La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Dix jours, monsieur le Premier ministre ; voilà dix jours qu'un nouvel acte de barbarie a frappé la France. Pendant vingt-quatre heures, nous avons pensé qu'il y aurait, enfin, une prise de conscience générale.
Osons le dire : notre pays est la cible d'un islam politique qui nous ronge de l'intérieur. Quand un sondage dévoile que 27 % des sondés veulent que la charia prévale sur les lois de la République, que doit-on en déduire ? Quand plus de la moitié des enseignants s'autocensurent pour éviter les incidents, que doit-on penser ? Quand nos prisons regorgent de prisonniers de nationalité étrangère susceptibles de se radicaliser, que doit-on faire ?
Allons-nous dire enfin, catégoriquement, que l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne doit être exclue et que la question de sa sortie de l'OTAN doit être évoquée ? Allons-nous continuer à subir des pressions extérieures et les laisser nous dicter notre conduite ? Ces forces étrangères insultent notre souveraineté, nos valeurs, nos libertés, nos institutions et même notre Président de la République. L'islam politique nous fait un chantage économique et un chantage aux migrants. Allons-nous faire preuve d'autorité ou allons-nous encore céder ?
Monsieur le Premier ministre, quand défendrez-vous enfin les valeurs françaises et notre civilisation judéo-chrétienne ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Je rappelle que le Gouvernement est libre de désigner lequel de ses membres doit répondre aux questions. Je vous prie de garder vos protestations pour vous.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Face aux déclarations de haine, face aux attaques, face au boycott de ses produits, la France est décidée à défendre ses valeurs. Jean-Yves Le Drian est actuellement à Brazzaville pour célébrer l'anniversaire du manifeste lancé il y a quatre-vingts ans par le général de Gaulle.
Dans ces heures sombres, déjà, la France n'était pas seule.
Toute l'Europe est unie pour dénoncer les propos haineux du président Erdogan qui a clairement attaqué, non seulement le Président de la République, mais la France elle-même. Ne soyons pas dupes : c'est parce que la France porte haut ses valeurs et parce qu'elle est déterminée à se défendre contre l'islam radical qui mine une partie de sa population que la France est attaquée ainsi.
Ce n'est pas une question franco-turque. C'est une question qui concerne l'Europe face à la dérive nationalo-islamiste du président Erdogan. L'Europe et la France sont unies pour défendre leurs intérêts et pour défendre leurs valeurs.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le Premier ministre, la France est insultée. Le Président de la République a été attaqué personnellement par le président Erdogan à la suite de l'ignoble crime commis contre Samuel Paty, cet attentat islamiste perpétré sur notre sol.
La France insultée, la France stigmatisée, la France provoquée ! C'est extrêmement grave. Nous ne l'accepterons jamais, au nom des valeurs héritées de la Révolution française, au nom de notre République laïque, au nom du sang versé dans notre pays pour pouvoir vivre libres et égaux en droits.
Applaudissements sur les bancs des groupes Agir ens et LT ainsi que sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. Guillaume Garot applaudit également.
Je ne doute pas un instant de l'union de toute la nation et de tous les citoyens, quelles que soient leurs opinions politiques et quelle que soit leur confession religieuse.
De nombreux pays du monde arabe et musulman ont exprimé leur solidarité avec la France. Saluons-les. Mais une telle provocation, de la part de dirigeants et de monarques qui affichent leur soutien à des organisations djihadistes et à des réseaux islamistes, est d'une extrême gravité. Ce sont eux qui théorisent, avec les conservateurs américains et avec d'autres, y compris en France, un choc des civilisations et une guerre des religions. Soyons unis pour refuser cette escalade guerrière et éviter la surenchère.
Unis, mais fermes aussi : résister à cette spirale doit nous inviter à revoir les relations nouées avec ces pays au cours des dernières années. Commerce des armes et conventions fiscales avantageuses pour le Qatar ; participation de la Turquie à l'OTAN, alors que, dans le même temps, Erdogan pourchasse les Kurdes, menace la Grèce et Chypre et livre une guerre meurtrière en Arménie…
Mêmes mouvements.
La meilleure réponse que nous puissions apporter dans ce combat commun contre l'obscurantisme et contre l'islamisme, dont les musulmans sont aussi les victimes, est de nous placer résolument dans le camp de la paix, de la justice et de la solidarité.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité.
Unis et fermes : …
… vous avez raison, c'est la ligne de la France. Unis, comme le sont les formations politiques de notre pays, à quelques choquantes exceptions près – et je tiens à saluer cette unité. Unis comme l'Europe, car la quasi-totalité des pays de l'Union européenne ont dénoncé avec force les propos de M. Erdogan ; unis comme le montre la mobilisation et le soutien de nombreux pays alliés de la France, notamment au sein du monde musulman. Oui, nous devons être unis contre ces propos haineux, contre cette dérive nationalo-islamiste.
Face à l'attitude de M. Erdogan, la France a pris la décision de rappeler son ambassadeur pour consultation. Ce rappel fait suite, d'abord, à l'absence choquante de toute condamnation de l'attentat de Conflans-Sainte-Honorine par le président Erdogan. Il fait suite, aussi, à la campagne relayée par la presse et les réseaux sociaux turcs contre la France, contre ses intérêts et contre le Président de la République. Il fait suite, enfin, au discours dans lequel le président Erdogan a attaqué directement le Président de la République et la France.
Nous avons donc rappelé notre ambassadeur et pris la décision d'être unis avec les Européens. Lors du prochain Conseil européen, les discussions avec nos partenaires porteront sur la réaction forte qu'il convient d'adopter vis-à-vis de la Turquie afin de défendre, non seulement nos intérêts, mais aussi nos valeurs. Car, en l'espèce, il s'agit aussi de la défense des valeurs françaises et européennes.
Relations avec la Turquie
Ma question s'adresse à M. Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité.
La France, fidèle à ses valeurs de partage et d'ouverture, a toujours créé des passerelles entre les mondes. Par sa diplomatie culturelle, elle construit des ponts entre les civilisations à l'instar de l'Institut du monde arabe à Paris et du musée du Louvre Abou Dhabi. Elle entretient des relations anciennes et étroites avec tout le monde musulman et, sur la scène internationale, elle prend régulièrement la défense des minorités persécutées, notamment musulmanes. Au Moyen-Orient, elle est aux côtés des peuples, comme dernièrement au Liban ou en Irak.
Ces relations fraternelles sont aujourd'hui attaquées par ceux qui propagent des messages de haine. Ceux qui insultent notre Président de la République et appellent au boycott des produits français sont porteurs d'un projet qui n'a rien à voir avec la défense du culte musulman, librement pratiqué en France.
Les Français, ceux de l'Hexagone, d'outre-mer et de l'étranger, attendent un message. Il faut dire qu'il existe sur notre sol un islam radical dont l'objectif politique est de diviser notre société et de refuser nos lois.
Lors de l'hommage national à Samuel Paty, le Président de la République a prononcé des mots clairs et acceptables par tous : « Nous ne renoncerons pas aux caricatures, aux dessins. Nous cultiverons la tolérance, nous continuerons ce combat pour la liberté. Chacun devrait le comprendre, ici comme ailleurs. »
Dans ces propos, il n'y a ni offense, ni volonté de blesser ou de stigmatiser, mais l'affirmation de ce que nous sommes collectivement en tant que nation, en tant que peuple, en tant qu'hommes et femmes libres.
Le République protège l'exercice du culte, mais jamais la foi ne doit être au-dessus de la loi. Monsieur le ministre délégué, quelles actions la diplomatie française compte-t-elle entreprendre pour continuer de porter notre message d'amitié dans le monde, tout en affirmant que jamais notre pays ne reniera son idéal de liberté, d'égalité, de fraternité et de laïcité ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité.
La France, je l'ai dit à l'instant, est déterminée à défendre ses valeurs et à lutter contre l'islam radical. Nous sommes déterminés aussi à expliquer la politique de la France à tous nos partenaires, particulièrement ceux du monde musulman.
Nos ambassadeurs ont donc pris les contacts nécessaires pour expliquer la politique de la France, et se sont rapprochés des entreprises victimes du boycott de leurs produits – boycotts qui sont, je dois le dire, très circonscrits.
Nous expliquons que la politique de la France est de défendre ses valeurs de liberté, notamment de liberté d'expression, et de lutter contre l'islam radical, mais en aucun cas d'attaquer l'islam. Bien évidemment, les musulmans sont libres de pratiquer leur culte. Bien évidemment, en France, ils sont des citoyens à part entière.
Nous le rappelons, face aux calomnies et aux manipulations de l'information, notamment celles d'origine turque, sur certains réseaux sociaux, qui conduisent des personnes à penser, en toute bonne foi, que la France attaquerait l'Islam.
Nous réaffirmons que la politique de la France est celle d'une république ouverte et libre, où tous les cultes peuvent être pratiqués librement, et où chaque entreprise a le droit de vendre ses produits à l'international en toute liberté. Telles sont les démarches menées actuellement par le réseau diplomatique de la France, pour faire cesser le boycott de ces produits.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Avant de lui donner la parole, je suis heureux de souhaiter la bienvenue à M. Julien Ravier, devenu député de la 1er circonscription des Bouches-du-Rhône le 8 octobre, en remplacement de Mme Valérie Boyer.
Applaudissements sur de nombreux bancs.
Monsieur le Premier ministre, le Président de la République a décrété de façon discrétionnaire un couvre-feu dans cinquante-quatre départements, qui a des conséquences dramatiques pour les secteurs de la restauration, de l'hôtellerie et du spectacle, notamment dans la ville de Marseille, que je représente.
La tenue prévue de deux conseils de défense, aujourd'hui et demain, laisse penser que des mesures encore plus restrictives seront adoptées. Force est de constater que c'est une énième preuve de votre échec cinglant dans la gestion de la crise sanitaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Déjà, au début de la crise, vous nous expliquiez que les masques et les tests massifs étaient inutiles, …
Mêmes mouvements.
… parce que nous n'en avions pas. Quant au Président de la République, il déclarait le 14 juillet dernier : « en cas de seconde vague, nous serons prêts. » En réalité, en six mois, vous avez été incapables de nous préparer à cette deuxième vague…
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Vives protestations sur les bancs du groupe LaREM.
… car protéger les Français, ce n'est pas seulement restreindre leur liberté de travailler ou de se divertir, c'est apporter une réponse sanitaire à la hauteur des enjeux.
Mêmes mouvements.
Même si nous ne contestons pas l'urgence d'un couvre-feu ou d'un reconfinement partiel, ces mesures symbolisent l'échec total de la stratégie « tester, tracer, isoler », l'échec de votre déconfinement, l'échec du renforcement du système hospitalier, l'échec de l'ouverture de lits de réanimation supplémentaires, l'échec du recrutement et de la formation de nouveaux personnels de santé.
Brouhaha persistant.
En définitive, c'est l'échec cuisant de la stratégie du Président de la République et du Gouvernement.
Le bruit persistant couvre la voix de l'orateur dans l'hémicycle.
Monsieur le Premier ministre, qu'avez-vous fait pour préparer notre système de santé à cette deuxième vague ? Quelle nouvelle mesure d'urgence allez-vous prendre pour rattraper enfin le temps perdu ? Allez-vous enfin inscrire le covid-19 dans la liste des maladies à déclaration obligatoire, mais aussi et surtout…
« Zéro ! » et exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Brouhaha et claquements de pupitres sur les bancs du groupe LaREM.
… en ouvrant des hôpitaux éphémères, des lits de réanimation, en formant des aides-soignantes et des infirmières à quelques tâches nouvelles…
Applaudissements sur les bancs du groupe LR ainsi que sur certains bancs du groupe FI – Brouhaha sur les bancs du groupe LaREM.
Du calme, mes chers collègues. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, à vous écouter, c'est à se demander si vous ne considérez pas que le Gouvernement est responsable de la diffusion du virus sur la planète entière, ou dans toute l'Europe.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
À vous écouter, on a l'impression que vous ne voyez pas qu'une seconde vague arrive dans le monde, qu'elle touche tous les pays européens, que le virus réapparaît non seulement en France, mais aussi en Italie, en Allemagne et chez nos autres voisins.
Vos propos, monsieur le député, sont irresponsables.
Exclamations dur les bancs du groupe LR.
Oui, il est irresponsable, dans le moment que nous vivons, d'attiser les craintes, les doutes et les inquiétudes.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Vous parlez de la situation des restaurateurs et des entreprises. Évidemment que nous avons à coeur de leur répondre ! C'est ce que nous faisons depuis le début de cette crise, avec de nombreuses mesures. Je vous invite à trouver un pays en Europe qui en a adopté d'aussi fortes que les nôtres pour les protéger.
Vous parlez de l'épidémie. Évidemment que nous avons à coeur de protéger les Français. Depuis le début de cette crise, notre seule boussole est la protection de la santé des Français et de leur sécurité. Nous continuerons ainsi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Vos propos sont irresponsables, parce que vous feignez d'ignorer la situation que connaît le monde, mais aussi parce que vous êtes dans l'incapacité la plus absolue de proposer d'autres mesures.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs du groupe LR.
Vous n'avez aucun plan, aucune idée ! Si vous étiez aux affaires, vous ne feriez rien, et vous vous contenteriez d'un rôle de spectateur.
Quant à nous, nous prenons nos responsabilités, nous continuerons à le faire, et nous l'assumons. Nous ne sommes pas prêts à recevoir des leçons comme la vôtre à l'instant.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Le Gouvernement d'Ankara semble se laisser emporter dans une course à l'outrance et à l'outrage.
L'outrance, c'est celle qui s'exprime par la voix de son président qui ne trouve plus de mots assez forts pour tenter de se racheter un crédit intérieur aux dépens de l'Europe.
Les multiples rodomontades auxquelles il se livre ne doivent pas cacher son ambition, celle d'une expansion territoriale et d'influence dont nous ne devons pas être dupes.
L'outrage, c'est celui de l'insulte à notre pays qui, lui, ne s'est jamais départi de son idéal, celui d'une nation unie autour de sa citoyenneté et qui s'exprime dans un cadre laïque.
Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, il n'est pas besoin de souligner la consternation de la représentation nationale devant un tel comportement qui trahit le message de liberté de notre république, car de nombreuses interventions la montrent. Les propos du président turc sont inacceptables et attisent les revendications de minorités activistes.
Nous saluons le soutien de nombreux États européens qui n'acceptent pas cette mise en cause et cette fuite en avant. Les conséquences de tels agissements pourraient être néfastes et nous devons désormais agir pour trouver une issue en évitant la surenchère.
La France doit oeuvrer pour une réaction européenne commune. L'Union européenne doit affirmer, sur la scène internationale, ses principes démocratiques et la liberté de conscience. Le Conseil européen avait déjà appelé la Turquie à l'apaisement, pour lancer un programme politique constructif, soulignant qu'à défaut la Turquie serait encore plus isolée sur la scène internationale.
Monsieur le ministre, quelle signification a le rappel de notre ambassadeur en Turquie ? Quelle réponse concrète la France et l'Union européenne peuvent-elles apporter à ces manoeuvres inacceptables ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité.
Cette séquence turque s'inscrit dans le prolongement de nombreux autres épisodes qui traduisent, ne nous y trompons pas, la volonté de la Turquie d'étendre son rayonnement et son emprise sur plusieurs régions voisines.
Cela fait suite au viol, qui dure depuis des mois, de l'embargo libyen ; cela fait suite à l'envoi de mercenaires dans le Haut-Karabakh en soutien à l'Azerbaïdjan ; cela fait suite aux manoeuvres encourageant les explorations gazières en Méditerranée orientale, dans les eaux territoriales ou les zones économiques exclusives chypriotes ou grecques ; cela fait suite à l'absence de condamnation par la Turquie de l'attentat de Conflans-Sainte-Honorine ; cela fait suite aux déclarations scandaleuses du président Erdogan au sujet du Président de la République française.
Ce sont autant de gestes de M. Erdogan que la France dénonce avec force et, avec elle, l'ensemble des pays européens. Le prochain Conseil européen de décembre devra être l'occasion d'organiser la réplique européenne.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, vous vous êtes permis ces derniers jours, des propos particulièrement insultants et outranciers envers des personnes et des institutions, endossant pour ce faire le costume du défenseur de l'école publique et laïque. Mais ce costume ne vous va pas, car c'est vous qui avez fait du mal à l'école publique, ces quinze dernières années.
C'est vous qui avez supprimé 80 000 postes d'enseignants entre 2007 et 2012, à l'époque où vous étiez Directeur général de l'enseignement scolaire. C'est vous qui avez encouragé les écoles privées, telles celles du réseau Espérance banlieues, écoles privées hors contrat dans le fondateur propose, selon la presse, qu'une messe soit dite au début de chaque conseil d'administration ! N'avez-vous pas dit d'ailleurs sur les réseaux sociaux qu'il fallait s'inspirer de ce que faisait Espérance banlieues ?
C'est votre loi, adoptée en 2019, qui a accordé 100 millions d'euros à l'enseignement privé, enseignement à 90 % confessionnel, qui fait concurrence à l'école publique et laïque.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
C'est vous qui, en 2007, comme directeur adjoint du cabinet du ministre avez imposé au recteur Morvan de l'académie de Lyon l'ouverture d'une école privée dont on sait aujourd'hui que sa filiale suédoise avait des liens avec Al-Qaïda !
La liste est longue de tous vos mauvais coups contre l'école laïque, et voilà que vous ciblez maintenant l'université française, qui deviendrait le lieu du développement dangereux d'un islamo-gauchisme que vous ne savez même pas définir.
La Conférence des présidents d'université vous a répondu avec clarté : « Non, les universités ne sont pas des lieux où se développe une idéologie qui mène au pire ; non, les universités ne sauraient être tenues pour complices du terrorisme. »
Mais vous avez gagné aujourd'hui une alliée de choix : Mme Marion Maréchal-Le Pen s'est réjouie de vos propos, se félicitant que le ministre de l'éducation nationale reprenne ses analyses du danger que représentent les idéologies intersectionelles.
Monsieur le ministre, il est temps d'en finir avec vos mauvais coups contre l'école laïque et publique, il est temps que vous cessiez de parler comme l'extrême droite !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Je n'ai pas entendu la question dans votre intervention, mais je vais quand même essayer d'y répondre. En premier lieu, je ne suis pas étonné que ce soit vous qui preniez la parole, car vous êtes le visage républicain de LFI : j'ai lu votre ouvrage sur les Jacobins et je ne doute pas de vos convictions républicaines.
M. Mélenchon, lui, ne m'a pas lu, sinon il ne se serait pas exprimé comme il l'a fait, hier, sur une radio, en insultant non pas le ministre mais des fonctionnaires, ce qui est scandaleux, d'un point de vue républicain !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Pour vous, être laïc et républicain, c'est être d'extrême droite ? Pour vous il faudrait laisser à cette dernière l'exclusivité de certains sujets ? Non ! In medio stat virtus : au milieu, se tient le courage, c'est-à-dire dans la mesure et non dans les positions extrémistes que vous adoptez en participant – pas vous, mais une partie de LFI – à des manifestations avec le CCIF.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Ce n'est pas non plus dans les propos de M. Mélenchon qui, quand il parle de communautarisme, ne sait parler que du CRIF ou ne dénonce comme seul séparatisme que celui des riches.
Après cet assassinat, vous n'avez plus le droit d'être aveugle sur la laïcité ou le séparatisme ! Vos complicités intellectuelles vous font tourner le dos aux idéaux de la Révolution française, qui devraient tous nous réunir. Si, pour vous, être républicain, c'est être d'extrême droite, alors vous avez un problème avec la République !
Les députés des groupes LaREM et Dem se lèvent et applaudissent longuement.
Monsieur le Premier ministre, jusqu'à quand allons-nous tolérer les provocations du président Erdogan, qui n'a pas eu un mot pour condamner l'assassinat atroce de Samuel Paty ce professeur décapité par un islamiste.
Samedi, Erdogan suggère au Président de la République de passer un examen de santé mentale – du jamais vu ; dimanche, le leader islamiste récidive. Lundi, il appelle à boycotter la France… Si ce n'est pas une déclaration de guerre, ça y ressemble fort.
Quand on attaque le chef de l'État, on attaque la nation. Député des Français de Turquie, je tiens à lui témoigner le soutien total de notre groupe : nous sommes tous unis derrière le Président de la République.
Erdogan est parrain de l'islam politique en France. Il orchestre une campagne de haine et de calomnies. Alors que l'islamisme défigure la France, il ose comparer le sort des musulmans d'Europe à celui des Juifs avant-guerre, comme ces islamo-gauchistes qui défilaient à Paris avec des enfants portant l'étoile jaune.
En France, les musulmans sont des citoyens à part entière, la majorité d'entre eux, y compris les Turcs, respectent les lois de la République.
Erdogan, c'est le courage à géométrie variable, il courbe l'échine devant Poutine et n'a pas un mot pour les Ouïgours persécutés en Chine, pourtant turcophones et musulmans.
Le sultan pyromane ne semble comprendre que les rapports de force.
Nous payons aujourd'hui la succession de nos faiblesses : chantage migratoire, islamisation de la basilique Sainte-Sophie – véritable gifle aux chrétiens d'Orient – , violation des souverainetés grecque et chypriote en Méditerranée, financement des Frères musulmans massacreurs des Kurdes, expansionnisme néo-ottoman en Syrie, en Libye, dans le Haut-Karabakh arménien, soutien actif au Hamas et aux mouvances palestiniennes… la liste est longue et ne cesse de s'allonger : stop, ça suffit !
Jean-Christophe Lagarde vous a écrit le 18 septembre pour demander un débat urgent sur cette question. Quelles mesures de rétorsion compte prendre la France face aux agressions d'Erdogan ?
Je ne suis pas certain qu'il faille répondre par l'insulte et la provocation à la médiocrité, à la vulgarité et à la provocation.
Ce qui est certain, c'est que le Président de la République, dans son discours des Mureaux, a touché juste, puisque, précisément, il a dénoncé les ingérences étrangères sur notre sol : la réaction du dirigeant de la Turquie en apporte la preuve éclatante.
Nous ne confondons pas le peuple turc, qui est un grand peuple, avec ses dirigeants, et lorsque ceux-ci se croient des droits sur des citoyens français, cela nous choque.
En France, nous ne distinguons pas les citoyens par leur couleur de peau, leur origine, leur lieu de naissance ou leur confession : ils sont tous français et choisissent ensuite, s'ils le souhaitent, de revendiquer une origine ou une religion.
Personne ne peut décider de la politique intérieure française à la place des Français : il est nécessaire de le rappeler au président Erdogan.
Nous devons briser les liens incestueux que certaines puissances étrangères ont tissés sur le sol national en utilisant une religion pour développer du soft ou du hard power. Le Président de la République a agi en ce sens sur les imams détachés et le financement des lieux de culte, et il prendra des mesures courageuses qui seront inscrites dans le projet de loi relatif au séparatisme. Nous serons très fiers, monsieur le député, que vous votiez ce texte avec nous.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.
Monsieur le Premier ministre, hier étaient convoqués en urgence un puis deux conseils de défense. Les chefs de parti et de groupe parlementaire, ainsi que les partenaires sociaux ont été, à leur tour, reçus cet après-midi ; des ministres ont quitté précipitamment le banc pour rejoindre Matignon, et le ministre des solidarités et de la santé a annulé l'audition à laquelle il devait se rendre cet après-midi devant la mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences de l'épidémie de covid-19.
Le sentiment d'un vent de panique est saisissant. Le 14 juillet dernier, le Président de la République affirmait que nous étions prêts à affronter une seconde vague. Vous-même, le 27 août, vous déclariez : « Face à la pandémie, il n'y a pas de quoi s'affoler. » Le 22 octobre, le ministre des solidarités et de la santé avançait, à l'appui du couvre-feu, que « sans mesures nouvelles là où c'est nécessaire pour freiner l'épidémie, il y aurait, dans les quinze jours, jusqu'à 50 000 malades diagnostiqués quotidiennement. » Ce seuil a été atteint quatre jours après cette déclaration.
Je crains que vous n'ayez, d'une certaine manière, participé d'un relâchement dans notre combat contre le virus.
Aujourd'hui, c'est l'alarme, le Conseil scientifique alerte depuis plusieurs semaines sur une incidence de la maladie hors de contrôle. L'hôpital se prépare au pire et des mesures difficiles doivent être prises.
Monsieur le Premier ministre, les Français sont inquiets de l'épidémie, mais ils le sont aussi des tergiversations dans la gestion de la crise.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Depuis le début de celle-ci, les députés Socialistes et apparentés ont agi avec responsabilité et ont formulé des propositions chaque fois qu'ils le pouvaient – en vain, je vous l'accorde. Nous avons toujours défendu le strict respect des dispositions sanitaires que vous aviez décidées.
Mais nous avons besoin de clarté, de transparence et de diligence. Monsieur le Premier ministre, il devient difficile de croire que vous avez tiré toutes les conséquences de la première vague, notamment dans la préparation de l'hôpital, et de ne pas considérer que vous avez manqué d'anticipation et que vous avez échoué dans le déconfinement dont vous aviez la responsabilité. Les Français ont besoin de comprendre pour avoir confiance, surtout avec les efforts qu'ils ont accomplis.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous rassurer ? Avez-vous encore le contrôle de la situation ? Quelle est la stratégie du Gouvernement ? Allons-nous vers un nouveau confinement ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.
La situation sanitaire, nous en convenons tous, n'a cessé de se dégrader en France, comme dans les autres pays. Les chiffres sont malheureusement implacables, la deuxième vague est là et elle est très forte.
Plusieurs dispositifs ont été déployés, notamment l'état d'urgence sanitaire sur l'ensemble du territoire national et le couvre-feu, décrété dans plus de cinquante-quatre départements, dont un outre-mer.
Ces mesures sont difficiles, mais absolument nécessaires pour protéger les Français face à cette vague, qui met en danger les plus vulnérables, mais également notre système de santé et son personnel. Celui-ci se bat sans relâche contre le virus depuis le mois de mars, et nous pouvons encore le saluer !
Depuis le début de la crise, le Gouvernement a engagé une démarche de transparence vis-à-vis des Français et de l'ensemble des forces politiques, ce que vous demandez. Les collectivités concernées sont conviées à des points réguliers avec les préfets et les ARS – agences régionales de santé.
Le 14 juillet, le Président de la République avait promis qu'il serait prêt !
Ces concertations se prolongent à l'échelle nationale avec les organisations politiques de notre pays.
Même transparence avant le déploiement des couvre-feux dans les métropoles, qui, vous le savez, ne sont pas décidés de gaieté de coeur, mais sont l'un des outils pour freiner la circulation du virus.
Réponse efficace, …
… locale et adaptée, depuis plusieurs mois, notre stratégie face au virus a été graduée et territorialisée. Nous avons choisi d'agir ville par ville plutôt que de favoriser des interdictions généralisées. Toutes ces mesures ont porté leurs fruits.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SOC.
La rentrée scolaire a pu avoir lieu, ce que tout le monde salue.
Malheureusement, comme partout en Europe, la circulation du virus s'accélère dans l'ensemble du territoire national. Nous en prenons acte et…
… nous continuerons d'agir pour prévenir et limiter autant que possible les différents foyers de contamination. Personne n'a la solution, mais nous agissons. Tel est le sens de notre action, qui évolue…
… en parfaite transparence et conséquence.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, en mai dernier, la Commission européenne a présenté sa stratégie farm to fork, « de la ferme à la table », afin de traduire la volonté d'une transition du modèle agricole européen vers un modèle plus durable et plus respectueux de l'environnement.
Cette trajectoire a été confortée par l'accord trouvé la semaine dernière entre les ministres de l'agriculture de l'Union européenne, dans le cadre des négociations de la prochaine politique agricole commune.
Soyons honnêtes, les discussions n'étaient pas très bien parties en 2018, mais on ne peut que se réjouir du maintien du budget de 387 milliards d'euros pour les sept prochaines années.
