La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent.
Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, chers collègues, hier, l'Assemblée nationale honorait la mémoire du général de Gaulle pour les cinquante ans de sa disparition. Aujourd'hui, je vous demande d'avoir une pensée pour un grand gaulliste et un grand parlementaire, qui s'est éteint il y a vingt ans jour pour jour : Jacques Chaban-Delmas, disparu le 10 novembre 2000.
Jacques Delmas, devenu le général Chaban dans la Résistance, compte parmi les soixante-sept députés ayant reçu le titre prestigieux de Compagnons de la Libération. Quatorze fois élu député, il siégea de 1946 à 1997 sans autre interruption que pendant la période où il fut Premier ministre, de 1969 à 1972. En un demi-siècle de mandat parlementaire, il fut élu six fois président de l'Assemblée nationale, fonction qu'il exerça pendant seize années, dont onze consécutivement. C'est pourquoi en 1996, à l'initiative de Philippe Séguin, Jacques Chaban-Delmas fut nommé président d'honneur de l'Assemblée nationale, une distinction que notre Bureau n'avait jusqu'alors accordé qu'une seule fois, à Édouard Herriot.
Entré dans l'histoire « alors qu'il n'avait pas encore 30 ans », pour reprendre les mots de Raymond Forni, il fut aussi maire de Bordeaux pendant quarante-huit ans, cinq fois ministre sous la IVè République puis, sous la Vè, ce Premier ministre réformateur qui tenta d'atténuer le clivage entre la droite et la gauche pour promouvoir la modernisation de notre pays. L'année dernière, avec sa famille, ses anciens collaborateurs et tous ceux qui se souviennent de son action, nous avons célébré à l'Assemblée nationale les cinquante ans de son discours sur la nouvelle société, discours si ample et si visionnaire.
Humblement et respectueusement, je salue la mémoire de notre président d'honneur, Jacques Chaban-Delmas.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, la crise que nous traversons impose un renforcement des mesures sanitaires dans l'ensemble des établissements scolaires, quel que soit leur niveau. Votre choix de ne pas fermer les écoles est une bonne décision pour tous les jeunes dont la vie a été si bouleversée, et la scolarité tellement mise à rude épreuve, depuis le printemps dernier. Il ne peut toutefois être compris que si un protocole sanitaire strict est respecté.
Aussi avez-vous offert aux lycées de nouvelles possibilités d'organisation de travail, comme celle consistant à assurer la moitié des cours à distance pour n'accueillir que des demi-classes, tout en préservant ce lien social si précieux en permettant la présence d'une partie des élèves. Les chefs d'établissements font tout pour s'adapter au mieux aux consignes, en un temps souvent record, en fonction des réalités du terrain. Logiquement, les réponses diffèrent d'un établissement à l'autre.
Or le Conseil scientifique l'affirme : la situation sanitaire se détériore. Alors que nous ne savons pas encore si les jeunes sont contagieux entre eux, un enseignement exclusivement à distance est-il envisagé ? Serons-nous, le cas échéant, capables d'assurer la continuité pédagogique ? Certains des freins importants repérés au printemps ont-ils été levés ? Pourrait-on, par exemple, envisager l'organisation de certaines épreuves orales du baccalauréat à distance ?
Quel message adressez-vous aux chefs d'établissements et aux enseignants – dont certains sont aujourd'hui en grève – pour les accompagner durant la crise sanitaire ? Quel message pouvez-transmettre aux lycéens et à leurs parents pour les rassurer ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
La question que vous posez est essentielle, car elle porte sur ce qui fait la colonne vertébrale de notre vie quotidienne et de la République : l'école.
Il y a quelques jours, l'Organisation mondiale de la santé a rappelé une nouvelle fois qu'en cas de confinement, les écoles devaient être les dernières à fermer. C'est évident ! D'abord parce que l'école est fondamentale et qu'elle n'est pas une variable d'ajustement ; ensuite parce que les études dont nous disposons, même si nous devons rester très prudents, suggèrent que plus un enfant est jeune, moins le risque de contagion est élevé – ce qui signifie que le problème se pose différemment pour les écoles, les collèges et les lycées.
La façon dont nous gérons la situation a été arrêtée au mois de juillet, à la lumière des propositions du Haut conseil de la santé publique. Nous avons ainsi élaboré à la fois un protocole sanitaire, décliné en plusieurs degrés, et un protocole de continuité pédagogique. Le protocole sanitaire de niveau 1 s'est appliqué en septembre. Ce fut une réussite, puisque nous avons pu faire revenir tous les élèves et tous les professeurs à l'école, ce qui ne fut pas le cas dans tous les pays. C'est sous ce régime que nous avons fait classe en septembre et en octobre. Lorsqu'il a fallu prendre des mesures plus strictes, le protocole n'a pas changé de nature, mais de degré, comme si nous avions avancé un curseur. Nous sommes ainsi passés au protocole de niveau 2, qui prévoit des mesures barrières plus fortes. Nous l'appliquons encore aujourd'hui.
Nous pouvons en outre prendre des dispositions pour limiter le brassage au sein des écoles, c'est-à-dire le nombre d'élèves. Nous l'avons fait récemment dans les lycées, en concertation très étroite avec les chefs d'établissement – que vous avez eu raison de mentionner, au même titre que les professeurs – , de façon à définir un fonctionnement pragmatique, qui s'appuie à la fois sur un cadrage national et sur des mesures locales, adaptées à la réalité de chaque établissement. Nous avons effectivement travaillé sur les contenus – que chacun peut d'ailleurs consulter sur le site internet de l'éducation nationale – , ainsi que sur les équipements, avec les collectivités locales, pour assurer le meilleur enseignement à distance possible.
