises et des salariés reste notre premier impératif. Les décisions que le Premier ministre vient de prendre le confirment : tous les dispositifs de soutien à l'économie ont été renforcés depuis une quinzaine de jours. Les prêts garantis par l'État devaient s'achever au 31 décembre 2020. Ils sont prorogés jusqu'au 30 juin 2021. On nous demande des reports d'échéance, ils seront possibles pour une durée allant jusqu'à six années au total, avec des taux de remboursements, négociés avec les banques françaises, allant de 1 % à 2,25 %, garanties de l'État comprises.
L'État pourra également accorder des prêts directs à hauteur de 500 millions d'euros, si les entreprises ne trouvent aucune solution de financement. Cela signifie qu'il y aura des solutions de trésorerie pour chaque entreprise française, quelles que soient ses difficultés.
Pour celles qui voudraient reconstituer leurs fonds propres et investir dans l'avenir, nous avons décidé d'aller jusqu'à 20 milliards d'euros de prêts participatifs, et nous adapterons le montant de la garantie de l'État à cet objectif, pour les aider à reconstituer les fonds propres et donc leur capacité d'investissement.
Le fonds de solidarité a été simplifié, renforcé, élargi pour toutes les entreprises, sans exception. Je rappelle que toutes celles de moins de cinquante salariés qui sont installées dans les zones de couvre-feu et ont subi une perte de 50 % de leur chiffre d'affaires, quel que soit le secteur d'activité concerné, peuvent accéder à une indemnisation allant jusqu'à 1 500 euros par mois.
Les entreprises de moins de cinquante salariés des secteurs de l'hôtellerie, des cafés, de la restauration, de l'événementiel, du tourisme, du sport, toutes celles qui sont les plus frappées par la crise, pourront désormais bénéficier de l'aide de 10 000 euros si elles ont perdu 50 % de leur chiffre d'affaires, et cela sans plafonnement à 60 % du chiffre d'affaires – nous l'avons supprimé, pour apporter la réponse la plus forte possible.
Les exonérations de charges ont été renforcées. Le chômage partiel, indemnisé à 100 % pour ces secteurs, a été prolongé jusqu'à la fin de l'année.
Reste la question des loyers, qui est, je le sais, brûlante pour beaucoup d'entrepreneurs. Je poursuivrai les discussions pour parvenir à un accord avant la fin de la semaine.
Nous instaurerons un dispositif fiscal pour inciter les bailleurs à réduire leur loyer. Je préciserai les règles du dispositif dans le courant de la semaine ; il correspond exactement à ce que demandaient les entreprises les plus fragilisées par la crise.
Je ne veux laisser aucune ambiguïté. Si de nouvelles mesures sanitaires devaient être prises dans les jours qui viennent, Olivier Dussopt et moi-même vous proposerons d'augmenter les crédits des dispositifs de soutien à notre économie.
Nous le ferons quand nous aurons plus de visibilité sur la situation sanitaire et sur les mesures nécessaires. Je vous propose donc que, le cas échéant, nous examinions ces nouveaux crédits pour 2021 de protection des salariés et des entreprises en deuxième lecture, à l'Assemblée nationale, en décembre. D'ici là, aucun euro ne manquera pour les entreprises et pour les salariés qui en ont le plus besoin.
Dans le même temps, comme je vous le disais, nous voulons engager sans délai la relance. Je connais le débat : en juillet, on me disait : « C'est trop tard ! » ; maintenant on me dit : « C'est trop tôt ! ». C'est sans doute que c'est le bon moment, pour faire en sorte qu'en 2022, nous sortions de la crise avec une économie plus forte, plus juste et plus décarbonée.
Notre objectif, en réponse aux questions qui m'ont été posées, est de décaisser 10 milliards d'euros en 2020 et 42 milliards d'euros en 2021, de façon à dépenser la moitié des fonds du plan de relance dans les quinze mois qui viennent.
Je compte, en réponse à la question posée par Mme Pires Beaune, sur le sens de la responsabilité de nos partenaires européens pour continuer à décaisser le plus vite possible les fonds du plan de relance européen.
Rien ne serait plus irresponsable pour l'Europe, après avoir donné l'image de la solidarité et de l'efficacité en décidant un plan de relance d'une ampleur sans précédent dans notre histoire européenne, que de laisser les décisions individuelles de certains États entraver les décaissements.
Car la relance est attendue, voulue par de nombreuses entreprises. Elle donne des résultats. Prenez les mesures pour les jeunes : 700 000 embauches de jeunes ont été enregistrées entre août et septembre, grâce à la création, cet été, d'une prime de 4 000 euros pour l'embauche d'un jeune de moins de 26 ans en CDI ; 310 000 contrats d'apprentissage ont été signés. Nous pouvons, malgré la crise, former en 2020 autant d'apprentis qu'en 2019. Je tiens à remercier les entreprises qui ont joué le jeu en matière d'apprentissage, indispensable pour nos jeunes.
Plus de 3 600 dossiers ont été déposés pour les appels à projets pour la relocalisation industrielle, qui concerne à 80 % des PME. L'intégralité de l'enveloppe de 550 millions d'euros pour la relocalisation industrielle sera dépensée d'ici à la fin de l'année 2020. C'est bien la preuve qu'il y a partout en France, dans tous les territoires, des PME, des TPE et des ETI qui attendent que les fonds de la relance soient disponibles.
Il en va de même pour la rénovation énergétique des bâtiments publics : des demandes d'investissement d'un montant de 8 milliards d'euros ont été déposées, pour financer celle des universités, des casernes, des commissariats partout en France. L'attente est là ; les entreprises y répondent. À nous de décaisser rapidement les sommes nécessaires.
Agnès Pannier-Runacher et moi-même annoncerons dès cette semaine la liste des premières dizaines de projets de relocalisation industrielle, qui ont déjà été signés et bénéficieront du soutien de l'argent public.
Je veux redire à cette occasion que nous nous battrons pour chaque emploi industriel. Comme nous l'avons fait pour Ascoval, nous nous battrons pour Bridgestone, nous nous battrons pour Nokia, en nous appuyant sur ses perspectives en matière de cybersécurité, nous nous battrons pour le site de Belfort de General Electric, comme nous l'avons fait dans l'aéronautique pour Airbus ou Safran, en évitant des départs contraints. Ce n'est pas parce que le moment est difficile que nous devons renoncer à nos ambitions. Au contraire, c'est parce qu'il l'est qu'il faut conserver nos ambitions, et faire le nécessaire pour la relocalisation et la reconquête industrielle de la France.
Nous nous battrons pour chaque emploi, même si c'est difficile, car ma conviction est simple : l'industrie du futur ne se construira pas sur les ruines de celle du passé.
En conclusion, je voudrais remercier la majorité pour son soutien dans l'élaboration, la conception et la définition de ce plan de relance. Je voudrais remercier tous les parlementaires qui, au-delà de leur affiliation politique – je pense à ceux du groupe Les Républicains – ont pris la décision de soutenir ce plan de relance. C'est un choix courageux et responsable, que je tiens à saluer.
MM. Jean-Paul Mattei et Jean-Jacques Bridey applaudissent.
Je voudrais remercier la majorité de la constance dont elle a fait preuve face à la crise : constance dans la protection des entreprises et des salariés ; constance dans l'ambition de notre politique économique, qui est d'amener la France vers un modèle économique plus juste, plus compétitif, et plus décarbonné ; constance aussi dans la manière d'aborder la crise sanitaire et ses conséquences économiques.
Nous ne voulons pas ajouter plus de crise économique à plus de crise sanitaire. Nous voulons tirer les leçons du printemps dernier, pour conjuguer lutte contre le virus et maintien à tout prix de l'activité économique ; défense sanitaire et protection économique. Nous voulons protéger du point de vue sanitaire et continuer à travailler ; protéger les plus fragiles d'entre nous et continuer à produire. Si le virus tue, la crise économique aussi fait des victimes ; même si elles sont moins visibles, elles sont tout aussi meurtries et fragilisées. Notre responsabilité est de les défendre, en poursuivant l'activité économique de la nation.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Nous en venons aux questions. Je rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes chacune.
La parole est à Mme Valérie Petit.
Ce plan de relance se distingue en plaçant la transition écologique au coeur de la relance économique. Il fait le pari – gagnant, j'en suis convaincue – que c'est une chance pour les entreprises de transformer leur modèle économique et de gagner en compétitivité. Cette double transformation, écologique et économique, représente pour elles un changement colossal : vous n'êtes pas sans le savoir.
Pour gagner cette bataille de la compétitivité, la baisse des impôts de production est une première étape fondamentale, mais les entreprises ont aussi besoin d'investissements pour soutenir leurs fonds propres et leur efforts en recherche et développemen – R& D – , tout comme elles ont besoin d'un accompagnement en ingénierie et de conseils pour revoir leur modèle économique.
En matière de soutien à l'investissement d'abord, au-delà du label « Relance », de l'abondement aux fonds régionaux d'investissement et du renforcement des moyens de Bpifrance, que faisons-nous concrètement pour orienter l'épargne des ménages vers l'investissement dans nos entreprises ? Que faisons-nous également pour que l'Agence des participations de l'État devienne enfin un actionnaire stratège et responsable, qui assurera la pertinence et le rendement de l'investissement public ? Pouvez-vous à ce propos, nous en dire un peu plus sur la stratégie de l'État investisseur ?
Vous nous quittez, monsieur le ministre, mais je sais que vous nous entendez : en ce qui concerne l'accompagnement des entreprises, comment répondre à la demande forte des TPE et des PME d'un meilleur accès aux services d'ingénierie et de conseil ? Une évolution du crédit d'impôt recherche est-elle envisagée ? Ne serait-il pas possible de construire avec le Syntec une offre d'accompagnement qui fonctionne à l'échelle nationale ? C'est essentiel, car on ne peut les laisser seules face à la nécessaire transformation de leur modèle économique.
Je vous confirme que, dans le cadre du plan de relance, nous allons travailler à une amélioration des fonds propres des entreprises, avec la mise en place de prêts participatifs délivrés par Bpifrance et garantis par l'État, assimilés à des quasi-fonds propres. Nous allons également abonder, à hauteur de 250 millions d'euros, les fonds d'investissement mis en place par les régions, qui permettent de renforcer le capital des PME dans les territoires.
Par ailleurs, nous travaillons à orienter la mobilisation de l'épargne des Français en direction de l'investissement. Cela passe par des actes volontaires. C'est avant tout une question de confiance et l'un des rôles du plan de relance est précisément de restaurer la confiance et de montrer que l'investissement est à la fois une nécessité et une chance.
Nous avons entamé des discussions, en particulier avec la Fédération bancaire française, pour examiner quelles sont, au-delà du label « Relance », les possibilités de mobiliser et d'orienter utilement l'épargne des Français vers l'industrie et le développement des PME françaises.