M. Jimmy Pahun applaudit.
Ce budget est vital à la fois pour nos agriculteurs et pour la préservation de la souveraineté agricole et alimentaire française et européenne.
L'autre attente concernait le verdissement de la PAC : je tenais à saluer votre détermination, monsieur le ministre, en faveur d'une harmonisation des normes européennes en matière environnementale : au sein d'un marché commun, il faut que nos agriculteurs obéissent aux mêmes règles.
Je tenais également à saluer les écodispositifs, qui permettront de rémunérer les agriculteurs pour les services environnementaux qu'ils rendent, tout en répondant aux attentes de nos concitoyens. Cette rémunération les encouragera à s'engager vers des pratiques agroécologiques : chaque État devra y consacrer au moins 20 % des paiements directs de l'UE. Certains pays de l'Europe de l'Est voulaient rendre optionnels ces écodispositifs ou leur consacrer une part plus faible du budget : votre volonté les a convaincus, ce dont nous devons nous réjouir et vous féliciter !
Par ailleurs, cet accord est une bonne réponse aux difficultés rencontrées par l'application de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable, dite ÉGALIM, notamment pour la structuration des filières, puisque les programmes sectoriels et opérationnels pourront aider au regroupement des organisations de producteurs.
Ma question est simple : comment cet accord se traduira-t-il concrètement dans la vie des agriculteurs ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.
Cette nouvelle politique agricole commune est effectivement un succès. Tout d'abord, elle garantit le revenu des agriculteurs. Vous l'avez dit, l'objectif du Président de la République était d'obtenir une augmentation significative du budget de la politique agricole commune européenne, ce à quoi nous sommes parvenus.
En outre, cette nouvelle politique agricole commune nous apportera davantage de souveraineté dans nos actions quotidiennes – je pense à toute l'énergie que nous déployons sur les protéines ou sur la question viticole.
Surtout, elle est un succès parce qu'elle accompagne la transition agroenvironnementale, sans jamais tomber dans la naïveté. Elle l'accompagne en conditionnant 20 % à 30 % des paiements directs à des mesures environnementales et impose en même temps cette conditionnalité à tous les États membres. Cette contrainte mettra un terme à la spirale infernale, qui aboutit à ce que, sur les étals du marché commun, cohabitent des produits faits en Europe, mais ne respectant pas les mêmes normes environnementales. Cette situation n'est plus possible. Cette politique agricole commune prend le chemin de la convergence des normes environnementales.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Comme vous, j'ai entendu certains appeler à ne pas ratifier cet accord et à rejeter cette politique agricole commune. J'ai entendu ces apôtres de l'incantation, jamais de l'action, qui, depuis leur salon, se prononçaient contre cette politique agricole commune. Je leur pose une question claire : quel secteur d'activité se transforme au point que de 20 % à 30 % des paiements dépendent de mesures environnementales ? Dans quel autre secteur retrouve-t-on cela ? L'agriculture le fait ! Nous devons le saluer, et encourager et être fiers de nos agriculteurs.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe Dem.
Madame la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, 52 000 nouvelles contaminations ont été enregistrées en une seule journée. Combien dans les entreprises, dans les transports en commun et dans les écoles ? Face à la seconde vague, certaines pistes sont évoquées : reconfinement partiel ou total, couvre-feu étendu et durci, fermeture des écoles.
Avant d'imposer des dispositions plus drastiques, il convient de prendre en urgence d'autres mesures, en particulier pour la rentrée scolaire : aération des espaces, enseignement à distance, allégement des effectifs des classes.
Il faut aussi agir sur le télétravail ; l'absence de mesures concrètes prises par le Gouvernement sur ce point est une faute. Parmi les salariés qui ont télétravaillé durant le confinement, une large majorité souhaite continuer. Mais le télétravail est en net recul : alors qu'il a concerné un travailleur sur cinq pendant cette période, il ne représente plus que 12 % des heures travaillées. Or on sait qu'à une plus grande échelle, il permettrait de limiter considérablement les contaminations. Le télétravail est également un outil d'aménagement du territoire : il a un impact positif sur l'environnement. Belgique, Italie et Pays-Bas ne s'y sont pas trompés et ont pris des mesures pour inciter au recours au télétravail et l'encadrer. En France, on se contente d'encourager les entreprises à y recourir. La situation et l'urgence réclament mieux que ces messages timorés.
Quand on sait que 86 % des agents publics veulent continuer à télétravailler, on s'étonne que le Gouvernement n'ait pas réellement favorisé le télétravail dans la fonction publique d'État. Quand on voit que la conférence sociale sur le télétravail est bloquée par l'immobilisme du Medef, on se doit de vous demander d'agir au plus vite. Madame la ministre du travail, êtes-vous prête à légiférer d'ici à la fin de l'année pour adapter notre droit, et ainsi changer d'échelle dans la mise en oeuvre massive du télétravail ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LT.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des retraites et de la santé au travail.
Ça fait longtemps qu'on ne l'a pas vu ! Il n'a pas fait grand-chose ces derniers mois…
M. François-Michel Lambert, vous avez raison de souligner que le télétravail est un outil puissant et fort utile dans la période de crise sanitaire. Il ne vous a d'ailleurs pas échappé que telle est la position du Gouvernement depuis plusieurs mois. Celui-ci travaille avec l'ensemble des branches pour que le télétravail soit une réalité pour chaque activité le permettant.
Vous avez comparé un nombre de salariés et un nombre d'heures. Si vous regardez bien l'enquête de la DARES – direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques – , vous verrez qu'un travailleur sur trois télétravaille : la réalité est plus avancée que ce que vous décrivez. Le cadre donné par le Gouvernement dans le protocole national de déconfinement est maintenant la règle pour l'ensemble des entreprises. Il consiste à identifier, dans le cadre d'un dialogue social de proximité, les activités pouvant faire l'objet de télétravail et, à chaque fois que c'est possible, à déterminer le nombre de jours de télétravail. Cela a été très bien dit par le Premier ministre, la ministre du travail et moi-même hier. Il faut maintenant pousser le curseur au maximum et proposer le télétravail chaque fois qu'il est possible.
N'oublions pas qu'il est nécessaire aussi de maintenir un lien social ; tous les représentants des employeurs et des salariés nous l'ont dit lors du déconfinement.
Ce maintien relève des responsabilités des managers, des employeurs et des salariés eux-mêmes. Il est indispensable de maintenir des échanges et de la proximité, face à la crise sanitaire qui est préoccupante pour l'ensemble des concitoyens.
M. Sylvain Maillard applaudit.
La parole est à M. Raphaël Gérard, que je salue. Nous sommes heureux de le retrouver en pleine forme.
Applaudissements sur tous les bancs.
Ma question s'adresse à Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Face à l'augmentation exponentielle du nombre de nouvelles contaminations au coronavirus, qui mettent le système hospitalier sous tension, le Gouvernement a annoncé de nouvelles restrictions, dont l'extension du couvre-feu à trente-huit nouveaux départements. Près de 46 millions de Français sont désormais concernés par cette mesure de solidarité et de responsabilité vis-à-vis des soignantes et des soignants, qui restent mobilisés en première ligne pour combattre le virus.
Ces annonces portent un nouveau coup dur au monde de la culture, déjà très largement éprouvé par la crise sanitaire. En s'attaquant aux formes les plus élémentaires de sociabilité, en nous empêchant de nous rassembler, d'aller à la rencontre des artistes, des auteurs, des oeuvres, le coronavirus s'attaque à l'âme de la France, à son exception culturelle. Élu d'une circonscription rurale où l'offre culturelle est limitée et où les horizons sociaux sont parfois en proie au rétrécissement, je sais à quel point les salles de cinéma, le spectacle vivant et les festivals sont vitaux pour les territoires. Ce sont des passerelles vers l'altérité et des clés de voûte de l'accès à la culture pour tous. Ce sont également des secteurs économiques à forte valeur ajoutée, représentant près de sept fois celle de l'industrie automobile.
Conscient de ces enjeux, le Gouvernement a annoncé des mesures exceptionnelles en soutien au monde de la culture, dès le mois de mars. Il a fait de la relance culturelle une de ses priorités, avec près de 2 milliards d'euros investis au cours des prochaines années. Il a annoncé cet été des mesures de soutien spécifique au spectacle vivant et à l'industrie audiovisuelle. Mais voilà, contraints de fermer les portes des cinémas et des salles de spectacles au mieux à vingt heures trente, alors que leur billetterie a déjà chuté de 30 à 50 % par rapport à septembre 2019, les acteurs de la vie culturelle craignent le tomber de rideau final.
Dans ce contexte, madame la ministre, pourriez-vous rappeler les mesures de soutien décidées par le Gouvernement pour préserver ces pans entiers de notre vie culturelle qui, plus que jamais face aux ténèbres du virus, dressent des clartés et plantent des flambeaux à la lisière des nuits ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs des groupes SOC et GDR.
Les applaudissements qui ont salué votre intervention vous font crédit de l'admirable parcours de militant de la culture qui a irrigué toute votre vie. Ils illustrent aussi notre joie de vous retrouver en pleine santé pour poser cette question.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, SOC et GDR.
Vous avez raison de dire que la crise sanitaire a eu un terrible impact sur le secteur culturel. Dès que la décision du couvre-feu a été prise, avec le Premier ministre Jean Castex nous avons réuni les acteurs de la culture, du spectacle vivant et du cinéma, pour calibrer au mieux la réponse qu'il convenait d'apporter et pour permettre au secteur de continuer son action au service des Français. Bien sûr, l'ensemble des mesures qui ont été prises aussi bien par Bruno Le Maire que par Élisabeth Borne s'appliquent au secteur de la culture, que ce soit le chômage partiel à taux maximum, le fonds de solidarité, l'aide aux loyers ou encore les prêts garantis par l'État.
Mais ce secteur avait aussi besoin de mesures spécifiques. Nous les avons prises pour le cinéma, puisqu'à peu près la moitié de son chiffre d'affaires est réalisée en soirée ; c'est ainsi que 30 millions ont été consacrés à l'ensemble de la filière – exploitants, distributeurs et producteurs. Par ailleurs, 85 millions ont été dédiés au spectacle vivant et 55 millions versés au fonds de solidarité de sauvegarde. Nous avons également supprimé le versement de la taxe sur les spectacles au premier semestre 2021. En outre, 20 millions iront directement au théâtre, qu'il soit privé ou public. Enfin, 5 millions viendront abonder un fonds d'urgence, qui atteindra ainsi 10 millions. Au total, ce sont 115 millions qui seront dédiés au spectacle vivant et au cinéma. Nous continuerons si nous voyons que la situation sanitaire s'aggrave ; nous adapterons à nouveau ces mesures.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Nous sommes nombreux sur ces bancs à avoir été alertés par des pharmaciens et des concitoyens très inquiets au sujet des vaccins contre la grippe.
Après la cacophonie sur les masques, voilà la cacophonie sur les vaccins. La direction générale de la santé – DGS – a déjà communiqué sur un risque de pénurie, en demandant aux pharmaciens de privilégier les patients à risque, notamment les personnes de plus de 65 ans et les personnels de santé, ce qu'ils ont fait.
L'alerte de la DGS a créé un mouvement de ruée des patients au cours des quarante-huit heures qui ont suivi le démarrage de la campagne. En deux jours, les pharmaciens ont vendu l'équivalent de tout le mois d'octobre, ce qui, compte tenu des livraisons incomplètes, a créé la pénurie et la panique. Le solde de la première commande de vaccins n'est toujours pas arrivé dans les pharmacies. La seconde partie de ces commandes, qui devait être livrée avant fin octobre, n'arrivera a priori que fin novembre.
Les pharmaciens ne peuvent donc pas délivrer les vaccins à tous les patients, même s'ils sont prioritaires. Je pense notamment aux personnels des EHPAD ou aux aidants à domicile, qui doivent impérativement pouvoir se faire vacciner, pour se protéger et protéger les aînés.
Monsieur le ministre, j'ai trois questions à vous poser : pourquoi 11 millions de doses ont-elles été commandées, alors que la sécurité sociale a délivré 16 millions de bons aux personnes vulnérables et aux professionnels de santé ? Pouvez-vous nous dire où sont allés les vaccins qui n'ont pas été livrés aux pharmacies fin septembre ?
Mme Valérie Beauvais et M. Maxime Minot applaudissent.
Avez-vous réellement commandé 2 millions de doses de vaccin cet été, ou en avez-vous prélevé sur le stock qui avait été précommandé en janvier par les pharmaciens ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Merci de votre accueil !
Votre question m'offre l'occasion de proposer un bilan, moins engagé, de la situation sanitaire relative à la grippe. La campagne de vaccination a débuté le 13 octobre.
Elle vise en priorité les populations fragiles et ceux qui les soignent. Comme chaque année, …
… la commande de doses a été assurée par les officines au mois de mars, en vue de l'épidémie de l'hiver. Les pharmaciens se fondent sur la consommation de l'hiver précédent, avec un objectif de hausse. En 2019, seuls un tiers des professionnels intervenant en EHPAD étaient vaccinés. Dans le contexte de l'épidémie de covid-19, nous devons évidemment faire mieux, pour éviter que le système de santé ne soit confronté à un afflux supplémentaire de patients. Pour la première fois, le Gouvernement a passé une commande aux laboratoires, afin d'augmenter de 30 % le nombre de doses disponibles dans le circuit habituel, soit 13 millions.
Le 24 octobre, 5,3 millions de doses avaient été vendues par les officines. Il faut écouter ! Plus de 80 % des vaccinations sont effectuées sur des personnes âgées de plus de 65 ans.
S'il vous plaît, arrêtez-vous une seconde et écoutez la réponse à la question !
Je me félicite que ces chiffres soient en nette progression.
Nous devrions nous en féliciter tous ensemble.
D'un autre côté, nous avons effectivement observé quelques difficultés dans l'approvisionnement des pharmacies ; à ce jour, 16 % des officines y sont confrontées. La demande précoce entraîne des tensions dans la livraison. Toutefois, les stocks existent et des livraisons sont en cours pour reconstituer ceux des officines.
Cette seule semaine, près de 1,3 million de doses seront livrées en pharmacie.
Avez-vous appris à faire autre chose dans la vie qu'à lire des fiches ?
Voilà ma réponse : je vous assure qu'un suivi territorial a été instauré en lien avec l'ordre national des pharmaciens, afin de trouver des solutions rapides en cas de difficulté.
Monsieur Cordier, il vous reste quelques secondes. À défaut de vous avoir laissé écouter la réponse, je suggère que vos collègues vous laissent parler.
M. Thierry Benoit applaudit.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Il faut écouter !
Les pharmaciens, les personnels des EHPAD et les citoyens en général apprécieront.
Mêmes mouvements.
Parfois, des moments de grâce adviennent dans cette assemblée : quand nous écoutons pour comprendre, et non pour répondre.
La Polynésie française, comme toute la République, affronte la crise sanitaire. Hier, le nombre absolu de décès qui y sont survenus a dépassé celui de la Nouvelle-Zélande, qui compte 5 millions d'habitants – nous sommes 272 000… Dans deux ou trois semaines, le nombre de lits de réanimation sera totalement insuffisant. Les ressources humaines constituent l'aspect le plus important du problème. J'ai bien conscience que la réserve sanitaire nationale ne pourra être mobilisée en outre-mer, parce que l'Hexagone en a besoin – les chiffres le montrent.
Ma question porte sur la coopération régionale et internationale. Il existe dans le Pacifique un accord dit FRANZ – France-Australie-Nouvelle-Zélande. Ces deux derniers pays disposent d'un personnel médical de réanimation compétent et reconnu par l'OMS – Organisation mondiale de la santé. Un contingent de médecins cubains a été envoyé en Martinique ; l'État est-il prêt à soutenir le Gouvernement polynésien pour demander à cette coopération régionale et internationale de venir en aide à la Polynésie française ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC et sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'évolution de l'épidémie est en effet très préoccupante en Polynésie française, et nous sommes collectivement mobilisés pour l'affronter, sachez-le. En une semaine, le nombre de cas actifs a plus que doublé, il y a eu dix-sept hospitalisations supplémentaires ; le nombre de personnes admises en réanimation a pratiquement doublé en sept jours plus sept, pour atteindre plus d'une vingt. Le taux d'incidence, de 500 cas pour 100 000 habitants, est exorbitant, et nous déplorons le décès de vingt personnes, dont six au cours de la dernière semaine.
Les autorités sanitaires maintiennent un lien direct et continu avec les autorités de Polynésie française, pour suivre l'évolution de l'épidémie. Plusieurs rencontres ont été organisées, avec les maires, les responsables de culte et les organisations syndicales ; l'objectif principal est de présenter les mesures applicables dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. La majorité des interlocuteurs s'accordent sur l'importance d'adopter des mesures fortes pour enrayer la progression.
De nombreux soutiens ont déjà été mobilisés depuis le début de la crise, notamment en matériel et en renfort humain. Les besoins exprimés par le haut-commissaire et le président Fritch, fin août, ont été rapidement satisfaits et font l'objet d'un suivi rigoureux et continu du centre de crise ; je pense aux réserves sanitaires que vous évoquiez, aux équipements de protection individuelle et aux commandes de réactifs et de matériels de prélèvement. Ce soutien a permis d'identifier les leviers d'optimisation dans l'organisation et dans la gestion des ressources disponibles. La question d'une aide supplémentaire est en cours de discussion et d'analyse, nous y sommes favorables. Un autre enjeu concerne la disponibilité des tests en nombre suffisant, afin de tester plus largement et plus rapidement la population et de limiter la diffusion du virus, notamment dans les archipels. Pour conclure, je vous assure que le centre de crise est pleinement mobilisé.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La crise est d'une magnitude sans précédent ; on compterait 1 million de nouveaux pauvres en raison de la crise liée à la covid-19. Les associations voient affluer dans leurs locaux non seulement des étudiants, des intérimaires et des chômeurs, mais aussi, et cela était inédit, des autoentrepreneurs et des artisans, des personnes qui étaient jusqu'alors éloignées de la pauvreté. Elles s'ajoutent aux 9,3 millions de personnes qui vivaient déjà au-dessous du seuil de pauvreté. Le nombre des bénéficiaires de l'aide alimentaire a augmenté de 30 %, celui des demandeurs du RSA de 20 %.
Dans tous les aspects de la vie quotidienne, de la subsistance à l'accès aux soins ou à l'éducation, ces concitoyens sont confrontés à des arbitrages quotidiens et parfois à des renoncements importants : manger ou se chauffer, soigner ses dents ou acheter un vêtement pour l'hiver, réparer sa voiture pour chercher du travail ou payer son loyer. En plus des privations matérielles et de droits, inacceptables dans notre pays, ils vivent en permanence dans l'insécurité, sans qu'il leur soit toujours possible de se projeter dans un avenir meilleur.
Léon Bourgeois écrivait : « Si la liberté humaine est un principe, le droit à l'existence en est un aussi, nécessairement antérieur à tout autre, et l'État doit le garantir avant tout autre. » Dans ce contexte de coronavirus, l'État est au rendez-vous, comme nul autre, comparativement à ses voisins. Ainsi, dès le confinement, l'État a soutenu le pouvoir d'achat des plus précaires. Le plan de relance a prolongé cet effort indispensable de solidarité, par une nouvelle dotation de 6 milliards d'euros.
Vous avez annoncé un acte II du plan pauvreté, qui abonderait de 1. 8 milliard supplémentaire un budget initialement doté de 8 milliards. Pouvez-vous nous détailler le contenu de ces mesures de prévention et de lutte contre la bascule dans la pauvreté ? Au nom du « droit à l'existence » en ces temps difficiles, et sous les auspices de notre République sociale, je vous remercie.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Votre question m'offre l'occasion de revenir sur le plan du Gouvernement pour prévenir la bascule dans la pauvreté.
Rires sur les bancs du groupe LR.
Ce genre de commentaire est vraiment très agréable !
Monsieur Le Fur, vous êtes souvent réserviste, et nous ne nous en portons pas plus mal…
Il s'agit d'un thème qui m'est cher ; son caractère transversal mobilise l'ensemble du Gouvernement. Le Président de la République a fixé un cap clair en 2018 : mettre un terme à ces trop nombreuses situations de pauvreté qui se transmettent en héritage. Dans le contexte de crise que nous connaissons, notre action a été immédiate pour maintenir l'activité économique et les emplois qui lui sont liés. En effet, l'activité partielle protège les emplois, donc préserve le pouvoir d'achat de nombreux ménages, tout en offrant une adaptabilité salvatrice aux entreprises.
Au-delà de ces mesures, que vous connaissez déjà, le Premier ministre a présenté ce week-end un nouveau plan d'action organisé autour de trois priorités : soutenir le pouvoir d'achat des personnes précaires, avec une aide exceptionnelle de 150 euros pour les jeunes non étudiants et les étudiants boursiers ; favoriser la sortie de la pauvreté en développant des solutions d'insertion sociale et professionnelle et d'activité pour les personnes éloignées de l'emploi, notamment grâce au doublement des parcours emploi compétences dans les QPV et les ZRR – les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les zones de revitalisation rurale – , le financement de l'État passant de 40 à 80 % ; assurer des conditions de logement et d'hébergement adaptées et prévenir les impayés de loyer, notamment par la prolongation de l'aide de 150 euros versée par Action logement. Au total, près de 2 milliards d'euros sont donc mobilisés pour financer de nouvelles mesures de lutte contre la pauvreté ; ils s'ajoutent aux 8 milliards de la stratégie antérieure.
Ainsi, le Gouvernement prend la pleine mesure de la crise économique qui découle de la crise sanitaire. Il ne laissera aucun Français sur le bord du chemin.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le Premier ministre, la France s'enfonce un peu plus dans la crise économique et sociale, et votre gouvernement reste timoré, lent et sourd pour venir en aide aux plus précaires, les premiers touchés par la récession.
Le plan de relance, débattu hier en séance publique, dégage 22 milliards de crédits pour 2021. Mais tout est concentré sur la politique de l'offre : 0,8 % des crédits seulement serviront à soutenir les plus précaires. Votre plan de relance ne parle pas d'urgence. Les débats d'hier soir et les annonces de samedi dernier ne répondent pas aux situations dramatiques que vivent un nombre trop élevé de nos concitoyens. Temporaires et limitées, vos mesures s'inscrivent dans la droite ligne de la politique que vous menez depuis 2017 : vous considérez que la revalorisation les minima sociaux freinerait le retour à l'emploi. Vos choix relèvent d'une logique dépassée, opposant les bons pauvres, à qui l'on peut donner un coup de pouce pour les aider à retrouver un emploi, aux mauvais pauvres, auxquels on distribue quelques euros.
Les bénéficiaires du RSA, dont le nombre va croître de près de 9 %, et ceux de l'allocation spécifique de solidarité, les jeunes de moins de 25 ans et les étudiants boursiers ne percevront, fin novembre ou début décembre, qu'une aide exceptionnelle de 150 euros ; ce n'est pas suffisant et cela ne répond pas à l'urgence de la situation. Vous vous en tenez à une position idéologique en refusant d'augmenter les minima sociaux. Pourtant, une revalorisation est d'autant plus nécessaire que le RSA n'atteint plus que 39 % du SMIC, contre 50 % en 1988, au moment de sa création. Il faut donner un coup de pouce significatif aux minima sociaux, d'au moins 100 euros par mois.
Il faut aider aussi tous ceux qui n'ont pas droit au RSA, notamment les moins de 25 ans, pour qui nous avions proposé un minimum jeunesse.
J'ai bien entendu la réponse faite tout à l'heure. Mais comment pensez-vous lutter efficacement contre la pauvreté si vous refusez ces mesures de bon sens, alors que vous allez annoncer demain un durcissement des mesures sanitaires ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et GDR.
À la suite de la réponse que j'ai donnée à M. Hammouche, je vous dirai, monsieur Leseul, qu'agir contre la pauvreté, c'est d'abord agir pour l'insertion par l'activité auprès des personnes les plus éloignées de l'emploi, c'est les accompagner socialement. Or, pour bien connaître ce sujet, je peux vous assurer que tenir la main de ces personnes n'est pas toujours simple. Agir contre la pauvreté, c'est aussi améliorer autant que possible l'accès aux droits, et c'est ce que nous allons faire. Agir contre la pauvreté, c'est encore trouver des solutions d'hébergement pour lutter contre la précarité, ce qui, dans le contexte de la crise sanitaire, s'avère d'autant plus important, vous l'imaginez bien. Agir contre la pauvreté, c'est enfin s'occuper des jeunes, en priorité.
Ces jeunes, il ne faut pas les plonger tout de suite dans les minima sociaux ; vous faites partie d'une formation politique, je vous le rappelle, qui a toujours prôné l'activité d'abord, l'insertion, l'apprentissage, avant l'entrée dans les minima sociaux.
Il est vrai que vous avez été secrétaire nationale du Parti socialiste !
J'en veux pour preuve que, dès sa création, le RMI – le revenu minimum d'insertion – n'a jamais concerné les moins de 25 ans ; cela a même toujours été, je le répète, un credo de votre formation politique.
M. Jimmy Pahun applaudit.
En effet, on s'émancipe socialement par le travail, par les études, par la formation, par l'activité. Tels sont les vecteurs qui permettent de sortir de la pauvreté.
Il faut ajouter, parmi les mesures prises contre la pauvreté, l'envoi aux familles les plus défavorisées de 9 millions de masques.
Exclamations parmi les députés non inscrits.
De plus, des équipes mobiles de visite à domicile ont été constituées pour aider les familles menacées d'expulsion.
Ainsi, nous avons mis en oeuvre tout un panel de mesures qui visent à accompagner, à insérer, et surtout à éviter les récidives.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le Premier ministre, vous connaissez le slogan « La France est dans l'air ». Malheureusement, en ce moment, le pavillon aérien français est cloué au sol de nos aéroports. Depuis huit mois, la crise sanitaire est dévastatrice pour le secteur aérien.
Le trafic est en chute libre : pour les seuls aéroports de Paris, 75 % de passagers en moins et 13 milliards de pertes chaque mois. À ce rythme, que va devenir le transport aérien ? Que vont devenir nos aéroports, nos compagnies aériennes, nos infrastructures, notre industrie aéronautique, nos sous-traitants, nos assistants en escale, nos commerçants, nos entreprises de sûreté et de sécurité, nos services de contrôle public ? Que vont devenir les quelque 100 000 personnes qui, chaque jour, connectent les âmes et les territoires ?
Notre secteur aérien nous a prêté main-forte lorsque nous avions besoin de lui ; il a mis à notre disposition sa force logistique au plus fort de la crise sanitaire. Il est urgent de lui rendre la pareille.
Sur le plan sanitaire, le Gouvernement a réagi à retardement, mais il a enfin autorisé nos aéroports à proposer des tests antigéniques aux passagers au départ. Malgré l'appel des professionnels du secteur, le dispositif reste toutefois embryonnaire ; à Marseille, à Nice ou à Orly, il commence tout juste à être expérimenté. De plus, ces tests antigéniques ne sont pas reconnus par la plupart des autres pays.
Voilà…
Alors que plane le risque d'un reconfinement, l'aérien ne survivra pas économiquement à une deuxième vague. Les conséquences de la crise seront déjà durables et historiques : le risque est grand que les Françaises et les Français soient confinés au sol pendant des années, faute du maintien des connexions aériennes.
Monsieur le Premier ministre, à l'heure où votre gouvernement lance son plan de relance, pour nos emplois et pour nos territoires, comment entendez-vous intervenir pour sauver nos aéroports, nos compagnies aériennes et tout le secteur aérien ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Comme vous, monsieur Reda, nous sommes préoccupés par la situation du monde aérien français, que nous suivons de près, qu'il s'agisse des aéroports ou des entreprises.
Dans les aéroports, nous prenons d'abord toutes les mesures sanitaires qui s'imposent, vous l'avez évoqué, car c'est l'essentiel. Il faut limiter au maximum les risques dans les aérogares et les aéronefs, pour les personnels comme pour les voyageurs. Les zones de grand passage sont désinfectées plusieurs fois par jour et le port du masque a été rendu obligatoire. Nous utilisons des systèmes de répartition des passagers pour qu'ils soient aussi espacés que possible. Les compagnies ont la possibilité de prendre la température des passagers avant l'embarquement. Des centres de test ont été mis en place.
