Vous avez salué l'élection du président Biden et de sa vice-présidente, élection sur laquelle le Président de la République s'est exprimé. Vous avez noté qu'en période de pandémie, les Américains ont pu voter et ont notamment utilisé le vote à distance pour le faire. Vous avez évoqué cet exemple dans le but de l'importer en France, si j'ose dire. Permettez-moi de penser – sans porter de jugement sur le scrutin américain, monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères – , que le système électoral français fonctionne bien et qu'il répond probablement à des critères qui ne permettent pas d'aller vers le vote à distance que vous appelez de vos voeux.
Tout d'abord, il y a la question de la lutte contre la fraude. Vous avez rappelé que le vote par correspondance avait été supprimé sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing pour des raisons de fraude et de difficultés d'exploitation postale. Ces motifs n'ont pas beaucoup changé depuis les années soixante-dix. Les services de La Poste contribuent évidemment à la vie électorale par l'intermédiaire du port des plis – professions de foi et bulletins de vote – , mais chacun a pu constater dans les élections où il s'est présenté qu'il y a parfois des retards, les plis arrivant parfois après le jour de l'élection.
Ensuite, des cas de fraude ayant été relevés, le ministère de l'intérieur n'est pas capable aujourd'hui de s'assurer que le vote à distance par voie postale, comme d'ailleurs par voie électronique, soit entièrement incontestable – mais la question peut en effet se poser.
Si nous faisons toujours le choix de l'isoloir – systématiquement dans les préaux d'école, selon la caricature – et de l'urne, c'est pour la bonne et simple raison qu'il y a une grande force dans ce mode de scrutin : un tiers ne peut pas peser sur le choix de l'électeur, que ce soit par le poids de la communauté ou par le poids de la famille – le mari envers sa femme ou inversement, un parent sur ses enfants, etc. – , chacun vote librement dans l'isoloir. Et je souhaite pour ma part qu'on puisse continuer à voter librement dans un isoloir.