En ce qui concerne la stratégie de l'État investisseur, l'Agence des participations de l'État, en est, bien sûr le bras armé. Nous lui avons donné des orientations qui, à défaut d'être originales, ne peuvent qu'être convaincantes en période de crise. Il s'agit d'abord de préserver les intérêts stratégiques de l'industrie française, ce qui était aussi la vocation des dispositifs que vous avez votés, à l'occasion des différents projets de loi de finances rectificative pour 2020 – je pense notamment à l'ouverture de 20 milliards d'euros de crédits destinés à permettre des prises de participation.
Nous avons également décidé d'orienter la prise de participation en fonction des priorités politiques qui sont les nôtres, au premier rang desquelles la transition écologique ; cela se traduit notamment par le verdissement des critères d'éligibilité à la garantie à l'export apportée par l'État – je vous l'ai récemment annoncé.
Enfin, pour l'accompagnement des entreprises, nous pouvons compter, d'une part, sur la mobilisation des régions, avec lesquelles le Premier ministre a signé des protocoles de partenariat et, d'autre part, sur celle du réseau consulaire, puisque l'accord trouvé avec les chambres de commerce et d'industrie comporte un volet sur l'accompagnement des entreprises, qui inclut leur recensement et des indicateurs permettant de voir combien d'entre elles ont pu être accompagnées pour accéder au plan de relance.
Le plan de relance comprend un volet consacré à la cohésion sociale et territoriale, abondé à hauteur de 35 milliards d'euros. Il est essentiel, pour ne pas dire urgent, que nos territoires soient très rapidement associés à la relance, car il est nécessaire de procéder à un ciblage des investissements qui tienne compte des réalités locales et des atouts de chacun des territoires. À cet égard, l'effet de dilution des aides aux collectivités territoriales est le premier écueil à éviter.
Par ailleurs, la relocalisation de la production industrielle, que vous avez vous-même jugée stratégique, sera un élément clé de la relance que nous appelons de nos voeux. Dans cette perspective, quelle méthode de supervision et de contrôle ex post des appels à projets mettrez-vous en place dans les territoires ? En outre, comment comptez-vous garantir la visibilité des attributions budgétaires à l'échelle locale ? Nos territoires ont besoin de réponses simples et efficaces.
Je confirme que 35 milliards d'euros au minimum ont vocation à être territorialisés. En effet, parmi les fonds répondant à des critères nationaux, une partie pourra être déléguée à des opérateurs, comme l'ADEME, ou les appels à projet et l'affectation traités de manière déconcentrée au niveau régional ou départemental. Ainsi, tous les appels à projet concernant l'immobilier de l'État et dont le montant prévisionnel est inférieur à 5 millions d'euros seront instruits par les préfectures de région.
Enfin, la gestion de certains projets sera, elle aussi, directement déléguée – je pense par exemple à la dotation de soutien à l'investissement local, qui dépend étroitement des préfets de région et des préfets de département, tout comme le fonds que nous avons prévu d'attribuer aux régions pour la rénovation thermique des lycées ou encore le soutien aux mobilités douces : on parle là de 600 millions d'euros.
En ce qui concerne les indicateurs de territorialisation, le site évoqué tout à l'heure par Mme de La Raudière, planderelance. gouv. fr recense la batterie des 276 mesures et fournit la liste des bons interlocuteurs ; d'ici quelques semaines ou quelques mois y figureront aussi les indicateurs de mise en oeuvre. Nous souhaitons qu'il soit ainsi possible de savoir, par exemple, combien a rapporté la baisse de la fiscalité de production dans tel ou tel département, ou combien de dispositifs MaPrimeRenov' ont été déployés à l'échelle départementale, voire à plus petite échelle, quand cela est possible.
Quant au contrôle des appels à projets, il s'agit d'un contrôle qualitatif plus que quantitatif. Nous nous efforçons de mettre en place des moyens d'ingénierie qui devraient nous permettre de dresser, d'ici à six mois, un premier bilan et, le cas échéant, de redéployer les crédits pour une meilleure efficacité et un accès plus facile.
En 2017, le candidat Emmanuel Macron promettait aux travailleurs indépendants davantage de protection et une meilleure prise en compte de leurs intérêts, tous secteurs confondus. En 2020, alors que la crise sanitaire a porté un coup d'arrêt à notre économie, certains secteurs sont oubliés.
Ceux qui travaillent dans les secteurs de l'hôtellerie-restauration, du tourisme, de l'événementiel, du sport, de la culture ou dans d'autres secteurs ayant une activité qui leur est liée sont effectivement accompagnés par le plan de relance ; d'autres en revanche, exclus du plan de relance par cette approche sectorielle, ne peuvent bénéficier des dispositifs de soutien du Gouvernement, notamment du fonds de solidarité.
Certes les aides offertes au printemps ont permis de maintenir à flot de nombreuses structures, mais le redémarrage ne s'est pas fait dans les conditions espérées : 69 % des micro-entrepreneurs ont repris avec un niveau d'activité trop faible pour leur permettre de survivre à court terme ou de faire face aux cotisations qui n'ont été que reportées et seront appelées dans les mois qui viennent.
Si vous ne réagissez pas dès maintenant, les défaillances d'entreprises se multiplieront dès la fin de l'année, entraînant avec elles la précarisation d'un nombre important de travailleurs indépendants. La Fédération nationale des autoentrepreneurs demande que soit de nouveau ouvert le fonds de solidarité pour tous jusqu'à la fin décembre 2020 : y êtes-vous prêt ? Qu'en est-il pour les entreprises ne relevant pas du secteur du tourisme, de la restauration, du sport, de l'événementiel et de la culture ? Pourront-elles également bénéficier des exonérations de cotisations sociales ? Qu'allez-vous proposer pour réformer les droits des indépendants et leur proposer un niveau de protection sociale plus important ? La relance passe également par ces entreprises, à condition de ne pas les oublier et de rendre leur statut plus attractif qu'il ne l'est aujourd'hui.
Vous avez raison, madame la députée, de rappeler qu'Emmanuel Macron a pris des engagements. Ces engagements ont été tenus, avec la réforme du régime social des indépendants – RSI -, qui a été adossé au régime général, qui garantit plus de simplicité et facilite l'accès de chacun à une meilleure protection.
Depuis le début de la crise, nous avons pris des mesures. Vous avez rappelé le fonds de solidarité, dont les critères ont évolué, qu'il s'agisse des cibles, des critères d'éligibilité et du montant de l'aide – Bruno Le Maire a évoqué le sujet. Nous avons mis en place des dispositifs d'exonération des cotisations patronales, ainsi qu'un crédit pour le paiement des cotisations salariales dues sur la période de confinement, dont bénéficient à la fois les secteurs les plus touchés mais aussi les entreprises qui avaient fait l'objet d'une décision de fermeture administrative.
Nous sommes aujourd'hui face à un deuxième épisode de la crise, et nous aurons à prendre un certain nombre de mesures, en plus de celles qui ont déjà été annoncées. Le fonds de solidarité a été modifié, nous avons reconduit des dispositifs comme le PGE ou le chômage partiel, et nous aurons à voir, secteur par secteur, comment évolue la situation. L'Assemblée a voté la semaine dernière un amendement au PLFSS qui permet de renouveler le dispositif d'exonération de cotisations, et nous avons fait le choix d'ouvrir ce dispositif à la fois aux entreprises des secteurs les plus touchés et à celles, quel que soit leur secteur, qui font l'objet d'une restriction de leur activité ou d'une mesure de couvre-feu – ce qui répond en partie à vos interrogations.
Si la situation devait se dégrader au point que nous devions réactiver certaines aides, nous le ferions, mais nous n'en sommes pas encore là. Nous avons toujours démontré que nos dispositifs étaient adaptables et que nous les adaptions en fonction de l'évolution de la crise.
La dégradation des écosystèmes par l'activité humaine est la cause première de la pandémie que nous traversons. Il importe de nous en souvenir alors que nous examinons ce plan de relance. En effet, ce coronavirus est une zoonose. Nous la devons à l'élevage intensif, industriel, au sujet duquel scientifiques et activistes nous alertent depuis un demi siècle. S'il était impossible de prédire sa date, la catastrophe elle-même était prévisible. Mais vous et vos prédécesseurs avez lambiné.
Laissez-moi vous dire, si toutefois vous l'ignorez, que d'autres catastrophes se profilent comme la fonte du permafrost. Il en sortira encore davantage de gaz à effet de serre et une foule de pathogènes préhistoriques contre lesquels nous sommes sans défense.
Ces problèmes ne sont pas lointains : telle est la leçon du covid-19. Les solutions, en revanche, se font attendre. Ainsi, votre budget ne prévoit que 6,5 milliards pour l'axe écologique pour 2021 sur les 30 annoncés : une pincée par-ci pour la rénovation thermique, une pincée par-là pour l'agriculture, cependant que vous renflouez l'automobile et l'aéronautique, secteurs pollueurs s'il en est, sans exiger de contreparties. Ce n'est pas sérieux, c'est même un scandale.
Aujourd'hui, vous laissez passer l'occasion de viser l'indépendance énergétique par le renouvelable, l'autonomie alimentaire, la fin de l'élevage intensif et de l'agriculture industrielle, la réduction du trafic routier et aérien par le développement des infrastructures ferroviaires, sans oublier l'occasion aussi d'offrir des emplois d'avenir ayant du sens aux jeunes et aux moins jeunes.
À défaut de conduire une politique de bifurcation et de planification, qui sont pourtant aussi urgentes que nécessaires, pouvez-vous nous éclairer sur les engagements en cours : sur quelle trajectoire cette relance nous place-t-elle en matière d'émissions de gaz à effet de serre ? Nous permet-elle seulement de respecter le timide accord de Paris ? Comment pouvez-vous nous l'assurer ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Je ne partage pas votre appréciation tant du plan de relance que du PLF pour 2021 en ce qui concerne la transition écologique. Dans le cadre du PLF, nous augmentons les moyens du ministère de la transition écologique d'1 milliard d'euros et, dans le cadre du plan de relance, nous consacrons 33 milliards d'euros, sur les 100 milliards, à la transition écologique, ce qui représente l'engagement, en matière de transition écologique, le plus important que la France ait jamais connu.
Il s'agit donc d'un effort massif, mais aussi d'une occasion inédite, celle de développer, au-delà de la transition écologique, des secteurs industriels innovants susceptibles de contribuer à cette transition.
Vous nous reprochez de soutenir l'aéronautique ou l'automobile, mais les secteurs industriels ne sont pas blancs ou noirs. Ils peuvent être pollueurs aujourd'hui et devenir, demain, des modèles de modération énergétique. Lorsque nous soutenons la filière électrique et la filière hydrogène dans le secteur automobile, lorsque nous investissons pour que la France soit le premier pays à se doter d'un avion à hydrogène, nous participons en réalité à la transition écologique.
Comment pouvons-nous garantir que le plan de relance contribue à la transition écologique et n'a pas pour effet de dégrader les conditions climatiques ou énergétiques ? La question mériterait de longs débats, mais le temps nous est compté. Nous avons cependant publié pour la première fois un « budget vert », c'est-à-dire un rapport évaluant l'impact sur l'environnement des dépenses budgétaires. Comme toutes les autres missions, la mission « Plan de relance » a été soumise à cet examen. Or aucune de ses dispositions n'est brune, c'est-à-dire n'a un impact défavorable sur l'environnement – elles sont toutes soit vertes, soit neutres – nous y avons veillé.