Sur ce dernier point, nous progressons, vous l'avez dit : l'aéroport Marseille Provence propose depuis lundi des tests antigéniques gratuits pour les passagers volontaires, en partenariat avec l'ARS de Provence-Alpes-Côte d'Azur et la préfecture des Bouches-du-Rhône. Les résultats sont transmis aux voyageurs en moins de vingt minutes. Nous nous efforçons de généraliser ces tests rapides aussi vite que possible.
Nous sommes également très attentifs à l'aspect économique de la crise. Le trafic aérien est très perturbé…
… puisqu'il se situe à environ 40 % de son niveau de 2019 ; il devrait retrouver son niveau antérieur d'ici à 2023 ou 2024. Je souligne par ailleurs que 89 % des vols vers les outre-mer sont assurés, afin de maintenir ce lien très fort que nous entretenons avec eux.
Le secteur aérien traverse une crise grave. Vous connaissez les mesures que nous prenons pour l'aider : le chômage partiel, les prêts garantis par l'État, les reports de charges. Sur le plan social, nous veillons à la préservation de l'emploi et des salariés. Nous accompagnons le dialogue social partout. Je pense en particulier au groupe ADP, où il avance bien et où un accord de méthode prévoit une négociation jusqu'à la fin du mois d'octobre. Avec le plan de soutien à l'aéronautique, nous aidons le secteur à évoluer pour qu'il devienne demain plus fort, plus compétitif, plus écologique : ce sont là 15 milliards d'euros d'aides, d'investissements, de prêts et de garanties.
Nous sommes donc aux côtés du secteur aérien pour qu'il devienne le fleuron de l'aéronautique écologiquement durable.
Puisque c'est vous qui m'avez répondu, madame la ministre, j'en profite pour souligner que, s'il y a bien un secteur économique qui est capable de réaliser une transition énergétique et d'innover, c'est celui du transport aérien.
Il faut lui faire toute confiance et s'opposer à tous les anathèmes proférés par ceux qui le combattent. Le transport aérien est nécessaire pour connecter nos vies, notre monde, nos territoires.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité, « We are one, nous sommes unis » : c'est par ces mots que le Président de la République a prolongé l'hommage national rendu à la Sorbonne en l'honneur du professeur Samuel Paty, lâchement assassiné par un terroriste islamiste.
Le terrorisme tue non seulement en France, mais aussi dans les pays musulmans.
Cet été, dans ma circonscription, il a ôté la vie de huit humanitaires qui oeuvraient pour un idéal de paix et de coopération au Niger.
Mme Michèle Peyron applaudit.
Avant-hier, il a encore durement frappé l'Afghanistan, faisant plus de vingt-quatre morts.
Cela m'amène à vous livrer deux réflexions. Premièrement, la communauté internationale doit plus que jamais s'unir pour lutter contre le terrorisme, notamment en renforçant ses efforts pour l'accès à l'éducation. Deuxièmement, la laïcité française est encore trop souvent mal comprise à l'extérieur de nos frontières. Le mouvement de boycott des produits français qui sévit actuellement dans bon nombre de pays musulmans et les paroles outrancières du président turc en sont les malheureuses expressions.
Chaque fois que c'est nécessaire, nous devons rappeler, de manière apaisée, que la laïcité est avant tout une liberté, comme l'avait souhaité Aristide Briand ici même, dans cet hémicycle. Je reprendrai les mots par lesquels celui-ci définissait la laïcité : « la liberté de croire ou de ne pas croire » ; « la liberté pour celles et ceux qui croient de pratiquer librement leur religion tant qu'elle ne fait pas obstacle à la loi de la République ».
Le groupe Agir ensemble et, à travers lui, la représentation nationale apportent donc un soutien ferme et entier au Président de la République, …
… qui n'a fait que redire une évidence : « La liberté, nous la chérissons ; l'égalité, nous la garantissons ; la fraternité, nous la vivons avec intensité. »
Quelle sera l'action du Gouvernement pour garantir la laïcité à l'intérieur de nos frontières et pour mieux l'expliquer à nos partenaires internationaux ?
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Agir ens, LaREM, Dem et LT.
Monsieur El Guerrab, votre question renvoie à un premier sujet : la protection de nos concitoyens à l'extérieur de nos frontières, celle des lycées français, des ambassades, des consulats et de nos intérêts économiques. À nos concitoyens qui sont allés vivre en dehors des territoires de la République, ce qui est leur droit le plus strict, nous devons protection, en liaison, bien sûr, avec les autorités des pays qui les accueillent. Jean-Yves Le Drian et Franck Riester y travaillent et ont mis en alerte un certain nombre de dispositifs consulaires. Je remercie d'ailleurs les forces armées, les policiers et les gendarmes qui sont à la disposition de nos concitoyens à l'étranger.
Votre question a trait aussi à un second sujet : la force des valeurs françaises, qui incluent évidemment la liberté de culte, la liberté de croire ou de ne pas croire, la liberté de caricaturer et de se moquer. La laïcité, valeur la plus française qui soit, est d'autant plus difficile à comprendre, vous l'avez dit, qu'elle est unique.
Mais c'est la vocation de la France de délivrer un message universel, de porter haut des valeurs qui ont atteint leur maturité après des dizaines d'années de combat politique. Nous ne devons pas abdiquer notre originalité. C'est en France, vous le savez bien, que trouvent refuge des dizaines de milliers de personnes persécutées par des dictatures islamistes. C'est dans la France d'aujourd'hui que des milliers de femmes sont accueillies ; je pense aux femmes yézidies, auxquelles Marlène Schiappa a rendu visite tout à l'heure, ainsi qu'à toutes celles qui fuient les dictatures islamistes et la pression communautariste, notamment pour pouvoir marcher les cheveux au vent si elles le souhaitent.
C'est pour ces valeurs-là que beaucoup de gens se battent dans le monde ; nous devons absolument continuer à les affirmer.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, le week-end dernier a été marqué par une passe d'armes peu diplomatique entre le Président de la République française et le président turc Erdogan. Ce dernier, après avoir diffamé Emmanuel Macron, a appelé au boycott des produits et des entreprises françaises, prenant pour motif la déclaration dans laquelle il avait défendu la République, la liberté d'expression et la laïcité.
Le président turc cherche ainsi à toucher l'opinion publique de son pays et plus généralement le monde musulman, dont il tente de s'imposer comme le leader. Il entend aussi tourner la page de l'orientation pro-occidentale héritée du fondateur de la Turquie moderne, Mustafa Kemal. De là procède également sa volonté, ces dernières années, d'imposer son ordre en Syrie, en Libye et dans le nord de l'Irak. En Méditerranée orientale, son armée ne cesse d'attiser les tensions avec le Grèce et Chypre. Plus récemment, il a soutenu l'Azerbaïdjan, pays turcophone frère, en guerre contre l'enclave arménienne du Haut-Karabakh. Ces manoeuvres sont liées la volonté de M. Erdogan de relever sa popularité. On peut dès lors craindre qu'il ne se lance dans une surenchère religieuse et militaire, afin de jouer sur le sentiment patriotique de ses concitoyens.
Nous soutenons évidemment les engagements du président Macron en faveur de la laïcité et de la liberté d'expression. Nous condamnons les propos du président Erdogan, sans faire l'amalgame entre le dirigeant de la Turquie et le peuple turc, qui mérite toute notre sympathie.
Au-delà du rappel de notre ambassadeur, quelles initiatives diplomatiques entendez-vous prendre afin de faire baisser la tension avec ce pays voisin de l'Europe et qui a des liens forts avec la France, tant sur le plan historique que sur le plan économique ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe GDR.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité.
Que faire face au comportement du président Erdogan, à ses manoeuvres pour étendre son influence au-delà des frontières de la Turquie, à sa détermination à développer cette influence partout dans le monde, en s'appuyant sur une prétendue confrontation – nous en sommes pourtant bien loin – avec le président Macron ? Il s'agit d'un problème de fond, majeur.
La France est totalement déterminée à défendre ses valeurs et ses intérêts en Europe. Nous pensons qu'il faut amplifier le rapport de forces avec le président Erdogan. Pour cela, l'Europe doit être unie, et elle l'est : tous les pays européens nous ont manifesté leur soutien. La France est unie, l'Europe est unie.
Lors de la prochaine réunion du Conseil de l'Union européenne, l'Europe devra prendre les décisions qui lui permettront d'amplifier son rapport de forces avec la Turquie, pour mieux défendre ses intérêts et les valeurs européennes. En effet, au-delà de l'influence potentiellement grandissante de la Turquie, il y va de l'avenir des valeurs de l'Europe, celles que la France partage avec tous les pays européens.
Nous devons être fermes et unis, comme je l'ai rappelé précédemment.
La France sera évidemment à l'initiative, tout en étant déterminée à apaiser les relations avec la Turquie. Il nous faut être fermes et déterminés, agir avec tous les moyens, au niveau européen, pour amplifier le rapport de forces, et, en même temps, chercher les voies et moyens pour aller vers davantage de dialogue et d'apaisement avec la Turquie, grand partenaire qui doit le rester.
Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, je veux vous parler d'un immense drame qui se joue en ce moment sur une grande île, Madagascar. La sécheresse, chronique dans le Sud du pays, a été particulièrement sévère cette année – elle l'a d'ailleurs aussi été sur l'île de La Réunion. Depuis neuf mois, pas une seule goutte d'eau n'est tombée dans le Sud de Madagascar.
L'absence de récoltes a entraîné une famine qui touche plus d'1 million de personnes, et 120 000 enfants de moins de cinq ans sont désormais en situation de malnutrition aiguë. Cette famine devrait bientôt atteindre le stade 4 de la classification de l'ONU – l'Organisation des Nations unies – , qui correspond à une forte insécurité alimentaire rendant nécessaire une assistance d'urgence.
Cette population meurt de faim. Face à cette situation, un élan remarquable de solidarité et d'humanité s'est manifesté à La Réunion et à Mayotte. L'association Kéré a fédéré le mouvement de soutien et de générosité des médias, des collectivités locales, des citoyens et des religieux.
La France est présente dans l'océan Indien : plus d'1 million de Français vivent sur ses rives. Elle a des intérêts, bien connus, au nord du canal du Mozambique. Mais elle a aussi un devoir de solidarité avec les populations du Sud malgache, qui sont encore en partie francophones.
La France pourrait prendre deux types d'initiatives de solidarité à l'égard de la Grande Île.
La réforme des deux heures de questions au Gouvernement est nulle. Tout le monde s'en va, et ça les arrange…
Pour répondre à l'urgence, d'abord, des aides alimentaires pourraient être acheminées grâce à l'intervention de la plateforme d'intervention régionale de l'océan Indien – PIROI – , prête à agir. Et la France devrait également fournir une aide technique pour l'élaboration d'un plan de développement de l'adduction d'eau dans le Sud de Madagascar, pour lequel l'île de La Réunion dispose du savoir-faire, de l'ingénierie et de la proximité nécessaires.
De par son histoire et sa géographie, Madagascar a plus de liens avec la France qu'avec aucun autre pays du monde. Souhaitez-vous prendre des initiatives diplomatiques pour sauver les populations du Sud malgache de la famine et de la mort.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs des groupes LaREM, Dem et LT.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité.
Vous avez raison, monsieur Lorion, la sécheresse dans le Sud de Madagascar est très préoccupante.
La France est mobilisée, très mobilisée même, auprès des autorités et du peuple malgaches pour faire face à ce défi considérable. Nous avons participé à hauteur de 1 million d'euros en 2020 à la fourniture d'aides humanitaires, notamment dans le cadre du Programme alimentaire mondial et par l'intermédiaire d'autres organisations, d'associations ou d'ONG qui travaillent à Madagascar, comme Action contre la faim.
Nous travaillons aussi au travers de la coopération décentralisée : comme vous le savez, nos collectivités de l'océan Indien sont particulièrement engagées : 530 000 euros ont été mobilisés au mois d'octobre, dont 200 000 euros versés par le département de La Réunion, 130 000 euros de la région Réunion et 200 000 euros du département de Mayotte.
D'autre part, le Gouvernement malgache pourrait solliciter, vous le savez, des prêts de contingence pour la gestion des risques et des catastrophes. Octroyé par l'Agence française de développement, ce soutien pourrait se concrétiser par 10 millions d'euros de prêts et 1,5 million d'euros de subventions, afin de faire face à cette crise terrible qui frappe le Sud de Madagascar.
Enfin, nous sommes engagés dans la durée au travers du grand plan de développement conduit par l'Agence française de développement, qui se décompose en plusieurs projets, notamment dans les domaines des réseaux d'eau, du développement agricole et du renforcement de la sécurité alimentaire, pour un total de 7 millions d'euros.
Vous le voyez donc, la France est pleinement engagée aux côtés des autorités malgaches pour faire face à cette crise sans précédent.
Madame la ministre déléguée chargée de l'autonomie, depuis des mois, les députés de la majorité, mais aussi de l'opposition, relaient auprès des pouvoirs publics les inquiétudes, les attentes et l'urgence exprimées par les professionnels du secteur de l'aide à domicile, …
… qui interviennent auprès des personnes âgées et des personnes handicapées.
Le principal problème que rencontrent les services d'aide et d'accompagnement à domicile a trait au recrutement et au maintien dans l'emploi des salariés d'intervention et, plus largement, au manque d'attractivité des métiers de l'aide à domicile. Cette situation, constatée depuis années et qui a été mise en exergue par l'épidémie de covid-19, obère de plus en plus significativement la capacité de ces services à accompagner les personnes en perte d'autonomie.
Par ailleurs, les travaux menés depuis plusieurs années dans le cadre de la préparation de la tant attendue loi relative au grand âge et à l'autonomie ont démontré, si besoin en était, le souhait d'une majorité de Français de rester à leur domicile, quelle que soit l'avancée de leur âge.
La semaine dernière, lors de l'examen en première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 – exceptionnel à bien des égards – , nous avons voté à l'unanimité en faveur d'un financement de 200 millions d'euros par an pour le secteur, en insistant sur la nécessité de flécher ces moyens en priorité sur des hausses de salaires indispensables.
En effet, rappelons que les salaires de base des premiers niveaux d'emploi sont, aux termes de plusieurs conventions collectives de la profession, inférieurs au SMIC.
Dans ce contexte, en concertation avec les conseils départementaux, compétents en la matière, pensez-vous pouvoir donner la priorité à la revalorisation salariale de ces personnels et faire en sorte qu'ils bénéficient enfin de la reconnaissance qu'ils sont en droit d'attendre ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Madame Iborra, je vous remercie de cette question, qui me permet de mettre une nouvelle fois en lumière les aides à domicile et le travail qu'elles réalisent. La représentation nationale a tout à gagner à les honorer et à saluer l'action qu'elles accomplissent au quotidien, à plus forte raison lors des crises sanitaires comme celle que nous traversons.
Il est vrai que nous ne pouvions rester sans rien faire pour ces personnes qui, depuis des années, pouvaient, conformément à leurs conventions collectives, être payées en deçà du SMIC. C'était inimaginable ! C'est pourquoi, en lien avec la majorité parlementaire, le Gouvernement a intégré par voie d'amendement au PLFSS pour 2021 la création d'une dotation de 200 millions d'euros. Cette mesure a été votée sur tous les bancs de l'hémicycle – c'est un fait assez rare pour être salué – ,…
… sans polémique inutile.
Mme Danielle Brulebois applaudit.
Comme je l'ai rappelé lors de l'examen du PLFSS en séance publique, cet amendement adopté à l'unanimité a également permis d'agréer l'avenant 44 à la convention collective de la branche des aides à domicile : concrètement, une augmentation opposable de 2,5 % de la valeur du point de rémunération des salaires de référence a été décidée.
En suivant la même méthode de concertation avec les départements que lors de l'octroi de la prime covid aux aides à domicile, j'ai également appelé les départements et les fédérations à travailler sur l'avenant 43 et à poursuivre la revalorisation de ce métier et l'amélioration de son attractivité.
Nous prolongerons aussi notre action avec la loi relative au grand âge et à l'autonomie. Et le plan métiers, sur lequel nous sommes en train de travailler, contribuera à l'amélioration de l'attractivité de ces emplois.
Revalorisation salariale, prime covid : j'estime que l'État a démontré aux départements son entière disponibilité et…
… sa volonté de travailler en concertation plutôt qu'en opposition les uns par rapport aux autres. Ces métiers le méritent bien. Du reste, cette méthode de travail nous offre un meilleur éclairage afin de développer l'approche domiciliaire que nous souhaitons intégrer au projet de loi. Les Français souhaitent vivre et être soignés à domicile.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Ils sont 10 millions : la France compte 10 millions de pauvres, dont 1 million de plus depuis le début de la pandémie. Plus d'1 million de personnes ont été privées d'emploi ; plus d'1 million de personnes ont sollicité l'aide alimentaire. La faim s'est non seulement installée dans ma circonscription, en Seine-Saint-Denis et plus largement dans tout le pays.
Nous avons proposé la gratuité des masques, la suspension des loyers, l'encadrement des prix alimentaires, la hausse des minima sociaux – à commencer par le RSA et sa nécessaire extension aux jeunes de 18 à 25 ans – , la suppression du jour de carence, l'augmentation du montant des bons alimentaires et des chèques énergie. Mais tout cela, vous l'avez refusé. Et qu'avez-vous fait ? Un prétendu plan pauvreté que toutes les associations jugent indigent. Vous vous moquez du monde, par pure idéologie.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe FI.
Les conséquences sont dramatiques, non seulement sur le plan social, mais aussi sur le plan sanitaire, car la pauvreté est un facteur aggravant de l'épidémie : elle favorise les contaminations et amplifie la gravité de la maladie. Les gens se contaminent parce qu'ils ne peuvent matériellement pas respecter les consignes sanitaires. Ils ne peuvent pas changer leur masque. Ils s'entassent dans des logements insalubres ou surpeuplés. Ils ne se déclarent pas malades, de peur de perdre leur salaire. Or il ne peut y avoir aucune politique sanitaire efficace sans solidarité sociale.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur quelques bancs du groupe GDR.
C'est à l'État, à la solidarité nationale, de prendre en charge le soutien des personnes les plus précaires et de celles qui sont tombées dans la pauvreté en raison du confinement. Mais il ne le fait pas. Les associations, tout comme les militants insoumis, organisent des collectes de produits de première nécessité. Mais, monsieur le ministre des solidarités et de la santé, ce n'est pas à eux seuls d'assurer la solidarité ; c'est à vous. Quand allez-vous appliquer les mesures d'urgence nécessaires à la survie immédiate de millions de personnes ?
Mêmes mouvements.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur Lachaud, ce virus est cruel : il touche et tue les plus fragiles.
Vous l'avez dit et vous avez raison, il frappe les plus défavorisés.
C'est un fait, et dans le monde entier, où se pose cette même question des conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire.
Mais il existe peu de pays où un parlement ou un gouvernement est capable de dire qu'il a consacré autant de moyens pour répondre à cette crise sociale.
Vous pouvez répondre que vous n'êtes pas d'accord et que vous préféreriez d'autres chemins, mais dire que, sur ce sujet, le Gouvernement n'a pas pris ses responsabilités, c'est malhonnête.
Une prime de 150 euros pour plus de 4 millions de foyers pendant le confinement, pour un total de 1 milliard d'euros, une augmentation de 100 euros de l'allocation de rentrée scolaire, …
… une prime pour les jeunes, le repas à 1 euro pour tous les étudiants boursiers à l'université, …
… une nouvelle prime en faveur de l'hébergement social, pour 300 millions d'euros supplémentaires, prévue dans le prochain budget : autant de faits, autant d'actes !
Vous avez cité certaines de vos propositions passées. Mais vous aviez aussi demandé que les écoles ne soient pas rouvertes, ce qui aurait aggravé les inégalités et le décrochage scolaires, qui touchent prioritairement les plus fragiles. Vous aviez demandé que le retour au travail ne soit pas autorisé, …
… ce qui aurait aggravé les destructions d'emplois et le chômage, première source de précarité dans notre pays. Vous ne vouliez pas qu'on rouvre les écoles : quelle serait la situation scolaire des enfants des familles des quartiers et des banlieues ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
S'agissant de l'école, nous avons pris nos responsabilités : reconnaissez-le !
Oui, il existe des drames sociaux ; nous y répondons en apportant des moyens colossaux, et nous continuerons à le faire.
Nous continuerons à fournir des masques gratuits pour ceux qui en ont besoin, à revaloriser des primes, à apporter des réponses sociales à ceux qui en ont besoin, car il y va de notre responsabilité et des valeurs de la France d'être au rendez-vous de la situation.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Madame la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, depuis quelques années, nos mois et nos semaines prennent de la couleur, et les revers de nos vestes s'enluminent de rubans. Octobre rose est le mois de sensibilisation au dépistage du cancer du sein et à la collecte des fonds pour soutenir la recherche. Malheureusement, je crains que la covid-19 n'en soit le fossoyeur, notamment pour celles et ceux encore éloignés des soins, comme les personnes en situation de handicap.
Porteuses d'un handicap moteur, mental ou psychique, ces personnes sont, elles aussi, confrontées au cancer. Il nous faut rendre le dépistage plus inclusif, en sensibilisant les professionnels de soins aux spécificités des personnes mais aussi en coordonnant les différents intervenants des secteurs sanitaire et médico-social.
Dans l'Aude, une convention de partenariat a été signée vendredi entre le centre régional de coordination des dépistages des cancers d'Occitanie et l'AFDAIM-ADAPEI 11, afin que toutes les personnes handicapées dépendant de cette association voient leur accès au dépistage des cancers colorectaux, du sein et gynécologiques garanti. Grâce à cette collaboration, le personnel de l'association sera formé, les médecins sensibilisés et des outils de communication adaptés mis à disposition.
Madame la secrétaire d'État, je connais votre engagement, vous qui avez d'ailleurs confié à Philippe Denormandie, en 2019, une mission sur les personnes en situation de handicap, intitulée « Ne pas avoir à choisir entre être accompagné et être soigné ».
La prévention passe par l'accès aux dispositifs de dépistage organisé. Que comptez-vous faire pour qu'il soit adapté et élargi aux personnes en situation de handicap, et qu'ainsi nous puissions tous regarder l'avenir confiants, avec l'audace d'un réel espoir ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.
Oui, madame Robert, l'accès aux soins, notamment à la prévention du cancer, est un enjeu colossal pour les personnes en situation de handicap. Force est de constater qu'en cette période de crise sanitaire, elle est encore plus prégnante : en effet, actuellement, l'accès aux soins est parfois refusé, car il est compliqué d'accueillir les personnes handicapées quand elles sont mal accompagnées voire pas accompagnées du tout. Plus que jamais le parcours de soins est donc entravé, et il nous faut réagir.
Vous l'avez dit, prévention et actions de dépistage sont les maîtres mots : elles sont particulièrement importantes, et c'est grâce à la coopération territoriale avec les ARS, les associations gestionnaires du secteur médico-social et les centres médicaux que nous réussirons à appliquer le triptyque formation-prévention-dépistage.
Nous avons effectivement confié à Philippe Denormandie ce rapport si important pour améliorer la situation. Lors du prochain comité interministériel du handicap, le Premier ministre annoncera d'ailleurs des mesures concrètes s'agissant du parcours de soins, de l'accès à la prévention et au dépistage.
En attendant, il nous faut absolument améliorer la compréhension des personnes en situation de handicap. Certaines initiatives sont fort intéressantes, comme SantéBD, qui réalise des fiches permettant de s'approprier le domaine de la santé, de savoir ce qu'est une radiographie ou une mammographie, mais aussi tout simplement de comprendre et donc de pouvoir agir sur sa santé. C'est un enjeu capital parce que, en effet, il ne faut plus avoir à choisir entre être soigné ou être accompagné dans un établissement médico-social. Il y a urgence : savez-vous que quand une tumeur de cancer du sein est détectée chez une femme fréquentant un établissement médico-social, elle est déjà 6 fois plus grosse que parmi la population générale ?
Il est donc vraiment urgent d'assurer aux personnes en situation de handicap, comme à tout un chacun, l'accès à la prévention. Comprendre comment se soigner et accompagner sont les maîtres mots, et nous allons vers des mesures concrètes, qui permettront de proposer un panier de soins à la hauteur des besoins des personnes en situation de handicap.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Madame la ministre déléguée chargée de l'autonomie, malgré 2,6 millions de téléchargements de l'application StopCovid, seules 493 personnes ont été alertées.
Sourires.
Le Président de la République l'a lui-même reconnu : « Je ne prendrai pas ce chiffre pour dire que c'est un échec. Ça n'a pas marché. »
En lançant l'application TousAntiCovid, le Premier ministre se félicitait du succès remporté par les applications numériques dans d'autres pays. Pourtant, de l'Australie au Danemark en passant par Singapour et la Malaisie, aucun des outils numériques développés n'a véritablement fait ses preuves, malgré des taux de téléchargement parfois très élevés. Ainsi, en cent jours, l'application allemande, pourtant téléchargée plus de 18 millions de fois, n'a permis d'identifier que 5 000 cas contacts.
On vous avait prévenus que cela ne marcherait pas ! Vous y avez mis combien de millions ? Et vous n'êtes même pas foutus de la télécharger !
En Allemagne comme en France, l'utilisateur a le choix de reporter ou non le résultat de son test dans l'application pour qu'elle alerte les personnes contacts. Ainsi, en Allemagne, au 30 septembre, seuls 9 % des cas positifs identifiés depuis le 23 juin avaient reporté ce résultat dans l'application. L'association des médecins du secteur public allemands a estimé qu'une telle solution ne jouait pratiquement aucun rôle.
Je vais plus loin : même si tout cela fonctionnait, que se passerait-il après ? C'est le coeur du sujet. En effet, nous avons appris hier que le personnel de l'assurance maladie, saturée, ne pourrait plus appeler les cas contacts ni passer plus de dix minutes au téléphone avec les personnes contaminées.
Les dispositifs qui ont fait leurs preuves reposent sur une approche humaine et ciblée des cas, l'isolement et l'application de mesures de suivi étroit des patients, grâce à des équipes d'intervention rapide sur le terrain, qui apportent à la fois des conseils et du matériel.
Pourquoi ne pas vous appuyer davantage sur les médecins traitants, qui entretiennent un lien privilégié avec les patients et qui déplorent de ne pas être au coeur du dispositif ? Pourquoi, par exemple, ne pas avoir généralisé l'opération pilote menée à la Pitié-Salpêtrière, pendant le confinement, par le professeur Piarroux, reposant sur son expérience concrète de gestion des pandémies ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LT et UDI-I.
Madame Dumas, face à l'accélération de l'épidémie, nous devons mobiliser tous les outils à notre disposition. Casser les chaînes de transmission de la covid-19 est plus que jamais indispensable. Dans ce contexte, l'application TousAntiCovid, lancée par le Gouvernement le 22 octobre – et que vous aurez tous téléchargée, bien sûr – ,…
… facilite l'information des personnes ayant été en contact avec une personne testée positive au virus et accélère la prise en charge, en complément de l'action des médecins, dont vous parlez, et de l'assurance maladie.
Le Conseil scientifique l'a rappelé, les nouvelles technologies constituent un outil utile pour retracer les chaînes de contamination. C'est pourquoi son usage est particulièrement opportun là où la concentration des personnes rend le respect de la distanciation sociale difficile, comme les transports ou certains lieux de travail.
TousAntiCovid est une mise à jour de l'application StopCovid ; elle a été enrichie par l'accès à des informations sanitaires factuelles au sujet de l'épidémie, ainsi qu'avec des informations pratiques, comme les centres de dépistage ouverts ou le formulaire de l'attestation de déplacement dérogatoire dans les zones concernées par le couvre-feu. Elle permet aussi à l'utilisateur d'être alerté ou d'alerter les autres en cas d'exposition. L'utilisateur peut ainsi agir directement pour sa santé.
