Comme j'ai eu l'occasion de le dire cette semaine en commission des lois, la situation est peu commune : il y a un mois, je me trouvais devant vous dans le cadre de l'examen en première lecture d'un texte visant à prolonger les mesures dérogatoires accompagnant la sortie de l'état d'urgence sanitaire. Ce texte n'aura pas atteint le terme de son parcours, qui a été interrompu lors de sa première lecture au Sénat, après que le Président de la République eut pris un décret en conseil des ministres instaurant de nouveau l'état d'urgence sanitaire dans notre pays.
Pour commencer, je voudrais justifier ce rétablissement de l'état d'urgence sanitaire par des raisons sanitaires. L'urgence dans laquelle cette mesure a été prise fait que je ne me présente devant vous que près d'une semaine plus tard. Cette urgence découle de la circulation active du virus dans l'ensemble de notre pays – et quand je parle de « circulation active », je pèse mes mots. Hier, en l'espace de vingt-quatre heures, 42 000 Français ont été reconnus porteurs du coronavirus : au cours du mois d'août, il y en avait 1 000 à 1 500 par jour. Hier, en vingt-quatre heures, 2 000 personnes ont été hospitalisées en raison d'une forme grave de l'infection ; 300 patients ont été admis en réanimation, pour la plupart placés en coma artificiel, intubés et ventilés, avec un risque vital non négligeable. Hier, enfin, près de 300 décès dus au coronavirus ont été déclarés dans notre pays, à l'hôpital ou au sein des EHPAD. Encore ces quelques chiffres ne disent-ils rien de la situation humaine, des conséquences de chaque diagnostic, de chaque admission à l'hôpital ou en réanimation, de chaque décès.
Le Premier ministre et moi-même l'avons annoncé cette semaine en conférence de presse : dans les prochains jours, les prochaines semaines, la situation va empirer, quoi que nous fassions, étant donné que les formes graves apparaissent environ quinze jours après le diagnostic de la maladie. Compte tenu de l'évolution de l'incidence, les formes graves que nous constations hier ne sont que le triste, le morbide reflet de la situation sanitaire de notre pays il y a deux semaines. Une aggravation est donc à craindre pour nos hôpitaux, alors même que 45 % des lits de réanimation y sont déjà occupés par des malades atteints du coronavirus.
D'autres indicateurs témoignent également de la rapidité avec laquelle le virus circule et de la dangerosité de la deuxième vague. Nous avons augmenté le nombre de tests : désormais, il en est réalisé 1 700 000 par semaine ; or leur taux de positivité excède désormais 15 %. En d'autres termes, 15 % des personnes testées sont porteuses du coronavirus. Nous ne découvrons pas cette situation : semaine après semaine, nous en avons débattu, dans cet hémicycle comme au Sénat. Nous avons demandé la confiance du Parlement afin de prendre les mesures indispensables en vue de freiner la circulation du virus. Vous nous avez toujours accordé cette confiance : aujourd'hui, elle est plus que jamais nécessaire.
Des mesures destinées à freiner la propagation du virus ont donc été prises depuis des semaines, dès le mois d'août en ce qui concerne la métropole d'Aix-Marseille-Provence. Ces mesures ont produit des résultats importants dans certaines métropoles : je pense à Nice ou à Bordeaux. Ailleurs, le virus a continué à se répandre, nous obligeant à prendre d'autres mesures encore. Toutes étaient compatibles avec les dispositions législatives en vigueur, à savoir celles du régime dérogatoire accompagnant la sortie de l'état d'urgence sanitaire. Les mesures décidées par le Président de la République, elles, ne sont pas compatibles avec l'état actuel du droit. Ce n'est pas nous qui le disons, mais le Conseil d'État qui le stipule : la restriction de la circulation entre vingt et une heures et six heures sur le territoire national nécessite de recourir à l'état d'urgence sanitaire. Le Conseil d'État s'appuie en cela sur la décision du Conseil constitutionnel du 9 juillet 2020, qui est extrêmement claire à ce sujet.
Conformément aux engagements que nous avions pris devant vous, je viens défendre ici un texte visant à prolonger cet état d'urgence sanitaire pour une durée nécessaire, estimée aujourd'hui à trois mois. Nous souhaitons évidemment sortir de ce régime le plus tôt possible ; si nous pouvons le faire avant trois mois, nous le ferons. Dans le cadre de ce projet de loi, nous vous demandons également de nous conférer les moyens de lutter contre l'épidémie, même au cas où l'état d'urgence prendrait fin : ce sont les fameuses mesures dérogatoires de sortie de l'état d'urgence sanitaire, prévues pour durer plusieurs mois au besoin.
Le Président de la République l'a dit hier : le fait de vivre avec le virus imposera des changements à notre quotidien, pendant des mois encore. Si nous n'anticipions pas aujourd'hui notre sortie de l'état d'urgence sanitaire, nous risquerions une sortie sèche, sans moyen de lutter contre le virus en limitant les grands rassemblements, par exemple, ou en fermant des établissements recevant du public. Nous ne pouvons accepter une telle perspective. Sans l'article 2 du projet de loi, qui contient ces mesures dérogatoires, nous serions obligés, le moment venu, de reporter la sortie de l'état d'urgence, le temps de faire adopter un texte ad hoc. Par conséquent, l'adoption de cet article sera essentielle pour tous ceux qui partagent notre objectif : que cet état d'urgence dure le moins longtemps possible.
L'article 3, lui, prévoit, comme vous en avez l'habitude, le maintien des systèmes d'information indispensables à la lutte contre l'épidémie : je pense à Contact-Covid et à SI-DEP – système d'information de dépistage – , qui nous permettent d'alerter les personnes dont le test est positif, de prévenir les cas contacts qu'ils sont potentiellement malades et, surtout, pour une plus grande efficacité, d'enregistrer dans un seul système d'information tous les résultats de tests, positifs ou négatifs, afin qu'ils soient partagés par l'ensemble de la sphère sanitaire. Il n'est question ni de feu StopCovid, ni de la nouvelle application TousAntiCovid, qui ne font l'objet d'aucune disposition de ce projet de loi.
Enfin, l'article 4 prévoit les habilitations requises en vue de rétablir ou de prolonger des dispositions prises par ordonnances sur le fondement des lois du 23 mars ou du 17 juin 2020, ou des dispositions législatives récentes, précisément identifiées. C'est ce qui, au printemps, nous avait permis de proroger des droits ou d'éviter de suspendre brutalement des services. Nous avons fait bon usage de l'habilitation que vous nous aviez alors accordée : aucun abus visant à faire passer tel ou tel texte n'a été déploré. Vous pouvez donc être rassurés quant aux intentions du Gouvernement.
Ces intentions, d'ailleurs, se fondent sur les remarques et les nombreux amendements des sénateurs lors de leur première lecture du texte abandonné. Ils nous signalaient le risque de mettre fin aux dispositions exceptionnelles concernant les maisons départementales des personnes handicapées – MDPH – , ou encore l'intérêt de prolonger tel droit, tel dispositif, dont bénéficient des citoyens français.
Nous avons besoin de ce projet de loi pour être pleinement efficaces durant cette période qui, vous l'imaginez, occupe énormément tous les services et les administrations, et ne doit entraîner aucune perte de droits pour les Français. Ce texte permettra aussi d'accompagner les établissements de santé, en leur apportant les garanties de pouvoir fonctionner dans les meilleures conditions possibles. C'est pourquoi, au nom du Gouvernement, je vous demande de voter en sa faveur. Il s'agit non pas d'un texte de conviction, mais d'un texte de responsabilité, visant à nous permettre de protéger activement les Français durant une période qui a d'ores et déjà débuté, qui sera longue, qui sera difficile.
Le 29/10/2020 à 11:53, Laïc1 a dit :
Le maillon faible, ce sont les écoles, et notamment les écoles maternelles . Les enfants de moins de 5 ans sont hautement contagieux, des études le prouvent, et il faut donc ou leur faire porter un masque, ou fermer les écoles maternelles.
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