M. Éric Alauzet applaudit.
Vous n'êtes pas sans savoir, monsieur le ministre délégué, que la République compte deux collectivités à statut particulier, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, dont je suis l'élu. Or, en raison même de ce statut à part, elles sont très souvent exclues des dispositifs d'aide nationaux. Vous êtes-vous assuré que les critères choisis et les modalités d'exécution n'auront pas pour effet de priver les entreprises polynésiennes et néocalédoniennes du bénéfice des mesures du plan de relance ?
Par ailleurs, les communes de ces collectivités, qui dépendent directement de l'État, sont des acteurs sociaux et économiques de premier plan : ne serait-il pas envisageable d'activer, tant que dure le plan de relance, ce levier relativement simple consistant à doubler, voire tripler la participation de l'État au fonds intercommunal de péréquation – FIP – , aujourd'hui très faible ?
Pour répondre à votre deuxième question, dès lors qu'un fonds de péréquation est horizontal, c'est-à-dire qu'il opère une redistribution des collectivités les plus favorisées vers celles qui le sont le moins, la règle naturelle est que l'État n'y participe pas. Il est vrai que votre assemblée a fait une entorse à ce principe en votant dans le PLF pour 2021 un amendement, présenté par Jean-René Cazeneuve et soutenu par le Gouvernement, visant à ce que l'État abonde de 60 millions d'euros le fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux entre les départements, de manière à garantir la montée en puissance de ce fonds nouvellement créé. Il n'en demeure pas moins que l'État, en général, n'intervient pas dans la péréquation horizontale.
En revanche, nous avons continué, au même rythme que les années précédentes, à augmenter la part de la dotation globale de fonctionnement consacrée à la péréquation verticale, notamment la DSU – dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale – et la DSR – dotation de solidarité rurale. S'agissant plus particulièrement des communes, la troisième loi de finances rectificative pour 2020 a augmenté de 1 milliard d'euros le montant de la DSIL – dotation de soutien à l'investissement local – , et nous souhaitons que ces crédits soient engagés le plus rapidement possible.
Quant au plan de relance, il sera exécuté en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française dans la limite du respect des compétences de ces collectivités. En effet, du fait de leur régime fiscal particulier, les mesures fiscales prises en métropole et dans les autres territoires d'outre-mer ne s'y appliquent pas nécessairement. Mais dès lors qu'elles n'empiètent pas sur l'autonomie de ces territoires, l'ensemble des dispositions de plan de relance pourront s'y appliquer.
J'ajoute que l'État a consenti, dans le cadre des plans d'urgence, un prêt de 240 millions d'euros à chacune de ces deux collectivités – là aussi dans le respect de l'exercice de leurs compétences et de leurs prérogatives. C'est, du point de vue financier, la principale intervention qu'il pouvait réaliser pour les soutenir pendant la crise.
Le plan de relance est inédit, tant par les moyens qu'il déploie que par l'ambition de transformation de notre pays qu'il porte. Je salue la création d'une mission budgétaire spécifique, à même d'offrir une meilleure lisibilité et de garantir le bon pilotage des crédits.
L'efficacité du plan de relance dépend néanmoins de la performance de son exécution. Il sera mis en oeuvre par les ministères, notamment par le biais de lancements d'appels à projet, relayés par les services de l'État dans les territoires – les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, DIRECCTE, l'ADEME, les directions régionales des affaires culturelles, etc.
Ces appels à projets se justifient, car il faut vérifier que les projets servent les objectifs que nous cherchons à atteindre, mais ils sont fondés sur des critères parfois trop rigides, et le risque est de rater une partie de la cible en rendant les aides inaccessibles à des structures et à des entreprises qui n'ont pas l'habitude d'y répondre.
En outre, chaque guichet s'adressant aux structures qu'il connaît, le risque n'est-il pas d'adopter une approche en silos de la relance ? Comment, monsieur le ministre délégué, préserver l'impératif d'universalité et de transversalité que nous impose la bonne exécution du plan de relance jusqu'au dernier kilomètre ?
Le suivi de l'exécution du plan de relance constitue, en effet, un enjeu central pour la réussite de celui-ci. Nous avons choisi de concentrer les crédits de l'État sur une mission comportant trois programmes et dotée de 37 milliards d'euros. S'y ajoutent les 20 milliards d'euros de baisses d'impôt décidées en deux ans et les crédits qui ont été déjà adoptés par votre assemblée dans la troisième loi de finances rectificative pour 2020, ainsi que ceux qui, pour plus d'efficacité, sont directement inscrits dans les budgets des ministères concernés – je pense par exemple aux crédits nouveaux que nous consacrons à l'insertion par l'activité économique.
Ce pilotage par une mission et trois programmes permet la fongibilité des crédits, ce qui nous permettra, avec Bruno Le Maire, de pouvoir annuler des engagements, lorsque des crédits ne seront pas utilisés ou le seront avec retard, afin de reporter les crédits disponibles sur des missions performantes et fiables. Nous avons également installé un comité de suivi au niveau national, dont le secrétariat général est assuré par Bruno Parent, l'ancien directeur général des finances publiques, et qui est décliné à l'échelle de chaque région. Nous avons demandé aux préfectures de désigner un référent en matière de relance et de déployer des dispositifs de suivi destinés à garantir la territorialisation et l'efficacité des mesures mises en oeuvre.
Grâce à ce reporting quotidien – si vous me permettez cet anglicisme – , nous pourrons à la fois piloter les crédits, détecter les difficultés d'accès ou de déploiement et redéployer les crédits au rythme des clauses de revoyure, afin de garantir leur bonne utilisation. Notre objectif est que la moitié des crédits du plan de relance soient engagés à la fin de l'année 2021. En 2020, 10 milliards d'euros seront dépensés dans les dispositifs que j'ai évoqués, notamment celui de l'aide aux collectivités locales. En 2021, 10 milliards d'euros seront consacrés à la baisse des impôts de production. Les crédits de paiement inscrits à la mission « Plan de relance » s'élèvent à 22 milliards d'euros. En outre, d'autres dispositifs, gérés par les ministères que j'ai cités, comme celui de l'insertion par l'activité économique, permettront d'atteindre ce niveau d'engagements dans l'année.
Nous bénéficierons aussi des retours de chaque parlementaire pour savoir, circonscription par circonscription, là où le bât blesse et où nous pouvons améliorer les choses. Nous comptons donc sur vous et sur tous vos collègues.
Cette dernière question n'est peut-être pas la moindre, car elle est récurrente dans notre groupe : qui va payer la dette ?
Vous le savez très bien, monsieur le ministre délégué, quand on a été élu socialiste en 2017, c'est qu'on était bien enraciné dans son territoire. Dans ces endroits, la question de savoir qui paiera la dette revient très souvent, puisque désormais l'argent arrive – peut-être trop tardivement et de façon encore insuffisante, mais il coule à flots.
Quand nous vous posons la question, vous nous répondez par un dogme, celui du refus de toute hausse d'impôt. Or si l'on se prive de ce moyen, il n'en reste plus que deux, aussi dangereux l'un que l'autre, pour rembourser la dette.
Le premier serait de réduire les dépenses publiques au-delà des politiques déjà engagées en ce sens. Nous savons que les conséquences en seraient payées argent comptant par les classes moyennes et populaires, pénalisées par la dégradation des biens et des services publics dont la crise a pourtant révélé la fonction vitale.
Le second serait de rechercher une croissance à tout prix, au mépris du contrat social et avec comme résultat le creusement d'une dette écologique déjà abyssale. Une reprise économique irresponsable nous conduirait inéluctablement à la reproduction de désordres écologiques et sociaux dont nous faisons déjà la tragique expérience.
À éluder la question de l'impôt éthique et responsable, qui ne touche ni l'emploi, ni la capacité entrepreneuriale, ni l'économie réelle, nous nous éloignons de l'esprit du green deal européen et, surtout, du projet de Franklin Roosevelt. Il nous faut réparer et refonder, tel est l'esprit d'une dynamique de relance, en retrouvant l'idée du new deal de Roosevelt. « Gouverner [… ] », disait-il, « c'est maintenir les balances de la justice égales pour tous. » Peut-il y avoir une relance authentique sans cette justice ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.
Vous avez raison de souligner que les mesures que nous engageons constituent de la dette, puisque nous avons choisi de dégrader les finances publiques pour répondre à la crise. En 2020, nous estimons que, toutes administrations confondues, la perte de recettes fiscales s'élèvera à 70 milliards d'euros, dont 46 milliards pour l'État. Celui-ci engage 60 milliards d'euros de dépenses nouvelles et garantit presque 150 milliards d'euros de prêts aux entreprises, en espérant que les défaillances soient les moins nombreuses possible. Enfin, 100 milliards d'euros sont consacrés au plan de relance, dont 40 milliards seront financés – nous l'espérons – par l'Union européenne.
La dette se creuse donc ; nous pouvons travailler à des dispositifs de cantonnement, mais, en tout état de cause, elle sera remboursée. Vous parlez d'ancrage territorial, mais les réflexions populaires portent aussi sur le fait qu'une dette se rembourse. D'ailleurs, la meilleure façon de pouvoir continuer à emprunter est de garantir aux prêteurs qu'ils seront remboursés un jour.
Notre stratégie consiste à financer le remboursement de la dette par la croissance. Pas par n'importe quelle croissance, mais par celle que nous préparons avec le plan de relance, dont plus d'un tiers, je l'ai dit à Mme Rubin, est consacré à la transition écologique, et comprend des appels à projet destiné à favoriser la décarbonation et l'industrie de demain. L'idée est que la crise soit l'occasion de construire, grâce au plan de relance, une économie plus soutenable, plus durable, plus performante et plus compétitive – la performance et la compétitivité importent pour maintenir un niveau élevé de services publics.
Nous voulons en effet mener cette politique sans augmenter les impôts. Nous les avons d'ores et déjà beaucoup baissés : 45 milliards d'euros d'ici à la fin de l'année 2021, la moitié bénéficiant aux ménages, l'autre moitié aux entreprises. Nous avons la conviction qu'on ne répond pas à une crise par une hausse des impôts.
Nous prendrons le temps nécessaire, mais nous rembourserons la dette. Notre objectif est de revenir à un niveau de production au moins égal à celui de la fin de l'année 2019, pour qu'à taux de prélèvements obligatoires constant, nous ayons les moyens de la rembourser.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures vingt.
J'appelle les crédits de la mission « Plan de relance », inscrits à l'état B.
La parole est à M. Éric Woerth, rapporteur spécial, pour soutenir l'amendement no 868 .
Avant de le défendre, je dirai un mot de la méthode que nous allons employer. M. Laurent Saint-Martin et moi sommes tous les deux rapporteurs spéciaux sur cette mission et nous nous chargerons donc alternativement de donner l'avis de la commission sur les amendements. Plus de deux cents ont été déposés, ce qui est largement supérieur au nombre habituel sur les crédits d'une mission. Nous serons donc brefs et j'appelle les orateurs à faire preuve de la même concision.