Par ailleurs, l'usage de l'application est fondé sur le volontariat, chaque utilisateur étant libre de l'activer ou non. Pourtant, plus l'application sera utilisée, plus vite les cas contacts seront alertés et plus nous aurons, collectivement, un impact sur le contrôle et l'évolution de l'épidémie.
Permettez-moi enfin de rappeler qu'afin de garantir la protection des données personnelles des utilisateurs, l'application a été développée sous le contrôle de la CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés : celle-ci, informée des choix techniques opérés lors de la conception de l'application, a rendu un avis favorable sur l'application, qu'elle estime utile d'un point de vue sanitaire et proportionnée au regard de la gravité de l'épidémie.
Grâce à cette mise à jour conforme, 4,2 millions de Français ont désormais téléchargé cette application.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Agir ens.
Comme d'habitude, vous vous cantonnez dans la théorie, quand je vous parle de la pratique et des exemples étrangers. Sachez que cette application ne fonctionne pas dans le métro puisqu'elle dépend de Bluetooth, ce qui entraîne d'énormes problèmes de détection.
Elle a été élue sur le même programme que vous, madame la ministre déléguée ! Elle vous le dit en toute objectivité !
Monsieur le Premier ministre, à travers le projet de différenciation des territoires, qui pourrait d'ailleurs affecter l'unité de la République, le Gouvernement demande aux Mahorais de réfléchir à ce que pourrait être Mayotte en 2031. C'est pourquoi je veux vous dire ici et maintenant, devant la représentation nationale, ce que nous voulons.
Ce que nous voulons, ce n'est pas une redéfinition de notre statut départemental, auquel nous sommes très attachés, car il nous donne pleinement satisfaction. Ce que nous voulons, c'est la sécurisation des frontières à Mayotte ; c'est une mobilisation pour reconduire dans leur pays d'origine les hordes de gens qui n'ont pas à être là et qui terrorisent les populations régulières ;
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR
c'est un régime juridique qui mette fin à l'accès automatique à la nationalité, …
… à l'accès automatique au regroupement familial, à l'accès automatique au droit d'asile. Ce que nous voulons, c'est l'égalité sociale, l'accès à la santé – surtout en cette période d'épidémie de covid-19 – et à l'éducation nationale.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Ce que nous voulons, ce sont des infrastructures permettant le développement durable de l'économie, de l'emploi, de toutes les mobilités locales dont nos compatriotes mahorais ont besoin.
Bref, ce que nous voulons, c'est l'égalité des chances. Ce que nous voulons, c'est un plan de rattrapage économique et social pour le cent unième département français. Pendant quarante ans, l'État a décidé de ce qui était bon pour les Mahorais ; le temps est venu que le Gouvernement entende ce que nous voulons et prenne en compte nos priorités.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur Kamardine, la situation de Mayotte, en particulier sur le plan sécuritaire, fait l'objet d'une attention constante de la part de l'ensemble du Gouvernement, singulièrement du ministère de l'intérieur ainsi que du ministère des outre-mer, vous le savez. Les violences commises au cours des derniers mois par certains groupes, certaines bandes, sont absolument inacceptables. Je le dis devant vous : bien évidemment, le Gouvernement les condamne.
Nous avons déployé des moyens, vous le savez. Les services de police et de gendarmerie ont été renforcés de 421 effectifs supplémentaires depuis 2015 ; je voudrais d'ailleurs saluer le courage dont ils font preuve dans un contexte particulièrement difficile. Depuis 2017, des réorganisations ont été opérées afin de doter la police nationale d'une direction territoriale adaptée aux spécificités de Mayotte, en lien et en coordination avec les différents services. Deux nouvelles brigades de gendarmerie ont été créées, à Koungou et à Dembeni. Plusieurs centaines de jeunes sont par ailleurs mobilisés au sein de groupes de médiation citoyenne et le préfet travaille à l'instauration de groupes de sécurité intérieure.
L'autre question que vous avez soulevée est celle de l'immigration clandestine. Environ 30 % de la population de Mayotte, je le rappelle, est constituée de ces immigrés, qui arrivent quotidiennement des Comores en kwassa-kwassa. Nous devons redonner des perspectives aux Mahorais, dont 50 % sont mineurs et dont 80 % vivent sous le seuil de pauvreté.
Quant à l'immigration clandestine, les services de l'État agissent, vous le savez bien. Dans le cadre de l'opération Chicandra, lancée en août 2019 par nos prédécesseurs, l'objectif de 29 000 interpellations a été atteint, et 50 % environ des reconduites à la frontière de tout le territoire national ont lieu à Mayotte.
Comme vous le voyez, nous sommes à votre écoute, à l'écoute des acteurs locaux : …
… nous agissons en prenant en compte la spécificité du territoire de Mayotte.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Merci, mais j'observe que vous ne répondez qu'à moitié : d'abord, vous citez des chiffres en deçà de la réalité ; ensuite, vous ne dites rien de l'égalité sociale.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous souhaitons vraiment que le Gouvernement soit aux côtés des Mahorais, ce qui n'est malheureusement pas le cas.
Mêmes mouvements.
Ma question s'adresse au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, que j'ai saisi au coeur de l'été, en septembre, puis en octobre, au sujet des céréaliers du Var, de la Provence, mais aussi de l'Occitanie, chère à notre Premier ministre, de la Drôme et de l'Ardèche.
Ce territoire d'excellence, reconnu par l'Europe, bénéficie du mistral, qui assèche nos cultures ; nos grains sont préservés de certaines maladies liées à l'humidité, si bien que nous fournissons en semences tous les céréaliers de France, et même les betteraviers. Cette spécificité nous permet de cultiver un blé dur de grande qualité, également reconnu par l'Europe, qui alimente les usines de pâtes alimentaires, que nous prisons tous, situées dans la métropole marseillaise et où sont employées des centaines de personnes.
Toutefois, cette céréale, le blé dur, est menacée par la facilité qu'ont les cultivateurs d'offrir leurs terres aux lavandiers. Ceux-ci plantent, récoltent et distillent, grignotant petit à petit la surface exploitable. Dès lors, la production de blé dur et de céréales dans nos territoires se réduit au point de porter préjudice à ces usines de pâtes alimentaires de l'agglomération marseillaise, lesquelles pourraient décider de se délocaliser si nos cultures continuaient de décroître.
C'est la raison pour laquelle je me suis adressé à plusieurs reprises au ministre de l'agriculture. Je l'ai invité à venir nous rencontrer au confluent du Verdon et de la Durance, terre de Jean Giono, également chère au coeur de Christophe Castaner, à qui nous pensons aujourd'hui.
Je vous invite aussi, monsieur Cordier : vous serez le bienvenu.
J'ai donc convié le ministre à venir soutenir nos céréaliers de Provence, d'Occitanie, des départements de la Drôme et de l'Ardèche.
Ce n'est pas une séance de questions orales sans débat, mais de questions au Gouvernement !
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
Il aura du mal, à moins que Julien Denormandie ne lui ait passé ses fiches…
Je vous prie d'excuser l'absence de Julien Denormandie, qui a dû nous quitter en cours de séance pour se rendre au Sénat, où est examiné un texte qui relève de sa compétence. Mais il organisera une réunion avec grand intérêt, et surtout avec le même souci de protéger notre agriculture et notre souveraineté alimentaire.
Les équipes du ministère de l'agriculture ont d'ailleurs déjà tenu, fin septembre, une réunion avec les représentants de cette filière du Sud de la France, à la demande de vos collègues Anne-Laurence Petel et Monica Michel. Cette réunion a permis de faire le point sur les difficultés rencontrées tant par les producteurs de blé dur des zones traditionnelles que par les usines de transformation.
À court terme, pour aider cette filière dont nous mesurons l'importance, le plan de relance constitue une occasion à saisir : je pense notamment aux moyens importants consacrés au plan de restructuration des filières agricoles et alimentaires, dans lequel une aide à la filière du blé dur aurait vocation à être prévue.
À moyen terme, il nous faudra nous tourner les outils de la PAC : aides couplées, politiques sectorielles, mesures environnementales au titre du premier ou du deuxième pilier. Ces outils doivent être utilisés leurs cibles – leurs critères d'utilisation, seront définis au cours des prochains mois dans le cadre du plan stratégique national.
Bref, vous le voyez, le Gouvernement, à commencer par les services du ministère de l'agriculture, s'engage pleinement en vue de défendre la filière du blé dur. Nous allons trouver une solution, en nous mobilisant, comme nous avons commencé à le faire, et nous savons que nous vous trouverons à nos côtés.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Marc Le Fur.
Nous avons examiné en séance publique, la semaine dernière, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Il s'agit d'un texte singulier en raison du contexte sanitaire. Présenté comme exceptionnel, avec un ONDAM – objectif national des dépenses d'assurance maladie – plus élevé qu'il ne l'avait jamais été depuis sa création, ce PLFSS est aussi, en réalité, très décevant, dans la mesure où il n'apporte qu'une réponse de court terme aux problèmes engendrés par la crise sanitaire.
En effet, si le Gouvernement s'est targué à de multiples reprises d'une augmentation exceptionnelle de l'ONDAM à hauteur de 11 milliards d'euros pour 2020, il apparaît que les dépenses prévues sont dirigées pour l'essentiel vers des réponses d'urgence à la crise sanitaire et ne concernent pas les problèmes de fond de notre système de santé, alors que chacun sait que c'est à cause des problèmes structurels, du manque de personnel, de lits et de matériel que nous nous dirigeons vers un reconfinement.
Ainsi, en parallèle à l'annonce d'un ONDAM ambitieux pour 2021, il est demandé aux hôpitaux de faire des économies à hauteur de 805 millions d'euros, ce qui s'annonce déjà comme un scandale sanitaire : faut-il vous rappeler que les hôpitaux sont débordés, victimes d'un manque criant de moyens matériels, humains et financiers ? Alors qu'ils souffrent, vous les contraignez à continuer de fermer des lits et des services. Ils ne sont déjà plus en capacité d'accueillir et de soigner la population dans les meilleures conditions possibles, ils sont confrontés à un afflux de patients toujours plus important, et rien n'est prévu dans ce PLFSS pour y remédier de façon pérenne.
Ce que le groupe Socialistes et apparentés demande depuis quatre PLFSS, ce sont des mesures sur le long terme, une réponse à la crise structurelle de l'hôpital et des solutions à l'ensemble des difficultés auxquelles notre système de santé est confronté. Il est temps d'ouvrir les yeux et d'apporter des solutions à la souffrance de nos soignants, débordés dans des établissements sous-équipés et en sous-effectif, oeuvrant dans des territoires médicalement désertés et dans des conditions de travail qui ne font que se dégrader.
L'hôpital public se meurt et vous ne lui venez pas en aide. Au contraire, vous aggravez sa situation, notamment en proposant la mise en place d'un forfait de 18 euros pour le passage aux urgences, alors même que la crise sanitaire remplit ces dernières sans discontinuer. Cette privatisation progressive des urgences est une horreur absolue – une erreur, voulais-je dire, mais c'est sans doute aussi une horreur… – qui va entraîner de nombreux renoncements aux soins. Si nous soutenons le nécessaire processus de sortie de la T2A – la tarification à l'activité – , celui-ci ne doit pas conduire à davantage de libéralisme dans les services publics.
Enfin, le PLFSS pour 2021 est un acte manqué car il ne prévoit pas de financement durable pour la cinquième branche de la sécurité sociale, dédiée à la lutte contre la perte d'autonomie et la dépendance.
Malgré le manque de soutien aux hôpitaux publics, aux EHPAD et aux services d'aide à domicile, quelques mesures de ce texte doivent néanmoins être saluées, comme l'allongement du congé paternité, l'octroi de primes et la revalorisation des salaires pour les soignants, et la mise en place d'une prime, d'un montant cependant modeste, pour les services d'aide à domicile.
Toutefois, à côté de ces quelques avancées, de nombreux professionnels des secteurs médical, médico-social et social ont été les oubliés du Ségur de la santé ; je pense en particulier aux travailleurs sociaux, moniteurs et éducateurs des maisons d'enfants à caractère social, qui ont pourtant été à la hauteur de leur mission durant la crise.
Pour toutes ces raisons, le groupe Socialistes et apparentés votera contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale, un texte qui ne répond pas aux besoins de l'hôpital, un texte qui ne prend pas suffisamment en compte la souffrance des soignants, un texte qui ne garantit pas l'égalité d'accueil et de soins pour tous, un texte, enfin, qui se limite à quelques mesures de court terme, certes louables mais ne préparant absolument pas notre pays aux prochaines crises sanitaires ni à la deuxième vague de l'épidémie de covid-19, toute proche.
Souvenez-vous de ces mots d'Émile de Girardin : « Gouverner c'est prévoir ; et ne rien prévoir, c'est courir à sa perte. »
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Alain Bruneel applaudit également.
Nous allons nous prononcer dans un instant sur le vote des comptes sociaux de la nation. Les comptes sociaux, c'est le nom un peu barbare qui désigne l'effort collectif que notre pays choisit de consacrer tous les ans à la protection des Français face aux aléas de la vie. Protéger est un mot particulièrement adapté à la situation actuelle. Protéger et se protéger, c'est avant tout le combat des soignants face à la pandémie ; si je tiens une nouvelle fois à les remercier chaleureusement, nous devons aussi les aider et les soulager. Nul ne peut ignorer que la situation s'aggrave à nouveau de façon catastrophique.
La notion de protection a un corollaire : celle de responsabilité, c'est-à-dire le devoir de tous de protéger chacun, particulièrement les plus faibles. La responsabilité, c'est avoir le sens du bien commun ; c'est ce qui fonde le projet républicain et le contrat qui nous lie. Dans cette crise sanitaire qui nous touche tous, nous sommes et devons tous nous sentir responsables.
La réalité, c'est que nous avons parfois des débats très gaulois à propos de nos libertés. Nous les jugeons menacées ou en danger, nous en discutons souvent de manière passionnée en famille ou entre amis, nous en faisons même des tribunes. Nous vivons dans un pays où la liberté est inscrite au frontispice de nos mairies. Personne ne souhaite abdiquer sa liberté, et ce n'est pas un hasard si l'un de nos tableaux les plus célèbres est La Liberté guidant le peuple de Delacroix.
Dans ces temps troublés, n'oublions jamais que, comme l'a dit Victor Hugo, « tout ce qui augmente la liberté augmente la responsabilité ». Les interdictions, le couvre-feu, les conseils et le confinement ne sont que d'un effet médiocre sans la responsabilité. C'est la responsabilité de chacun pour respecter les gestes barrières, pour prendre des précautions parfois frustrantes, pour modifier ses façons de vivre, c'est la responsabilité de chacun qui, plus que des textes édictés dans l'austérité d'un cabinet, nous permettra de combattre collectivement cette pandémie. Il est de notre responsabilité de montrer l'exemple, de continuer à délivrer ce message de prévention, d'accepter les frustrations temporaires pour préserver la santé des plus fragiles. Il est de notre responsabilité de dire que cette épidémie n'est pas terminée, que nous avons encore des jours difficiles devant nous, que les efforts de chacun seront indispensables. Il est de notre responsabilité de dire que cette épidémie se combattra collectivement et qu'il est possible d'en venir à bout.
Le groupe Agir ensemble soutient donc pleinement le Gouvernement dans la mise en oeuvre de ce PLFSS. Certes, tout n'y est pas parfait, et je déplore que de trop nombreux amendements aient été jugés irrecevables ou même rejetés : certains points mériteront des ajustements.
Ainsi, nous aurions souhaité des engagements plus concrets au sujet de la chaîne du médicament. Il est urgent de prendre en compte les enjeux de l'attractivité, un préalable essentiel aux relocalisations, et il est tout aussi urgent de donner de la prévisibilité à l'ensemble du secteur par une programmation pluriannuelle. Le cas particulier des grossistes-répartiteurs est extrêmement inquiétant. Tous les ans, l'examen du PLFSS est pour nous l'occasion d'appeler l'attention sur leur situation mais, cette année, le modèle de régulation semble avoir atteint des limites, certains de ses acteurs se trouvant en très grande difficulté.
Pour ce qui est du Ségur, notre groupe souligne l'importance d'assurer une équité de traitement entre les secteurs dans la mise en oeuvre des revalorisations. Les acteurs du privé lucratif s'inquiètent à bon droit d'une éventuelle inégalité de traitement avec le public. Au demeurant, il faudra impérativement mettre en place un Ségur de la santé libérale et revoir la situation globale de ces professionnels qui n'ont pas démérité non plus face au covid-19.
Ce PLFSS n'en constitue pas moins à la fois une rupture et un début de rattrapage.
L'ONDAM pour 2020, à la hauteur de l'effort gigantesque de nos soignants, atteint 217 milliards d'euros. Il prévoit des revalorisations sans précédent en direction de l'hôpital et des EHPAD. J'ajoute que c'est une nouvelle promesse tenue du Gouvernement, pratiquement sans équivalent depuis des décennies.
La reprise de la dette hospitalière de 13 milliards d'euros est une excellente mesure venant mettre un terme à dix ans de gestion à courte vue de notre hôpital public, qui a dégradé la situation financière des établissements et empêché tout investissement dans les structures.
Cinq ans après la loi d'adaptation de la société au vieillissement – ASV – de 2015, la création d'une cinquième branche est une étape importante pour prendre enfin à bras-le-corps le défi du vieillissement et de la perte d'autonomie.
Dans le même temps, 150 millions d'euros s'ajoutant aux 80 millions d'euros destinés à la prime covid viendront renforcer dès avril 2021 l'attractivité des métiers du domicile. Je salue le travail de la ministre déléguée chargée de l'autonomie, Brigitte Bourguignon, dans ce qui constitue un progrès essentiel, tout en soulignant que ce n'est qu'un premier pas : pour bâtir un cadre rénové du domicile, nous attendons le Laroque de l'autonomie, mais surtout la loi relative au grand âge et à l'autonomie.
Le passage du congé de paternité à vingt-huit jours et le décalage de la prime de naissance constituent des progrès pour les familles. La branche famille a trop souvent été le parent pauvre du PLFSS ; ce n'est pas le cas cette année et il faut s'en féliciter.
Parce qu'il est urgent d'agir, le groupe Agir ensemble soutiendra pleinement cette loi de rattrapage. Il est cependant essentiel que les prochains PLFSS amplifient cette dynamique et donnent à notre système de santé les moyens nécessaires pour faire face aux enjeux sanitaires et sociaux du XXIe siècle.
Un déficit de 45 milliards, une dette qui a explosé et un ONDAM en progression de plus de 7 % ; malgré tous ces milliards, une crise sociale dont nous ne mesurons pas encore l'ampleur nous semble inévitable. Voici l'état de notre système social en ce mois d'octobre 2020, après une lutte acharnée face à la première vague de l'épidémie et à l'aube d'une seconde vague. Cet investissement massif dans notre système de santé est indispensable, et nous soutiendrons le Gouvernement dans l'adoption des mesures de lutte contre la covid-19.
Nous avons pourtant le sentiment de naviguer à vue et de prendre des décisions à partir d'indicateurs qui s'avèrent très rapidement obsolètes. Nous aurions préféré que le Gouvernement nous présente plusieurs scénarios en fonction de l'évolution potentielle de l'épidémie.
Cependant, nous tenons à saluer les réelles avancées de ce texte : la concrétisation des annonces du Ségur de la santé, l'allongement du congé de paternité, la prise en charge complète des téléconsultations par l'assurance maladie.
Mais il y a de grands absents : rien sur la psychiatrie, rien sur la prévention, et absolument rien sur le handicap, absolument rien sur l'autonomie. Pour le groupe UDI-I, deux gros points noirs entachent le texte : le traitement de l'autonomie et les sources de financement du budget de la sécurité sociale.
D'abord, si tout le monde attendait des avancées en matière d'autonomie compte tenu de la récente création d'une cinquième branche de la sécurité sociale dédiée à cette problématique, il n'en est rien puisque le projet de loi de financement se borne à y intégrer des dispositifs préexistants. Comment allons-nous expliquer individuellement et collectivement à nos concitoyens, en particulier aux personnes en situation de dépendance, que la création de la cinquième branche ne va rien changer à leur quotidien ?
Pour financer les quelques milliards dont nos concitoyens en situation de dépendance ont besoin, notre groupe vous propose de lutter efficacement contre la fraude aux prestations sociales, dont le préjudice pour la sécurité sociale et pour les Français s'élève à plusieurs milliards d'euros. En commission, vous vous êtes contentés de répondre : « Défavorable. » En la matière, vous pouvez pourtant vous référer au rapport de la députée Carole Grandjean et de la sénatrice Nathalie Goulet, à celui de nos collègues Pascal Brindeau et Patrick Hetzel ou encore à celui de la Cour des comptes : enquête après enquête, rapport après rapport, les Français prennent peu à peu conscience de l'ampleur de la fraude, dont les personnes dans le besoin sont les premières victimes. Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, vous ne pouvez plus nier l'ampleur de la fraude sociale dans notre pays, il est temps d'agir !
En matière de financement, ensuite, se pose la question de la pérennité de notre système de santé. Si nous comprenons le recours à la dette pour lutter contre l'épidémie – un événement par nature imprévisible – , nous ne comprenons pas que le même moyen soit employé pour la mise en oeuvre des mesures du Ségur de la santé. Ces mesures structurelles ne trouvent pas de vrai financement, aucune recette n'y correspond ; il appartiendra par conséquent à nos enfants et à nos petits-enfants de payer ce qu'on nous demande de voter aujourd'hui.
Notre groupe vous invite à adopter la règle d'or, évoquée au Sénat, consistant à la recherche de l'équilibre de nos comptes. Autrement dit, nous vous conjurons d'adopter un principe de bonne gestion de nos comptes publics afin de ne pas laisser aux générations futures le soin de payer pour des mesures prises aujourd'hui.
De plus, nos débats en commission ont été confisqués, le Gouvernement nous ayant transmis le texte deux heures après le début de la discussion générale. S'il avait mieux géré l'ordre du jour de notre assemblée, et si 71 % de nos amendements n'avaient pas été irrecevables sur des fondements juridiques très contestables, les échanges auraient peut-être été plus constructifs.
Pour la majorité des membres de notre groupe, la frustration qu'engendrera la création d'une cinquième branche sans mesures nouvelles et l'absence de financement pérenne de notre système de santé sont rédhibitoires.
D'autres voteront pour ou s'abstiendront car ils ont bon espoir que le Sénat nous apporte des pistes de financement nouvelles pour envisager qu'à plus long terme, nos comptes sociaux puissent revenir à l'équilibre.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I et sur quelques bancs du groupe LT.
Depuis le début de l'année, tout le système de santé a été sursollicité par l'épidémie de covid-19, forcé de relever le défi d'une crise sanitaire à laquelle personne n'était préparé. Les urgences et les services hospitaliers ont été particulièrement surchargés, et les soignants très éprouvés, certains en payant même le prix de leur propre vie. Nous leur devons toute notre reconnaissance et nous leur adressons nos plus sincères remerciements.
Dans ce contexte, il était normal que le budget de la sécurité sociale pour 2021 soit celui de la reconnaissance envers les soignants. L'intégration des mesures du Ségur de la santé était donc très attendue. La situation sanitaire s'aggravant, il était par ailleurs nécessaire que le Gouvernement augmente l'ONDAM, ce qui permettra d'avancer la deuxième tranche de revalorisation salariale – ou plutôt, de complément de traitement indiciaire.
Au-delà des mesures du Ségur de la santé, toutefois, le texte n'acte pas l'augmentation de 2,4 % de l'ONDAM hospitalier, à laquelle le Gouvernement s'était pourtant engagé en 2019 pour couvrir la hausse des charges fixes hospitalières. Pour répondre à tous ces engagements, il faudrait 11 milliards d'euros supplémentaires, là où le texte n'en prévoit que 8,5 milliards.
Par ailleurs, les mesures issues du Ségur de la santé continuent d'exclure certaines professions de la revalorisation salariale, en particulier dans les secteurs du médico-social et du handicap. Vécue comme une injustice, cette différenciation crée du trouble dans les établissements.
Surtout, les dispositions d'urgence reposent sur une augmentation du temps de travail des agents – au travers de temps de repos ou de congés non pris – , alors que les professionnels sont déjà épuisés, parfois malades, et que nous manquons toujours d'effectifs. J'insiste sur ce point : l'urgence première à laquelle nous devons répondre est la pénurie de professionnels dans les métiers du soin. Il faut augmenter massivement les effectifs en formation. Cela demandera quelques années pour les professions médicales et les infirmières, mais vous pouvez le décider dès aujourd'hui pour les aides-soignantes et, dans dix mois, la situation s'améliorera. Faites-le, monsieur le ministre !
La création d'une aide annuelle versée aux départements par la CNSA – la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie – afin de revaloriser les métiers de l'aide à domicile était fortement attendue. Cette mesure faisait grandement défaut dans le texte initial, et une rectification s'imposait. Le groupe Libertés et territoires salue donc l'initiative de Mme la ministre déléguée Brigitte Bourguignon, en espérant que d'autres améliorations suivront s'agissant du financement des services d'aide à domicile.
Concernant la nouvelle branche autonomie, le compte n'y est pas. La temporalité n'est pas la bonne ; elle est même paradoxale puisque, d'un côté, nous allons trop lentement et attendons depuis bientôt deux ans le projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie, tandis que, d'un autre côté, nous allons trop vite en créant une branche autonomie, sans préciser en amont ni son périmètre, ni sa gouvernance, ni son financement. Il aurait fallu décider en premier lieu d'une politique globale en faveur du grand âge et du handicap, il aurait fallu poser les premiers jalons d'une politique publique cohérente et ambitieuse pour soutenir l'autonomie, en définissant précisément le risque de dépendance, son champ et son périmètre. Or la branche autonomie se contente de reprendre les missions jusqu'alors dévolues à la CNSA, tout en intégrant l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, mais sans aucune réflexion sur les conséquences de cette décision et sans consensus.
Enfin, votre budget ne répond pas à la question du financement : alors que le rapport Libault évalue à 6,5 milliards d'euros l'enveloppe nécessaire pour améliorer la prise en charge de l'autonomie, un financement supplémentaire n'est prévu – et encore, de façon insuffisante – qu'à l'horizon de 2024.
Monsieur le ministre, j'ai bien conscience de la situation dont vous héritez – résultat d'une politique inadaptée depuis trente ans – et des limites auxquelles vous êtes confronté en cette période particulière. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale doit tout à la fois être un budget d'urgence et un budget d'avenir. Des réponses ont été apportées, j'en conviens, mais elles aggravent le déficit des comptes sociaux, qui s'élèvera cette année à 46,6 milliards d'euros. Dès lors, une question demeure : comment assumerons-nous cette dette, alors que vous ne proposez aucune recette nouvelle ?
Cet été déjà, notre groupe s'était opposé au transfert de la « dette covid-19 » à la CADES – la Caisse d'amortissement de la dette sociale – car nous ne pouvons repousser sans cesse la durée de vie de cette dernière. Si nous souhaitons pérenniser et améliorer le système de protection sociale et si nous souhaitons assumer la nouvelle branche autonomie, nous devons nous interroger sérieusement sur leur mode de financement.
D'autres pistes de financement sont possibles. Notre groupe a par exemple proposé de créer une contribution sur les donations et les successions, mais vous l'avez rejetée. Il est plus que jamais essentiel de réaffirmer le principe de solidarité nationale, fondé sur la justice sociale, l'équité et la redistribution ; c'est pourquoi nous plaidons pour une contribution des plus hauts revenus et des détenteurs de patrimoines.
Aussi, vous l'aurez compris, le groupe Libertés et territoires ne pourra pas apporter son soutien au projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT et sur plusieurs bancs des groupes SOC, UDI-I et GDR.
