Au plus fort de la crise, alors qu'ils étaient privés de masques, de gel, de tests, de respirateurs, de blouses, de lits, les soignants ont fait face. Les premiers de corvée ont démontré leur utilité vitale. Les Français ont fait preuve de responsabilité. Les élus de proximité, malgré la verticalité du pouvoir, ont montré que, quand tout fout le camp, les communes, notamment, savent être efficaces pour prendre soin des habitants.
Les Français ont fait marcher le système D avec intelligence et générosité. Les associations de solidarité ont fait front. Des entreprises ont réinventé des savoir-faire français pour satisfaire des besoins de santé élémentaires et ont donné du souffle, en discours au moins, à la souveraineté industrielle. Le temps des jours heureux était venu, on annonçait un Ségur de la santé, les leçons d'un système économique libéral à bout de souffle allaient être tirées, du moins certains y croyaient.
Marc Bloch, dans L'Étrange Défaite, nous l'assure : « Se tromper au départ, il est peu de grands capitaines qui ne s'y soient laissé quelquefois entraîner ; la tragédie commence quand les chefs ne savent pas réparer. » Nous y sommes aujourd'hui. Vous semblez n'avoir tiré aucune leçon de la première vague.
La réalité sanitaire est incontestable, sa gravité est incontestée. Je le dis d'emblée : pour les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, rien n'est plus important que la vie et la santé.
Les mesures de fermeture de bars et de restaurants, les mesures de précaution fortes suivies par les commerçants de proximité, qui ont été responsables, n'ont, selon vous, pas montré d'efficacité suffisante. Échec !
Échec aussi de la stratégie « tester, tracer, isoler », au regard de l'explosion du nombre de cas et des délais trop longs pour obtenir les résultats des tests. Les brigades sanitaires sont en effet incapables de casser les chaînes de contamination, à tel point qu'Antoine Flahault, auditionné par la mission d'information de la conférence des présidents sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de Coronavirus-Covid 19, nous alertait en septembre : « Quand on recherche un foyer infectieux, s'il faut une semaine pour obtenir le résultat d'un test PCR, tester ne sert à rien sinon à faire de la belle épidémiologie. »
En ce qui concerne les capacités hospitalières, échec également ! Votre gouvernement, comme ceux qui l'ont précédé, est comptable de la situation sanitaire de l'hôpital. Alors que les parlementaires communistes avaient sonné l'alarme en début de législature, en organisant un tour de France des hôpitaux, et que la communauté hospitalière manifestait son désarroi, vous avez poursuivi votre politique de compression des dépenses, de budget en budget : 800 millions d'euros en moins cette année ; 4 milliards d'euros en moins et 7 600 fermetures de lit depuis que vous êtes aux responsabilités.
Certes, devant la fronde, et pour faire face à la crise, le Gouvernement a adopté des mesures de revalorisation pour les personnels hospitaliers et les EHPAD, mais vous n'avez pas accordé de moyens pour embaucher et ouvrir des lits. Le manque de personnel est, vous le savez, aggravé par les démissions qui se poursuivent dans les services et le personnel soignant est à bout.
Alors oui, nous avons le devoir d'être sévères et en colère, car vous vous contentez de donner quelques signes en faisant de trop nombreux oubliés, et surtout, vous n'avez pas changé de cap.
Oui, il était possible de mieux anticiper et de ralentir l'épidémie, en déconfinant de manière plus progressive, en ne chantant pas, comme la cigale pendant l'été : « Partez ! Partez ! Tout est réglé ! » Oui, il était souhaitable d'améliorer la politique des tests, en offrant des résultats plus rapides, en vingt-quatre heures.
Oui, il serait nécessaire de généraliser les tests salivaires dans les EHPAD, moins violents pour nos aînés. Oui, vous auriez dû développer un plan de formation massif pour les infirmiers en réanimation, vous auriez dû interdire les fermetures de lits entre les deux vagues, mobiliser les 6 000 médecins de la réserve médicale, mobiliser la protection civile et éviter la fuite des médecins vers le privé, en prenant des mesures de régulation.
Oui, vous auriez dû prévoir des enveloppes pour l'embauche en CDI et non en CDD de personnels soignants non médicaux. Au minimum, il aurait fallu 30 000 postes supplémentaires. Vous auriez pu engager un véritable dialogue social, pour développer le télétravail pour 30 % des salariés du privés, ou même pour ceux de la fonction publique. Enfin, vous auriez pu développer la formation à distance, en amont, dans les universités. Mais vous n'avez rien fait de tout cela.
Alors que l'immense difficulté de la tâche aurait dû vous conduire à l'humilité et à l'écoute de la démocratie, vous vous êtes enfermés dans vos certitudes et dans l'exercice solitaire d'un pouvoir toujours plus vertical, technocratique, déshumanisé, et déconnecté des réalités sociales.
Un jeune élu des quartiers populaires de Dieppe me disait hier sa colère : « Ils ne savent pas ce que c'est de vivre en HLM. Dis-leur notre colère, Sébastien ! Leurs chiottes sont plus grands que mon salon ! » Comment avoir confiance, dans ces conditions, dans un président qui promet en juillet que tout sera prêt pour la rentrée, dans un chef du Gouvernement qui déconfine si bien qu'il doit reconfiner quelques semaines plus tard, dans un exécutif qui veut faire porter au Parlement la responsabilité de ses inconséquences en le sommant la veille de l'approuver le lendemain.
Le coeur de votre échec est votre incapacité à construire la confiance, à construire une société prête à faire face. Vos choix sont une addition de promesses sans lendemain. Hier encore, vous plaidiez pour le Ségur, qui n'est finalement qu'un tee-shirt face à la bise. Vous n'avez pas réussi à mobiliser les forces vives de la nation, et vous méprisez ses composantes les plus essentielles.
Si l'heure n'était pas si grave, si la pauvreté et les détresses psychologiques n'avaient pas explosé, si les petits de l'économie réelle, de la culture et de la vie associative n'étaient pas au bord du gouffre, si la colère n'était pas à son paroxysme, on vous répéterait les belles paroles des premiers vingt-heures sur « les jours d'après, les jours heureux ». Rien n'a changé, vous êtes restés dans le temps d'avant, à défaut d'un temps d'avance. Gouverner, ce n'est pas communiquer, gouverner, c'est anticiper, protéger, prévoir.
Tout le monde savait, depuis le printemps, que ce virus respiratoire exploserait à l'automne, avec le retour du froid.