Je vous confirme que nous sommes prêts à faire de nouveau bouger le curseur, dans un sens ou dans l'autre. Mon objectif, toutefois, est évidemment d'assurer l'ouverture maximale des écoles, parce que c'est ainsi que sera assuré le droit à l'éducation de nos enfants.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.
Monsieur le Premier ministre, il y a cinquante ans, disparaissait le général de Gaulle. Le Président de la République, vous-même, le Président de l'Assemblée : chacun, à sa manière, a rendu hommage à l'homme – celui qui sauva l'honneur en 1940 ; celui qui, dans les années soixante, rétablit notre économie et nos comptes publics ; celui qui dota notre pays d'institutions solides, mais aussi respectueuses des libertés. Lorsqu'il lui fallut prendre des mesures d'exception limitant les libertés publiques, il veilla notamment à ce qu'elles s'appliquent le moins longtemps possible.
Au-delà de la personne du général de Gaulle, il y a un héritage de valeurs. La première de ces valeurs, c'est la souveraineté. La crise liée au covid-19 a révélé la défaillance totale de notre souveraineté sanitaire, comme la pénurie de masques et de médicaments en a témoigné. La souveraineté n'est-elle pas entamée, lorsque nous empruntons massivement à l'étranger ?
La souveraineté, c'est aussi notre indépendance alimentaire. Le général de Gaulle y tenait : il avait imposé la politique agricole commune. Envisagez-vous toujours de nous imposer la ratification du CETA – accord économique et commercial global entre la France et le Canada – , qui est le préalable à la fin de cette souveraineté ?
Au coeur de la souveraineté se trouve également la frontière, si essentielle en cette période de grande migration. Vous êtes-vous donné les moyens de tenir cette frontière ? En avez-vous la volonté ?
Le gaullisme, c'est aussi la capacité à fixer un cap : c'est précisément en pleine crise, alors que chacun pense à l'immédiat, qu'il nous faut un cap pour le long terme. Quel cap proposez-vous ?
Le gaullisme, enfin, c'est la capacité à faire partager cette ambition collective à tous, petits et grands. Jamais de Gaulle n'aurait parlé des « gens qui ne sont rien ».
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Il savait au contraire que c'étaient les plus modestes qui l'avaient rejoint et il n'avait pas oublié que c'étaient les pêcheurs de l'île de Sein qui, les premiers, avaient été à ses côtés en juin 1940.
Alors, monsieur le Premier ministre, vous donnez-vous les moyens d'être fidèle à ce bel héritage, qui nous est commun à tous ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.
« Ah » ! sur plusieurs bancs du groupe LR.
Sourires.
… qu'on me confie la tâche de répondre à cette question. Fille de deux résistants, gaulliste depuis toujours, cet honneur m'étreint.
« Tout le monde a été, est ou sera gaulliste », comme l'a dit André Malraux, dont j'ai l'honneur d'occuper le bureau aujourd'hui, dans une sorte de filiation qui, là aussi, m'honore.
M. Erwan Balanant applaudit.
Je crois qu'il ne convient pas, dans cette période de recueillement, de faire parler le général de Gaulle.
Qu'aurait-il fait, comment aurait-il réagi dans un contexte totalement inédit ? Nous ne devons nous souvenir que d'une chose, que vous avez esquissée : les leçons qu'il nous a laissées – les leçons de dévouement, d'éthique de responsabilité, d'ascèse dans l'exercice du pouvoir. C'est la seule chose dont nous devons nous souvenir.
Nous ne pouvons, finalement, à la suite du général de Gaulle, que nous reconnaître dans cette phrase qu'il adressait à la France : « mère, tels que nous sommes, nous voici pour vous servir ». C'est ce qui nous réunit tous.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem et sur de nombreux bancs des groupes SOC et GDR.
Monsieur le ministre de l'intérieur, les députés du groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés saluent l'élection de Joe Biden, quarante-sixième président des États-Unis d'Amérique, et de Kamala Harris, première femme à devenir vice-présidente de cette grande nation.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, SOC et Dem.
Nous saluons aussi la mobilisation historique des citoyens américains, qui, en pleine crise sanitaire, se sont plus massivement exprimés qu'ils ne l'avaient fait depuis 120 ans. Dans ce sursaut démocratique, le vote à distance aura joué un rôle clef : 65 millions de citoyens américains ont voté à distance, sans qu'aucun cas de fraude ne soit avéré à ce jour.
Exclamations sur les bancs du groupe LR et parmi plusieurs députés non inscrits.
S'il y a une seule leçon à tirer de cette élection, c'est que la progression de l'abstention de scrutin en scrutin n'est pas une fatalité, que la France peut elle aussi traverser les crises sans avoir à mettre la démocratie à l'arrêt et que nos concitoyens ne doivent pas avoir à choisir entre l'expression de leurs droits civiques et leur santé.
La France a renoncé au vote par correspondance en 1975, en raison de risques de fraude.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Cinquante ans plus tard, ne sommes-nous pas capables de les maîtriser ? Nos collègues représentant les Français de l'étranger dans cet hémicycle ont été élus par correspondance.
Sont-ils moins légitimes que les autres ? Nous ne le croyons pas. C'est la raison pour laquelle les députés du groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés ont déposé, dès le mois de juin, une proposition de loi pour inviter le Gouvernement à ouvrir le chantier du vote à distance.