L'amendement no 868 exprime notre refus de faire de la relance le prétexte à de simples dépenses courantes ; il tend à supprimer, dans la mission « Plan de relance », les crédits qui n'ont pas de raison d'y figurer. On voit que certains ministères y ont fait leur marché. C'est le cas, en particulier, de celui de l'intérieur, comme le montrent les dépenses relatives aux caméras piétons, aux tasers, au maintien en condition opérationnelle des hélicoptères et des avions de la gendarmerie nationale ou de la sécurité civile. Ces crédits sont dépourvus de tout lien avec la notion même de relance et doivent donc figurer dans les missions habituelles. Il en va de même des créations de places dans les centres d'accueil et d'examen des situations pour l'obtention du droit d'asile. La liste n'est pas exhaustive, mais avec les exemples que nous avons choisis, on atteint déjà 350 millions d'euros ! Nous proposons donc de remettre ces crédits à leur place.
Il s'agit d'un des quelques rares amendements sur lesquels M. Woerth et moi-même n'aurons pas le même avis. À titre personnel, je donnerai un avis défavorable. Il est vrai que certaines dépenses prêtent à discussion pour savoir si elles relèvent du fonctionnement ou de la relance. Mais nous parlons d'une part très minoritaire des crédits de la mission : environ 300 millions d'euros sur 22 milliards de crédits de paiement.
Il reste que la question posée est intéressante. Certains des crédits des crédits envisagés n'ont-ils pour objet que de couvrir des dépenses courantes ? Pour reprendre l'exemple du ministère de l'intérieur, on peut considérer que les dépenses engagées pour la numérisation de son administration constituent aussi un investissement. La relance n'est pas seulement d'ordre économique, même si la majorité des crédits alloués à cette mission entrent dans cette catégorie, elle vise également certaines politiques publiques. Accélérer la numérisation des administrations ou doter les agents de meilleurs outils revient à investir pour rendre un meilleur service public à l'avenir. Tant qu'il ne s'agit pas des autorisations budgétaires du titre 2, c'est-à-dire des dépenses relatives au personnel, même le fonctionnement courant peut participer à la relance.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques, pour donner l'avis du Gouvernement.
Je suis d'accord avec M. Saint-Martin. Effectivement, il ne s'agit pas de crédits relevant du titre 2, et certaines des dépenses visées concourent bien à l'investissement. Ainsi, l'enveloppe de 150 millions d'euros destinée à financer une recherche duale dans le secteur spatial participe bien à la politique de relance et de développement. J'ajoute qu'une partie des entreprises concernées par ce plan de relance ou d'investissement sont évidemment françaises ; comme les autres, elles souffrent de la conjoncture, et l'achat public constitue aussi un levier pour les aider à traverser ces difficultés. Avis défavorable.
J'imagine, monsieur le secrétaire d'État, que le texte de la loi organique relative aux lois de finances – LOLF – ne quitte pas votre table de nuit, et que vous le connaissez par coeur. Expliquez-nous comment vous conciliez votre proposition avec ses articles 7 et 8 ? Pour ceux qui ne fréquentent pas intimement la loi organique, le premier précise que « les crédits sont spécialisés », tandis que le second prévoit quelques dérogations à ce principe – sans toutefois s'appliquer à la mission qui nous occupe. L'amendement du président Woerth, que je soutiens, vous appelle donc à respecter le principe de la spécialité des dépenses. Le projet de loi de finances donnera lieu à des recours auprès du Conseil constitutionnel ; mieux vaudrait éviter des annulations partielles, voire totales – qui peut le dire ? – sur le fondement de l'article 7 de la loi organique.
Je ne vous étonnerai pas en affirmant également mon soutien à l'amendement du président Woerth. Plusieurs exemples éclairants illustrent la tendant au saupoudrage. Au sein de la mission « Plan de relance », 3,4 milliards d'euros sont consacrés à la jeunesse. Or, en 2020, nous avons déjà voté 1 milliard pour financer le plan « un jeune, une solution ». On ne comprend pas très bien comment les deux seront articulés. Les crédits du dispositif MaPrimRénov' sont dispersés entre la mission « Plan de relance », avec 2 milliards d'euros, la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et la mission « Cohésion des territoires », par l'intermédiaire des crédits consacrés à l'Agence nationale de l'habitat – ANAH. On le voit, l'affiche est belle, mais on a l'impression qu'en coulisses, les ministères ont réclamé leur dû, au titre de leur politique habituelle, et que le plan de relance n'est qu'un habillage. En juillet, lors du collectif budgétaire, nous avons ouvert 10 milliards d'euros en crédits de paiement pour le plan de soutien aux secteurs de l'aéronautique et de l'automobile. Ici sont ajoutés 763 millions pour en financer une partie. En juin, 600 millions ont été engagés pour financer la prime à la conversion automobile. Ces sommes aussi réapparaissent dans le plan de relance. L'ensemble est complètement illisible. Il convient donc d'adopter cet amendement, afin que nos concitoyens comprennent qu'une véritable politique de relance est menée, qui ne s'apparente ni à un simple soutien, ni au financement d'une politique classique menée par les ministères.
Je suis attaché au respect de la LOLF ; vous le savez, monsieur de Courson, puisque nous avons travaillé ensemble, avec le président Woerth d'ailleurs, au sein de la mission d'information relative à sa mise en oeuvre. Mais le choix de la clarté qui a été fait est plus important que le simple respect de la loi organique : il s'agit d'assurer, dans une situation exceptionnelle, la lisibilité et le pilotage de la dépense publique.
Je suis d'accord avec vous : il eût été plus conforme à l'esprit des articles 7 et 8 de la LOLF de tout affecter aux différentes missions thématiques. Mais si nous avions fait ça, nous n'aurions pas pu bénéficier de la fongibilité entre les programmes composant la mission, laquelle permettra, au cours des deux prochaines années, de redéployer très rapidement les crédits d'un programme qui ne seraient pas consommés assez vite. Compte tenu de l'état actuel du pays, la souplesse qu'offre cette fongibilité est primordiale et doit l'emporter sur le respect du principe de spécialité.
C'est pour cette raison que la direction du budget est responsable des trois programmes de la mission « Plan de relance ». C'est un choix que je trouve pertinent. Le corapporteur et moi, nous avons auditionné la direction du budget à ce sujet : la politique publique de la relance est clairement considérée comme telle, puisque c'est de l'investissement exceptionnel ; elle justifie donc la création d'une mission.
La mission « Plan de relance » a donc certes un caractère exceptionnel, mais elle ne déroge pas à l'esprit de la LOLF. Du reste, dans les lois de finances rectificatives, nous avons déjà adopté des crédits dits DDAI – décrets de dépenses accidentelles et imprévisibles – qui ne sont pas tout à fait conformes à la loi organique. Face à une situation exceptionnelle, nous avons dû imaginer des outils exceptionnels.
Il importe de savoir ce que nous faisons ici : nous essayons de relancer l'économie, c'est-à-dire de changer le rythme d'augmentation de la croissance potentielle. Ce n'est pas rien ! Nous essayons de répondre à l'urgence en soutenant des professions sinistrées. Or de nombreux crédits de cette mission recouvrent des dépenses de rattrapage.
… augmenter le nombre de plantations de haies, consacrer 30 millions aux jardins partagés, c'est légitime, mais en quoi s'agit-il de dépenses de relance ? Au fond, la relance est un alibi pour dépenser plus. Les dépenses hors mission de relance augmentent de 2,9 % : cela veut bien dire qu'il y a des dépenses un peu partout et que la crise a parfois bon dos ! Vous ouvrez les vannes.
Voilà ce que je reproche à ce projet de budget et c'est pourquoi l'amendement n'est pas anodin. Il n'est pas non plus purement comptable : c'est un amendement de principe. Même s'il faut tout faire, quoi qu'il en coûte, pour permettre à l'économie du pays de survivre et pour éviter que trop de personnes soient atteintes par la maladie, nous devons maîtriser la dépense partout où c'est nécessaire. La crise est une occasion qu'il faut saisir, et c'est pour cela que nous voterons en faveur des crédits de la mission « Plan de relance ». Mais vous ne pouvez pas y inscrire des crédits relevant de toutes les autres missions pour permettre aux ministères d'y faire leur marché !
Je souhaite répondre à M. Charles de Courson au sujet de la mission « Plan de relance » et de sa conformité juridique avec la LOLF. À partir du PLF pour 2021, la majorité des crédits budgétaires dédiés à la relance sont regroupés au sein de cette mission unique. Selon nous, ce choix s'inscrit dans le respect du principe de spécialité défini au I de l'article 7 de la LOLF dans la mesure où les crédits de la mission, gérés par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, poursuivront un même objectif, celui de soutenir la conjoncture économique et les emplois par la transition écologique.
Ainsi, à l'instar de la mission « Plan de relance de l'économie » créée en 2009 et de la mission « Investissements d'avenir », créée en 2017, l'existence de cette nouvelle mission ne repose pas sur le domaine d'intervention des crédits, mais sur leur finalité. La Cour des comptes, en 2010, avait d'ailleurs validé cette approche dont elle avait reconnu qu'elle satisfaisait les exigences de lisibilité, de rapidité d'exécution, de suivi étroit et d'additionnalité des crédits. Elle avait également souligné le caractère nécessairement exceptionnel d'une telle présentation. Or le plan « France relance » présente bien un caractère exceptionnel et non pérenne. Il faut donc bien admettre, à moins de refuser que la décision de la Cour puisse s'appliquer à d'autres situations, que la mission « Plan de relance » satisfait les critères qu'elle avait énoncés à l'époque.
Je ne prononcerai pas sur les réductions de crédits proposées par M. Woerth. Si nous soutenons cet amendement, c'est pour une question de principe, comme M. Charles de Courson l'a brillamment expliqué.
J'ai déposé plusieurs amendements relatifs à des questions agricoles qui préoccupent les députés socialistes depuis trois ans. Grâce au plan de relance, elles sont enfin à l'ordre du jour ; mais quand la semaine dernière, j'ai voulu les aborder dans le cadre de l'examen en commission des crédits de la mission « Agriculture », le rapporteur m'a renvoyé à celui de la mission « Plan de relance ». Et alors que nous discutons aujourd'hui des crédits de cette mission, le ministre concerné n'est pas là pour en parler. Avec qui parlerons-nous des 1,2 milliard d'euros de crédits consacrés à l'agriculture ? Nous ne l'avons pas fait en commission, ni dans le cadre de la mission « Agriculture », ni dans celui de la mission : « Plan de relance ». En dehors même de l'aspect juridique et du respect de la LOLF, c'est donc un véritable problème structurel et démocratique qui se pose.
Nous ne sommes pas avares de notre temps : nous étions présents en commission, nous sommes là aujourd'hui, nous sommes là partout, mais nulle part nous ne pouvons parler du fond des problèmes. Or le plan de relance ne doit pas être abordé de façon univoque et verticale, mais dans le dialogue et la coconstruction.