Après tout ce temps passé à discuter et à faire des propositions pour reconstruire notre système de santé et de protection sociale, il nous faut maintenant voter sur un texte qui est, quoi qu'il en coûte, en décalage avec la préoccupation principale des Français.
Votre Gouvernement a souvent tendance à penser qu'il a raison seul et que l'opposition de son peuple n'est pas légitime. Dans la République française, où le pouvoir législatif est séparé du pouvoir exécutif et où la représentation nationale est l'expression du peuple souverain, votre attitude ne peut pas avoir cours. Les ors de la République ont-ils alourdi à ce point les horloges du temps législatif ? Ce n'est pas faute d'avoir tout tenté pour remettre à l'heure les maîtres du « en même temps » !
S'agissant de la situation sanitaire du pays, depuis la première vague de covid-19, ma collègue Caroline Fiat – qui l'a vécue de l'intérieur, pour avoir remis la blouse en service de réanimation – vous alerte, à l'instar de l'ensemble du groupe La France insoumise, sur le manque cruel de masques et de moyens pour nos soignants, sur la pénurie d'équipements de protection individuelle, sur la pénurie de médicaments, sur la détresse des EHPAD et de nos aînés qui s'éteignent dans l'indifférence et la solitude. Le cri d'alerte a été lancé les 13 et 14 juin, après combien d'autres cris : ceux de la rue, emplie de soignants pendant près de deux ans ; ceux de votre opposition, qui, année après année, laborieusement, propose des améliorations à vos projets de loi de financement de la sécurité sociale. Il n'y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre : c'est bien de cela qu'il s'agit !
Monsieur le ministre – je m'adresse à Olivier Véran, bien qu'il soit absent de ces bancs – , vous n'avez rien voulu entendre ; vous avez fait de la réalité du pays une fable qui ne tient pas dans vos tableaux comptables. Bien avant cette crise – que nous vivons tous mais qui, statistiquement, touche surtout les plus faibles – , les hôpitaux subissaient une tension extrême, par manque de moyens, de personnel et de reconnaissance, sacrifiés sur l'autel de la rigueur budgétaire que vous imposez à tous, sans la subir vous-même. Qu'avez-vous fait ? Encore des suppressions de lits, encore des regroupements de services, encore des moyens pour le privé lucratif.
Pour faire patienter l'opposition et calmer ses demandes, vous avez accepté de commander quelques rapports, mais leur lecture vous a déplu : aussi en avez-vous commandé d'autres, plus consensuels, plus lisses, moins humains, plus comptables. Voilà pour votre gestion, indissociable de celle de votre prédécesseure, Agnès Buzyn.
La différence, monsieur le ministre – Olivier Véran, absent de ces bancs, je le répète – , c'est que vous êtes au coeur de la crise du covid-19. Nous nous faisons le porte-voix de cette assemblée pour reconnaître que vous êtes au front tous les jours – personne ne peut vous le contester. Vous êtes au front, bataille après bataille, vague après vague, mais vous continuez à regarder la situation à travers vos lignes et vos colonnes, vos chiffres et vos budgets, vos courbes et vos trajectoires, sans jamais prendre en considération la souffrance de ceux qui soignent et celle de ceux qui ne peuvent pas être soignés.
Ce PLFSS aurait dû être le budget de l'honneur retrouvé, de la grande communion nationale que vous appeliez de vos voeux. Or vous ne faites rien pour nous réunir ; au contraire, vous fracturez la solidarité nationale. Pour la première fois depuis soixante-quinze ans, la sécurité sociale sera financée majoritairement par l'impôt, et non plus par les cotisations sociales. Tous les sujets ayant trait aux dysfonctionnements avérés du système de santé ont été balayés d'un revers d'article 45, prétexte facile de celui qui refuse le débat quand il n'a rien à dire ! Cette année, votre PLFSS est encore plus douloureux que ceux des années précédentes, tant il résonne d'indifférence, de mépris, de mensonges et d'aveuglement. Il s'en dégage le sentiment amer que, loin d'améliorer les choses, le pire est à venir.
La sécurité sociale, la solidarité nationale et l'hôpital public sont des biens communs qui méritent bataille. Or nous faisons le constat d'une capitulation en rase campagne. Nous combattrons de toutes nos forces et résisterons partout où nous le pourrons, dans cet hémicycle comme sur le terrain des hôpitaux sinistrés. Monsieur le ministre Olivier Véran, absent de ces bancs, parce que nous refusons l'abandon aux dogmes comptables qui vous tient lieu de feuille de route, nous voterons contre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.
Le PLFSS pour 2021 est le premier rendez-vous parlementaire consacré à la sécurité sociale depuis la survenue de l'épidémie. C'était le premier budget dans lequel dresser l'état des lieux du système de santé, bassin de vie par bassin de vie, et débattre de la gestion sanitaire. C'était l'occasion de remettre à plat les orientations prises depuis le début du quinquennat, mais force est de constater que vous êtes resté au milieu du gué.
La crise du covid-19 vous a certes fait sortir de votre logique d'austérité concernant les dépenses de santé, en débloquant plusieurs milliards d'euros pour absorber les surcoûts liés à l'épidémie. Cette crise violente a aussi légitimé les revendications des personnels hospitaliers, que vous aviez jusqu'alors méprisés de budget en budget. Vous avez dû vous asseoir à la table des négociations, mais cela a débouché sur un Ségur de la santé qui ne répond pas aux attentes du monde hospitalier. Faute d'anticipation, vous avez proposé, par amendement, une rallonge budgétaire de 2,4 milliards pour l'ONDAM de 2020, sans certitude que cela suffise pour faire face à l'épidémie. Dans le même temps, les revalorisations salariales des soignants demeurent insuffisantes et partielles.
Depuis la première vague, il aurait fallu mettre l'accélérateur sur les moyens de fonctionnement de l'hôpital, qu'il s'agisse des embauches ou des créations de lits. Tel n'est pas votre choix : 7 600 lits ont été fermés depuis 2018, et les fermetures se poursuivent dans certains hôpitaux depuis mars. Pire, abstraction faite des dépenses liées au covid-19 et au Ségur de la santé, vous continuez à comprimer les dépenses courantes, alors que la demande de soins est en augmentation tendancielle : 800 millions d'euros d'économies seront demandés aux hôpitaux. Et vous vous refusez à lutter contre les déserts médicaux en régulant la répartition de la médecine de ville sur le territoire et en repensant ses conditions d'exercice.
L'hôpital n'est pas plus solide qu'au printemps. Faute de moyens, les déprogrammations se généralisent un peu partout en France et l'hôpital sombre dans une crise profonde. Le présent budget n'amorce pas l'inversion de tendance qui s'impose. Comment ne pas entendre la colère des personnels qui continue de s'exprimer dans les services ? Ils ne veulent pas de médaille, ils refusent le titre de héros ; ils veulent des collègues, ils veulent des lits, ils veulent du matériel, ils veulent qu'on respecte leur métier, un métier de soins, un métier de liens humains.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.
Votre traitement de la question des urgences est symptomatique : plutôt que de proposer une prise en charge à 100 % par la sécu, vous créez un reste à charge de 18 euros, en pariant sur un renoncement aux soins d'urgence alors qu'il faudrait s'attaquer de front à ce sujet. Vous ne proposez pas plus le tiers payant généralisé, qui serait une mesure bienvenue dans le contexte sanitaire actuel.
Ce budget est aussi le premier que nous examinons après la création de la branche autonomie. Nous avions affirmé que c'était une mesure d'affichage ; votre budget le confirme. Vous peinez à définir le périmètre de cette branche et ne lui accordez pas les moyens nécessaires. Vous refusez de donner corps à une véritable ambition sociale qui relèverait les droits des personnes. Vous refusez d'engager une réponse publique forte et en restez à une vision comptable.
En réalité, la sécurité sociale est devenue une variable d'ajustement des politiques économiques. Vous continuez de sanctuariser les exonérations sociales, malgré leur inefficacité avérée et leur nocivité certaine. Vous refusez de les conditionner à des critères d'emploi et de relocalisation. Pire, vous en rajoutez, comme en témoigne votre choix de favoriser les actions gratuites.
En revanche, chacune des propositions de recettes nouvelles que nous avons faites a été rejetée sans véritable débat – je pense à l'idée de mettre à contribution les plus hauts revenus, que la crise a encore protégés, on ne le sait que trop.
Ce budget aurait dû être l'occasion de changements profonds. En réponse à la crise sanitaire et sociale, nous ne pouvons pas nous contenter de parer à l'urgence. Il faut nous inscrire dans une logique nouvelle, en donnant un nouvel élan à la sécurité sociale et à notre système de santé.
Parce que, malgré les mesures exceptionnelles qui vous ont été imposées par le réel, vous n'êtes pas au rendez-vous, et parce que la situation gravissime dans laquelle se trouve notre système de santé résulte de choix assumés et répétés dont vous êtes comptables, nous voterons contre ce budget.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI. – Mme Christine Pires Beaune applaudit également.
Sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Thierry Michels.
Au coeur même de la deuxième vague d'une épidémie qui bouleverse nos vies et notre société depuis maintenant huit mois, j'ai, avant toute chose, une pensée pour les malades et leurs familles. À leurs côtés, 2 millions de professionnels de santé travaillent sans relâche ; nous leur réitérons notre soutien et nos remerciements et appelons à la responsabilité de chacun dans la lutte contre la covid-19.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est d'abord un budget de réponse à la crise sanitaire : à crise exceptionnelle, financement exceptionnel. Le texte reflète les efforts réalisés pour la gestion de la crise : achat d'équipements de protection individuelle, prise en charge à 100 % des tests et téléconsultations, qui ont connu un développement aussi rapide qu'essentiel dans cette crise. Pour la poursuite de la gestion de crise en 2021, sont prévus 4,3 milliards d'euros, répartis entre masques, tests et vaccins. Nos concitoyens et les soignants pourront donc continuer à se protéger au quotidien comme il se doit. Nous saluons également le financement d'une prime covid pour les personnels des services d'aide et d'accompagnement à domicile, qui fait suite à la prime pour l'ensemble des soignants ; ces 80 millions d'euros de primes sont un signal fort, une reconnaissance nationale de l'engagement de ces professionnels auprès de nos aînés et des personnes fragiles. Compte tenu de la situation exceptionnelle que nous avons connue, les complémentaires santé ont réalisé des économies sur les soins courants ; nous leur demandons donc une contribution temporaire exceptionnelle au titre de la solidarité nationale.
Ce PLFSS est aussi celui de la mise en oeuvre du Ségur de la santé, concertation qui avait pour ambition de définir les orientations de l'hôpital public de demain – carrières et métiers, financement et simplification de l'organisation territoriale. Elle a abouti à des décisions fortes en matière d'évolution des métiers et des rémunérations. À ce titre, ce budget matérialise un effort sans précédent de près de 9 milliards d'euros de revalorisation salariale. Concrètement, cela représente 183 euros nets supplémentaires par mois pour les personnels des établissements de santé et des EHPAD, et 218 euros nets par mois pour les soignants.
À la suite du débat en commission et avec le soutien déterminant de la majorité parlementaire, une enveloppe de 200 millions d'euros sera versée chaque année par la CNSA aux départements, à partir d'avril 2021, pour améliorer l'attractivité des métiers du domicile. Nous nous engageons ainsi en faveur de la revalorisation des salaires des professionnels de ce secteur indispensable pour permettre à nos aînés de vieillir chez eux.
L'investissement en santé est, quant à lui, massivement relancé. Cela commence par la reprise d'un tiers de la dette des établissements hospitaliers, à hauteur de 13 milliards d'euros, afin de redonner aux hôpitaux les marges financières au quotidien qui leur permettront, par exemple, de renouveler des équipements essentiels pour améliorer la qualité des soins et les conditions de travail de nos soignants. En parallèle, un fonds transversal pour la modernisation et l'investissement en santé est créé, doté de 6 milliards d'euros ; il permettra d'investir dans le numérique en santé et de rénover les établissements médico-sociaux, ce qui rendra possible la transformation des EHPAD en des lieux plus agréables à vivre pour nos aînés.
Ce PLFSS est en outre résolument tourné vers l'avenir. La société évolue dans ses envies et ses pratiques ; ce budget en prend acte…
… et accompagne nos concitoyens dans l'évolution de leurs attentes vis-à-vis du système de santé. Ainsi, les maisons de naissance, expérimentées depuis 2015, sont pérennisées ; donnant une place centrale aux sages-femmes, elles offrent une réponse au projet d'une part croissante de femmes d'un accouchement moins médicalisé et plus personnalisé. Reflet d'un travail transpartisan, le versement de la prime de naissance interviendra désormais avant la naissance pour permettre aux familles d'accueillir le mieux possible l'enfant à naître. Autre avancée majeure : nous doublons le congé de paternité et d'accueil de l'enfant : …
… à partir de juillet prochain, sa durée sera portée de quatorze à vingt-huit jours, dont sept obligatoires au moment de la naissance. Nous investissons aussi dans la prévention : nous poursuivons, par exemple, l'effort pour la promotion du sport santé, et un parcours d'accompagnement pour les personnes atteintes de diabète de type 2 sera expérimenté.
Comment pourrions-nous oublier que ce budget porte aussi l'ambition de la majorité de concrétiser la création de la cinquième branche de la sécurité sociale, dédiée à l'autonomie. Une ressource pérenne lui est affectée – prélevée sur le produit de la CSG, la contribution sociale généralisée – et le périmètre de la branche est élargi. En termes de pilotage, la CNSA devient, c'est historique, une véritable caisse de sécurité sociale et prendra directement en charge les prestations de la branche. C'est un pas essentiel sur le chemin de la future loi Grand âge et autonomie.
Comme vous l'aurez compris, ce budget de la sécurité sociale pour 2021 est donc d'abord une réponse forte à la crise sanitaire. Il est ensuite la traduction concrète du Ségur de la santé. Il est enfin résolument orienté vers l'avenir, avec les mesures très positives que je viens de rappeler. Le groupe La République en marche votera donc pour avec enthousiasme.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Le projet de budget de la sécurité sociale pour 2021 serait « historique », …
… pour employer un terme qu'affectionnent ce gouvernement et sa majorité. Quel décalage, encore une fois, entre les paroles et les actes ! Historiques, en effet, seront les déficits de la sécurité sociale, …
… estimés à 44 milliards d'euros pour cette année et à 27 milliards pour 2021. Et chacun sait déjà que ces chiffres sont sous-estimés, car reposant sur des bases illusoires. En effet, vos prévisions se fondent sur l'absence de deuxième vague de l'épidémie. Il est vrai que nous faisons face à une crise sanitaire inédite, …
… mais n'aurait-il pas fallu réaliser auparavant des réformes structurelles de notre système de santé ? Vous ne l'avez pas fait en période de croissance, pendant ces trois dernières années, …
… pas plus d'ailleurs les gouvernements qui vous ont précédés et que vous souteniez depuis huit ans !
Résultat : notre système de santé est désarmé pour faire face à cette crise, qui a une telle ampleur de notre pays car la seconde vague a été aussi mal anticipée que la première. Au manque de masques, de gants et de surblouses succède le manque de tests, ou leur livraison dans des délais qui les rendent inopérants, et nous devrons désormais faire face aussi au manque de vaccins contre la grippe. Vous ne semblez pas avoir tiré les enseignements de la première vague.
Ce déficit historique nous conduit à un endettement abyssal, historique lui aussi, puisque notre dette sociale atteint 396 milliards d'euros, dette insoutenable qui pèse sur la tête de nos enfants. Ce seront nos impôts et nos cotisations de demain ; c'est très inquiétant.
Ce PLFSS prévoit de financer le Ségur de la santé. Là encore, il y a beaucoup d'effets d'annonce, qui créent autant de déceptions. Pour la prime covid déjà, les déçus ont été nombreux. Si l'on peut se réjouir de quelques réadaptations ultérieures, parfois imposées à des départements dont les finances sont déjà bien mises à mal, on ne peut que regretter les oubliés de cette prime. Il en va de même pour le Ségur : nous recevons pléthore de messages d'oubliés ou de mécontents. À quand un Ségur des oubliés ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Le résultat est grave car le fantastique mouvement de solidarité des professionnels de santé, des étudiants et des intérimaires qui s'est manifesté lors de la première vague nous fait défaut pour affronter la seconde. Vous agissez pour l'hôpital, qui en a certes bien besoin, mais vous oubliez les professionnels de santé dans nos territoires.
Vous repoussez au-delà de 2022 la négociation conventionnelle pour les médecins libéraux : leur revalorisation attendra. Quel mauvais signe à leur égard, alors qu'ils sont en première ligne ! De plus, le système de distribution des masques pour les professionnels libéraux de santé a pris fin le 4 octobre dernier, alors que nous affrontons cette deuxième vague.
Pour le secteur de l'aide à domicile, dont l'activité est si précieuse, on peut quand même souligner quelques avancées, comme les crédits pour les augmentations salariales, votés à l'unanimité. Néanmoins, l'enveloppe annoncée semble bien insuffisante par rapport aux promesses : il en resterait les deux tiers à financer. De plus, l'urgence est là : cela ne peut pas attendre avril prochain. Attention aussi au sentiment d'injustice, et donc de concurrence, que vous créez entre les acteurs et pour les mêmes métiers, entre le médical et le médico-social comme entre les établissements et les services à domicile. Je tire la sonnette d'alarme pour ce qui concerne les acteurs du handicap.
Si nous pouvons nous réjouir de ces quelques avancées, notamment des revalorisations salariales pour certains, nous ne pouvons que regretter l'impéritie de ce gouvernement et le manque de respect dont il a fait preuve, une nouvelle fois, envers notre parlement, avec un ordre du jour mal préparé. Imaginez : 1 200 amendements examinés en deux jours, sans parler des 36 amendements déposés par le Gouvernement juste avant le début des débats, sans étude d'impact !
Historique serait aussi la création d'une cinquième branche : la branche autonomie, attendue depuis des années. La création est facile quand les financements ne suivent pas. Pire, vous déshabillez Pierre pour habiller Paul, en prenant l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé à la branche famille.
Quant aux familles, vous claironnez l'allongement historique du congé de paternité, qui n'était pourtant pas une priorité, contrairement au congé de maternité, qu'il faudrait allonger, ou au congé parental, qu'il faudrait revaloriser. C'est l'arbre qui cache la forêt, car vous continuez à ronger les autres allocations familiales et à raboter le quotient familial et la prestation d'accueil du jeune enfant. Les attentes des familles sont ainsi négligées. Résultat de votre absence de politique familiale : notre natalité baisse, alors que c'était une force de notre pays.
Nos débats ont révélé qu'il y avait encore beaucoup de chemin à parcourir pour que le budget de la sécurité sociale pour 2021 soit vraiment sincère, juste, équitable et surtout à la hauteur des défis que doit relever notre pays. Je vous invite à revoir votre copie, afin de n'oublier personne ni aucun territoire. Mes collègues du groupe Les Républicains et moi-même voterons donc contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, …
… comme l'ont fait la CNAM, la CNAV et l'ACOSS – la Caisse nationale d'assurance maladie, la Caisse nationale d'assurance vieillesse et l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale. Entendez leurs inquiétudes ; il y va de l'avenir de notre modèle social !
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous voilà réunis afin de voter sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 2021, dans un contexte sanitaire très préoccupant. L'agenda budgétaire se trouve perturbé par cette seconde vague de l'épidémie, qui continue de mettre à mal notre système de santé et entraîne des conséquences d'une ampleur sans précédent sur les plans économique, psychologique, social et démocratique.
Le texte que nous avons examiné deux semaines durant, en commission puis en séance publique, est la traduction comptable et financière du choc sanitaire auquel notre pays est confronté depuis près de huit mois. De fait, c'est d'un budget très largement déficitaire. Certes, ce constat peut sembler frustrant au regard des nombreux efforts de rétablissement des comptes sociaux consentis depuis le début de la législature. Toutefois, nous l'assumons et l'assumerons, parce que cette hausse considérable des dépenses sociales est nécessaire – en ce sens qu'il ne peut en être autrement.
À ce titre, nous saluons l'initiative du Gouvernement d'avoir, la semaine dernière, relevé de 2,5 milliards d'euros l'ONDAM de 2020. Agrégée aux 10 milliards d'euros déjà engagés, cette somme permettra notamment d'accélérer la mise en oeuvre des accords du Ségur et de finaliser les revalorisations pour les personnels des hôpitaux et des EHPAD. Cette mesure, très attendue, fait partie des motifs de satisfaction liés à ce PLFSS, au même titre que la mise en oeuvre de la nouvelle branche autonomie ainsi que de la définition de sa gouvernance et de son champ d'action.
Il s'agira de parachever cette ambition avec une loi ad hoc qui devra organiser les circuits de financement et l'identification des nouvelles ressources pour mieux accompagner nos concitoyens âgés et en situation de handicap. À ce titre, la création d'un financement pérenne de la CNSA à destination du secteur de l'aide à domicile sera le pilier de cette branche, et c'est une très bonne nouvelle. Notre groupe, comme d'autres, avait alerté quant à la nécessité de se mobiliser dès à présent pour investir dans ce secteur clé. Il s'agira de poursuivre la dynamique collective autour des métiers du secteur médico-social et social, condition sine qua non d'une politique publique de l'autonomie efficace et respectueuse du choix des personnes. Soyez assurés, monsieur le ministre, que le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés prendra toute sa part pour que cette branche réponde aux nombreux espoirs qu'elle suscite.
Ce texte comporte d'autres mesures à saluer comme l'allongement du congé de paternité et d'adoption, le développement des maisons de naissance ou encore la prolongation de la prise en charge intégrale des téléconsultations. Sur ce point, il est impératif d'accompagner les négociations conventionnelles afin de pérenniser cette pratique dans la loi et, à terme, de sortir du régime dérogatoire actuel ; il y va de sa lisibilité et de sa transparence dans le système de santé.
À cet égard, le groupe Dem se réjouit des quelques avancées obtenues en matière de démocratie et de gouvernance sanitaire. Il est indispensable d'aller plus loin dans ces deux domaines, en renforçant et en normalisant le dialogue entre les élus locaux et les ARS – qu'il s'agisse du partage de l'information, de la concertation ou de la consultation, notamment pour ce qui concerne la politique d'octroi de financements aux acteurs de la santé.
Plus généralement, notre groupe s'est évertué à soumettre au débat la question de la refonte de l'ONDAM. Cet indicateur est précieux mais présente de nombreuses imperfections qui nuisent à sa parfaite compréhension et surtout au suivi du déploiement des financements qu'il prévoit, dans un contexte de hausse exponentielle des dépenses de santé. L'objectif est de mesurer pleinement la diffusion sur le terrain des mesures que nous votons chaque année en blocs de milliards d'euros. Aussi suivrons-nous attentivement les conclusions de la mission confiée au Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie – HCAAM – sur la rénovation de l'ONDAM.
Comme nous l'avons dit lors de la discussion générale, notre groupe regrette l'absence de dispositions significatives concernant la prévention. Le contexte sanitaire aurait dû être l'occasion de prendre un virage concret sur cette question. En effet, si la crise a démontré la capacité du soin à s'adapter et à résister, elle a aussi mis au jour les lacunes patentes du système de santé en matière de prévention et d'anticipation. La prévention doit être le fil rouge de notre politique de santé, avec des moyens appropriés et des mesures fortes – c'est notre profonde conviction.
Pour ce qui est enfin de la santé mentale et, plus urgemment, pour la psychiatrie, il faut agir, agir encore, agir toujours pour sortir ce secteur d'un état de crise profonde qui ne date pas d'aujourd'hui. Les politiques publiques de la santé mentale doivent susciter les changements structurels nécessaires à son rétablissement ; il y va de la dignité du patient, de la reconnaissance de sa singularité ainsi que du respect de ses droits fondamentaux et de son identité.
Outre les regrets et les points de vigilance évoqués, il convient désormais d'utiliser les nombreux moyens prévus dans ce texte pour renforcer notre arsenal sanitaire et en faire une fondation consolidant notre édifice social si durement ébranlé.
En conclusion, le groupe Modem et Démocrates apparentés soutiendra ce texte qui contient des mesures ambitieuses et justes !
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et LaREM.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 534
Nombre de suffrages exprimés 530
Majorité absolue 266
Pour l'adoption 326
Contre 204
Le projet de loi est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures.
Nous abordons l'examen des crédits relatifs à l'administration générale et territoriale de l'État (no 3399, tome III, annexe 3 ; no 3404, tome I), aux sécurités (no 3399, tome III, annexes 39 et 40 ; no 3465, tome VIII ; no 3404, tomes VII et VIII) et au compte d'affectation spécial « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » (no 3399, tome III, annexe 39).
La parole est à Mme Jennifer De Temmerman, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
La mission « Administration générale et territoriale de l'État » comprend trois programmes : le programme 354, « Administration territoriale de l'État », constitue le cadre de gestion des crédits dédiés à l'administration déconcentrée de l'État ; le programme 232, « Vie politique, cultuelle et associative », rassemble les crédits qui contribuent à garantir la vie politique, cultuelle et associative des citoyens, et le programme 216, « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », finance notamment l'administration centrale. Au total, cette mission pèse plus de 4 milliards d'euros. C'est donc un budget primordial, tant pour le ministère de l'intérieur que pour les citoyens. À travers lui, c'est l'État dans sa proximité et son adaptation aux territoires qui s'exprime, et l'exercice des libertés individuelles et fondamentales des citoyens qui se manifeste.
Le budget dédié à l'activité des préfectures connaît une augmentation en crédits de paiement et une légère diminution en autorisations d'engagement. Cette érosion doit être relativisée car une partie des dépenses de l'immobilier déconcentré est prise en charge par le plan de relance. Cette augmentation trouve principalement sa source dans des mesures de transferts d'autres ministères.
En effet, le programme 354, qui porte sur l'administration déconcentrée de l'État, est particulièrement touché par les réformes de l'organisation territoriale de l'État et le mouvement de mutualisation des administrations de l'État à l'échelle territoriale. D'une part, celles-ci aboutiront, en 2021, à la création des secrétariats généraux communs, les SGC, et à la mutualisation des fonctions supports des directions départementales interministérielles et des préfectures. D'autre part, l'année 2021 verra la mise en route des directions départementales de l'emploi, du travail et des solidarités, les DDETS, qui regrouperont les compétences des administrations départementales chargées du travail et celles chargées des solidarités, pour créer un véritable service public de l'insertion.
Je note l'effort du Gouvernement pour faire cesser la réduction d'effectifs dans les préfectures. En 2021, la cible de schéma d'emplois du programme 354 est à l'équilibre. Cela répond à l'exigence de proximité de l'action publique, qui doit se développer au plus près des citoyens par l'intermédiaire des préfectures. En revanche, je tiens à exprimer mon inquiétude sur la situation des centres d'expertise et de ressources des titres, les CERT, et des services étrangers des préfectures. Les CERT sont des administrations disséminées sur l'ensemble du territoire ; elles instruisent les demandes de titres aussi fondamentaux que la carte nationale d'identité, le passeport ou la carte grise. Or, comme la Cour des comptes l'a souligné, leur fonctionnement repose dans une mesure excessive sur des contractuels. Le même constat vaut pour les services étrangers des préfectures. Le recours aux contractuels pallie une sous-dotation excessive de ces services. J'appelle à la mise en oeuvre d'une vraie politique d'attractivité à leur profit.
L'accroissement des crédits proposés pour la mission se justifie également par la richesse de la vie électorale en 2021. Le financement du programme 232, « Vie politique, cultuelle et associative », double du fait de la tenue des élections régionales et départementales, que la crise sanitaire rend de plus en plus incertaine. J'exprime ici mon doute quant à la pertinence d'un report de ces élections. La crise sanitaire ne doit pas altérer l'exercice du droit de vote des citoyens, fondamental pour la démocratie. Au printemps, des élections législatives ont eu lieu en Corée du Sud, des élections municipales en Bavière, malgré la situation sanitaire. Le vote anticipé ou le vote par correspondance sont autant de mesures utiles qui pourraient permettre aux citoyens d'exercer leur droit de vote.