Six mois plus tard, le virus est toujours là et il est toujours aussi urgent de mener cette réforme difficile et exigeante. Monsieur le ministre, vous qui avez réussi le tour de force de déployer, contre les vents contraires, le prélèvement à la source, pourrons-nous compter sur vous pour ouvrir sans délai le chantier du vote à distance ?
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et LaREM.
Merci d'avoir souligné que l'intégralité de la représentation nationale était désormais favorable à l'impôt à la source et se félicite, j'imagine, de son application dans chaque circonscription.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Vous avez salué l'élection du président Biden et de sa vice-présidente, élection sur laquelle le Président de la République s'est exprimé. Vous avez noté qu'en période de pandémie, les Américains ont pu voter et ont notamment utilisé le vote à distance pour le faire. Vous avez évoqué cet exemple dans le but de l'importer en France, si j'ose dire. Permettez-moi de penser – sans porter de jugement sur le scrutin américain, monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères – , que le système électoral français fonctionne bien et qu'il répond probablement à des critères qui ne permettent pas d'aller vers le vote à distance que vous appelez de vos voeux.
Tout d'abord, il y a la question de la lutte contre la fraude. Vous avez rappelé que le vote par correspondance avait été supprimé sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing pour des raisons de fraude et de difficultés d'exploitation postale. Ces motifs n'ont pas beaucoup changé depuis les années soixante-dix. Les services de La Poste contribuent évidemment à la vie électorale par l'intermédiaire du port des plis – professions de foi et bulletins de vote – , mais chacun a pu constater dans les élections où il s'est présenté qu'il y a parfois des retards, les plis arrivant parfois après le jour de l'élection.
Ensuite, des cas de fraude ayant été relevés, le ministère de l'intérieur n'est pas capable aujourd'hui de s'assurer que le vote à distance par voie postale, comme d'ailleurs par voie électronique, soit entièrement incontestable – mais la question peut en effet se poser.
Si nous faisons toujours le choix de l'isoloir – systématiquement dans les préaux d'école, selon la caricature – et de l'urne, c'est pour la bonne et simple raison qu'il y a une grande force dans ce mode de scrutin : un tiers ne peut pas peser sur le choix de l'électeur, que ce soit par le poids de la communauté ou par le poids de la famille – le mari envers sa femme ou inversement, un parent sur ses enfants, etc. – , chacun vote librement dans l'isoloir. Et je souhaite pour ma part qu'on puisse continuer à voter librement dans un isoloir.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ainsi que sur de nombreux bancs des groupes FI et GDR.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Hier, la presse s'est fait l'écho des résultats annoncés par les sociétés Pfizer et BioNTech concernant l'efficacité à 90 % d'un vaccin contre la covid-19. Si cette annonce suscite l'espoir, elle interroge quant à la préparation de notre pays en matière de stratégie de vaccination.
Très en amont, il faut souligner le manque d'ambition de notre pays pour la recherche d'un vaccin. L'Allemagne a débloqué à cet effet 627 millions d'euros en septembre dernier pour soutenir notamment BioNTech. Qu'en est-il des investissements de la France en ce domaine ? L'Union européenne ayant commandé début septembre 200 millions de doses, avec une option pour 100 millions de plus, se pose la question de la répartition dans un ensemble qui compte plus de 400 millions d'habitants. Pouvez-vous nous indiquer quel protocole a été décidé à ce sujet entre les États de l'Union européenne ?
Second point : la stratégie de vaccination. Dès le 9 juillet, le Conseil scientifique, dans son avis intitulé « Une stratégie de vaccination », faisait diverses propositions, et le 13 octobre, lors des questions d'actualité, quand mon collègue Boris Vallaud vous a interrogé à ce sujet, vous avez seulement indiqué que tout était en cours de préparation… Hier, la Haute autorité de santé a lancé, jusqu'au 30 novembre, une consultation publique sur la vaccination contre la covid-19 et elle présentera ses conclusions début 2021. Notre pays est donc en retard. Il est urgent de préparer dès aujourd'hui la vaccination des Français et d'en définir l'organisation, qu'il s'agisse de la chaîne d'approvisionnement et de distribution du vaccin – sachant que celui-ci doit être conservé à moins quatre-vingts degrés – , de la répartition sur le sol national des personnels habilités à procéder aux vaccinations – médecins, infirmières, pharmaciens – ou encore de la détermination des publics prioritaires, nous devons être prêts.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous détailler la stratégie de vaccination de notre pays ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.
Je vous remercie beaucoup pour votre question car elle me donne l'occasion de faire le point sur cette annonce du laboratoire Pfizer faite hier. Elle est porteuse d'espoir, ce dont il faut se réjouir, mais doit également susciter la prudence en l'état actuel des connaissances.
Je tiens à rappeler tout d'abord que la France, dès l'apparition de ce virus et en lien avec les travaux conduits par la Commission européenne, s'est très tôt mobilisée pour que les Français aient accès à un maximum de types de candidats vaccins, y compris celui développé par Pfizer mais aussi ceux développés par d'autres sociétés – je pense à AstraZeneca.
Je ne nie pas l'enthousiasme et l'espoir que peuvent susciter des annonces comme celle de Pfizer, mais il faut néanmoins les tempérer car les vaccins contre le covid-19 ne pourront être mis à disposition qu'après avoir satisfait, vous le savez, à toutes les exigences de sécurité. Aujourd'hui, ce laboratoire en est à la phase 3 : les tests ont été faits auprès de 40 000 personnes, 20 000 porteuses du vaccin et 20 000 ayant reçu un placebo ; il y a encore au moins un mois de tests à faire avant que les autorités sanitaires américaines et européennes disposent de l'ensemble des données leur permettant de valider ou non ce vaccin et d'autoriser sa mise sur le marché.
