Au fil des semaines, les textes fourre-tout se succèdent. C'est ainsi qu'après l'adoption du projet de loi ASAP, nous réexaminons le projet de loi DDADUE. Dans les deux cas, les sujets abordés sont multiples ; mais cette fois, le texte trouve une cohérence dans sa volonté d'adapter notre droit économique et financier aux évolutions législatives décidées à l'échelon européen. Ce faisant, et par des dispositions aussi diverses que techniques, il aborde des enjeux majeurs. Je n'en évoquerai que quelques-uns, en commençant par le domaine économique, et plus spécifiquement le secteur du numérique.
Plusieurs directives et règlements européens proposent des évolutions substantielles visant à renforcer l'harmonisation des règles et à améliorer la protection des consommateurs. Nous devons désormais en assurer la juste transposition. La directive dite Omnibus, par exemple, contient des dispositions qui interdisent la pratique du double niveau de qualité des produits et qui définissent les places de marché en ligne, ainsi que de nouvelles obligations en matière de commerce en ligne – autant de règles qui contribueront à une meilleure protection des internautes consommateurs.
De même, les articles 3 et 4, qui luttent contre le blocage géographique transfrontalier et national, concourent à l'instauration d'un marché unique du numérique et responsabilise les acteurs de la vente en ligne.
Concernant l'article 4 bis, dont la suppression par la majorité a provoqué l'échec de la commission mixte paritaire, je partage l'analyse de Mme la rapporteure Valéria Faure-Muntian : les questions relatives au libre choix du consommateur dans le cyberespace doivent être tranchées dans le cadre du Digital Services Act, l'échelle européenne étant la plus pertinente pour réguler le numérique. Je tiens toutefois à rappeler que lors de l'examen de la proposition de loi de Mme Laetitia Avia, visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, nous avions recommandé, pour ces mêmes raisons, d'attendre les arbitrages européens. J'ai le vif souvenir que la majorité avait été moins sensible à nos arguments.
Je me réjouis, par ailleurs, que la CMP ait conservé les apports du Sénat concernant les vétérinaires, à savoir l'autorisation de la publicité pour les vaccins vétérinaires à destination des éleveurs professionnels, l'encadrement des actes vétérinaires réalisés par les élèves vétérinaires étudiants à l'étranger, mais stagiaires en France, et, surtout, le dispositif de lutte contre la désertification vétérinaire – problème qui s'aggrave dans certains territoires. La réponse reprend le modèle du dispositif de lutte contre les déserts médicaux ; gageons qu'elle réussira davantage.
Dans le domaine financier, les dispositions correspondent à des projets européens essentiels, à l'instar de l'union bancaire et de l'union des marchés de capitaux. L'article 12, par exemple, habilite le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive du 27 novembre 2019 concernant l'émission d'obligations garanties et la surveillance publique des obligations garanties.
J'en viens à la directive SMA et aux deux directives relatives au droit d'auteur et aux droits voisins. Nous devions assurer leur transposition à l'occasion du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique. Or l'examen de ce texte a été interrompu par la crise sanitaire au mois de mars dernier, après quoi le Gouvernement a purement et simplement abandonné tout projet de loi audiovisuelle. Aussi devons-nous recourir en urgence aux ordonnances. Si nous regrettons la méthode, nous avions cependant exprimé, dès le début du premier confinement, la nécessité de faire face aux obligations européennes en la matière, et de répondre le plus rapidement possible aux attentes anciennes et légitimes des auteurs, artistes, professionnels des médias et industries culturelles. En effet, la transposition des directives relatives au droit d'auteur et aux droits voisins permettra de rééquilibrer les rapports de force et de faire bénéficier les auteurs de droits renforcés, notamment en matière de rémunération.
La directive SMA permet également d'assujettir les plateformes installées à l'étranger aux obligations de financement de la production audiovisuelle et cinématographique, enjeu crucial pour soutenir la création audiovisuelle, qui pâtit fortement de la crise. Aussi, nous serons particulièrement vigilants au contenu des ordonnances et des décrets : ils devront rechercher un équilibre entre toutes les parties prenantes, afin de préserver et de favoriser la diversité culturelle. Néanmoins, nous sommes plutôt favorables à cette façon de procéder, d'autant que le projet de loi adopté en mars dernier par la commission ne répondait pas à ces objectifs.
J'évoquais la méthode. En la matière, nous devons reconnaître que le recours à un texte balai s'est imposé au Gouvernement, car trop de retard avait été pris dans la transposition des directives et règlements européens. Certains articles concernent ainsi des actes législatifs européens adoptés il y a plus de trois ans, dont l'entrée en vigueur imminente s'impose à nous. En ces temps de crise, nous aurions souhaité gérer les urgences plutôt que de rattraper les retards accumulés. Le groupe Libertés et territoires votera néanmoins en faveur de ce texte.