D'ailleurs, le programme 232 ouvre des crédits importants pour la modernisation du système électoral par la poursuite de la dématérialisation de la gestion des listes électorales grâce au répertoire électoral unique. De plus, la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, la CNCCFP, poursuit un projet de dématérialisation du dépôt de ces comptes qui simplifiera beaucoup les démarches des candidats aux élections ainsi que le travail de contrôle.
Enfin le programme 216, « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », comporte certains projets structurants du ministère, ce qui justifie un financement extérieur par le biais du plan de relance. Il s'agit d'abord de projets numériques, notamment la mise en route de la carte nationale d'identité numérique pour laquelle l'Agence nationale des titres sécurisés, l'ANTS, a obtenu pour 2021 une ressource supplémentaire de 42,8 millions d'euros au titre du plan de relance. Il s'agit ensuite de travaux immobiliers d'ampleur dans les préfectures et les sous-préfectures, qui concourent au bien-être du personnel comme à celui des usagers et qui bénéficient d'une enveloppe de 122 millions d'euros, toujours au titre du plan de relance.
La parole est à M. Romain Grau, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Plus que jamais, la sécurité doit être considérée comme le premier droit qui doit être garanti aux Français par la République. Pour faire face aux nombreux périls de l'époque mais aussi pour rétablir une situation qui s'était dégradée depuis le début des années 2000, comme nous le disons depuis 2017, il faut faire preuve de persévérance et de cohérence en allouant les moyens budgétaires nécessaires aux missions de sécurité.
Le budget des forces de sécurité intérieures pour 2021 présente deux tendances très positives dans ce contexte. D'une part il s'inscrit dans une dynamique et une croissance désormais pluriannuelle ; d'autre part il est marqué par une inflexion importante, notamment en ce qui concerne les dépenses hors personnels.
Tout d'abord la programmation pour 2021 poursuit la croissance des moyens de la police et de la gendarmerie nationales dans la continuité de l'effort réalisé depuis 2017. Les crédits des forces de sécurité intérieure ont en effet crû de 7,38 % depuis le début du quinquennat. En tout ce sont plus de 1,7 milliard d'euros qui ont été alloués à la police et à la gendarmerie depuis 2017.
En 2021, hors plan de relance, les crédits augmentent de 1,28 % pour la police, atteignant 11,14 milliards d'euros et ceux dévolus à la gendarmerie, également en augmentation, atteindront 9 milliards d'euros. Les dépenses de personnels expliquent une part importante de cette croissance en raison du déploiement du plan quinquennal de recrutement de 7 500 policiers et 2 500 gendarmes. En 2021, ce seront 1 145 policiers et 317 gendarmes qui seront recrutés. Ces nouveaux postes seront fléchés vers les priorités des politiques de sécurité intérieure : la lutte contre le terrorisme évidemment, par le biais des services de renseignement, mais également la lutte contre le trafic de stupéfiants. Une partie notable des nouvelles recrues viendra aussi renforcer cette année la sécurité sur la voie publique, s'inscrivant pleinement dans la logique et la méthode de la police de sécurité du quotidien voulues depuis le début du mandat.
L'année 2021 sera également marquée par de nouvelles avancées catégorielles. Ainsi la création d'une indemnité pour le travail de nuit représentera 15 millions d'euros de dépenses supplémentaires pour prendre en considération les obligations particulièrement contraignantes et lourdes des agents concernés.
Je tiens également à revenir sur deux sujets récemment évoqués par le ministre de l'intérieur comme des axes de travail prioritaires pour 2021 et qui nous tiennent particulièrement à coeur. D'une part un plan de valorisation de la filière judiciaire est prévu. Il est particulièrement nécessaire à l'heure où l'on peine à recruter des officiers de police judiciaire, les OPJ, en nombre suffisant, l'ancienne voie royale souffrant d'un manque d'attractivité. D'autre part plusieurs évolutions permettront de poursuivre la réduction des tâches périphériques, parmi lesquelles la généralisation du recours à des personnels administratifs pour les fonctions d'accueil.
Deuxième point, il convient de noter une inflexion remarquable des montants alloués hors dépenses de personnels. C'est une première.
Lors de mes déplacements sur le terrain, j'ai pu mesurer à quel point les sujets de l'équipement, du parc roulant, de l'immobilier étaient cruciaux. D'aucuns craignaient que la trajectoire de recrutement du quinquennat ne s'accompagne pas d'un effort suffisant sur les dépenses autres que celles de personnels. La Cour de comptes notamment soulignait ainsi qu'un risque d'éviction des dépenses de personnels au profit des dépenses d'équipement était à craindre. Or, en 2021, grâce à la combinaison des crédits de la mission « Sécurités » et de ceux du plan de relance, ce risque s'éloignera de façon très notable. Pour la première fois depuis longtemps, grâce au cumul de ces deux supports budgétaires, les dépenses hors titre II augmenteront plus vite que les dépenses du titre II. Je soulignerai en particulier les crédits liés au renouvellement du parc de véhicules : au titre de la seule mission budgétaire, les crédits d'investissement dans le parc roulant de la police augmentent de 142 % et ceux de la gendarmerie de 133 %. Ces moyens supplémentaires seront complétés par environ 43 millions d'euros au titre du plan de relance. Cet effort est inédit. Il permettra de renouveler le quart du parc roulant.
Il convient aussi de noter à ce stade l'utilisation de caméras-piétons, généralisée d'ici à la fin juillet 2021, qui apportera un appui aux forces de sécurité afin de prévenir des incidents lors des interventions. Cet effort d'équipement, qui s'élève à 9,6 millions d'euros, ne pourra qu'améliorer la relation entre la police et la population.
Je terminerai en saluant les bons résultats de la politique de sécurité routière, qui fait la démonstration de son efficacité avec une diminution de la mortalité routière dans les mois qui viennent de s'écouler. Les moyens qui lui sont affectés se stabilisent en 2021 et c'est une bonne chose pour nous tous.
Les budgets de la mission « Sécurités » et du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » permettront de poursuivre les recrutements, de les accompagner par des moyens suffisants et ainsi d'améliorer encore davantage la sécurité des Français.
La parole est à M. Bruno Duvergé, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Prévenir les risques de toute nature, protéger les populations, les biens et l'environnement lors de la survenance de ces risques : tel est l'objet de la sécurité civile. Cette politique publique résonne d'une actualité terrible. Les inondations des vallées de la Roya et de la Vésubie témoignent de l'implacable nécessité de disposer de forces d'intervention de sécurité civile compétentes et dotées de moyens modernes et efficaces. Les bouleversements climatiques augmentent l'ampleur et la fréquence des catastrophes climatiques comme ces inondations, mais également les feux de forêt ou les coulées de boue.
Le projet de budget de la sécurité civile, je crois, prend acte de cette donnée.
Le projet de loi de finances ne contient pas l'intégralité du budget de la sécurité civile, 90 % de celui-ci étant financé par les collectivités territoriales. La sécurité civile du quotidien est assurée par les sapeurs-pompiers des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS. Cependant le rôle de l'État, qui consacre à la sécurité civile 520 millions d'euros en autorisations d'engagement sur un total de 500 milliards, est primordial. Il investit dans les moyens nationaux de sécurité civile, coordonne et pilote les acteurs de cette politique publique et en définit la doctrine.
Or la programmation pour 2021 donne une impulsion importante à la modernisation des moyens nationaux de la sécurité civile afin d'ajuster la réponse opérationnelle de l'État aux crises qui secouent notre territoire. Cet ajustement se manifeste par la hausse de 20 % des moyens alloués à la prévention et la gestion des crises. Les postes de dépenses les plus importants concernent le carburant des aéronefs, dont les crédits connaissent un ressaut de 1,7 million d'euros ; l'achat de produit retardant pour les feux de forêt, en hausse de 2 millions d'euros en 2021 ; le financement des colonnes de renforts, c'est-à-dire des moyens de l'État ou des moyens extérieurs au département destinés à venir en aide aux services départementaux en cas de crise, qui augmentent de 2 millions d'euros. En bref, avec ce budget, l'État prend acte de la tendance haussière des crises et de leur ampleur.
L'État se dote également de moyens importants pour répondre aux crises de manière efficace. Ainsi, les dépenses d'acquisition et de modernisation des moyens aériens et terrestres de la sécurité civile atteignent 415 millions d'euros et 57,5 % des crédits du programme. En 2021, deux Dash seront livrés : il s'agit de nouveaux avions multi-rôles disposant d'une capacité d'emport d'eau ou de retardant de 10 tonnes, contre 3,4 pour les anciens Tracker.
Par ailleurs, le plan de soutien à l'aéronautique comprend l'achat de deux nouveaux hélicoptères pour la sécurité civile, ce qui permet au groupement des hélicoptères de la sécurité civile de disposer de 36 machines. Le plan de relance finance également le maintien en condition opérationnelle des appareils, dont la dotation totale pèse 40 millions d'euros en crédits de paiement.
Le rôle de pilotage des acteurs de la sécurité civile qui échoit à l'État s'exprime principalement, au niveau budgétaire, par la participation de l'État au budget de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et par la dotation de soutien à l'investissement des SDIS. Cette dotation vient entièrement abonder le budget de l'Agence du numérique de la sécurité civile, l'ANSC, qui développe le système d'échange NexSIS 18-112. Ce nouveau système, permettant une gestion des alertes et des échanges commune et coordonnée entre les SDIS, commencera d'être déployé en 2021. Il est unanimement salué par les acteurs de la sécurité civile. En revanche, le déficit de personnels affectés à l'ANSC risque de menacer l'avenir des projets numériques qu'elle poursuit.
Je tiens enfin à vous faire part, chers collègues, de ma préoccupation concernant la situation financière de certaines associations agréées de sécurité civile, piliers du modèle français de sécurité civile. Conformément à leur raison d'être, elles se sont fortement mobilisées pendant la crise aux côtés de nos sapeurs-pompiers et leurs dépenses se sont alourdies du fait de cette mobilisation. Dans le même temps, les restrictions liées à l'état d'urgence sanitaire les empêchent de dispenser des formations au secourisme et de prendre en charge des dispositifs de secours lors de grands événements publics, ce qui réduit leurs recettes. Un soutien public financier mesuré et ciblé doit rapidement être mis sur pied, faute de quoi on risque de voir certaines d'entre elles disparaître.
La parole est à M. Antoine Savignat, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
La mission « Administration générale et territoriale de l'État », pilotée par le ministère de l'intérieur, vise trois objectifs : garantir l'exercice de leurs droits par les citoyens, assurer la présence et la continuité de l'État sur l'ensemble du territoire, appliquer sur le plan local les politiques publiques nationales.
Cette mission regroupe les crédits consacrés aux administrations déconcentrées du ministère, à ses fonctions supports, ainsi qu'aux subventions publiques dont il assure la gestion. Au total, plus de 4 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement sont budgétés pour 2021, en légère hausse par rapport à l'exercice précédent. Cette augmentation tient principalement à l'organisation, l'année prochaine, des élections départementales et régionales, ainsi que des élections territoriales en Corse, en Martinique et en Guyane. Ainsi, les crédits de l'action « Organisation des élections » du programme 232 augmentent fortement.
Par ailleurs, plusieurs réformes engagées au cours des dernières années se poursuivent, dont la mise en place des secrétariats généraux communs départementaux, qui doivent regrouper à terme les fonctions supports des préfectures et des directions départementales interministérielles en tension qu'il convient d'accompagner en cette période de crise. C'est en particulier le cas pour le contrôle de légalité et, plus généralement, le soutien juridique aux collectivités territoriales. Sur ce point, il est à craindre que ce budget ne soit pas suffisant.
Par ailleurs, la labellisation « France Services » des guichets uniques se poursuit pour assurer un meilleur accès aux services publics sur l'ensemble du territoire. Si l'on peut s'en féliciter, celle-ci ne permettra pas de répondre au sentiment d'éloignement des services publics que nombre de citoyens éprouvent.
Enfin, les investissements se poursuivent dans les systèmes d'information et de communication. Si la dématérialisation de certaines procédures va dans le bon sens, elle peut aussi contribuer à l'éloignement du service public des personnes les plus fragiles. Il convient donc de conserver également des points d'accueil physiques : compenser par de nouveaux moyens le désengagement de l'État dans les territoires ne doit pas conduire à déshumaniser toutes les procédures.
Une autre mission particulièrement sensible est la gestion de la crise migratoire, qui met en tension les services des ressortissants étrangers des préfectures dans l'accomplissement de leurs différentes tâches, car ceux-ci doivent maintenir leur capacité d'accueil du public dans le contexte de l'épidémie de covid-19 et dans le respect du protocole sanitaire. J'insiste sur la nécessité d'accompagner les services concernés par des directives claires et des moyens adaptés.
Pour la partie thématique de mon rapport, je me suis intéressé aux conséquences de l'épidémie de covid-19 sur le déroulement des élections municipales de 2020 et sur les principaux enseignements à en tirer pour préparer les prochaines échéances électorales. Les conditions dans lesquelles ont été organisées les élections municipales ont, en effet, entraîné de nombreuses difficultés pour les candidats comme pour les équipes municipales chargées des opérations de vote. Nombre d'électeurs, par crainte de la contamination, ont renoncé à se rendre dans leur bureau de vote, contribuant ainsi à accroître l'abstention : plus d'un électeur sur deux ne s'est pas déplacé aux urnes.
Alors que le pays connaît actuellement une seconde vague de propagation de l'épidémie conduisant à la réactivation de l'état d'urgence sanitaire, il convient d'anticiper dès à présent les conditions dans lesquelles pourront se tenir les prochaines échéances électorales, car elles doivent se tenir, pour la bonne santé de la démocratie. Nous comprenons qu'une réflexion soit menée sur un éventuel report de ces élections, mais nous devons aussi nous interroger sur les possibles évolutions de la procédure électorale. Nous devons ouvrir un véritable débat sur le fonctionnement de notre démocratie. Le report des élections ne saurait être la seule solution envisagée.
Plutôt que de remettre le calendrier électoral en question, nous devrions, comme d'autres pays, envisager des réformes pour moderniser les opérations de vote et assurer une meilleure participation aux différents scrutins.
Il faut engager une réflexion globale car le vote par procuration ne peut, à lui seul, apporter toutes les réponses. En cette période de crise, il est impératif d'améliorer la visibilité de la campagne électorale – avec, par exemple, des campagnes en ligne, à la télévision ou sur les réseaux sociaux – , de sécuriser le vote physique dans les bureaux – en étendant leur amplitude horaire ou en ouvrant la possibilité de voter de manière anticipée – et de développer le vote par correspondance, comme l'ont fait plusieurs pays voisins sans que les cas de fraude ne constituent un obstacle insurmontable.
Ces réflexions sont importantes, car l'abstention constatée à chaque élection est encore renforcée par le contexte épidémiologique actuel. Nous ne pouvons nous en satisfaire. C'est le sens même de la représentation qui se joue dans notre capacité à tenir des élections et à assurer la participation.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. Xavier Batut, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Dans le contexte inédit de l'année 2020, marqué par la crise sanitaire, la gendarmerie nationale aura su, une fois de plus, faire la preuve de sa résilience, de sa réactivité, de sa capacité d'adaptation, de sa polyvalence, bref, de sa pleine capacité à « répondre présent », pour reprendre le mot d'ordre de son directeur général, le général d'armée Christian Rodriguez.
L'année 2020 aura été marquée par l'intensité soutenue des activités de maintien de l'ordre et, bien sûr, par la lutte contre la menace terroriste, malheureusement toujours d'actualité. Ces interventions, très médiatisées, ne doivent pas faire oublier les actions de proximité menées au quotidien par les 130 000 gendarmes d'active et de réserve auprès de la population. Je tiens, une nouvelle fois, à leur rendre hommage dans l'hémicycle.
C'est dans ce contexte de crise que s'inscrit le projet de loi de finances pour 2021, texte indissociable des mesures adoptées en loi de finances rectificative le 30 juillet dernier. En effet, cette dernière a prévu la commande d'environ 1 300 véhicules et le programme d'acquisition de dix hélicoptères H160 et le plan « Poignées de portes », financé par un dégel de la réserve de précaution, a permis le financement de 15 millions d'euros de travaux.
Au sein du programme 152 proprement dit, je me félicite du schéma d'emplois, qui s'élèvera à 317 équivalents temps plein, et de l'acquisition de 4 000 véhicules, dont 582 motos, 48 véhicules blindés, 243 véhicules de maintien de l'ordre et 40 véhicules de commandement et de transmissions. Le programme 152 est complété par les crédits de la mission « Plan de relance » qui contribuera au financement de la maintenance immobilière, à l'acquisition de 650 véhicules verts, de caméras-piétons, de tasers et de gilets tactiques et, bien sûr, au financement du plan Néogend, auxquels s'ajouteront 11,6 millions d'euros au titre d'appels à projets dans le cadre du plan France relance.
Si je salue l'ensemble de ces mesures qui amélioreront nettement les conditions de travail et de vie de nos gendarmes, j'appelle votre attention sur deux points.
Premièrement, l'imputation de la réserve de précaution à l'ensemble des crédits pose un problème majeur s'agissant du hors titre II. Le taux théoriquement applicable est de 4 %. Or, compte tenu de l'existence de 64 % de dépenses non manoeuvrables, le taux de mise en réserve applicable aux dépenses manoeuvrables équivaut en réalité à 11 %. Cela a un effet d'éviction mécanique sur l'entretien des véhicules et des casernes. Par conséquent, il conviendrait d'imputer le taux de la réserve de précaution sur les seules dépenses non obligatoires et d'inscrire un tel principe dans une loi de programmation de la sécurité intérieure.
Le deuxième point porte sur la rémunération et les conditions de vie et de travail des gendarmes. Si l'on ne peut bien évidemment que se féliciter des mesures prises et annoncées pour revaloriser la rémunération des policiers, il conviendrait cependant de ne pas oublier les gendarmes, qui interviennent sur 96 % du territoire national au profit de 52 % de la population. La gendarmerie est une force résiliente et disponible en tout temps et en tout lieu : il nous revient donc à nous, représentants de la nation, d'insister sur le fait que les gendarmes ne doivent pas être les oubliés de la politique de ressources humaines et d'investissement du ministère de l'intérieur.
J'en viens au volet thématique de mon rapport. La subsidiarité et la proximité sont des gages d'efficacité et de réactivité. Ces valeurs qui me sont chères sont au coeur du processus de transformation de la gendarmerie nationale enclenché dans le cadre du plan stratégique « GEND 20. 24 ». En effet, la gendarmerie mène de nombreuses actions, que je salue toutes, pour se moderniser en se rapprochant du citoyen.
Pour terminer, je présenterai brièvement les mesures que je préconise dans mon rapport afin de renforcer la proximité entre le gendarme et la population.
Tout d'abord, le logement étant une composante essentielle de l'attractivité du métier de gendarme, il conviendrait que l'État, sans coût budgétaire supplémentaire, fasse pression sur les collectivités territoriales et sur les bailleurs sociaux qui ne remplissent pas toujours leurs obligations en matière de gros entretien et de travaux dans les casernes dont ils sont propriétaires.
Ensuite, j'évoque dans mon rapport la question des mutualisations opérées au ministère de l'intérieur, au premier rang desquelles celle des SGAMI – secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur – , positionnés au niveau des sept zones de défense. Je préconise, dans une logique de proximité, qu'ils soient positionnés au niveau régional. Je propose également que l'ensemble des mutualisations opérées au ministère de l'intérieur donne lieu à une évaluation tous les cinq ans.
Enfin, il me semble nécessaire de limiter certaines tâches indues, de sanctuariser les crédits de la réserve opérationnelle dans le cadre de la future loi de programmation et de redonner des marges de manoeuvre budgétaires aux commandants de compagnie. J'ai d'ailleurs déposé un amendement en ce sens.
En conclusion, la commission de la défense nationale et des forces armées a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 152.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Stéphane Mazars, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Je commencerai mon intervention en vous paraphrasant, monsieur le ministre de l'intérieur : …
… un budget en augmentation n'est pas forcément un bon budget, mais il peut arriver qu'un budget en augmentation soit un bon budget. En ce qui concerne les crédits octroyés à la police et à la gendarmerie dans le projet de loi de finances pour 2021, il s'agit même d'un très bon budget.
Vous n'êtes pas le seul à le dire, monsieur le ministre : c'est également l'avis de toutes les personnes que j'ai auditionnées. Les syndicats de police, en particulier, ont reconnu qu'un effort très important avait été consenti cette année en faveur de l'équipement, du matériel, du fonctionnement, bref, des moyens opérationnels qui permettent aux gendarmes et aux policiers le bon exercice de leurs missions au quotidien. Pourtant, ce quotidien n'est pas toujours facile.
L'année 2020 a été marquée par la pandémie de covid-19. Ce constat, qui s'applique à de nombreux secteurs de l'économie et à de larges pans de l'administration publique, concerne également les forces de sécurité intérieure. Fortement sollicitées pendant la crise, les forces de l'ordre ont été l'un des maillons essentiels de la réponse apportée à la pandémie par les pouvoirs publics. Leur présence et leurs contrôles sur le terrain, au plus proche des Français, ont contribué à la réussite du confinement de la population entre la fin du mois de mars et le début du mois de mai. Durant des semaines, les forces de l'ordre ont une nouvelle fois fait preuve d'un engagement sans faille et, au plus fort de l'épidémie, ces hommes et ces femmes ont, avec beaucoup de discernement et de pédagogie, participé à la restriction des flux de circulation au strict minimum.
Par ailleurs, si la gestion du confinement et de ses suites a beaucoup mobilisé les forces de l'ordre, elle n'a pas effacé les autres problèmes auxquels policiers et gendarmes sont chaque jour confrontés : délinquance – petite et grande – , risque terroriste – dont les deux attentats commis au cours des dernières semaines montrent qu'il est toujours aussi prégnant sur notre territoire – , maintien de l'ordre public ou encore dégradation des relations avec une frange particulièrement violente de la population, comme en témoigne l'attaque récente d'un commissariat à Champigny-sur-Marne.
Les policiers et les gendarmes que je rencontre chaque année le disent : ils ont à coeur de faire leur métier et de remplir leurs missions régaliennes. Les représentants de la nation que nous sommes doivent leur en donner la capacité financière dans le cadre du projet de loi de finances. C'est l'honneur et la responsabilité de l'Assemblée nationale que de doter les policiers et les gendarmes des moyens humains et matériels leur permettant d'exercer leurs missions dans les meilleures conditions possibles. Le budget dédié à la sécurité pour 2021 y contribuera.
À cet égard, et même si ce n'est pas l'objet de mon rapport pour avis, je me félicite que le plan de relance permette d'intensifier et de verdir l'effort d'investissement de la police et de la gendarmerie dans l'immobilier et dans le renouvellement de leur parc automobile. Interrogé à ce sujet lors de l'examen pour avis des crédits par la commission des lois, vous avez fourni, monsieur le ministre, des éléments très complets et très éclairants. Il y aura ainsi, de façon certaine, 160 millions d'euros supplémentaires pour la gendarmerie et 123 millions pour la police nationale. Pour ce qui est des projets immobiliers, 330 opérations sont prévues pour la police nationale pour un montant de 684 millions d'euros, et 472 opérations pour la gendarmerie nationale, soit 433 millions d'euros.
Cette année, j'ai choisi de consacrer la partie thématique de mon avis aux nouvelles technologies. Ces dernières, très diverses, présentent un double intérêt pour les policiers et les gendarmes. D'une part, elles leur permettent de gagner en efficacité. Je pense notamment aux tablettes NEO, qui offrent un grand nombre d'applications « en mobilité », au profit d'une plus grande présence sur le terrain, au plus près de nos concitoyens. D'autre part, elles permettent d'élever le niveau de sécurité en permettant une désescalade salutaire – je fais ici référence aux caméras mobiles. La généralisation de ce dispositif au 1er janvier prochain nécessitera 30 000 caméras, soit plus que le nombre de brigades, pour compenser les pertes. Les crédits inscrits à hauteur de 7 millions d'euros en deux ans devraient être suffisants.
Ces innovations nécessitent cependant une formation adaptée des personnels et un encadrement juridique rigoureux. Nous aurons, je l'espère, l'occasion d'en reparler prochainement dans le cadre de l'examen de la proposition de loi d'Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue, notamment au sujet des drones.
En conclusion, je ne surprendrai personne en relayant l'avis favorable aux crédits des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » émis par la commission des lois. Il s'agit, je le répète, d'un bon budget pour le quotidien des forces de l'ordre.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Arnaud Viala, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Le budget de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, d'un montant de 520 millions d'euros, est stable cette année. Vous avez précisé, monsieur le ministre, lors de votre audition par la commission des lois, que cette direction bénéficiera également de près de 40 millions d'euros dans le cadre de la mission « Plan de relance ».
Je souhaite par ailleurs souligner que le programme 161 « Sécurité civile » ne représente qu'une faible part des 6,5 milliards d'euros consacrés chaque année à la sécurité civile en France. L'État contribue au tiers de ce montant, notamment en transférant aux départements une fraction de la TSCA – taxe spéciale sur les conventions d'assurance – , pour le financement des SDIS.
L'an dernier, pour l'élaboration du rapport pour avis sur cette mission, je m'étais penché sur les évolutions structurelles souhaitables, notamment en matière de gestion de l'urgence et de l'intervention des services de sécurité civile. Cette année, compte tenu de la situation, j'ai choisi de consacrer le rapport aux conséquences de la covid-19 sur la gestion de ces services, et surtout la réalisation de leurs missions.
Les sapeurs-pompiers et les associations agréées ont joué un rôle indispensable dans la gestion de la crise de la covid-19. Les pompiers sont des acteurs incontournables de notre système de santé ; 84 % de leur activité est consacrée aux secours d'urgence aux personnes. Ils ont effectué plus de 122 000 interventions liées à l'épidémie entre mars et mai 2020. Les associations agréées de sécurité civile, comme la Fédération nationale de la protection civile ou la Croix-Rouge française ont effectué près de 3 millions d'heures de bénévolat, et 18 000 interventions en véhicule de secours, liés à la covid-19 sur la même période.
Toutefois, dans de nombreux départements, pompiers et associations agréées ont été peu sollicités au début de la crise, car sa gestion était assurée par un seul ministère, celui de la santé. Leur sentiment de frustration et de sous-emploi a été d'autant plus fort qu'ils avaient les moyens d'agir.
À l'inverse, dans les départements les plus touchés par la crise, on s'est souvenu de leur utilité quand les services de santé étaient saturés. Ce défaut d'organisation trouve sa source dans la gestion bicéphale de la crise au niveau national par les ministères de la santé et de l'intérieur, qui a eu des conséquences préoccupantes sur la communication entre les ARS et les préfets, au niveau local. Les pompiers et les associations agréées ont été obligés de contourner une collaboration interministérielle défaillante aux niveaux local et national, pour mener à bien des interventions indispensables à la population.
Face à cette gestion de crise, les sapeurs-pompiers et les associations agréées demandent tout d'abord une meilleure reconnaissance. Il conviendrait de mieux reconnaître les compétences des pompiers en matière d'aide médicale d'urgence, en renforçant le rôle de leurs services de santé et de secours médical, en élargissant le champ des gestes techniques qu'ils peuvent pratiquer, et en révisant le référentiel commun d'organisation du secours d'urgence aux personnes et de l'aide médicale urgente – SUAP-AMU – de 2008, qui est obsolète.
Il paraît également nécessaire de mieux définir les modalités d'engagement opérationnel et de financement des associations agréées. À court terme, celles-ci ont surtout besoin d'une subvention d'urgence de l'État – je rejoins l'inquiétude de notre collègue à ce sujet – , car elles sont souvent gravement menacées par la crise. Soutiendrez-vous, monsieur le ministre, l'amendement de crédit que j'ai déposé dans cette optique ?
En second lieu, les sapeurs-pompiers et les associations agréées demandent une meilleure coordination. Les pompiers souhaitent que le pilotage opérationnel des crises survenant sur le territoire national revienne au ministère de l'intérieur et au préfet, au niveau local, mais aussi que la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises exerce une fonction de coordination opérationnelle des SDIS, qui fait défaut depuis le début de la crise.
En outre, les associations agréées demandent l'établissement d'un lien plus solide et permanent avec les ministères de l'intérieur et de la santé et leurs réseaux territoriaux.
J'évoquerai trois autres défauts de coordination entre les ministères de l'intérieur et de la santé, qui sont devenus critiques dans le cadre de la crise de la covid-19. Il conviendrait tout d'abord qu'un arbitrage interministériel tranche la question du numéro unique d'appel d'urgence et des plateformes communes de réception des appels d'urgence. Le problème de saturation du 15, constaté au début de la crise, et pourrait malheureusement réapparaître, ne se serait pas produit si des plateformes départementales réunissant le 15, le 17, le 18 et le 112 avaient été créées.
De plus, les projets d'instauration d'un service d'accès aux soins au ministère de la santé sèment le trouble. Un numéro unique d'appel d'urgence sera-t-il créé, comme le Président de la République s'y est engagé ? Ou bien ce numéro unique ne concernera-t-il que les questions de santé ?
Il paraît également nécessaire que le Gouvernement procède à des arbitrages concernant les carences ambulancières, qui sont nombreuses. La définition des cas de carence diffère entre les SDIS et les SAMU depuis des années et le montant de leur indemnisation fait l'objet d'un désaccord entre les ministères de l'intérieur et de la santé, et l'Assemblée des départements de France – ADF.
Enfin, il conviendrait de créer un organisme interministériel chargé de coordonner l'utilisation des hélicoptères de service public car la collaboration insuffisante entre les hélicoptères du SAMU et ceux de la sécurité civile a constitué une source de difficultés pour l'évacuation et le transport interhospitalier des patients pendant la crise.
Nonobstant ces questions qui, je l'espère, trouveront une réponse ce soir, je vous indique, monsieur le ministre, que le groupe Les Républicains votera les crédits de la mission « Sécurités ».
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Nous en venons aux interventions des porte-parole des groupes.
La parole est à M. Pierre Morel-À-L'Huissier.
Alors que l'ordre républicain est abîmé, que la société est fracturée et que la capacité de l'État d'agir au plus proche de nos territoires est fragilisée, nous sommes favorables à un engagement fort du Gouvernement sur les missions que nous examinons.
La mission « Administration générale et territoriale de l'État », qui garantit l'exercice des droits des citoyens dans le domaine des grandes libertés publiques et assure la présence et la continuité de l'État sur l'ensemble du territoire voit ses crédits augmenter de 6 % pour s'établir à 4,2 milliards d'euros, ce qui est une bonne chose.
En ce qui concerne cette mission, je souhaite toutefois vous interroger sur plusieurs points, et tout d'abord sur la baisse du budget dédié à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, alors que nous entamons un agenda composé de multiples élections.
Ensuite, la baisse du budget alloué au fonds interministériel de prévention de la délinquance est surprenante dans le contexte actuel.
Enfin, alors que la demande des citoyens de proximité des services publics est de plus en plus prégnante et doit devenir une absolue priorité de nos politiques publiques, la baisse de 3,68 % des autorisations d'engagement du programme 354 « Administration territoriale de l'État », justifiée par une mutualisation des fonctions supports, ne doit pas entraîner une baisse qualitative des services et encore moins de nouveaux départs de l'administration.
J'en viens à la mission « Sécurités », axée sur six priorités : la préservation du pacte républicain, le renforcement du lien entre la police et la population, l'amélioration des conditions de travail des forces de l'ordre, la lutte contre l'insécurité routière, l'adaptation de la protection face aux nouveaux risques et aux nouvelles menaces et enfin la sécurité civile.
Les députés du groupe UDI et indépendants se réjouissent du montant des crédits alloués à cette mission et souhaitent qu'ils soient rapidement déployés. Il y a urgence, comme vous le savez, monsieur le ministre, à soutenir les gendarmes et les policiers. Notre groupe formulera des propositions concernant l'allocation des moyens et la sécurisation des dépenses des réserves opérationnelles ; Christophe Naegelen évoquera ce sujet.
De nombreuses réformes ont été promises concernant la police de la sécurité du quotidien, la sécurité globale et la police municipale. Pour ces réformes, de nouveaux moyens doivent être déployés, afin de permettre à nos forces de remplir leur rôle avec la plus grande efficacité. Je note avec satisfaction votre engagement pour la généralisation des caméras en 2021.
Nous devons également élargir l'autorisation du port d'arme à la police municipale, lui permettre d'effectuer des contrôles d'identité, de prononcer des fermetures d'établissement, de sanctionner plus facilement le délit d'outrage, d'avoir accès à davantage de fichiers – c'est une proposition de M. Didier Paris et moi-même – ou encore de revenir sur le dispositif en vigueur prévu pour procéder à des fouilles.
Pour ce qui est de la sécurité civile, le programme 161 dispose d'un budget de 520 millions d'euros, en hausse de 0,5 %. Il ne représente toutefois qu'une faible part des 6,5 milliards consacrés à la sécurité civile dans son ensemble. Celle-ci mérite des engagements forts du Gouvernement, au plus vite, qu'il s'agisse des moyens matériels ou de la reconnaissance de nos forces vives.
En ce qui concerne la flotte d'avions gros porteurs, je souhaiterais disposer d'une vision précise du nombre d'avions Dash en activité et des commandes en cours. De même, quels sont vos choix en matière de renouvellement des Tracker et des Canadair, dont certains datent de 1958 ? Enfin, quel est le nombre exact d'hélicoptères ? Il s'agit en effet de savoir si l'ensemble du territoire est suffisamment couvert, avec des appareils équipés de matériel médical à moins de trente minutes d'un centre de soins, hiver comme été.
Pour promouvoir une nouvelle ambition pour tous les sapeurs-pompiers, un grand chantier de réformes doit aboutir. Des efforts ont été faits récemment pour les professionnels.
Je sais également qu'une proposition de loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et à valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers, soutenue par la majorité, prévoit des mesures en la matière ; j'en suis signataire, aux côtés de députés de plusieurs groupes distincts du groupe majoritaire, ce qui démontre une volonté de concorde sur ce sujet. Vous savez que la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France est dans l'attente, après un congrès non conclusif en 2019, l'annulation du congrès de 2020, et une assemblée générale où le Président de la République n'a pu être présent. Au-delà de cette proposition de loi, qui n'a toujours pas été inscrite à l'ordre du jour, il conviendra de préciser ce que le Gouvernement entend faire concernant la directive européenne relative au temps de travail de 2003. Si Grégory Allione, le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, souhaite une nouvelle directive, il semble que vos services comptent plutôt recourir aux dérogations prévues dans la directive actuelle.
Je ne saurais passer sous silence que le Président de la République a reçu récemment la fédération et que certaines orientations semblent avoir été abordées, mais dont les contours restent abscons. Il serait question d'un « renforcement capacitaire des moyens nationaux de la sécurité civile, notamment concernant les hélicoptères », d'un « fléchage des crédits du plan de relance, de la DSIL – la dotation de soutien à l'investissement local – et de la DETR – la dotation d'équipement des territoires ruraux – vers l'investissement dans les SDIS », d'un « développement de l'aide aux entreprises » – qu'est-ce-à-dire ? – , enfin d'une « bonification des retraites des sapeurs-pompiers volontaires ».
De telles mesures sont réclamées depuis fort longtemps – c'est le membre de la commission « Ambition volontariat », créée en 2009, et le rapporteur de la proposition de loi de 2011 relative à l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique, qui vous le dit.
Nous espérons donc que des décisions concrètes seront prises, notamment concernant les entreprises, qui rechignent de plus en plus à embaucher des SPV – sapeurs-pompiers volontaires – , le dispositif prévu dans la loi relative au mécénat, aux associations et aux fondations de 2003 n'étant pas attractif.
Au-delà de toutes ces considérations, compte tenu de l'importance que revêt cette mission, le groupe UDI-I votera majoritairement pour vos propositions budgétaires, en espérant que vous saurez adopter les mesures que nos concitoyens attendent.
Le budget de la mission « Sécurités » est en hausse de 1 %, atteignant près de 20,7 milliards d'euros ; 2 000 postes supplémentaires de policiers et de militaires de la gendarmerie, sur les 10 000 promis pendant le quinquennat, viendront renforcer les forces de sécurité intérieure. Le chemin est long, mais il semble bien tracé.
Nous suivons la même trajectoire concernant les emplois dans les services de renseignement puisque la barre des 9 000 agents serait franchie l'an prochain, ce qui correspond aux besoins. En revanche, il semblerait que le renseignement manque des moyens budgétaires lui permettant d'investir et de renforcer la capacité des agents à remplir leurs missions, notamment en organisant des formations complémentaires et en acquérant du matériel, ce qui serait très utile compte tenu de la nature de plus en plus protéiforme des menaces auxquelles ils doivent faire face. Les terribles attentats survenus sur notre territoire ont en effet cruellement démontré la nécessité de faire du renseignement une priorité. Je suis convaincue, monsieur le ministre, que vous saurez entendre cette demande.
Par ailleurs, les forces de sécurité sont sur tous les fronts : lutte contre le terrorisme, lutte contre la criminalité, action contre l'insécurité et la délinquance du quotidien, maintien de l'ordre. Elles doivent en outre, désormais, veiller au respect des mesures sanitaires et sont chargées de délivrer les amendes forfaitaires pour l'usage du cannabis. Les augmentations de moyens financiers et humains que vous annoncez seront-elles à la hauteur de ces enjeux ?
Vous dites souvent, monsieur le ministre, que la priorité de votre action est le quotidien du policier et du gendarme. Vous avez raison, tant les forces de l'ordre assurent leurs missions en flux tendu.
Ce qui est en question, c'est bien le sens de leur mission. À ce titre, il est impératif de revenir sur la fameuse politique « du chiffre ». Nombreux sont les agents qui ont le sentiment de ne pouvoir faire leur travail correctement car on leur demande non pas d'atteindre des objectifs, en leur laissant le choix des moyens pertinents pour y parvenir, mais de remplir des cases, ce qui se traduit par des tableaux couverts de petits bâtonnets, tableaux ajustés en fonction des priorités politiques. Ainsi les forces de l'ordre sont-elles contraintes de privilégier l'interpellation sur l'investigation ou sur la récupération d'éléments qui permettrait de mieux judiciariser et résoudre les enquêtes. Souvent, à peine interpellés, les mêmes sont relâchés, faute de preuves ; l'impuissance prend alors le dessus.
Vous préparez également une réforme de la formation initiale et continue. Comme vous le savez, la durée de la formation initiale a été réduite, notamment depuis la crise sanitaire, ce qui affecte la qualité du recrutement. On en connaît les conséquences. Quant à la formation continue, obligatoire et absolument nécessaire, elle prend souvent la forme, pour les policiers, de trois malheureuses heures par an, en moyenne, car l'opérationnel prend toujours le dessus, faute d'effectifs suffisants, dans la police comme dans la gendarmerie.
Les centres d'entraînement au tir, s'ils ont été préservés dans la gendarmerie, ont pratiquement disparu dans la police, avec les conséquences que l'on imagine.
Les refus d'obtempérer se multiplient, et la vie des forces de l'ordre est mise directement en jeu.
Ces inquiétudes, cette fatigue psychologique et physique, accumulées, peuvent aussi s'expliquer par l'application d'une doctrine du maintien de l'ordre qui a montré ses limites sur le terrain et dans les commissariats. Selon un tout récent rapport d'Amnesty International, entre le 17 novembre 2018 et le 12 juillet 2019, dans le seul cadre des manifestations de gilets jaunes, 11 203 manifestants ont été placés en garde à vue, plus de la moitié d'entre eux n'ayant finalement fait l'objet d'aucune poursuite. En revanche, face à des black blocs et à de vrais casseurs, ou bien dans certains quartiers, il a pu leur être demandé de ne pas intervenir. Certaines unités de police ont été amenées à utiliser des lanceurs de balles, alors même que leur formation n'était pas adaptée au maintien de l'ordre dans le cadre de manifestations.
Vous avez récemment publié un nouveau schéma du maintien de l'ordre, que nous attendions depuis des mois et qui semble prendre en compte les différents problèmes apparus depuis 2015, afin de préserver le difficile équilibre entre liberté et sécurité, protection des manifestants mais aussi des policiers ; il prend notamment en compte le principe de désescalade et l'impératif d'une meilleure communication sur le terrain, avec des dispositifs très concrets. C'est une bonne chose mais nous voulons savoir si des moyens adaptés en matière de matériel et de formation y seront bien consacrés. D'autres formes de violence nécessitent également une action résolue. Selon le bleu budgétaire, le nombre de victimes de violences physiques non crapuleuses et de violences sexuelles a bondi, passant en zone police de 262 000 en 2018 à 276 000 en 2019 ; de même, le nombre de cambriolages a augmenté de 50 %.
Les missions de la sécurité civile assurées par les sapeurs-pompiers évoluent, quant à elles, très rapidement, induisant de fortes tensions. Une proposition de loi devrait être débattue dans les prochaines semaines : elle sera la bienvenue car la situation actuelle est révélatrice de l'inadaptation de notre système de sécurité civile aux évolutions en cours, puisque les interventions se concentrent désormais sur les premiers secours – 85 % des interventions des pompiers relèvent de l'assistance à la personne.
Enfin, nous notons que les crédits alloués à la sécurité routière sont en baisse de près de 10 %. Lorsqu'on sait que le coût total de l'insécurité routière est estimé à 50,9 milliards d'euros en 2019, selon le bilan de l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière, on peut légitimement se demander ce qui explique cette baisse de crédits.
En définitive, si les députés du groupe Libertés et Territoires se réjouissent de l'évolution globalement à la hausse du budget de la mission « Sécurités », ils ne sont cependant encore totalement convaincus ni de sa parfaite adéquation aux enjeux ni de la pertinence de la répartition des crédits. Un changement de logiciel et une évolution des pratiques sont nécessaires pour redonner du sens aux missions de tous ceux qui sont sur le terrain. C'est la raison pour laquelle notre groupe s'abstiendra.
« Oui, nous serons prêts. » C'est le Président de la République qui s'exprimait ainsi, le 14 juillet. « Nous serons prêts pour la deuxième vague. » Le ministre de l'éducation approuvait en Dupont : « Nous sommes préparés à tout » ; et sa Dupond, en charge de l'enseignement supérieur renchérissait : « Les établissements sont prêts. » Sans compter notre La Palice, Premier ministre, qui, en septembre, préconisait de se laver régulièrement les mains et qui, ce samedi encore, donnait ses recommandations : « Le meilleur moyen de soulager l'hôpital, c'est de ne pas tomber malade. »
Tout allait bien, madame la marquise. Mais soudain le couvre-feu, l'état d'urgence, les ordonnances, et bientôt, ce vendredi, le reconfinement. La police de nouveau en première ligne, à délivrer des amendes de 135 euros – six mois de prison après trois infractions. Des restrictions aux libertés inédites en temps de paix, pointe le président de la Commission nationale consultative des droits de l'homme. Ce printemps, ça se comprenait : nous étions pris par surprise, par un virus inconnu, débarqué de Chine. Vous agissiez, réagissiez dans l'urgence, d'où notre clémence. Mais cet automne, six mois après, six mois au cours desquels se préparer : à nouveau les hôpitaux pleins, le manque de lits, la pénurie de soignants, de gants et, qui sait, de médicaments… Et ce tweet qu'un médecin vient de publier : « Bonjour Christophe, urgent : j'ai besoin de toi. Mon beau-père, 82 ans, hospitalisé pour covid-19. L'hôpital vient de nous dire qu'ils ne pourront pas le mettre en réa, vu son âge : priorité aux jeunes. Mais franchement, c'est honteux ! Peux-tu m'appeler, s'il te plaît, on a besoin d'aide. »
Telle la cigale de la fable, vous avez chanté tout l'été, et nous voilà fort dépourvus quand la bise fut venue. Vous avez chanté « croissance », vous avez chanté « Faites-nous confiance », vous avez chanté « Laissez-nous gérer », et c'est parce que nous vous avons obéi, parce que nous vous avons fait confiance, que nous sommes dans la mouise aujourd'hui. Parce que nous vous avons laissé gérer seuls, dotés des pleins pouvoirs, les décisions tombées d'en haut, de l'Élysée ou de Matignon, l'état d'urgence, au nom de l'urgence pour les urgences. La démocratie, ça aurait ralenti, ça aurait entravé vos mesures – « nous n'avons pas besoin d'un colloque », me suis-je entendu répondre, samedi. En une formule, tout est dit.
La France compte une somme d'intelligences énorme : infectiologues, épidémiologistes, ambassadeurs, anthropologues, journalistes scientifiques, chercheurs en tous genres, statisticiens, historiens, responsables d'ONG, grands reporters, médecins, enseignants, soignants, étudiants, commerçants… mais toute cette intelligence ne compte pour rien, nous n'avons pas besoin d'un colloque ; vous savez, vous savez seuls, pas besoin de nous, pas besoin des Français. C'est le prix de votre suffisance que nous payons aujourd'hui.
L'autre chemin, la solution alternative à votre solitude, c'est la démocratie. Mais comment ? Ici, d'abord. Chaque semaine, voire chaque jour, vous auriez dû, vous devriez rendre des comptes sur les ouvertures et fermetures de lits, sur les places restantes. Cela aurait voulu dire affronter les exposés concrets des députés, les questions rugueuses de l'opposition, mais ces coups de pied au derrière vous auraient fait réfléchir et avancer.
Au passage, je vous le dis d'avance, le débat que vous prévoyez jeudi ne me suffit pas. Ce n'est pas une fois mais dix fois, cent fois, tous les jours, que nous devrions débattre ici de ces sujets. Mais nous sommes dans un univers parallèle, une cinquième dimension où se déroulent des discussions pépères sur la TVA des produits de biocontrôle, tandis que dehors est déclaré, sans contrôle cette fois, le couvre-feu.
Mais l'Assemblée ne suffit plus, elle n'incarne plus la démocratie, elle ne représente plus à elle seule le peuple français. Il faut une autre instance, plus vaste, plus neuve, et je souhaiterais pour ma part une Convention citoyenne sur le coronavirus, où se mêleraient infectiologues, épidémiologistes, ambassadeurs, anthropologues, journalistes scientifiques, chercheurs en tous genres, statisticiens, historiens, enseignants, soignants, étudiants, commerçants, lors de séances filmées et diffusées en direct sur internet, pour informer le peuple et l'éclairer. Cette intelligence collective saurait envisager mille fois plus d'options et de solutions que le président seul en son palais, quand bien même ce serait à lui, à la fin, de trancher.
Comme il est curieux que vous vantiez partout le numérique et ajoutiez du digital à toutes les lignes de crédit : vous vous revendiquez disruptifs mais dès lors qu'il s'agit de votre pouvoir, c'est à l'ancienne, la voie archaïque de l'autorité et de la verticalité.
On le pressent, on le devine, on le sait intimement : ce covid-19 n'est qu'un début, une répétition générale, un échauffement avant le réchauffement. Inondations, tornades, sécheresses vont se succéder, les dix plaies d'Égypte seront pour nous : la nature est déréglée, elle va se venger, déjà elle se venge !
Vous n'auriez pas un peu de Lexomil ?
Comment répond-on à cette première secousse : choisit-on la démocratie, le débat, la confiance, l'échange entre les citoyens, ou préfère-t-on l'arbitraire, le bâton, la réponse policière ? Cette dernière solution, le scientifique James Lovelock l'envisageait : « Face à la crise écologique, il peut être nécessaire de mettre la démocratie de côté pour un moment. » C'est la voie que vous avez choisie, mettre la démocratie de côté.
Je m'en tiendrai pour ma part aux seuls crédits de la mission « Sécurités », ceux de la police et de la gendarmerie et ceux de la sécurité civile.
Concernant le budget de la police nationale et de la gendarmerie, nous nous réjouissons, bien sûr, de la hausse des crédits et de l'effort consenti cette année en faveur de l'équipement des agents. Les dépenses pour le renouvellement des véhicules sont en nette progression, avec l'ambition d'assurer le renouvellement d'un véhicule sur quatre du parc de véhicules légers. Les autres crédits d'équipement progressent également.
Nous accueillons donc avec satisfaction les réponses apportées aux demandes exprimées depuis des années par les organisations syndicales : la revalorisation de 150 euros accordée aux 22 000 « nuiteux », la relance des discussions sur la gratuité des transports pour les policiers, la revalorisation des heures supplémentaires, la réforme des voies d'avancement des gardiens de la paix ; tout cela va dans le bon sens, et nous ne pouvons que souhaiter que ces engagements se concrétisent rapidement.
Ces quelques avancées et l'annonce de nouveaux recrutements ne suffiront cependant pas à dissiper le profond malaise de nos policiers et de nos gendarmes. Ce budget reste à leurs yeux insuffisant au regard des conditions d'exercice de plus en plus difficiles de leurs missions. Ces difficultés ne tiennent pas seulement à une délinquance de plus en plus violente et en augmentation, mais à plusieurs autres facteurs, parmi lesquels la forte disparité des implantations régionales des effectifs de policiers.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : quand Paris compte un policier pour 100 habitants, certains départements voisins tombent à un policier pour 400 habitants. Selon un récent article paru dans Marianne, seuls 5 % des effectifs sont sur la voie publique, taux qui tombe à 4 % en période nocturne, moment où s'exprime pourtant 45 % de la délinquance.
Je pourrais encore évoquer, comme je l'ai fait en commission, la sous-dotation des villes de la Seine-Saint-Denis en officiers de police judiciaire et prendre l'exemple de mon commissariat de Saint-Denis, où sur quarante-trois postes d'OPJ, seuls dix-sept sont pourvus. Si les budgets en baisse sont généralement de mauvais budgets, les budgets en hausse ne sont pas pour autant nécessairement bons. Nous aurions souhaité, pour apprécier la portée de ce budget, disposer des orientations du Livre blanc de la sécurité intérieure, qui doit nous éclairer sur l'évolution de la doctrine.
Il nous faut en effet tirer les conséquences des errements de la politique conduite depuis 2002, de l'abandon de la police de proximité, à l'origine de certains des graves dysfonctionnements que nous constatons. Nous avons pour notre part la conviction que rebâtir une police de proximité serait un gage d'efficacité, tant en matière de prévention et de sécurité publique que de renseignement.
Je voudrais, pour conclure, évoquer le budget de la sécurité civile. Comme le soulignait déjà le Sénat l'an passé, le budget de la sécurité civile est le parent pauvre de la mission « Sécurités ». Il témoigne d'une forme de désengagement de l'État, qui s'illustre dans les modalités de financement des SDIS, pour lesquels l'État ne contribue qu'à hauteur d'un tiers, par l'intermédiaire de la fraction de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance transférée aux départements. Nous en voyons malheureusement le résultat dans les difficultés d'anticipation des conséquences du réchauffement climatique, alors que des événements climatiques extrêmes se produisent de plus en plus fréquemment sur l'ensemble du territoire qu'il s'agisse de tempêtes, de crues dévastatrices ou d'incendies.
Face à ces événements, la sécurité civile est en première ligne, comme elle l'est également dans la gestion de la crise sanitaire. Or ce budget, pas plus que les précédents, ne s'attache pas à dégager les moyens nécessaires pour anticiper l'extension des zones géographiques vulnérables aux incendies, améliorer la gestion prévisionnelle des matériels et renforcer de manière significative les effectifs professionnels et bénévoles.
Dans ce contexte, les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ne s'opposeront pas à ce budget, puisque, j'y insiste, ils accueillent favorablement les évolutions des crédits de la police et de la gendarmerie. Nous sommes plus critiques sur le budget de la sécurité civile, en conséquence de quoi, nous nous abstiendrons.
Nous voici confrontés à des situations sanitaire, économique, sociale, diplomatique ou environnementale qui, chacune, à juste titre, nous inquiète ou nous angoisse. Raison de plus pour nous assurer que l'État a les moyens de résister et qu'il continue à assurer sereinement et solidement ses missions.
À ceux qui veulent jouer sur les perspectives d'un chaos, je dis : ayons foi en notre pays et en notre avenir car tout ne se résume pas à une crise, aussi importante soit-elle. Cette crise redéfinit nos priorités, elle n'annule pas l'absolue nécessité de maintenir, de transformer et de renforcer l'organisation de l'État, protecteur de nos valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité.
Dans le cadre annuel de la discussion budgétaire, il s'agit donc d'assurer la continuité de l'action publique et de développer des axes de protection nécessaires à la fois à la transformation de notre pays et à la gestion de son fonctionnement habituel.
Pour la mission « Administration générale et territoriale de l'État » sur laquelle je vais maintenant concentrer mon propos, trois maîtres-mots sous-tendent les missions du ministère de l'intérieur : déconcentration, mutualisation et modularité.
Cet exercice budgétaire va dans le sens de la loi de transformation de la fonction publique, que nous avons votée en 2019 et qui commence à porter ses fruits. C'est aussi l'occasion de reconnaître l'engagement quotidien des femmes et des hommes qui composent ce ministère.
Les crédits proposés soutiennent ce qui est au coeur des institutions républicaines. Ils garantissent l'exercice des droits fondamentaux et des libertés publiques de nos concitoyens, assurent la présence de l'État dans les territoires et permettent de mettre en oeuvre localement les politiques publiques nationales.
Nous nous réjouissons que le mouvement de transformation et de rénovation du réseau préfectoral, de son organisation comme de ses missions, se poursuive. Préfets et sous-préfets sont au coeur de l'action de l'État, au plus près des Français, élus comme citoyens. Il a été beaucoup question du couple composé du maire et du préfet ces derniers mois. Il a fait et fait encore la preuve de sa pertinence. Le renforcement du rôle et des moyens des préfets dans les départements est un gage d'efficacité de l'action publique et de la compréhension de l'action de l'État par nos concitoyens. Le nécessaire effort que nous nous imposons en matière de personnel portera uniquement sur l'administration centrale et non sur l'administration déconcentrée, où les forces vives devront être déployées pour la réussite du plan de relance que nous avons voté hier. Cette décision est favorablement accueillie par le groupe La République en Marche. Ce renforcement s'accompagne d'un objectif de mutualisation des fonctions support, objectif de bon sens et de bonne administration pour un service public plus souple que nous approuvons.
Stéphane Mazars a déjà dit beaucoup de choses sur la mission « Sécurités ». Je salue la poursuite des efforts engagés depuis 2017 en faveur des policiers et des gendarmes : vous recruterez, monsieur le ministre, 2 000 policiers et gendarmes supplémentaires en 2021, grâce aux crédits que chacun d'entre nous, j'en suis certaine, ne manquera pas de voter. Ils financeront également, ce dont nous nous réjouissons, parce que cela était tout aussi attendu que nécessaire, la prime de nuit et les heures supplémentaires. Nous serons attentifs à ce que vous entamiez rapidement, avec ces crédits, le renouvellement des infrastructures immobilières et des moyens. Je pense aux commissariats, qui recevront un investissement massif, aux véhicules, qui bénéficieront d'un plan de renouvellement historique, mais aussi aux investissements dans les nouvelles technologies, qui doteront nos forces de l'ordre de moyens modernisés et adaptés aux nécessités du temps. C'était plus qu'attendu, c'était urgent, c'était plus que nécessaire, c'était impératif.
Je me félicite enfin du déploiement des caméras-piétons : comme ancien maire dont la police municipale a expérimenté ce dispositif, je sais à quel point la mission des agents peut en être facilitée.
Pour conclure, c'est pour la cohérence entre volonté et décisions, entre déclarations et actions budgétaires que les députés du groupe La République en marche voteront les crédits de ces missions budgétaires.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Comme je ne m'en lasse pas, je reviens à la tribune, monsieur le ministre, cette fois-ci en tant qu'orateur du groupe Les Républicains. Je vais me concentrer sur la mission « Administration générale et territoriale de l'État ». Je m'attarderai sur trois sujets liés à ces crédits, et qui, pour des raisons très différentes, revêtent en ce moment une importance toute particulière à mes yeux.
