Il aura donc fallu attendre la quatrième année du quinquennat pour que vous puissiez, monsieur le ministre, nous présenter un budget de la mission « Action extérieure de l'État » en légère augmentation et sans nouvelle suppression de postes. Depuis 2017, nous assistions, budget après budget, à une baisse des moyens d'action de votre ministère qui avait déjà largement contribué à l'effort de la réduction de la dépense publique depuis près de dix ans, au point de connaître aujourd'hui une situation très difficile. Le groupe Les Républicains réclamait depuis longtemps des moyens supplémentaires. Mais il serait illusoire de croire que ceux-ci pourraient répondre aux attentes et aux besoins, tant la pénurie accumulée est grande.
Au printemps dernier, nos ambassades et nos consulats, l'ensemble de notre réseau diplomatique et d'influence, ont été lourdement impactés par la crise de la covid-19. Mais cette crise sanitaire mondiale a été un révélateur supplémentaire de l'inadéquation entre les moyens affectés et les missions dévolues à l'ensemble du personnel diplomatique. Et si notre système a tenu malgré sa rigidité et ses lourdeurs, c'est parce que le personnel du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, et de notre réseau diplomatique et consulaire s'est mobilisé d'une façon remarquable. Je tiens, au nom des députés du groupe Les républicains, à leur rendre hommage et à saluer leur action, et je vous demande, monsieur le ministre, de leur transmettre nos félicitations.
Mais le système D qui a prévalu dans des circonstances exceptionnelles ne peut tenir lieu de politique de gestion durable pour le Quai d'Orsay, surtout quand les défis auxquels nous faisons face sont si nombreux. Au-delà de votre action personnelle et de votre engagement, que je sais sincère et déterminé, monsieur le ministre, seul compte aujourd'hui la question des moyens de vos ambitions et des résultats de votre action diplomatique. Donnez-vous à la diplomatie française des moyens à la hauteur de ses ambitions, sachant que celles-ci sont nombreuses et élevées ?
Je ne peux que saluer ici la volonté présidentielle de replacer la France et sa diplomatie au coeur du concert des nations… mais pour quels résultats ? Depuis le début du quinquennat, on a certes eu droit à de beaux discours, notamment aux discours flamboyants du Président de la République, à de beaux sommets, à des opérations de communication rondement menées, à des incantations diverses et réitérées, en tout cas à un activisme certain en matière de communication. Le nouveau monde nous parlait de révolution, d'une diplomatie de l'audace, de disruption, de prise de risque, de réinvention… Hélas, une fois encore, le retour à la réalité est cruel.
Que reste-t-il de la relation surjouée avec le président Trump ? Rien. Les États-Unis ont quitté l'accord de Paris sur le climat tout comme l'accord de Vienne sur le nucléaire iranien alors qu'Emmanuel Macron se faisait fort de les y faire revenir. Où en est-on de la nouvelle relation avec la Russie ? L'idée d'un dialogue stratégique avec ce grand pays voisin de l'Europe est aujourd'hui au point mort, alors que c'est pourtant un élément essentiel au regard de la situation que nous connaissons dans de nombreux points du globe et y compris aux portes de l'Europe, en Biélorussie. Mais l'activisme présidentiel n'a de cesse de se démultiplier, que ce soit au Proche-Orient – au Liban entre autres – ou au Moyen-Orient, mais aussi dans le Haut-Karabakah où nos frères arméniens se font tuer, ou encore sur les questions de l'OTAN – Organisation du traité de l'Atlantique Nord – et même en Europe et en Méditerranée. Mais tout cela pour quels résultats ? Force est de constater que les grands chantiers lancés par le Président de la République ne progressent pas, que l'influence de la France en Europe et dans le monde recule. Car à force de vouloir être partout, nous finissons par nous retrouver nulle part.
Trop souvent, on observe que la croisade solitaire du Président de la République isole toujours plus notre pays, alors que nous, nous préférerions qu'il fédère davantage pour faire front commun. Cela commencerait évidemment par éviter que le Président de la République exprime sa défiance envers les diplomates et envers le Quai d'Orsay, qualifié d'« État profond ». Monsieur le ministre, notre diplomatie est aujourd'hui en surrégime par rapport aux moyens qui lui sont accordés et par rapport aux objectifs qu'elle doit atteindre, d'autant plus qu'à force de les multiplier, on peine à en voir les priorités et à déceler la cohérence de votre action diplomatique.
Si ce budget 2021 rompt enfin avec les errements du début du quinquennat, notre groupe considère qu'il n'a pas pour autant tiré les conséquences de la crise, qu'il n'anticipe pas suffisamment les difficultés qui attendent notre pays l'année prochaine et qu'il n'est pas à la hauteur de l'action diplomatique qu'on est en droit d'attendre d'un grand pays comme la France. C'est pourquoi nous nous opposerons au budget ici présenté. Au moment où je termine mon discours, je tiens à rendre hommage aux victimes de l'attentat barbare de Nice et de celui qui a frappé le consulat général de France en Arabie Saoudite.