J'abonde dans le sens de M. Dominique Potier. En réponse à certains de mes amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale – sur la structuration des métiers du lien, sur le congé de deuil pour les auxiliaires de vie, sur la nécessité de faire un travail en tournée, etc. – , on m'a renvoyé à l'examen du plan de relance. Est-ce que, ce soir, je pourrai entendre une ministre qui connaît le dossier des auxiliaires de vie ? De même, les ministres chargés de l'industrie – j'ai également déposé des amendements relatifs au secteur de l'aéronautique – ou de l'agriculture seront-ils présents ?
À nouveau, le travail que nous effectuons est purement formel : comme vous savez déjà que votre plan de relance va être adopté à peu près sans changement, il n'y aura pas ni échange, ni débat, on ne pourra pas s'interroger sur les choix que vous faites.
Les premiers amendements en discussion concernent la jeunesse : est-ce que nous allons pouvoir discuter avec la secrétaire d'État concernée ? Non ! Il n'y a aucun lieu de débat pour s'interroger sur ce que nous allons faire pour la jeunesse. J'imagine, monsieur le secrétaire d'État, que vous disposez de fiches proprement rédigées et que vous saurez les lire avec le ton adéquat. Mais qu'en est-il du contenu politique ? Quel sens donnons-nous à la vie de la cité, qu'allons-nous faire ensemble dans les prochaines années, comment allons-nous affronter les défis à venir ? Sur ces questions, il n'y aura pas de débat ici ; ce n'est qu'une chambre d'enregistrement.
Je comprends tout à fait la demande de M. Éric Woerth. J'ai entendu les arguments du rapporteur général sur la fongibilité des crédits, mais à vrai dire, cette fongibilité constitue un déni total du débat démocratique.
MM. Dominique Potier, Charles de Courson et Aurélien Taché applaudissent.
Elle signifie que c'est vous et le Gouvernement qui ferez les choix budgétaire, sans avoir besoin de revenir devant le Parlement pour décider de réaffecter les crédits dans un sens ou dans un autre. Cette fongibilité est donc critiquable en soi.
Là où mon harmonie avec M. Woerth s'arrête, c'est lorsqu'il dit que vous alimentez des dépenses qui n'ont pas lieu d'être, ou qui n'interviennent pas au bon moment, et que chaque ministère profite du plan de relance. Pour notre part, nous souhaitons augmenter les crédits destinés à la jeunesse, à la solidarité, à la santé, et nous avons déposé des amendements en ce sens. Je critique aussi le choix de réduire la CVAE – cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – , qui va bénéficier à des segments de l'économie qui n'en ont pas besoin, comme la finance.
Il y a donc beaucoup de critiques à faire sur ce plan de relance, en première comme en seconde partie du budget. Dans tous les cas, la création de cette mission, avec deux rapporteurs nommés au pied levé – il faut bien le dire – ,…
… ne nous donne pas de visibilité sur les choix politiques que recouvrent les choix budgétaires.
L'amendement no 868 n'est pas adopté.
Sourires.
Je retiens de cet échange liminaire qu'aux yeux du rapporteur général, nous vivons une situation exceptionnelle et que cette mission est là pour y répondre. Et face à cette situation exceptionnelle, M. Woerth nous appelle à relancer l'économie et à prendre des mesures faire augmenter le taux de croissance.
Mais la situation est aussi exceptionnelle sur le plan social. Allons-nous en tenir compte ? Ne pourrions-nous pas nous donner comme objectif la baisse du taux de pauvreté ? En plus, ce serait bon pour la croissance : si nous leur en donnons la possibilité, les plus jeunes et les plus précaires ne manqueront pas de participer à la relance. Tel est le sens de l'amendement, qui vise à abaisser 18 ans l'âge auquel on peut bénéficier du RSA.
Ce matin, nos collègues siégeant à gauche de l'hémicycle ont proposé la création d'une allocation d'autonomie pour les étudiants. Le Gouvernement et le rapporteur ont répondu que ça déstabiliserait trop les dispositifs en place, que ce serait trop compliqué dans la période de crise. Là, c'est tout simple : le RSA, on sait comment ça fonctionne, il suffit de modifier les conditions d'attribution pour que les 25 % de jeunes de moins de 25 ans en situation de pauvreté bénéficient d'une amélioration très significative de leurs conditions de vie.
Soyons courageux, chers collègues : relançons l'économie, mais essayons aussi de le faire en partant de ceux qui vont souffrir le plus de la crise.
À peu près un quart des crédits de la mission relance sont destinés aux jeunes : plus de 4,5 milliards visent soit à leur permettre de trouver un emploi, notamment par des mesures d'aide à l'embauche, soit pour leur permettre de se former.
Vous comprenez bien que par cette réponse, je réponds aussi sur le fond : la mission « Plan de relance » fait davantage le choix d'encourager l'emploi des jeunes plutôt que de proposer des solutions comme celle consistant à étendre le RSA aux 18-25 ans. Ceci étant, même avec le plan de relance, tout le monde ne va pas immédiatement trouver un emploi ou obtenir une formation. Il faut donc aider les plus jeunes en installant un filet de sécurité d'ordre purement financier.
La solution proposée, que je trouve bonne car elle sera efficace dès le mois de décembre, consiste à étendre aux étudiants boursiers et aux allocataires de l'APL ayant moins de 25 ans le bénéfice de la prime de 150 euros versée aux familles allocataires du RSA. C'est une disposition temporaire, je vous l'accorde, contrairement à celle consistant à permettre aux 18-25 ans d'accéder au RSA. Mais nous préférons mettre la jeunesse sur le marché de l'emploi et lui donner les meilleures conditions pour trouver un travail et en vivre. C'est un choix politique que j'assume totalement, avec le Gouvernement, parce que je considère que la relance et la reprise doivent d'abord passer par le travail.
Il ne faut pas cependant laisser sur le côté la partie la plus précarisée de la jeunesse. C'est pourquoi nous avons prévu cette aide de 150 euros qui s'ajoute – faut-il le rappeler – à des mesures comme le restaurant universitaire à un euro ou comme l'ensemble des aides aux étudiants boursiers décidées dans le cadre des deuxième et troisième lois de finances rectificatives. Pour toutes ces raisons, mon avis est défavorable.
Ma réponse vaudra pour tous les amendements relatifs aux minima sociaux pour les jeunes.
Bien évidemment, je souscris totalement aux arguments du rapporteur général. Je rappelle tout de même que dans le contexte très spécial que nous connaissons, l'accompagnement des publics vulnérables est un des principaux sujets de préoccupation du Gouvernement.
Aux mois de mai et juin dernier, M. le rapporteur général les a évoquées, deux aides exceptionnelles de solidarité ont été instaurées. Une première a été versée en mai 2020 aux familles pauvres et modestes, pour un montant de près de 900 millions d'euros ; le dispositif était conçu en deux strates : 150 euros pour les bénéficiaires du RSA et de l'allocation de solidarité spécifique, et 100 euros par enfant à charge pour les bénéficiaires du RSA, de l'ASS et de l'APL. Une aide de 200 euros a également été versée le 25 juin aux jeunes précaires. Au total, cette première aide exceptionnelle de solidarité a bénéficié à plus de 4 millions de familles modestes et à plus de 500 000 jeunes de moins de vingt-cinq ans non étudiants, pour un total d'environ 1 milliard d'euros. Une seconde aide exceptionnelle de solidarité sera versée en novembre 2020, aux mêmes bénéficiaires pour des montants identiques, ainsi qu'aux jeunes de moins de 25 ans bénéficiaires de l'APL et non étudiants, pour 150 euros.
N'oublions encore ni le dispositif « cantine à 1 euro » évoqué par le rapporteur général, ni les crédits ouverts en loi de finances rectificative au titre de l'aide alimentaire pour 94 millions d'euros, ni le dispositif de lutte contre le chômage et d'insertion dans l'emploi, qui participent tous d'une approche globale de l'accompagnement des publics vulnérables, avec une priorité : l'emploi.
Notre collègue du groupe Socialistes l'a déjà dit : lorsque nous parlerons de culture, nous aurons devant nous la ministre de la culture ; lorsque nous parlerons des sports, nous aurons devant nous la ministre des sports ; nous parlons du plan de relance, et c'est le secrétaire d'État chargé de la transition numérique qui est devant nous. C'est très important, la transition numérique, mais il y a un ministre de la relance, chargé spécifiquement des crédits dont nous débattons.
La discussion a lieu au Parlement, les amendements sont nombreux, le sujet est fondamental. Peut-être que le Gouvernement veut débattre, mais le ministre concerné est absent. Il est venu parler dix minutes… C'est un profond manque de respect pour le Parlement. Ne le prenez pas personnellement, monsieur le secrétaire d'État, mais c'est le ministre de la relance qui devrait être là quand on parle de la relance !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR et SOC. – Mme Frédérique Dumas applaudit également.
M. Potier l'a déjà dit, en effet, et je me permets de vous répondre sur ce point. Bruno Le Maire devait être au banc, ainsi qu'Olivier Dussopt. Mais il se trouve que nous vivons une période un peu particulière. Ils assistent tous les deux en ce moment à une réunion organisée dans l'urgence, avec le Premier ministre, sur les décisions sanitaires à prendre et sur leurs conséquences économiques. On peut le comprendre, je crois.
Par ailleurs, c'est un jeu régulier entre l'opposition et la majorité ; je ne crois pas que, sous le gouvernement Sarkozy, le ministre chargé du texte discuté ait systématiquement été au banc.
Tout ministre est habilité à représenter le Gouvernement.
Nous respectons cet après-midi notre Constitution et nos lois. Il est normal que, dans cette situation exceptionnelle, le ministre de l'économie, des finances et de la relance travaille sur la question brûlante de la crise sanitaire.
M. Jean-Jacques Bridey applaudit.
Merci, monsieur le secrétaire d'État, de nous apprendre qu'il y a eu un gouvernement Sarkozy…
Sourires.
Je plaisante, il n'y en a jamais eu !
Par ailleurs, l'amendement défendu par M. Taché me paraît très intéressant. Il n'aurait pas pu le déposer sur d'autres missions ; tandis qu'avec la mission « Plan de relance de l'économie », on peut transférer des crédits de la compétitivité vers le RSA. Le rapporteur général en parlait : c'est la fongibilité. Alors je vais vous faire une proposition : fondez toutes les missions en une seule, « Service public France », dotée de 425 milliards et confiée au ministre des finances – les autres ministres sont supprimés, ils ne servent plus à rien.
On marche sur la tête ! On marche sur les droits élémentaires du Parlement !
Applaudissements sur les bancs des groupes LT, SOC, FI et GDR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.
L'amendement de notre collègue a été déclaré recevable, ce qui montre que c'en est fini du principe de spécialité : vous l'avez vidé de son sens ! Les dépenses accidentelles sont prévues par la loi organique, mais normalement pour quelques centaines de millions, c'est-à-dire rien. Ce que vous faites là, c'est massif : 36 milliards en autorisations d'engagement, 22 milliards en crédits de paiement. Vous rendez-vous compte ? Et M. Le Maire peut en faire ce qu'il veut !