Tout d'abord, les préfectures, notamment celles de département, ont été progressivement dépouillées de leurs moyens par les réformes menées depuis des décennies. Ainsi, dans de nombreux territoires, les moyens humains et matériels de l'État déconcentré sont aujourd'hui minimes. Il y a quelques mois, lors de la création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires, nous étions nombreux dans cet hémicycle, tous bords confondus, à plaider pour une agence diffuse, dont les effectifs seraient implantés au plus près des besoins des acteurs locaux sur le terrain, dans les préfectures de département. Mais un autre choix a été fait.
À cause de la crise et de sa violence, le Gouvernement annonce la création d'une nouvelle catégorie de représentants de l'État, les sous-préfets à la relance. Encore une fois, l'occasion est donnée de doter les services départementaux de l'État qui en ont le plus besoin de ces moyens exceptionnels. Or il n'y a rien de précis sur ce point dans le PLF, pas plus que dans les axes de déploiement de la réforme de l'organisation territoriale de l'État. Il est pourtant capital, au moment où vous mettez sur orbite le plan de relance, que chacune de ces mesures soit territorialisée et que les moyens parviennent au plus près de l'ensemble des acteurs, même les plus petits : seules les préfectures de département possèdent ce niveau de granularité. Si tel n'était pas le cas, le plan de relance serait un échec, et seuls les territoires très denses, dotés de structures publiques puissantes, pourraient tirer leur épingle du jeu, alors que les préférences des Français portent, plus que jamais, sur des zones plus périphériques et plus rurales, où les collectivités n'ont pas la même force de frappe.
En second lieu, je tiens à nouveau à soulever la question du rapport entre l'État déconcentré à l'échelle régionale et au niveau départemental, que j'ai déjà évoquée en commission des lois la semaine dernière. Du fait des dernières réformes, l'État régional a été globalement renforcé, au détriment de l'État départemental. En outre, les structures et les agences de portée régionale – directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement, DREAL, ARS, et autres – sont montées en puissance, dans des périmètres régionaux considérablement élargis et sans aucune autorité des préfets de département. Les effets sont dévastateurs : perte de contact avec les réalités locales, absence de coordination avec les élus et les acteurs locaux, et sentiment d'éloignement des citoyens. La mise en place du plan de relance exige, me semble-t-il, un rééquilibrage entre les départements et les régions. L'heure est venue de restaurer aux préfectures de département un périmètre d'action plus large et aux préfets une réelle autorité sur tous ces services, y compris les agences.
Enfin, sur le programme « Vie politique, cultuelle et associative », dont les crédits ne servent qu'à organiser les élections, je ne peux pas ne pas vous interroger sur les échéances de 2021 : il faut les maintenir, si possible, à la date fixée, en prévoyant des adaptations conjurant le fléau du dysfonctionnement de notre démocratie, qui a frappé lors des élections municipales de 2020. Il est inimaginable que le rythme institutionnel du pays, l'un des éléments essentiels de la respiration de notre démocratie, soit remis en cause parce que nous échouerions à lever les obstacles s'opposant à son fonctionnement normal.
Comme l'an dernier, je souligne que la gestion du fonds pour le développement de la vie associative, confiée aux préfectures de région, n'est pas satisfaisante à cause de la complexité et du formalisme du dossier, qui excluent un très grand nombre de petites associations, qui, animées exclusivement par des bénévoles, n'ont pas la réactivité nécessaire pour cette administration très rigide et qui, bien entendu, n'arrivent pas à émarger à ce fonds. En outre, la crise sanitaire les frappe très durement : financièrement car elles sont empêchées d'agir, humainement car leurs bénévoles sont privés de contact, et socialement parce qu'elles ne pourront pas se relever sans aide. L'État ne pourra pas ne pas contribuer à leur maintien et devra le faire au plus près de leurs actions, dans les départements. Telle est ma conviction.
Le groupe Les Républicains votera ces crédits budgétaires, tout en attendant, monsieur le ministre, des réponses aux questions que nous avons posées.
Les attentes en matière de sécurité sont plus que jamais au coeur des priorités de nos concitoyens : sécurité sanitaire pour lutter contre la covid-19 bien sûr, mais aussi sécurité des biens et des personnes. Je souhaite, à ce moment de mon intervention, avoir une pensée très émue pour Samuel Paty, sa famille, ses collègues et ses élèves.
Les différentes formes de sécurité sont au coeur de l'action du Gouvernement. Elles se manifestent à travers plusieurs politiques publiques et se retrouvent dans de nombreux textes que nous avons déjà adoptés et dans d'autres qui seront à l'ordre du jour de nos travaux dans les prochaines semaines. Mais tous ces textes ne peuvent répondre à leur finalité que s'ils sont accompagnés de moyens humains, matériels et financiers. C'est tout l'enjeu de notre présence aujourd'hui dans cet hémicycle : adopter les moyens budgétaires de nos politiques publiques.
Il en est ainsi de nos sécurités, mais aussi de l'administration générale et territoriale de l'État, qui mettra en oeuvre les politiques publiques, notamment à l'échelon déconcentré, et permettra au ministère de l'intérieur de garantir l'exercice des droits des Français dans le domaine des grandes libertés publiques.
Chers collègues, nous ne pouvons pas, tant pour la mission « Sécurités » que pour la mission « Administration générale et territoriale de l'État », sous-doter ces domaines d'action, comme l'a souligné ma collègue Isabelle Florennes en commission des lois.
Voici quelques points qui ont retenu l'attention du groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés : en matière de sécurité, se pose tout d'abord la question des effectifs. La création de 2 000 postes supplémentaires au bénéfice des territoires prioritaires de la police de sécurité du quotidien et des quartiers de reconquête républicaine nous paraît aller dans le bon sens. Cependant, est-ce suffisant au regard de la situation actuelle ? Nos forces de l'ordre sont sur-sollicitées et, nous le voyons, la situation ne va pas s'arranger dans l'immédiat : les agressions contre les forces de sécurité et de secours en intervention continuent, la menace terroriste est plus que jamais prégnante et la gestion du couvre-feu, voire de nouvelles mesures sanitaires plus restrictives, nécessite une forte mobilisation de nos forces de sécurité.
Elles seront également mobilisées en matière de sécurité routière. Si les indicateurs s'améliorent, un risque réel croît depuis la sortie du confinement, celui du développement des nouvelles mobilités ou mobilités douces.
Monsieur le ministre, ces budgets doivent être des budgets d'anticipation. Comme nous ne savons pas ce que les prochains mois nous réservent, nous avons la responsabilité de nous préparer non seulement au monde d'après la crise sanitaire, mais aussi au monde de maintenant, à celui dans lequel nos concitoyens vivent. C'est pourquoi l'action publique doit se rapprocher des territoires, de manière à la fois décentralisée et déconcentrée, et retisser du lien pour restaurer la confiance dans l'État et dans l'avenir.
Si la proximité est le maître-mot des députés de notre groupe, elle doit également être un fil rouge de l'action de l'État. Aussi permettez-moi de m'arrêter un instant sur le développement du numérique. Notre groupe salue la transformation numérique de l'État. Celle-ci ne doit toutefois pas se faire au détriment d'une véritable relation de proximité avec nos concitoyens, car rien ne remplace la relation humaine. De plus, la fracture numérique existe encore dans de nombreux territoires et l'illectronisme touche certains de nos concitoyens. Comme l'a souligné Élodie Jacquier-Laforge en commission des lois, il y a encore de nombreux bugs numériques dans le domaine des démarches administratives en ligne, ces ratés entretenant un légitime mécontentement.
Pour terminer, je salue la mobilisation des agents du service public tout au long de ces derniers mois, ainsi que celle des sapeurs-pompiers et des associations agréées de sécurité civile. Le contexte sanitaire actuel les soumet à une forte pression qu'ils assument sans faillir.
Monsieur le ministre, notre groupe votera en faveur des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », car ils sont à la hauteur des enjeux. J'appelle néanmoins votre attention sur la faiblesse en matière de ressources humaines dans les centres d'expertise et de ressource des titres, ainsi que dans les services étrangers des préfectures, qui pâtissent du manque d'attractivité de ces postes.
Nous voterons également en faveur des crédits de la mission « Sécurités » et du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », …
… qui affichent une croissance des moyens à la disposition des forces de sécurité intérieure, avec des crédits de paiement en hausse. Mais nous resterons vigilants quant aux crédits du programme « Sécurité civile », qui accusent une légère baisse dans ce PLF pour 2021.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Je vais concentrer mon propos sur quelques éléments de ces missions pour le moins denses, à commencer par les sapeurs-pompiers qui, entre les mois de mars et mai 2020, en pleine crise de la covid-19, ont eu à effectuer plus de 120 000 interventions de secours d'urgence. Dans le même temps, le nombre d'agressions contre eux n'a cessé d'augmenter, avec une hausse de plus de 200 % en dix ans. En moyenne, sept pompiers sont agressés désormais chaque jour. Ils sont nombreux à réclamer l'accélération du déploiement des caméras embarquées et des caméras-piétons, que ce budget ne semble pas prévoir. Alors que les caméras piétons sont mentionnées dans les programmes « Gendarmerie nationale » et « Police nationale », nous déplorons qu'il n'y ait aucune présence de ces caméras dans le programme 161 « Sécurité civile ».
Pour ce qui est de la lutte contre la délinquance, je rappelle combien la prévention est un investissement utile, qui ne doit pas faire les frais d'autres arbitrages budgétaires. La loi de finances pour 2018 avait diminué de près de 40 % le budget alloué au fonds interministériel de prévention de la délinquance, sans qu'aucun projet de loi ultérieur ne vienne corriger cette trajectoire. Pire, dans le PLF pour 2020, la baisse s'est poursuivie à hauteur de 1,56 % ; elle s'accentue encore dans le PLF pour 2021, atteignant 5,5 %.
Je note cependant la programmation de 1 145 postes supplémentaires de policiers en 2021, puis 1 031 en 2022. Ainsi, depuis 2013, plus de 9 000 policiers ont été recrutés et formés. Nous retrouvons finalement le niveau connu avant les suppressions de postes réalisées lors du quinquennat du président Sarkozy ; il aura fallu neuf ans pour le retrouver. À cet égard, vous me permettrez de constater que les principaux obstacles à un recrutement plus rythmé tiennent à nos moyens matériels et à notre capacité de formation, tous deux insuffisants.
Les sous-préfectures ont largement fait les frais d'une réduction drastique des effectifs ces dernières années.
Certaines comptent moins de dix équivalents temps plein. Dans nombre de départements ruraux, je ne peux que constater l'isolement des sous-préfets, dépourvus de soutiens et de moyens humains, qui se trouvent parfois en réelle difficulté, malgré leurs qualités, pour exercer leurs missions d'accompagnement territorial.
Il est temps de réarmer les sous-préfectures. En commission des lois, la ministre Jacqueline Gourault a évoqué la nomination de sous-préfets à la relance ; nous en approuvons l'esprit. Reste que les sous-préfets en place auraient pu assumer cette mission qui devrait leur revenir presque naturellement. En redonnant des moyens aux sous-préfectures, l'État adresserait un message fort à certains territoires en attente.
En ce qui concerne la tendance lourde de numérisation des services publics, qu'il s'agisse de l'expérimentation du dispositif moncommissariat. fr ou de la numérisation des titres sécurisés, force est de constater que malgré des améliorations, cette mutation numérique est encore très imparfaite. Alors que 27 % des Français n'ont pas d'accès à internet et que 33 % d'entre eux sont mal à l'aise avec cet outil, il est inquiétant de n'avoir aucune réponse dans le PLF aux critiques émises par le Défenseur des droits qui, en 2018, avait souligné un risque d'exclusion et de rupture d'égalité devant le service public qui constitue « un principe fondamental de la République ».
Enfin, il est évidemment compliqué de se prononcer sur les crédits affectés à l'organisation des élections. Nous ne savons pas quel sera l'état sanitaire du pays au printemps prochain. Il va sans dire que si toute vie sociale est empêchée par un confinement ou par une restriction majeure des libertés, celle de se réunir notamment, alors le report de ces élections s'imposera. Il nous semble que ce report ne devrait pas excéder le mois de juin, dans la mesure du possible. A contrario, si la vie économique est possible dans des conditions proches de la normale, personne ne comprendrait que la vie démocratique ne le soit pas. En tout état de cause, il est urgent d'engager une réflexion sur nos vieilles modalités de consultation électorale pour les adapter aux conséquences d'une pandémie qui, si elle dure, ne pourra pas handicaper éternellement les rendez-vous démocratiques avec le pays.
Pour toutes ces raisons et sans méconnaître les efforts que nous reconnaissons et que j'ai évoqués, le groupe Socialistes et apparentés s'abstiendra concernant ces missions.
Mon intervention se concentrera sur la priorité de la mission « Sécurités » du PLF pour 2021, à savoir le programme 176 « Police nationale ».
Édouard Herriot disait : « Il y a deux choses qui ne supportent pas la publicité, c'est la police et l'amour. » Je ne partage pas ces propos, et vous non plus, monsieur le ministre, j'en suis sûre. Je pense au contraire qu'il faut promouvoir et l'amour et la police et, pourquoi pas, l'amour de la police.
Eh oui… C'est peut-être parce que je suis petite-fille de gardien de la paix ou plus sûrement parce que, comme vous, je suis convaincue qu'il faut donner aux policiers les moyens matériels mais aussi l'autorité morale pour remplir leur mission : protéger les Français au quotidien.
Le budget pour 2021 se distingue par les moyens et la reconnaissance qu'il apporte aux policiers, avec une hausse du budget de la police nationale de 141 millions d'euros en autorisations d'engagement. Monsieur le ministre, avec ce PLF, vous lancez d'abord le chantier de l'amélioration des conditions de travail des forces de police. C'est une demande ancienne et légitime des policiers et la réponse que propose ce budget est à la hauteur de leurs attentes ; ces annonces ont été saluées par le syndicat Unité SGP Police. Des moyens importants sont consacrés aux effectifs, avec une hausse de 180 millions d'euros qui financeront le recrutement de 1 145 agents supplémentaires en 2021 et 1 031 en 2022. Ensuite, des moyens importants concernent les conditions salariales, avec 10 millions pour financer la création d'une indemnité de travail de nuit et 3 millions pour les heures supplémentaires des CRS. Des moyens importants sont aussi consacrés aux conditions matérielles de travail, avec notamment une hausse de 125 millions alloués au parc automobile.
Au-delà des conditions de travail, ce sont aussi les conditions de vie des policiers qui vont s'améliorer, avec 20 millions d'euros pour la réservation de logements locatifs à tarif social ou intermédiaire et la création de prêts bonifiés à taux zéro pour l'accession sociale à la propriété. En outre, 10 millions sont prévus pour la réservation de places en crèche, le subventionnement de chèques emploi service universel pour la garde des enfants et le financement de l'arbre de Noël des enfants de policiers. Enfin, il convient aussi d'améliorer les conditions de santé des policiers, en renforçant la lutte contre les risques psychosociaux. Nous sommes plusieurs parlementaires de la majorité – je salue François Jolivet à ma gauche – à vous avoir alerté sur la progression du nombre de suicides de policiers. C'est un enjeu que je ne vois pas cependant apparaître dans ce budget.
Par ailleurs – ce sera ma première question – , je constate que l'action 06 « Commandement, ressources humaines et logistique », qui regroupe nombre des améliorations des conditions de travail et de formation, baisse de 5 %. C'est pourquoi j'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous rassuriez sur votre volonté de poursuivre l'effort d'amélioration des conditions de travail, qui implique que la ligne budgétaire mentionnée soit dotée de de moyens suffisants.
Avec le PLF, vous lancez également le chantier important de la reconnaissance de l'action des forces de police. Il y a d'abord la reconnaissance de l'État, à travers notamment la progression de la carrière. Le texte prévoit que les gardiens de la paix bénéficieront d'un avancement semi-automatique au grade de brigadier après vingt-cinq ans de service ; il prévoit également un plan de valorisation inédit de la filière investigations.
Il y a ensuite la reconnaissance quotidienne par la hiérarchie. Sur ce point, un immense chantier reste à lancer : celui de la transformation des pratiques et de la culture managériale. Il nous faut une nouvelle doctrine de leadership pour nos policiers et de nouvelles pratiques de gestion des hommes et des femmes, plus modernes et plus humaines, permettant d'assurer leur motivation, leur force morale et leur cohésion d'équipe au quotidien.
Il y a enfin la reconnaissance de la part des Français. J'ai commencé à dessein cette intervention en parlant d'amour : dans le contexte dramatique de l'augmentation du nombre d'attaques contre ceux qui incarnent l'autorité de l'État et de la République, il est urgent de retisser les liens de respect et d'affection entre les Français et leurs policiers. Ce travail est aussi important que les crédits budgétaires : il est au coeur de la reconquête républicaine. C'est pourquoi je tiens également à saluer, monsieur le ministre, votre engagement en la matière ; en 2020, vous êtes effectivement le ministre des policiers. Toutefois, mais vous le savez, la clé de la sécurité au quotidien est la collaboration entre toutes les forces de sécurité – ce sera ma seconde question. Je vois aussi dans ce budget les efforts consentis par la gendarmerie et la protection civile : pourriez-vous nous assurer qu'elles ne seront pas oubliées l'année prochaine ? Nous avons besoin de tous et de chacun.
Cela étant, c'est avec conviction et une certaine fierté que le groupe Agir ensemble votera les crédits des missions « Sécurités » et « Administration générale et territoriale de l'État ». Je salue notamment l'effort touchant à l'amélioration des conditions de travail et à la dimension humaine de l'exercice des missions de sécurité – car si les policiers ne sont pas n'importe quels hommes ou femmes, ils sont avant tout des hommes et des femmes.
Il nous revient d'examiner à présent les crédits de missions placées sous mon autorité : « Sécurités » et « Administration générale et territoriale de l'État », et ceux du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ». Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » seront quant à eux examinés ultérieurement.
Comme je l'ai fait voici quelques jours devant la commission des lois – quelques-uns d'entre vous l'ont évoqué – , je me commencerai par me réjouir des arbitrages rendus par le Premier ministre : une augmentation de crédits exceptionnelle – historique – de 1,4 milliard d'euros pour le ministère de l'intérieur. Cette augmentation relève des crédits ordinaires, ceux du projet de loi de finances en tant que tel, mais également du plan de relance, pour lequel le Gouvernement a engagé beaucoup de moyens, notamment en faveur du ministère de l'intérieur. Ce n'était pas a priori évident s'agissant d'un plan de relance économique ; 740 millions d'euros hors appel à projets ont été affectés à deux programmes : le 361, qui relève de la compétitivité, et le 362, qui relève de l'écologie. Depuis le début quinquennat, l'augmentation totale des crédits du ministère de l'intérieur s'élève à 2,7 milliards d'euros hors retraites, ce qui n'a pas de précédent.
Des moyens supplémentaires, pour quoi faire ? C'est l'objet des rapports nombreux, thématiques et fouillés du Parlement, qu'ils émanent de l'opposition ou de la majorité. Je rappellerai les trois priorités qu'avec la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, j'ai fixées aux femmes et aux hommes qui servent le ministère de l'intérieur. La première vise à imposer les valeurs de la République partout sur le territoire, notamment dans la lutte contre l'islamisme radical, cela dans la continuité du travail de mes prédécesseurs. Cela annonce le texte qui sera présenté l'année prochaine, par le biais duquel les moyens seront donnés aux agents du ministère de l'intérieur d'appliquer les dispositifs votés par le Parlement. Nous avons eu malheureusement l'illustration, avec l'ignoble assassinat de Samuel Paty, du fait que ces sujets restent tout à fait prégnants. Je l'ai rappelé à la presse nationale ce matin : pour la première fois depuis 2015, deux attentats se sont succédé en moins de trois semaines sur le sol national. La menace terroriste est très importante et les agents du ministère de l'intérieur sont en première ligne pour lutter contre celle-ci.
Avec l'augmentation des crédits des services de renseignement et le recrutement de 330 agents, la DGSI bénéficie d'une augmentation de 1 100 postes. Depuis qu'Emmanuel Macron est Président de la République, les moyens et les effectifs des services de renseignement ont été multipliés par deux. Ils s'ajoutent aux recrutements supplémentaires évoqués par le Premier ministre quelques heures après le conseil de défense de la semaine dernière. Il s'agit de cent emplois qui seront affectés à la lutte contre la haine en ligne et à la lutte contre l'islamisme politique et radical sur internet. Ces équivalents temps plein seront votés par le Parlement – je l'espère – dans le cadre d'un amendement au PLFR 4. Cinquante postes seront créés dès l'année prochaine, non pas sous plafond mais en plus des effectifs présentés dans le projet de loi de finances.
Le deuxième objectif est la lutte contre les stupéfiants…
… qui gangrènent les quartiers et concernent toutes les classes d'âge. Leur trafic augmente à l'échelle nationale, européenne et mondiale. Indépendamment de leur trafic, les stupéfiants font naître une délinquance de droit commun : cambriolages, agressions physiques, atteintes aux biens, règlements de compte, traite d'êtres humains et, parfois, financement de l'islamisme radical et du terrorisme.
La troisième priorité est la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants. Le Président de la République en a fait la grande cause de son quinquennat. Nous devons agir sans relâche à l'accueil des victimes, singulièrement des violences intrafamiliales, malheureusement plus nombreuses dans cette période particulière de confinement ou de couvre-feu.
Si la discussion parlementaire ne permettra pas d'entrer dans le détail de tous les crédits du ministère de l'intérieur, j'évoquerai néanmoins deux dimensions importantes. D'abord, nous continuons de créer des emplois. Le plan visant à créer 10 000 postes dans les forces de l'ordre au cours du quinquennat, voulu par le Président de la République, est en cours de réalisation puisque 2 000 emplois sont créés chaque année. En 2021, 1 500 le seront dans la police, avec un effort tout particulier pour la sécurité publique – les policiers que voient les Français dans la rue – et 500 dans la gendarmerie.
Les postes que le ministère délégué chargé des comptes publics souhaite supprimer le seront dans l'administration centrale. Car, pour la première fois depuis quinze ans, je réponds ici à M. Viala, aucun poste ne sera supprimé ni en Lozère, ni dans la Creuse, ni non plus dans aucun autre département. La Lozère est passée de 130 à 90 postes d'agents publics en dix ans, ce qui montre bien la difficulté de maintenir la puissance administrative dans une telle situation. Alors que le nombre de postes a diminué sous les deux précédents quinquennats, au lendemain du grand débat animé par le Président de la République, le Gouvernement a estimé qu'un retournement de la politique salariale était nécessaire.
Les conditions de travail des agents revêtent une importance particulière, notamment pour les forces de l'ordre. Cela a été notamment évoqué cet été à propos de l'opération « Poignées de portes », lors de l'examen des crédits que vous avez bien voulu voter. Les résultats ont été mis en ligne ; chacun peut constater sur le site du ministère de l'intérieur, territoire par territoire, commissariat par commissariat, brigade de gendarmerie par brigade de gendarmerie, quelles actions nous menons, cela jusqu'au 31 décembre.
En renforçant, par l'abondement de crédits très importants – hors titre 2, comme on dit – , les moyens matériels des forces de l'ordre, nous mettons fin à l'effet ciseaux si funeste pour le ministère de l'intérieur, d'une augmentation générale de la masse salariale sans augmentation des moyens. Il s'agit d'un changement de stratégie budgétaire : nous augmentons fortement les moyens matériels et contenons les moyens salariaux, tout en donnant, je tiens à le souligner, autant aux gendarmes qu'aux policiers. Certes, contrairement aux policiers, les gendarmes ne sont pas représentés par des organisations syndicales, mais cela ne m'empêche pas de discuter avec les représentants élus de la gendarmerie nationale. Comme les policiers nationaux, ils sont à l'écoute des propositions du ministre de l'intérieur et de sa ministre déléguée. Je m'adresse en particulier ici au rapporteur spécial chargé de la police et de la gendarmerie, que je rencontrerai d'ailleurs tout à l'heure ; nous aurons l'occasion d'évoquer ces avancées très importantes pour nos forces de l'ordre, policiers comme gendarmes.
Quelques exemples concrets : les crédits consacrés à l'achat de matériels et d'équipements vont augmenter de 21 millions d'euros, qui permettront à la gendarmerie l'achat de gilets tactiques, demandés depuis longtemps, et à la police celui de housses modulaires. Une enveloppe de 33 millions d'euros sera consacrée à des équipements attendus par les policiers et les gendarmes pour la fin de gestion. Nous avons prévu 213 millions d'euros pour l'achat de véhicules, un sur quatre devant être ainsi remplacé au lieu de un sur huit en temps « normal », et pour le renouvellement du parc lourd des policiers et des gendarmes qui participent au maintien de l'ordre, certains véhicules ayant plus de quarante ans.
Être ministre exige aussi de s'occuper du bien-être de ses agents et de leur protection sociale, c'est pourquoi l'action sociale augmente de 10 millions d'euros. C'est un geste historique, et je m'engage à augmenter également l'action sociale l'année prochaine. Le ministère de l'intérieur accusait un retard par rapport aux autres ministères dans l'accompagnement des forces humaines, si j'ose dire. Les nouvelles dépenses numériques ont été citées à maintes reprises. Le budget immobilier va augmenter quant à lui de 31 millions d'euros.
En outre, le ministère de l'intérieur va participer à deux appels à projets dans le cadre du plan de relance. Le premier concerne les opérations d'investissement : nous allons être candidats auprès de Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance, et d'Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics, pour un total de 1,63 milliard d'euros, c'est-à-dire quasiment un quart du plan de relance immobilier, afin de financer des projets immobiliers de police et de gendarmerie, dont vous êtes nombreux à me saisir. Nous espérons que Bercy sera attentif à ces dossiers, à la condition évidemment qu'ils correspondent aux volontés du Parlement et du Gouvernement. Parmi les opérations visées, 330 relèvent de la police, 472 de la gendarmerie, 611 de l'administration préfectorale et 32 de la sécurité civile.
Le second appel à projets est celui placé sous l'autorité de Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques. Au titre du plan de relance numérique, nous allons demander beaucoup d'argent, plus de 100 millions d'euros, afin de réaliser de grands projets tels que la carte d'identité électronique, le réseau radio du futur ou France alerte, ce dispositif qui, dans des situations comme celle de l'accident de Lubrizol, remplacera les sirènes par des moyens d'interpellation de la population bien plus efficaces.
Voilà en quelques mots ce que je souhaitais dire. J'aurai peut-être l'occasion de répondre aux interventions des députés pendant l'examen des amendements.
Je précise en attendant, en ce qui concerne les élections, monsieur Savignat, que la décision revient au Parlement : c'est lui qui a voté l'inscription dans la loi de la date de mars 2021. S'il fallait la changer, sur proposition du Gouvernement, seul le Parlement déciderait.
M. Batut a évoqué la question de la réserve de précaution. Je partage son opinion ; quand j'étais à Bercy, j'ai baissé les crédits de 8 à 3 %. J'avais défendu l'idée qu'il fallait éviter, dans les projets de budget pour 2021 et 2022, de ne geler que des crédits qui ne pourraient pas être « dégelés » par la suite. Je m'engage donc pour les prochaines années, à geler de vrais crédits, c'est-à-dire ceux qu'on peut vraiment dégeler, et non ceux alloués aux dépenses courantes, notamment dans la gendarmerie.
Enfin, je partage entièrement la position de M. Viala quant à l'accompagnement des associations agréées. J'ai augmenté le budget concerné quand je suis arrivé au ministère de l'intérieur et je travaille avec mon collègue ministre des solidarités et de la santé pour débloquer l'argent que nous devons effectivement à ces associations.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2021 :
Suite de l'examen des crédits des missions « Administration générale et territoriale de l'État » et « Sécurités » et des crédits du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra