Intervention de Sébastien Chenu

Séance en hémicycle du samedi 24 octobre 2020 à 9h00
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Chenu :

Depuis sept mois, l'état d'urgence sanitaire s'est installé dans notre quotidien, régime d'exception tant attentatoire à nos libertés les plus fondamentales. Si rien ne nous permet d'affirmer qu'il s'agit là d'une épreuve illégitime infligée aux Français, nous devons admettre que nous avons perdu quelque chose dans cet état d'urgence : l'assurance de nos libertés. Contre la plus grave crise sanitaire qu'ait connue la France depuis un siècle, ont été troquées certaines libertés, y compris les plus palpables, comme la liberté de circuler. Peu à peu, nos libertés se sont réduites à des droits que l'État distribue – un État dépassé, qui restreint notre champ d'action. « La liberté, c'est de savoir danser avec ses chaînes », écrivait Nietzsche, mais même danser est aujourd'hui interdit aux Français – personne ne s'en réjouira.

Après le confinement vient le couvre-feu, sorte de confinement qui ne dit pas son nom et qui se généralise progressivement. Ce même État, dépassé depuis le début, s'octroie donc une extension tentaculaire de ses interventions et de ses prérogatives. Telle est bien la problématique qui nous occupe aujourd'hui : l'impossibilité que nous aurions de refuser, dans l'urgence, une extension des interventions de l'État, motivée par la sécurité sanitaire. Face à un principe des plus oxymoriques, l'état d'urgence de droit commun, il nous est impératif de définir le contrepoids à un régime d'exception de plus en plus mal vécu. Ce pouvoir de mise en discussion constante est bien le propre du Parlement. La très relative mansuétude que réservent les Français aux récentes dispositions ne constitue pas un consentement certain.

Si le peuple n'est pas directement consulté dans cette situation si astreignante, c'est donc bien au Parlement de parler : c'est une nécessité de premier ordre. Nous ne pouvons pas accepter de voir régresser nos libertés aussi longtemps sans une supervision du Parlement. Nous ne pouvons pas nous trouver dépossédés par des comités d'experts auxquels l'État s'en remet, sans une consultation parlementaire plus régulière et plus constante. La science ne doit pas – et ne peut pas – être une autorité plus haute que la démocratie. Je le répète, c'est au Parlement d'exercer une mission de contrôle permanent.

Le droit exceptionnel n'est pas une excuse pour faire taire la critique et se substituer à la démocratie – d'autant que l'atteinte aux libertés a un prix très lourd, que paient chaque jour les Français dans leur quotidien. Qu'a donc anticipé le Gouvernement en six mois ? La situation des professionnels de santé publics est pire qu'en mars, alors même que la crise de l'hôpital public précédait depuis longtemps la crise sanitaire. Après le manque de masques, le manque de lits et le manque de ressources humaines, vinrent le manque de tests, des dotations de nouveau amputées pour bon nombre d'infirmiers libéraux, et des embouteillages qui se profilent encore et toujours dans les services hospitaliers. Vous voulez enfermer les Français, car vous n'avez pas donné aux hôpitaux les moyens de faire leur métier.

Qu'a donc anticipé le gouvernement en six mois ? Songez au maintien des élections municipales, véritable fiasco démocratique en matière de participation !

Qu'a donc anticipé le Gouvernement en six mois pour obliger les bars et bon nombre de restaurants, mais aussi d'établissements de la vie nocturne à fermer – pour ne jamais rouvrir pour beaucoup d'entre eux ? Au moment où les premiers PGE – prêts garantis par l'État – viennent à être remboursés, nous réitérons nos propositions tant d'annulation de charges que de subventions en fonds propres au bénéfice de toutes les PME et les TPE, quel que soit le nombre de leurs salariés.

Le besoin d'efficacité sanitaire peut-il éclipser tout débat ? Ordonnances rétroactives, absence de bilan des précédentes : vous ne faites pas grand cas du Parlement.

Notre proposition est simple : si l'État s'accorde des prérogatives exceptionnelles, alors ce droit circonstanciel doit avoir pour contrepartie un contrôle parlementaire automatique, qui doit être mensuel. Ce contrôle est nécessaire au maintien de la démocratie. Parce que nous en comprenons le principe et que nous déplorons l'absence de ce contrôle mensuel, nous ne voterons pas ce texte.

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