Après tout ce temps passé à discuter et à faire des propositions pour reconstruire notre système de santé et de protection sociale, il nous faut maintenant voter sur un texte qui est, quoi qu'il en coûte, en décalage avec la préoccupation principale des Français.
Votre Gouvernement a souvent tendance à penser qu'il a raison seul et que l'opposition de son peuple n'est pas légitime. Dans la République française, où le pouvoir législatif est séparé du pouvoir exécutif et où la représentation nationale est l'expression du peuple souverain, votre attitude ne peut pas avoir cours. Les ors de la République ont-ils alourdi à ce point les horloges du temps législatif ? Ce n'est pas faute d'avoir tout tenté pour remettre à l'heure les maîtres du « en même temps » !
S'agissant de la situation sanitaire du pays, depuis la première vague de covid-19, ma collègue Caroline Fiat – qui l'a vécue de l'intérieur, pour avoir remis la blouse en service de réanimation – vous alerte, à l'instar de l'ensemble du groupe La France insoumise, sur le manque cruel de masques et de moyens pour nos soignants, sur la pénurie d'équipements de protection individuelle, sur la pénurie de médicaments, sur la détresse des EHPAD et de nos aînés qui s'éteignent dans l'indifférence et la solitude. Le cri d'alerte a été lancé les 13 et 14 juin, après combien d'autres cris : ceux de la rue, emplie de soignants pendant près de deux ans ; ceux de votre opposition, qui, année après année, laborieusement, propose des améliorations à vos projets de loi de financement de la sécurité sociale. Il n'y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre : c'est bien de cela qu'il s'agit !
Monsieur le ministre – je m'adresse à Olivier Véran, bien qu'il soit absent de ces bancs – , vous n'avez rien voulu entendre ; vous avez fait de la réalité du pays une fable qui ne tient pas dans vos tableaux comptables. Bien avant cette crise – que nous vivons tous mais qui, statistiquement, touche surtout les plus faibles – , les hôpitaux subissaient une tension extrême, par manque de moyens, de personnel et de reconnaissance, sacrifiés sur l'autel de la rigueur budgétaire que vous imposez à tous, sans la subir vous-même. Qu'avez-vous fait ? Encore des suppressions de lits, encore des regroupements de services, encore des moyens pour le privé lucratif.
Pour faire patienter l'opposition et calmer ses demandes, vous avez accepté de commander quelques rapports, mais leur lecture vous a déplu : aussi en avez-vous commandé d'autres, plus consensuels, plus lisses, moins humains, plus comptables. Voilà pour votre gestion, indissociable de celle de votre prédécesseure, Agnès Buzyn.
La différence, monsieur le ministre – Olivier Véran, absent de ces bancs, je le répète – , c'est que vous êtes au coeur de la crise du covid-19. Nous nous faisons le porte-voix de cette assemblée pour reconnaître que vous êtes au front tous les jours – personne ne peut vous le contester. Vous êtes au front, bataille après bataille, vague après vague, mais vous continuez à regarder la situation à travers vos lignes et vos colonnes, vos chiffres et vos budgets, vos courbes et vos trajectoires, sans jamais prendre en considération la souffrance de ceux qui soignent et celle de ceux qui ne peuvent pas être soignés.
Ce PLFSS aurait dû être le budget de l'honneur retrouvé, de la grande communion nationale que vous appeliez de vos voeux. Or vous ne faites rien pour nous réunir ; au contraire, vous fracturez la solidarité nationale. Pour la première fois depuis soixante-quinze ans, la sécurité sociale sera financée majoritairement par l'impôt, et non plus par les cotisations sociales. Tous les sujets ayant trait aux dysfonctionnements avérés du système de santé ont été balayés d'un revers d'article 45, prétexte facile de celui qui refuse le débat quand il n'a rien à dire ! Cette année, votre PLFSS est encore plus douloureux que ceux des années précédentes, tant il résonne d'indifférence, de mépris, de mensonges et d'aveuglement. Il s'en dégage le sentiment amer que, loin d'améliorer les choses, le pire est à venir.
La sécurité sociale, la solidarité nationale et l'hôpital public sont des biens communs qui méritent bataille. Or nous faisons le constat d'une capitulation en rase campagne. Nous combattrons de toutes nos forces et résisterons partout où nous le pourrons, dans cet hémicycle comme sur le terrain des hôpitaux sinistrés. Monsieur le ministre Olivier Véran, absent de ces bancs, parce que nous refusons l'abandon aux dogmes comptables qui vous tient lieu de feuille de route, nous voterons contre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.