C'est la négation même du Parlement.
Je vous mets en garde sur ce qu'en dira le Conseil constitutionnel. Une telle mission, dotée de 36 milliards, cela n'a jamais existé. Vous nous citez des trucs à 100 ou 200 millions : c'est de l'ajustement, cela ne pose pas de problème, c'est prévu par la LOLF. Mais là, nous sommes confrontés à tout autre chose ! On dirait que, parfois, vous ne vous rendez même pas compte de ce que vous faites.
Un million supplémentaire de pauvres ! Ce qui va nous séparer toute la soirée…
… c'est que vous mettez 20 milliards pour les entreprises, et vous considérez que c'est de l'investissement ; vous mettez 800 millions pour les pauvres, et vous considérez que c'est une dépense. Voilà l'inconscient de votre plan de relance ! C'est évidemment injuste ; c'est surtout inefficace économiquement.
Trois papiers viennent de tomber. Dans le premier, le Fonds monétaire international recommande aux gouvernements de continuer à aider les plus vulnérables pendant cette crise et, pour cela, d'augmenter les impôts des familles et des entreprises les plus riches. Pour le FMI, les gouvernements devraient envisager des impôts plus élevés pour les ménages les plus aisés et les entreprises très rentables, et consacrer les recettes à la santé et aux filets de sécurité sociale. Dans le deuxième, le Conseil d'analyse économique, rattaché au Premier ministre, écrit ceci : « Nous considérons que des aides aux ménages modestes et précaires seront nécessaires et efficaces », prenant l'exemple d'un « bon d'achat aux ménages modestes sous forme de chèques à dépenser avant 2021 ». Enfin, un papier de l'Observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE, calcule que votre plan de relance aura un effet multiplicateur de 0,8, alors que les mesures d'urgence – activité partielle, aides aux TPE et PME, fonds de solidarité, exonérations pour les secteurs les plus touchés – ont eu un coefficient multiplicateur de 1,3.
Mais si, absolument : le choix est fait, dans tout le plan de relance, de donner 20 milliards d'euros aux riches, aux entreprises…
J'aimerais joindre ma voix à celle d'Aurélien Taché. L'extension du RSA aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans ne me paraît pas la bonne solution ; mais je partage son inquiétude : nous affrontons un choc de pauvreté, qui touchera particulièrement les jeunes, atteints non seulement dans leur confort matériel mais aussi dans les espoirs qu'ils plaçaient en l'avenir. La promesse de l'activité, alors que l'on sait très bien que le chômage va exploser, ne peut pas être la seule réponse. On ne peut pas mettre des pansements à côté des bobos !
J'invite donc le Gouvernement à envisager ce que nous sommes nombreux à proposer ici : un mécanisme de garantie, inspiré du revenu universel, qui commence dès dix-huit ans, afin que tous ceux que la pauvreté va frapper, jeunes ou moins jeunes, soient protégés.
La réponse du rapporteur général était claire. Nous nous séparons sur ce point : vous considérez que la relance ne peut se faire qu'en aidant les entreprises.
M. François Ruffin applaudit.
Un quart du plan s'adresse aux jeunes, dites-vous. Mais non ! Même quand vous essayez d'aider les jeunes, vous ne pensez qu'à des exonérations de charges ou à des aides pour les boîtes. En revanche, quand nous vous demandons ce matin d'élargir des bourses sur critères sociaux, de financer du logement étudiant – car au-delà du boulot, il y a des jeunes qui voudraient pouvoir continuer leurs études – , c'est non. Quand nous vous demandons ce soir ce que l'on fera pour les jeunes qui finalement ne trouveront pas de boulot, malgré vos aides aux entreprises, vous répondez qu'ils recevront 150 euros. Allons-nous nous réunir toutes les semaines pour voter une aide de 150 euros ? C'est un quart de RSA !
Mme Michèle Victory et M. François Ruffin applaudissent.
Soyons un peu sérieux, ouvrons ce droit social aux jeunes alors qu'une crise sans précédent se profile, que les faillites s'accumulent, qu'une deuxième vague de contaminations sera suivie par une deuxième vague de précarité. Donnons droit au RSA dès dix-huit ans !
Considérez, madame la présidente, que je défends l'amendement no 683 .
Une série d'amendements demandent l'extension du RSA aux jeunes de moins de 25 ans. Les députés communistes, et tous ceux du groupe GDR, soutiennent cette demande. Notre rapporteur général veut faire de l'accès à l'emploi sa priorité ; nous préférons tous favoriser l'accès à l'emploi, évidemment ! Mais constatons que la pandémie est là, que les plans sociaux se multiplient comme jamais, que le taux de chômage croît, que la pauvreté augmente. Et les jeunes sont frappés beaucoup plus que d'autres : le taux de chômage des moins de 25 ans est de l'ordre de 20 % !
Que l'on prenne des mesures pour favoriser l'accès de ces jeunes à l'emploi, tant mieux ; mais les deux petits coups de pouce que vous avez apportés – l'un de 150 euros, l'autre de 200 euros – ne constituent pas une réponse adaptée pour ces jeunes qui ont du mal à boucler leurs fins de mois. C'est la raison pour laquelle on entend demander, sur tous les bancs de cette assemblée, qu'une allocation – au moins pour le temps de cette pandémie ! – permette à ces jeunes sortis de l'école mais qui n'ont pas de travail de bénéficier des mêmes droits que ceux qui ont plus de 25 ans. Ils doivent pouvoir vivre dignement, tout simplement ! Ce serait un comble que les moins de 25 ans soient les oubliés de ce plan de relance et de la solidarité nationale.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Monsieur le secrétaire d'État, nous comprenons parfaitement l'absence de Bruno Le Maire et d'Olivier Dussopt ; il aurait été très simple de l'annoncer dès la reprise des travaux, après la suspension de la séance. Les choses auraient été claires.
S'agissant de cet amendement et des suivants, ils viennent souligner que les jeunes sont les oubliés du plan de relance.
M. François Ruffin applaudit.
M. Le Maire, tout à l'heure, a énuméré les aides, pour les gens qui vont perdre un emploi, pour les gens qui vont passer au chômage partiel… Évidemment, il faut aider ces personnes. Mais les jeunes qui n'ont rien, ces 700 000 jeunes qui sont sortis des études et qui auraient dû trouver un emploi, que fait-on pour eux ? Nous n'allons pas les renvoyer en formation, puisqu'ils ont déjà fait trois, quatre, cinq, six années d'études.
Vous distribuez des aides aux entreprises pour qu'elles recrutent des jeunes. Mais même ceux-là, vous ne les avez pas tous cités : certains veulent poursuivre leurs études en contrat d'alternance, et pour eux vous n'avez rien prévu. Ce sont eux, pourtant, qui viennent ces jours-ci à ma permanence. Ils veulent continuer leurs études mais ne trouvent pas de boîte pour les embaucher.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Je vous assure que, pendant des semaines, j'ai plaidé pour une aide financière destinée à soutenir la jeunesse la plus précaire. Avec d'autres de nos collègues, notamment Stanislas Guerini pour la République en marche, nous avons insisté pour que soient proposées des aides complémentaires des soutiens à l'emploi, à l'accès à l'emploi et à la formation. Je suis d'accord avec vous, mais ce que nous proposons, ce ne sont pas des mesurettes en plus : nous voulons mettre le paquet pour faciliter l'accès à l'emploi et à la formation ; mais l'État reste aux côtés de ceux qui sont en difficulté. Je n'ai pas évoqué ici la garantie jeunes, qui bénéficiera à 150 000 personnes.
Je pourrais en citer d'autres. Nous ne laissons aucun jeune de côté.
Monsieur de Courson, je ne suis vraiment pas d'accord : M. Taché aurait absolument pu déposer cet amendement sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Ne dites pas que la mission « Plan de relance de l'économie » permet de déposer des amendements qu'on ne pourrait déposer nulle part ailleurs !
Et puis arrêtons de dire que le Parlement est dépossédé parce que le Gouvernement crée une mission dédiée à la relance. Les règles de la LOLF s'y appliquent de la même façon que pour toutes les autres missions budgétaires.
L'amendement no 322 n'est pas adopté.
Sur l'amendement no 793 , je suis saisie par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir ledit amendement.
On compte 1 million de pauvres en plus ; la pauvreté atteint 20 % chez les jeunes ; 60 % des intérimaires ont moins de 34 ans ; 50 % des jeunes déclarent avoir perdu des revenus ; 40 % d'entre eux ont peur de ne pas pouvoir payer leur loyer ; 53 % déclarent se priver et ne pas parvenir à s'alimenter de manière saine et équilibrée ; 32 % des jeunes femmes peinent à acheter des protections hygiéniques. Tel est l'état de la jeunesse.
Le plan de relance devrait être un plan d'espérance. C'est dans des temps d'épreuves, en nous appuyant sur ces épreuves comme sur des obstacles à surmonter, que nous nous sommes élevés, que nous avons haussé le niveau de justice dans notre pays. On pense évidemment à 1945, où, sortant de la nuit nazie, nous avons décidé d'instaurer des retraites qui ont fait passer, pour la première fois de notre histoire, le taux de pauvreté des personnes âgées sous le taux de pauvreté général. Une malédiction millénaire a été vaincue alors, parce que nous avons décidé de passer d'une solidarité familiale à une solidarité nationale, c'est-à-dire sociale.
C'est le même geste que nous devons accomplir aujourd'hui en faveur de la jeunesse : passer d'une solidarité familiale, certaines familles ayant les moyens d'aider leurs enfants, à une solidarité nationale, sociale, assurant une certaine égalité. Nous demandons que la majorité politique et la majorité pénale, qui sont fixées l'une et l'autre à 18 ans, produisent une majorité sociale, fixée elle aussi à 18 ans. Un revenu minimum pour les jeunes, c'est non pas un idéal, mais précisément un minimum.
Même avis.
Monsieur le rapporteur spécial, vous avez répondu à M. de Courson que M. Taché pouvait déposer son amendement sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». J'invite ce dernier à le faire.
J'espère que l'amendement sera jugé recevable lorsque le président de la commission des finances exercera son contrôle. Si tel n'est pas le cas, il y aura eu un gros bug au cours de la présente séance, car vos propos n'auront pas été suivis d'effet. Nous verrons bien ce qu'il en sera.
Quant au revenu de base, le groupe Socialistes et apparentés vous a proposé de l'instaurer en janvier 2019, en insistant sur la nécessité d'un filet de sécurité. Le Gouvernement a utilisé Bpifrance, outil prêt à l'emploi, créé en 2013. Cela lui a permis d'agir immédiatement, en proposant aux entreprises des prêts garantis par l'État. Le pendant, ce serait d'expérimenter pendant deux ans, dans dix-huit départements, un revenu de base ouvert aux jeunes de moins de 25 ans. Depuis le début de notre discussion sur la jeunesse, nous nous rendons bien compte qu'il y a d'énormes trous dans la raquette : à l'égard des jeunes qui sont sortis du système ; à l'égard de ceux qui ne peuvent pas poursuivre leurs études ; à l'égard de ceux qui, tout simplement, n'ont pas d'emploi.
Les aides que vous proposez, monsieur le rapporteur spécial, sont destinées aux entreprises qui offrent des emplois. Or, parmi les 700 000 jeunes qui arrivent sur le marché du travail, beaucoup ne touchent pas le RSA, beaucoup ont perdu le petit job – garde d'enfant, serveur au restaurant – qui leur permettait de financer leurs études. Bref, ils n'ont rien du tout, et vous ne leur proposez pas de filet de sécurité.
Je souhaite formuler deux observations, monsieur le rapporteur spécial.
Sur la forme, si M. Taché dépose un amendement sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », il ne pourra pas compenser la hausse des crédits du RSA par la baisse des crédits d'une autre mission, ce qu'il a proposé en l'espèce.
Sur le fond, plusieurs d'entre nous l'ont dit, il y a un vrai problème de filet de sécurité pour toute une série de catégories : les jeunes, …
… les indépendants, les salariés qui ont perdu leur CDD, les intérimaires qui n'ont plus de travail et n'ont pas forcément droit à une indemnité chômage qui leur permettrait de vivre. Il faut donc trouver une solution. Pour ma part, je ne suis pas très favorable à une extension du RSA à tous les jeunes, mais je pense qu'il faut créer un filet de sécurité pour toutes ces catégories.
… versés non pas chaque mois, mais une seule fois. Mesurez-vous l'indécence de cette mesure ? Trouvez-vous qu'elle est à la hauteur des problèmes que j'ai énoncés précédemment ? Vous distribuez une aumône !
Quelle solution massive proposez-vous dans le plan de relance ? Une fois de plus, de faire des cadeaux aux entreprises, au nom des jeunes, en pensant que l'argent va ruisseler et que cela va déboucher sur des embauches et des formations. Cela marchera peut-être en partie, mais que faites-vous de tous ceux pour qui cela ne marchera pas ?
J'ai des histoires en tête. Arnaud, qui vit dans un foyer de jeunes travailleurs à Tours, ne mange ni le matin ni le soir ; il ne s'achète pas le code civil, alors qu'il suit des études de droit. Amanda, qui est tombée malade, s'est privée dans son alimentation pour pouvoir aller chez le médecin. Quelle est donc votre réponse ? Cent cinquante euros par an ? Ce sont des cacahuètes !
Du début du mois d'août à la fin du mois de septembre, 696 000 jeunes ont été recrutés sur des contrats d'au moins trois mois. En deux mois, près de 50 000 entreprises ont d'ores et déjà demandé la compensation des charges, qui peut aller jusqu'à 4 000 euros. Nos solutions pour l'emploi des jeunes fonctionnent. Elles consistent avant tout à leur donner un travail et un avenir.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 76
Nombre de suffrages exprimés 72
Majorité absolue 37
Pour l'adoption 11
Contre 61
L'amendement no 793 n'est pas adopté.
Vous conduisez une politique de l'offre, en oubliant totalement la politique de la demande. Vous entendez former davantage de jeunes, alors que nous sommes en train de perdre des emplois. Certes, cela ne se voit guère pour l'instant, car ce sont de petites entreprises qui sont touchées – des restaurants, des artisans. Toutefois, les départements nous indiquent que les demandes de RSA sont en train d'exploser, ce qui montre bien que des gens se retrouvent au chômage.
Par cet amendement, nous proposons nous aussi d'instaurer un RSA jeunes. Et ce ne serait pas seulement 150 euros deux fois dans l'année ! En effet, vous êtes tellement généreux que vous seriez prêts à leur verser une deuxième aide de 150 euros… Waouh, merci pour eux !
Vous rendez-vous compte du caractère inéquitable de la politique que vous menez ? Les Français, eux, s'en rendent compte. Vous avez réformé l'impôt de solidarité sur la fortune et allégé la fiscalité du capital sans aucune contrepartie.
M. François Ruffin applaudit.
Si vous vouliez que l'argent donné aux riches finance l'économie productive, il fallait tout simplement créer des niches fiscales. Ainsi, vous auriez favorisé l'entreprise, et non l'actionnaire et la banque.
Une étude américaine a montré que l'investissement n'avait pas augmenté dans les entreprises. On continue à investir dans les dettes des ménages et dans celles des États, non dans l'économie productive. Je le répète, vous favorisez la banque. Ce n'est pas de cette manière que nous pourrons sortir des difficultés économiques, ni disposer d'entreprises, en particulier d'industries, capables de gagner des marchés à l'exportation. Voilà la réalité.
Vous pourriez tout de même faire un geste envers les plus faibles d'entre nous, à savoir les plus jeunes, qui n'ont désormais plus de quoi vivre.
Nous n'avions pas encore évoqué le RSA jeunes. Quoi qu'il en soit, mon avis est défavorable.
Même avis.
Nous ne vous laisserons pas expédier comme une simple formalité l'examen des amendements relatifs à la jeunesse. Je le répète, il y a 1 million de pauvres en plus, et ce sont massivement des jeunes.
Vos mesures, en particulier la réduction des cotisations sociales de 4 000 euros pour l'embauche d'un jeune de moins de 26 ans, fonctionneront peut-être en partie, mais cela ne suffira pas. En effet, le nombre de demandes de RSA a augmenté de 10 % à l'échelle du pays ; c'est un fait massif, monsieur le secrétaire d'État.
Par ailleurs, j'aimerais que vous répondiez à nos arguments macroéconomiques. D'après le Fonds monétaire international, le Conseil d'analyse économique et l'Observatoire français des conjonctures économiques, donner aux entreprises – vous leur attribuez aujourd'hui 20 milliards d'euros – est en réalité moins efficace pour l'économie que de donner aux jeunes, aux précaires et aux ménages modestes. Quid notamment du coefficient multiplicateur évoqué par l'OFCE ?
Nous sommes effectivement convaincus qu'il serait plus efficace de donner aux ménages modestes. Le CAE indique que ceux-ci dépenseraient immédiatement 50 % de l'argent qu'on leur donnerait. Il préconise de leur allouer un bon d'achat sous la forme d'un chèque à dépenser avant 2021, ce qui contribuerait à la relance.
L'amendement no 816 n'est pas adopté.
L'amendement no 683 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous allons effectivement continuer à discuter du RSA.
Je déposerai des amendements analogues sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », mais je suis content d'avoir pu déposer ces amendements-ci sur la présente mission, car j'ai pu proposer de transférer vers le RSA des crédits consacrés à la compétitivité. Si nous nous étions montrés capables de procéder à une telle réaffectation, cela aurait été un symbole important.
Les amendements nos 306 et 305 concernent non pas l'ouverture du RSA aux jeunes mais l'augmentation de son montant.
Les minima sociaux actuellement versés en France ne permettent pas aux gens de vivre au-dessus du seuil de pauvreté. Est-il normal qu'il en soit ainsi dans la sixième puissance mondiale ? Il n'y a pas si longtemps, lorsqu'on évoquait les « jours d'après » la crise terrible que nous vivons, on rêvait encore de solutions véritablement transformatrices. Ces jours seront-ils ceux qui verront le relèvement des minima sociaux jusqu'au niveau du seuil de pauvreté, à savoir 50 % du salaire médian ? C'est ce que nous proposons par l'amendement no 306 .
L'augmentation serait significative, et la mesure coûterait au total un peu plus de 6 milliards d'euros, mais ce serait encore bien peu par rapport aux 100 milliards que l'on est capable de trouver dans cette situation exceptionnelle. Vous l'avez précisé, monsieur le secrétaire d'État, les aides sociales prévues dans le plan de relance s'établissent à environ 1 milliard d'euros, soit 1 % du total. En adoptant cet amendement, nous pourrions sortir tous les Français de la pauvreté.
Au cas où ce ne serait pas possible, nous pourrions nous replier sur l'amendement no 305 , qui vise à augmenter de 10 % le montant du RSA, conformément aux demandes formulées par les grandes associations de lutte contre la pauvreté pour faire face à l'urgence.
Je vous invite, mes chers collègues, à voter un de ces amendements. Il nous faut démontrer que cette crise peut aussi être l'occasion de changements majeurs sur le plan social. Nous pouvons en finir avec la pauvreté en France, enfin. C'est réalisable.
Il est défavorable, toujours pour les mêmes raisons.
Selon moi, monsieur Taché, vous faites une erreur d'appréciation : diminuer les crédits du programme « Compétitivité » ne serait pas seulement un symbole, ce serait un vrai choix.
J'estime justement que l'emploi est la réponse à apporter aux jeunes. Le programme « Compétitivité » est destiné à réunir les conditions de la création d'emplois, et le programme « Cohésion » ainsi que la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » – , à accompagner les jeunes dans leur recherche.
Je constate donc une véritable divergence entre nous quant au chemin à prendre pour garantir aux jeunes la meilleure protection qui soit : celle de l'emploi.
Je suis ravie que la crise ait conduit certains collègues à prendre conscience du déséquilibre qui caractérise la politique économique et budgétaire menée par ce Gouvernement. Et cela ne date pas d'hier ! Nous comptions environ 9 millions de pauvres dans notre pays et il y en a probablement 1 million de plus avec la crise. Je ne sais pas ce qui a été fait jusqu'à présent pour leur permettre de travailler ; en tout état de cause, il n'y avait pas assez d'emplois.
Le plan de relance connaît un angle mort, celui de la pauvreté – des jeunes comme des moins jeunes. L'amendement vise donc à augmenter le montant du RSA. En effet, 560 euros par mois pour une personne seule, c'est une somme qui nous paraît bien faible. Elle est, en tous les cas, largement inférieure au seuil de pauvreté. Nous souhaitons donc augmenter cette allocation.
Comment s'y prend-on ? Étant donné qu'il est possible – si j'ai bien compris – de transférer de l'argent depuis la ligne des carottes jusqu'à celle des choux, nous proposons de ponctionner le fameux programme « Compétitivité », en particulier l'action « Mise à niveau numérique de l'État, des territoires et des entreprises – modernisation des administrations régaliennes ». Je constate que cette ligne budgétaire concerne un très grand nombre de domaines, dont la rénovation des bâtiments, qui n'a rien à voir avec le numérique. Cette action est un véritable fourre-tout, mais, en attendant, la pauvreté continue de s'accroître et les Français de vivre dans une misère insoutenable.
Enfin, j'insiste sur le fait que rien n'est prévu pour soutenir la demande.
Ce sont pourtant les personnes aux faibles revenus qui ont des besoins, qui consommeront et qui relanceront l'économie.
Cet amendement a trait à la même thématique que précédemment et je pense avoir déjà apporté les arguments pour justifier un avis défavorable.
Même avis.
Je ne comprends pas vos arguments, monsieur le rapporteur spécial. Pourquoi serait-il inefficace de relancer en stimulant la demande – du moins celle des personnes dans la misère ? Balayer nos amendements d'un revers de main, ce n'est pas un argument ! On en finit par avoir l'impression de radoter.
Nous le répétons depuis deux ou trois ans : qu'est-ce qui prouve qu'injecter de l'argent dans les entreprises va permettre de relancer l'économie ? Je ne parle même pas de l'aspect moral de cette politique, je demande des justifications économiques ! « Mêmes arguments », « mêmes arguments », répétez-vous, mais vous avez vous-mêmes pu constater, avec la prime défiscalisée accordée à la suite du mouvement des gilets jaunes, que la relance par le pouvoir d'achat, cela fonctionne.
L'amendement no 642 n'est pas adopté.
Nous n'avons pas vraiment eu de réponse sur ce qui arriverait aux jeunes et plus généralement aux personnes qui ne retrouveraient pas un emploi malgré les crédits alloués pour qu'ils y parviennent. Je puis parfaitement comprendre que le retour à l'emploi soit l'objectif principal, mais là n'est pas la question. La question est la suivante : que fait-on pour les autres ? Nous savons qu'il n'y aura pas 100 % de réussite et que malgré tous les efforts, de nombreuses personnes resteront dépendantes du RSA – sachant que les 25 ans n'auront rien du tout.
Au fond, la réponse est déjà connue. Nous avons entendu le Président de la République la donner lors d'une intervention au journal de vingt heures : il estime qu'augmenter les minima sociaux freinerait le retour à l'activité. Cela revient à considérer que toutes ces personnes, qui vont dépendre du RSA contre leur gré après avoir perdu leur emploi pendant la crise, ne retourneraient pas bosser d'elles-mêmes si on relevait le montant des minima sociaux. Cette conception philosophique, je ne la partage évidemment pas.
Cela étant, peut-être que la proposition que je formule par le présent amendement recevra, cette fois, votre soutien, dans la mesure où elle a trait à la garantie jeunes. Celle-ci s'accompagne de formations et pourrait donc être associée, comme je le suggère, aux parcours contractualisés d'accompagnement vers l'emploi – PACEA. Les jeunes qui suivent de tels parcours pourraient en effet bénéficier de la garantie jeunes. C'est une très bonne chose qu'ils soient formés et accompagnés vers l'emploi, mais c'est encore mieux s'ils reçoivent une allocation qui leur permettra de faire face à la crise sociale qui vient.
Je ne pense pas que l'avenir des jeunes se trouve dans la multiplication des allocations ou l'augmentation des minima sociaux. Dans le domaine de la protection sociale, notre pays n'est d'ailleurs pas le plus mal placé.
Certes, par définition, un minimum social n'assure pas une vie décente, mais cela a le mérite d'exister ; dans beaucoup de pays ce n'est pas le cas. Quant au RSA, il est versé après toutes les autres aides, comme l'allocation chômage, qui peut d'ailleurs être prolongée dans le temps, ou les formations. On n'en arrive pas au RSA soudainement ; c'est qu'il s'est passé quelque chose. Il convient d'avoir ces éléments en tête.
Quant aux personnes qui suivent un PACEA, elles peuvent bénéficier de la même contrepartie financière que celle que procure la garantie jeunes et qui s'élève à 497 euros – soit un peu moins que le RSA, je le reconnais. Il existe simplement des conditions, notamment de ressources, pour bénéficier de cette somme, alors qu'elle est automatiquement versée dans le cadre de la garantie jeunes.
Tous ces parcours d'insertion sont d'ailleurs surmobilisés dans les périodes au cours desquelles il est plus difficile de trouver un emploi. C'est pour cette raison que le nombre de places disponibles a d'ores et déjà été augmenté.
L'avis est donc défavorable.
L'amendement no 323 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à allonger à deux ans la durée maximale d'allocation de la garantie jeunes. En effet, les mérites – réels – de ce dispositif sont constamment vantés par le Gouvernement, lequel nous annonce que des places supplémentaires seront ouvertes pour en bénéficier, ce qui est une très bonne chose. Néanmoins, nous sommes dans une situation de crise exceptionnelle, qui devrait durer un long moment – nous devrions nous entendre au moins sur ce point. Si nous pouvions prolonger la durée maximale d'allocation de la garantie jeunes, cela permettrait à de nombreux jeunes d'avoir davantage de lisibilité sur leur avenir et de se sentir un peu plus en sécurité. Il me semble que ce serait une mesure de bon sens.
La garantie jeunes, comme l'a précisé Éric Woerth, est l'une des modalités des PACEA. Ce dispositif fonctionne bien, grâce aux missions locales qui en ont la charge, et j'estime qu'il convient d'en conserver la durée. Nous avons d'ailleurs augmenté le nombre de bénéficiaires, pour atteindre le chiffre de 150 000.
Avis défavorable.
L'amendement no 325 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Moetai Brotherson, pour soutenir l'amendement no 684 .
À défaut d'étendre le RSA aux moins de 25 ans, comme le proposait l'amendement no 683 , il convient d'augmenter le montant de l'allocation de la garantie jeunes.
Les deux dispositifs ne sont pas équivalents, ne poursuivent pas les mêmes objectifs, ne s'adressent pas aux mêmes publics et ne sont pas gérés par les mêmes organismes, étant donné que la garantie jeunes dépend des missions locales, qui n'ont pas les moyens financiers ni physiques pour faire face à l'afflux annoncé de demandeurs. Pour autant, puisque vous semblez dresser une équivalence entre les dispositifs, nous proposons de fixer le montant de l'allocation de la garantie jeunes au même niveau que le RSA.
Il est défavorable, mais, sauf erreur de ma part, monsieur Brotherson, l'amendement no 684 portait sur une revalorisation des minima sociaux et de l'allocation aux adultes handicapés. Je rappelle au passage que l'AAH a été augmentée de 90 euros depuis le début de la législature et que les foyers les plus modestes ont fait l'objet d'un accompagnement depuis le début de la crise. Lors de la deuxième loi de finances rectificative pour 2020, 880 millions d'euros ont été mis sur la table pour soutenir les familles vivant grâce au RSA, avec une aide de 150 euros, à laquelle ont pu s'ajouter 100 euros par enfant pour les familles allocataires de l'APL.
Ce que nous faisons depuis le début de notre mandat, c'est protéger les plus fragiles tout en valorisant l'emploi. Cette dualité est la marque de fabrique de notre majorité. Nous l'avons fait avant la crise du covid-19 et nous continuons à le faire pendant.
Même avis.
Les jeunes représentent un angle mort de l'État providence en France. Ce n'est pas moi qui le déclare, mais Tom Chevalier, chargé de recherches au CNRS, qui pointe que non seulement le taux de pauvreté des jeunes est quatre fois supérieur à celui des personnes âgées, mais qu'il s'agit de la catégorie dont la pauvreté a le plus augmenté – de plus de 50 % – depuis 2002.
Au fond, la crise du covid-19 apparaît comme le révélateur d'un fossé qui se creuse entre la jeunesse et la société. Il s'opère un écrasement démographique de la jeunesse, dont la part dans la population française ne cesse de décliner. Les 15-30 ans représentent actuellement 17 % de la population, contre 22 % au moment de mai 1968. Ils sont désormais moins nombreux que les plus de 65 ans. Et cet écrasement démographique s'accompagne d'un écrasement politique, car les jeunes vont beaucoup moins voter que les personnes âgées. Ce phénomène se traduit par un délaissement de la jeunesse par votre gouvernement. La crise, qui fait exploser la pauvreté de la jeunesse, en est le révélateur, mais… Monsieur le secrétaire d'État, le sujet ne vous intéresse-t-il pas ? Monsieur le secrétaire d'État, ai-je votre attention ?
Madame la présidente, nous sommes en train de dire qu'il y a 1 million de pauvres supplémentaires et parmi eux, beaucoup de jeunes. Obtenir une réponse du secrétaire d'État me paraîtrait la moindre des choses.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Je sais bien que M. O est secrétaire d'État chargé du numérique, mais le minimum serait de prêter attention à nos propos. Il s'agit d'un débat-clé. Nous parlons de la pauvreté, d'Amanda, d'Arnaud et des autres. Nous sommes en droit d'attendre un intérêt de la part du Gouvernement. Que le ministre de l'économie ne soit pas présent est une chose, que le ministre chargé de la jeunesse soit également absent en est une autre, mais ayons au moins l'attention du secrétaire d'État chargé du numérique.
Vous n'avez pas à préjuger du contraire. Votre temps de parole est désormais écoulé.
La parole est à M. Éric Woerth, rapporteur spécial.
Il ne peut y avoir uniquement le langage misérabiliste de M. Ruffin. La France n'est pas un pays misérable composé de miséreux.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Veuillez nous excuser, mais, nous aussi, nous allons sur le terrain. Je ne sais pas si vous passez beaucoup de temps chez Pôle emploi, mais, pour ma part, j'y vais régulièrement pour voir comment les choses se passent dans ma circonscription, qui n'est pas si privilégiée, contrairement ce que vous pourriez croire. Et je me suis aperçu que de nombreux emplois étaient disponibles avant que ne survienne la crise du covid-19. Les missions locales ainsi que les collaborateurs de Pôle emploi fournissaient de grands efforts pour essayer de conduire les jeunes vers l'emploi – dans le commerce, la restauration – , en leur proposant parfois une formation supplémentaire pour pouvoir prendre le poste. Ces emplois ont certes peut-être aujourd'hui disparu, mais s'ils n'étaient pas pourvus avant la crise c'est également la faute des jeunes concernés.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Ce que vous faites, monsieur Ruffin, en utilisant le Parlement pour avoir votre petite minute de gloire personnelle sur les réseaux sociaux, est proprement inacceptable !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Vous savez pertinemment que je vous ai déjà répondu sur le fond. Quand vous sortirez de cet hémicycle, vous ferez une petite vidéo de vous-même sur laquelle vous direz que le Parlement ne sert à rien et qu'on y discute pour rien. C'est absolument inacceptable. Si vous souhaitez qu'on vous respecte, monsieur Ruffin, commencez par respecter le Parlement !
Mêmes mouvements.
Je connais bien ce discours sur les jeunes qui ne prennent pas les boulots qu'on leur propose. Monsieur le secrétaire d'État, venez donc faire une semaine à la chaîne des abattoirs Gad, à côté de chez moi, et on en reparle !
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI. - M. Aurélien Taché applaudit également.
Monsieur Molac, ce que vous venez de dire est tout aussi inacceptable !
Il y a trois ans, j'ai passé un an et demi sur les chaînes d'assemblage de Safran. Vous ne me connaissez pas, ni moi ni ma famille, vous ne savez ni d'où je viens ni ce que j'ai fait, donc votre petite saillie sur les chaînes de Gad est inacceptable.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Lorsque j'étais trésorier de la campagne du candidat Emmanuel Macron, j'étais également agent de maîtrise chez Safran : tous les matins, j'embauchais à sept heures, et jusqu'à vingt heures, j'étais avec mes ouvriers. La prochaine fois, renseignez-vous avant de parler !
Mêmes mouvements.
L'amendement no 684 n'est pas adopté.
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2021 ;
Suite de l'examen des crédits de la mission « Plan de relance ».
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures trente.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra