Intervention de Pascal Brindeau

Séance en hémicycle du lundi 2 novembre 2020 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Justice

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Brindeau :

Étudier le budget d'une mission, ce n'est pas seulement aligner des chiffres, mais aussi les analyser et les mettre en perspective. À la lecture du budget de la justice pour 2021, nous constatons, certes, une augmentation des crédits de près de 8 %. Nous notons aussi que leur montant – 8,2 milliards d'euros – est effectivement supérieur de 200 millions à celui voté dans le cadre de la loi de programmation 2018-2022. Cependant, il convient de replacer ces chiffres dans le contexte global de la sous-budgétisation chronique du service public de la justice. Si la loi de programmation prévoyait 8 milliards d'euros pour 2021, un retard de 115 millions d'euros a été enregistré en 2020. On ne peut donc pas nier que le montant proposé aujourd'hui traduit moins une augmentation qu'un rattrapage. En revanche, la trajectoire budgétaire pour les prochaines années sera intéressante à observer : si les crédits votés en loi de programmation sont de nouveau dépassés en projet de loi de finances, alors on pourra vraiment parler d'un « effet Éric Dupond-Moretti »…

Lors du vote de la loi de programmation, le groupe UDI et Indépendants avait déjà souligné l'insuffisance des crédits envisagés et proposé une programmation plus ambitieuse. Nous ne pouvons donc nous satisfaire du budget que vous nous proposez aujourd'hui, d'autant que les crédits consacrés à l'administration pénitentiaire absorbent une grande part de l'augmentation budgétaire globale, au détriment des besoins de la justice judiciaire – même si nous sommes bien conscients du retard pris en matière de construction de nouvelles places.

Si nous saluons l'arrivée de nouveaux juristes assistants et assistants de justice pour soutenir le travail des magistrats, nous regrettons que ces derniers ne fassent pas l'objet de l'effort principal de recrutement – cinquante seront recrutés cette année, contre cent l'an passé. Le recours aux magistrats honoraires ou temporaires démontre également que le Gouvernement cherche plutôt, dans cette période, à adapter la justice au manque de moyens. Quoi qu'il en soit, il est satisfaisant qu'aucun poste de magistrat ne soit aujourd'hui vacant.

Concernant l'accès au droit, nous ne voyons que peu d'évolution ; le budget concerné est même en diminution. Vous avez pourtant fait, et à raison, de l'accès de tous à la justice une de vos priorités, monsieur le ministre. Nous avons pris connaissance de l'amendement du Gouvernement relatif à l'aide juridictionnelle et prenons acte des efforts réalisés, mais les avocats soulignent qu'ils seront insuffisants – en particulier, l'unité de valeur utilisée pour calculer la rétribution versée à l'avocat est trop faible.

À ces difficultés récurrentes et structurelles s'ajoutent celles, conjoncturelles, liées à la crise sanitaire, à la recrudescence de la menace terroriste et à l'annonce de nouvelles réformes, qui conduisent la justice à être de plus en plus sollicitée. Or nous sommes inquiets de voir que ni les premières, ni les secondes ne sont suffisamment prises en considération.

Nous espérons que le budget pour 2021 sera bien exécuté, car il ne sert à rien d'annoncer des moyens supplémentaires si, in fine, les crédits ne sont pas consommés en totalité. Par ailleurs, les quelques évolutions qui peuvent être constatées cette année apparaissent minimes au regard de ce qu'il reste encore à accomplir pour que la justice soit plus efficace, plus compréhensible et plus lisible pour nos concitoyens. Les crédits consacrés à la justice ne sont toujours pas en adéquation avec les besoins réels. Leur part dans le budget de l'État – à peine 3 % – n'évolue pas et ne traduit pas la place que cette institution devrait occuper au sein de notre démocratie.

Monsieur le garde des sceaux, vous dites parfois connaître intimement la justice. Vous connaissez donc ses souffrances et ses nombreux dysfonctionnements, dus à son assujettissement aux contraintes budgétaires. Vous comprendrez, dans ces conditions, que les membres du groupe UDI et indépendants ne s'associent pas à un budget qui, selon eux, n'est pas encore à même d'y remédier.

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