Par conséquent, contrairement à ce que vous dites, madame la députée, notre pays n'est pas en retard, la fin de l'expérimentation se situant à fin décembre ou début janvier dans le meilleur des cas. Et, dans le même temps, la Haute autorité de santé travaille à l'élaboration des recommandations qui permettront de fixer la politique de vaccination et de déterminer les éventuels publics prioritaires pour ce vaccin dans l'Union européenne et, évidemment, dans le du territoire national – on peut penser au public destinataire prioritaire du vaccin pour la grippe, les soignants et les personnes vulnérables. Je conclus en rappelant que, comme le code de la santé publique le prévoit et comme pour chaque vaccin, les modalités d'utilisation seront décidées par le ministre de la santé, après les recommandations de la Haute autorité de santé.
Madame la ministre déléguée chargée de l'industrie, un beau parfum d'une des grandes marques françaises coûte vite cher : au moins 100 euros. Mais savez-vous combien revient à ceux qui en fabriquent le flacon chez moi, dans la Glass Vallée ? Seulement 1 euro pour ce bel objet en verre… Le reste, c'est 2 euros pour le jus, 3 euros pour l'emballage… mais 25 % pour la publicité, 35 % pour la distribution et 15 euros pour la marge de la marque. 1 euro le flacon, c'est très peu, et il y a pourtant derrière beaucoup de savoir-faire ouvrier, soixante-dix entreprises et surtout 7 000 salariés et leurs familles.
Alors que dans la vallée de la Bresle, la plus ouvrière de France, la filière du flaconnage de luxe subit une baisse de 40 % de sa production, les grands du luxe français, comme si de rien était, continuent à faire leurs courses à l'étranger pour 200 millions d'euros de flacons, l'équivalent du chiffre d'affaires des grosses entreprises verrières dans mon territoire, l'équivalent aussi de 1 500 emplois directs. Une partie de l'activité du luxe bénéficiant de la reprise en Chine, LVMH, L'Oréal, Yves Rocher, pour ne citer qu'eux, doivent jouer le jeu du patriotisme industriel…
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC et FI
… afin d'éviter que les salariés ne soient la variable d'ajustement, que notre filière, qui produit 70 % du flaconnage, perde ses savoir-faire et qu'une guerre fratricide ne se déclenche entre les verriers.
La proposition simple, concrète et offensive que nous faisons avec le syndicat CGT de la filière est la suivante : au-delà de mesures uniquement défensives et conjoncturelles, l'État doit convaincre les donneurs d'ordre de jouer la carte du patriotisme industriel s'il ne veut pas se contenter de jouer demain les pompiers. Pour vous permettre de joindre la parole de la souveraineté industrielle aux actes, nous vous demandons de réunir avec nous la filière du flaconnage et ces grands groupes français – qui ont largement bénéficié des cadeaux fiscaux de votre gouvernement – pour discuter concrètement du patriotisme industriel. Y êtes-vous prête, madame la ministre ?
Dans l'ivresse du parfum, le flacon, les hommes et les femmes qui le fabriquent, importent beaucoup : plus que le prix, croyez-nous !
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.
Permettez-moi d'abord d'excuser Bruno Le Maire, dont vous savez l'attachement à la vallée de la Bresle et qui connaît votre engagement auprès des entreprises de cette Glass Vallée qui fait notre fierté, mais il préside en ce moment le comité de pilotage du plan de relance car ce dernier est en train de se déployer sur tous les territoires.
Ma réponse sera en lien avec le plan de relance puisque les entreprises de cette vallée de la Bresle, que nous avons visitée ensemble il y a quelques semaines – je pense notamment à Verescence ou encore à Pochet – , en bénéficient. Il va leur permettre, ainsi qu'aux ETI de la filière, d'accompagner leur décarbonation et leur modernisation. Et le Gouvernement est évidemment très concrètement aux côtés de ces entreprises.
Pour rebondir sur la partie de votre question concernant les achats, je tiens à préciser qu'à la suite de ma visite, je me suis rapprochée de L'Oréal et de LVMH pour les interroger – je le ferai aussi évidemment auprès de la troisième entreprise que vous avez citée – sur ce paradoxe qui conduit, pour dix centimes d'écart, à acheter un flacon à l'étranger plutôt qu'en France. Nous avons commencé à travailler ensemble, elles et moi, pour voir comment elles pourraient prendre des engagements à ce sujet. Ces entreprises se sont réunies le 15 octobre dernier, à l'occasion des états généraux de la filière cosmétique et de la filière parfum, et ont pris des engagements en ce sens. Et je vais continuer à travailler avec ces entreprises, comme je le fais aujourd'hui, avec Philippe Varin, dans les dix-huit filières. J'ai demandé à chacune d'elles d'avoir une politique d'achats responsables, …
… les donneurs d'ordre devant agir en conscience avec leurs sous-traitants. Cette solidarité est plus que jamais nécessaire dans la crise que nous traversons. Cette solidarité va jusqu'au Conseil national des achats où nous sommes en train de voir, produit par produit, ce qui peut être relocalisé – certainement pas tout malheureusement – au profit des entreprises françaises.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Le peuple américain s'est prononcé avec clarté : le 20 janvier prochain, Joe Biden deviendra le quarante-sixième président des États-Unis d'Amérique.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Soc.
Pour beaucoup, et j'en fais partie, l'élection de Joe Biden et de Kamala Harris, qui deviendra la première vice-présidente de l'histoire du pays, est une formidable source d'espoir ; dans un monde instable, des perspectives de coopération nouvelle s'ouvrent : je pense évidemment à la mise en oeuvre de l'accord de Paris sur le climat, à l'indispensable coordination pour endiguer l'épidémie de covid et pour répondre à la crise, et aussi à la question de notre sécurité collective et à la lutte contre le terrorisme. L'espoir est là !
Pourtant, devant nos yeux éberlués, se concrétise une leçon de l'histoire : s'il est facile pour une nation de succomber au populisme, parvenir à en sortir est autrement plus compliqué. Le président sortant tente désormais d'utiliser toutes les voies possibles pour contester les résultats du scrutin ; devant les tribunaux des États, c'est classique et c'est la voie légitime, mais aussi en encourageant à mi-mots la désobéissance civile des plus acharnés de ses partisans et en mobilisant un appareil administratif et judiciaire fédéral largement à sa main.
Monsieur le Premier ministre, au-delà des politiques que nous pouvons mettre en oeuvre, il y a là une question plus essentielle encore, celle des valeurs communes à la France et aux États-Unis, des valeurs qui nous ont réunis dans les moments les plus cruciaux de nos histoires communes, des valeurs qui au fond se résument en un mot : la démocratie.
Monsieur le Premier ministre, comment la France et l'Europe peuvent-elles aujourd'hui contribuer à encourager le respect de la démocratie en Amérique ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.
Le choix par le peuple américain de son futur président, Joe Biden, et de sa future vice-présidente, Kamala Harris, première femme à ce poste, est d'abord le résultat d'une grande mobilisation démocratique. Il faut saluer celle-ci car la forte participation des électeurs au choix de leurs représentants est toujours une bonne nouvelle pour la démocratie et je dois dire ici que les États-Unis ont montré une grande vitalité démocratique et qu'ils étaient une grande démocratie.
Un nouveau chapitre va désormais s'ouvrir. Il faut que nous construisions un agenda nouveau avec la future administration américaine. Nous aurons beaucoup à faire ensemble dans une relation qui devra être équilibrée, mais le retour annoncé par le président élu à la méthode du multilatéralisme, notamment sur des sujets aussi cruciaux que le changement climatique, la première priorité internationale qu'il a fixée, est un signal encourageant s'agissant de notre capacité d'action commune.
Mais, dans le même temps, chacun doit en convenir, le monde a changé depuis quatre ans. C'est pourquoi la relation transatlantique devra être refondée, rééquilibrée, pour prendre en considération cette nouvelle réalité, dans laquelle les Européens doivent prendre toute leur place comme ils ont déjà commencé à le faire davantage ces dernières années. C'est l'intérêt des États-Unis eux-mêmes que de pouvoir compter sur des partenaires européens renforcés, plus volontaires et plus déterminés. Dans cette nouvelle réalité, nous, Européens, aurons à défendre nos valeurs communes, nos intérêts et la recherche de solutions communes, à nous, mais aussi aux États-Unis.
Voilà une feuille de route très importante que nous aurons à mettre en oeuvre avec la nouvelle administration américaine.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
Un nouveau président des États-Unis, Joe Biden, vient d'être élu, et je tiens au nom du groupe Les Républicains à le féliciter et à lui souhaiter plein succès dans l'exercice de son mandat. Emmanuel Macron a salué ainsi son élection : « Nous avons beaucoup à faire pour relever les défis d'aujourd'hui. Agissons ensemble ! » Encore ne faut-il pas que cette volonté reste une incantation, mais qu'elle se traduise en actes concrets et en résultats. Car, hélas, dans le domaine international comme dans bien d'autres, les actes suivent rarement les paroles présidentielles.
Or c'est bien par un manque de résultats et par une succession d'échecs sur tous les dossiers clefs que s'est traduite, pour Emmanuel Macron, la relation entre la France et les États-Unis. Il n'a pas empêché leur départ de l'accord de Paris sur le climat, …
… ni du traité sur le nucléaire iranien alors qu'il s'était fait fort de les y faire revenir. Il a fait preuve de naïveté en ne percevant pas que les États-Unis voulaient mener une politique unilatérale et mettre en cause le organisations internationales comme l'OMS, l'OMC ou encore l'UNESCO, et l'Alliance atlantique au sein de l'OTAN, allant même jusqu'à appliquer des sanctions extraterritoriales à l'encontre d'entreprises françaises.
Alors oui, désormais, la France et l'Europe devront construire une nouvelle relation avec les États-Unis et leur nouvelle équipe dirigeante, mais il faut le faire sans illusions, car la politique étrangère américaine restera marquée par une certaine forme de continuité : les États-Unis défendront toujours, d'abord et avant tout, les intérêts des États-Unis. Leur priorité risque de ne pas être le partenariat avec l'Europe, mais leur relation avec la Chine, nouvelle puissance antagoniste des États-Unis.
Dans ce contexte, pouvez-vous nous dire sur quelles nouvelles bases plus réalistes, sans illusions excessives, vont se fonder la politique étrangère de la France et la nouvelle relation à construire avec les États-Unis, afin de passer des souhaits et des rêves aux actes et aux résultats ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur Herbillon, je vous connais et je suis surpris que vous vouliez faire porter au Président de la République des décisions qui ont été prises par le président Trump !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Vous dérogez là, me semble-t-il, à la rigueur intellectuelle et à la sincérité qui vous caractérisent.
Le Président de la République a félicité Joe Biden pour son élection ; en effet, des ouvertures et des synergies nouvelles apparaissent devant nous, en particulier en matière de défense des biens publics mondiaux et de refondation du multilatéralisme.
Les signes sont déjà là. Ainsi, je l'ai évoqué, le président élu Biden a affirmé vouloir s'investir dans la lutte contre le changement climatique : ce sera un élément de convergence très important. Le retour des États-Unis dans l'accord de Paris – ce sera, d'après le président élu Biden, l'un de ses premiers actes – permettra de préparer ensemble, dans une bonne synergie, les échéances importantes qui nous attendent, en particulier la COP26 de Glasgow. Nous anticipons également une meilleure entente dans le domaine de la santé publique mondiale : nous devrons travailler ensemble, dans le cadre de l'OMS reconstituée, pour lutter plus efficacement contre la pandémie et pour réformer le multilatéralisme de la santé. Le partenariat économique transatlantique représente un autre enjeu important : nous avons besoin d'un dialogue plus approfondi en matière commerciale et j'espère une collaboration sur la refonte de l'OMC – une tâche qui est indiscutablement devant nous. Nous aurons aussi à travailler ensemble sur le numérique, autour du triptyque régulation, taxation et définition de normes, ainsi que sur l'enjeu de la sécurité et de la défense. L'engagement de Joe Biden à développer une réflexion stratégique sur l'avenir de l'OTAN augure ainsi d'une meilleure relation entre nos pays.
L'agenda s'annonce donc très riche, promettant une relation transatlantique équilibrée et refondée.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le Premier ministre, depuis le début du deuxième confinement, les critiques montent sur l'application des règles sanitaires dans les collèges et lycées : personnel enseignant, élèves, parents d'élèves et collectivités font état d'un sentiment d'impréparation. Les enseignants sont aujourd'hui en grève. On leur demande d'effectuer les cours en présentiel tout en suivant les jeunes qui vont rester chez eux, pour éviter de voir ceux-ci décrocher. Mission impossible ! Nous réclamons l'embauche d'auxiliaires éducatifs : il y a des enfants à qui les parents auront les moyens de payer des cours par correspondance ou de belles tablettes et les autres qui, à nouveau, faute de moyens ou de réseaux suffisants, vont rester au bord du chemin. On va encore renforcer les inégalités. Le 27 juillet, vous aviez annoncé une prime pour les équipements informatiques ; pouvez-vous nous dire précisément où nous en sommes ?
On instaure un protocole sanitaire à la va-vite, ce qui pose de gros problèmes aux collectivités territoriales, notamment en matière de restauration scolaire. Elles sont excédées. Il me remonte enfin que personne n'applique réellement la nécessité de proposer des salles dédiées au dédoublement des enseignements et que les protocoles sont appliqués de façon différente selon les territoires. Qu'en est-il, par exemple, de l'aération des salles de classe ?
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous répondre à ces questions ? Avez-vous tenu compte des enseignements du premier confinement, qui pourraient nous éviter une nouvelle cacophonie et la démobilisation de tous ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
Hier, dans les établissements de santé français, 551 de nos compatriotes sont décédés ; 4 690 étaient hospitalisés en réanimation et environ 31 000 hospitalisés pour cause de covid-19 – dont 40 % de moins de 65 ans. Notre taux d'incidence, vous le savez, avoisine les 430 pour 100 000 personnes. J'appelle votre attention sur le fait qu'hier, dans onze pays européens, ce taux a dépassé les 500.
C'est dire si la situation est préoccupante ! C'est elle qui a justifié le recours à un nouveau confinement, qu'il est – je le redis dans cet hémicycle – indispensable de respecter.
Nous avons bien tiré les leçons du premier confinement, prenant note des avis qui s'étaient exprimés sur tous les bancs. L'école et les établissements d'enseignement méritent un traitement spécifique, car nous savons que confiner les élèves peut être pire que de les laisser venir en cours. C'est le choix qu'a fait le Gouvernement et qu'il applique, comme toujours, avec beaucoup de pragmatisme, avec une seule ligne de conduite : la sécurité sanitaire de nos concitoyens, en l'espèce des enfants et des enseignants.
Comme vous l'a expliqué le ministre de l'éducation nationale, nous avions, dès le mois de juillet, prévu des protocoles sanitaires applicables dans les établissements scolaires, avec des seuils de déclenchement corrélés à la situation sanitaire, mais aussi à l'organisation et à la situation des établissements. Pour les lycées en particulier, puisque vous les avez cités, le ministre avait, dès le 5 novembre, expliqué et reconnu que pour améliorer la sécurité sanitaire, des adaptations dans l'organisation des enseignements pouvaient être adoptées avec comme ligne conductrice de ne laisser aucun enfant de côté.
Je voudrais, devant la représentation nationale, rendre hommage aux élus locaux, aux enseignants et à toute la communauté éducative, grâce auxquels, globalement, tout se passe très bien.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Vous avez raison, monsieur le président Pancher, il y a eu des contestations. Aujourd'hui, s'est tenu un mouvement de grève ; selon les chiffres en ma possession, il a été suivi par 8,38 % des enseignants.
Je prends acte de cette information que je vous livre. Nous resterons mobilisés suivant la gravité de la situation sanitaire, avec sérieux, sans démagogie, avec détermination et un seul objectif : assurer la sécurité de tous nos concitoyens.
Mêmes mouvements.
La situation est compliquée, mais le tableau que vous dressez n'est pas celui qui me remonte du terrain. Anticipation, transparence et concertation : c'est aussi la clé pour surmonter la crise. Je trouve dommage que, dans ce domaine, l'éducation nationale ne montre pas en permanence l'exemple.
Madame la ministre des armées, je rentre ce jour de la bande sahélo-saharienne où je me suis rendue avec une délégation de la commission de la défense. Ce déplacement fait suite à ceux que vous-même et M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères aviez effectués au début du mois. Avec Sereine Mauborgne et Nathalie Serre, corapporteures d'une mission d'information sur l'opération Barkhane, ainsi que Jean-Jacques Ferrara, nous sommes allés à la rencontre de nos forces déployées tant à Niamey qu'à Gao. Nous avons également échangé avec les autorités civiles locales, en particulier le gouverneur de Gao, ainsi qu'avec les membres des forces armées maliennes et les militaires des autres pays engagés au sein de la force conjointe du G5 Sahel.
Nous avons constaté les incontestables progrès réalisés depuis le début de l'année. La dynamique de sahélisation engagée par le sommet de Pau du 13 janvier 2020 fait ses preuves, en témoigne le récent succès de l'opération Bourrasque. Conduite en partenariat avec les forces locales, elle a mobilisé plus de 3 000 soldats dont 1 600 Français, 1 100 Nigériens et 300 Maliens. Véritable succès tactique et opérationnel, elle a également associé les forces spéciales franco-estoniennes de la task force Takuba, en coopération avec une unité légère de reconnaissance et d'intervention malienne. Si elle a porté un coup dur aux groupes armés terroristes dans la zone des trois frontières, le succès de Bourrasque tient aussi et surtout à la parfaite collaboration entre les forces locales, la force conjointe du G5 Sahel, la force Barkhane et nos partenaires, y compris américains, engagés sur ce théâtre. Elle nous montre donc la voie à suivre.
D'importants défis se dressent néanmoins devant nous. Il faut intensifier la formation et l'équipement des forces locales et accroître la participation de nos alliés occidentaux, en premier lieu européens. Quelles sont, selon vous, les perspectives et les priorités en la matière ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Madame la présidente de la commission de la défense, il y a les perspectives et il y a le bilan. Vous avez mentionné l'opération Bourrasque, marquée par une coordination d'ampleur avec les armées du Niger et du Mali ; ce fut, en effet, une vraie démonstration de force qui a permis, ensemble, de porter des coups sévères à l'État islamique dans le Grand Sahara. Il y a également eu des actions d'opportunité, dont la dernière s'est déroulée ce week-end avec la neutralisation de plus de soixante terroristes grâce à la combinaison de nos moyens aériens, y compris des drones armés, et des forces terrestres – les troupes au sol. Enfin, il y a la force Takuba, composée pour l'instant de forces spéciales françaises et estoniennes, qui a conduit ses premières opérations en soutien des forces armées maliennes. Ces opérations et ces succès confirment, me semble-t-il, que nous sommes sur la bonne voie et qu'il faut donc la poursuivre avec détermination dans les mois à venir.
Pour commencer, je voudrais insister sur l'effort de nos partenaires du Sahel, puisque c'est eux que nous voulons renforcer et aider à s'aguerrir pour reprendre peu à peu le terrain – et j'ai constaté par moi-même que lorsque le terrain est réoccupé, la vie revient.
Il y aura aussi, demain, plus d'Européens au Sahel. La task force Takuba sera renforcée : nos camarades tchèques se préparent à nous rejoindre ; les Suédois doivent également arriver au début de l'année 2021 ; les Italiens devraient fournir des capacités d'évacuation médicale ; le Portugal et l'Ukraine envisagent eux aussi leur participation avec volontarisme. La mission EUTM – la mission de formation de l'Union européenne – sera doublée à l'horizon 2021. La coordination sera renforcée : cet aspect, que vous avez évoqué, est essentiel pour permettre la montée en gamme de la force conjointe et des forces armées nationales.
Il faut aussi continuer à maintenir la pression sur Daech, mais aussi sur Al-Qaïda qui a appelé encore récemment au djihad individuel sur notre sol.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le Premier ministre, après la Chine en juin dernier, et la Russie mi-août, le laboratoire étasunien Pfizer a annoncé, hier, les résultats provisoires d'un vaccin contre la covid-19, qui serait efficace à 90 %. La nouvelle suscite très naturellement de l'espoir, mais aussi une série d'interrogations auxquelles il est impératif de répondre si nous voulons créer les conditions d'une adhésion éclairée de la population et d'une efficacité vaccinale. En effet, un vaccin même efficace à 100 %, mais qui ne serait utilisé que par moins de 60 % de la population, n'aurait pas d'impact sur la pandémie. C'est aussi pour cela qu'il faut s'assurer de l'accès universel au vaccin, partout dans le monde, et éviter qu'il fasse l'objet d'une marchandisation indécente et contreproductive.
Pour le moment, nous ne disposons pas des résultats complets de l'essai ni du protocole de recherche. Or ledit vaccin est déjà en pré-vente. Les États-Unis ont conclu, dès le mois de juillet, un accord de 1,95 milliard de dollars avec le laboratoire Pfizer, pour obtenir 100 millions de doses avec la possibilité d'en acheter 500 millions de plus. L'Union européenne a également passé une commande de 300 millions de doses qu'elle aurait seule le pouvoir de redistribuer ensuite à chaque pays.
La course au vaccin peut nuire à son efficacité et à son accessibilité. Le modèle de compétition et d'accélération des procédures qui s'est imposé pour répondre à la crise n'est pas le plus pertinent et fait courir le risque d'aboutir à des vaccins médiocres.
Dès lors, monsieur le Premier ministre, qu'avez-vous prévu pour que nous soyons assurés de la transparence des protocoles de recherche de ce vaccin comme des autres vaccins candidats, ce que demande instamment nombre d'associations et de collectifs comme l'observatoire de la transparence dans les politiques du médicament ? Où en sont les recherches en France et comment comptez-vous garantir notre souveraineté en matière de production et de distribution et assurer l'accès de tous et de toutes à l'échelle mondiale aux vaccins et médicaments ?
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.
Vous avez parlé du vaccin comme d'un bien universel et je vous rejoins sur ce point. Au reste, je crois que vous êtes d'accord avec quelqu'un qui, dès le 24 avril dernier, a même parlé de « bien public mondial » – cette personne, c'est Emmanuel Macron.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Il a alors insisté sur ce point parce que, vous le savez, ce virus n'a pas de frontières. Aussi, protéger les autres, c'est nous protéger nous-mêmes.
La collaboration que le Président de la République a lancée dès le mois d'avril aux niveaux européen et international repose sur quatre piliers.
D'abord, il s'agit de faire en sorte de financer plusieurs recherches concomitantes. Vous avez cité celle du groupe Pfizer dont je rappelle qu'il coopère avec un laboratoire allemand, BioNTech. Le second pilier concerne la production ; le troisième la distribution. Enfin, il faut que nous soyons tous attentifs au renforcement des systèmes de santé dans les pays les plus vulnérables car, quand bien même nous aurions trouvé un vaccin, il est nécessaire de pouvoir vacciner tout le monde.
Les 4 et 18 mai, sous l'impulsion du président Macron, deux conférences de financement ont été organisées dans le cadre de l'Union européenne, afin de disposer des fonds pour accélérer la recherche et faire en sorte que l'ensemble des pays dans le monde ait accès à ce vaccin. Cette coopération est réalisée aux niveaux national, européen et international dans le cadre de l'Organisation mondiale de la santé. C'est l'action que nous menons depuis avril afin que ce vaccin soit bel et bien un « bien public mondial ».
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM – Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Malheureusement, au-delà du discours, votre réponse n'est, de notre point de vue, pas suffisante,
Protestations sur les bancs du groupe LaREM
en particulier en ce qui concerne la souveraineté thérapeutique française. Et comme, depuis le début de cette crise, la planification n'a pas été votre fort, je crains que nous ne devions continuer à vous interpeller à ce sujet.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à Mme Nathalie Porte, devenue, le 28 juillet dernier, députée de la troisième circonscription du Calvados, en remplacement de M. Sébastien Leclerc.
Applaudissements sur tous les bancs.
Merci monsieur le président. Ma question s'adresse au Premier ministre. Les dernières avancées de la recherche nous font espérer la mise en service très prochaine d'un vaccin efficace contre la covid-19. Ce vaccin nous permettrait de voir le bout du tunnel de cette crise sanitaire si éprouvante pour les Français. L'espoir d'un vaccin, c'est l'espoir d'enrayer cette épidémie qui a fait déjà plus de 40 000 morts sur le sol français ; c'est l'espoir de désengorger les hôpitaux français où, comme à Lisieux, on doit renvoyer des patients chez eux pour prendre en charge des malades du covid-19 ; c'est surtout l'espoir que ce confinement soit le dernier, que des milliers de petites et moyennes entreprises puissent enfin reprendre une activité normale et que les commerces que vous considérez comme non essentiels puissent rouvrir.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Encore faut-il que le Gouvernement soit capable de relever le défi en commandant, en stockant et en acheminant ces vaccins en très grand nombre, dans un contexte de forte concurrence internationale. L'anticipation sera fondamentale. Le vaccin n'est pas encore disponible mais la stratégie d'approvisionnement doit se décider et être appliquée maintenant. Après le manque criant de masques, en mars, …
… le manque criant de tests, en avril, il serait incompréhensible que notre pays, sixième puissance mondiale, manque de vaccins contre la covid-19.
Nous sommes d'autant plus inquiets que votre campagne actuelle de vaccination contre la grippe saisonnière est un fiasco. Nous sommes en effet en situation de grave pénurie et même les soignants ne peuvent souvent pas se faire tous vacciner contre la grippe.
J'ai deux questions simples : avez-vous anticipé une stratégie d'approvisionnement de vaccins contre la covid-19 ?
Pouvez-vous nous garantir que les Français, et en priorité les soignants, n'auront pas à souffrir d'une pénurie de de ces vaccins ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR – M. Jean-Luc Mélenchon applaudit également.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.
Ne commençons pas ce premier échange par des polémiques inutiles.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs du groupe LR.
Ne faisons pas de polémiques à propos d'un vaccin qu'on n'a pas encore trouvé. Ne faites pas de polémique sur la campagne de vaccination contre la grippe qui a été un succès cette année : jamais les Français ne se sont autant fait vacciner contre la grippe et en priorité les personnes les plus vulnérables. Vous devriez vous en réjouir, madame la députée.
Sur le fond, je vous rejoins sur le fait que les annonces du laboratoire Pfizer sont porteuses d'espoirs.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Il nous faut néanmoins rester très prudents. Le laboratoire en question n'en est en effet qu'à la phase trois des tests de l'élaboration de ce vaccin. Je l'ai dit tout à l'heure : il faudra encore au moins un mois de tests avant que les autorités sanitaires américaines et européennes puissent se saisir des données disponibles et envisager la délivrance d'autorisations.
En parallèle, je l'ai évoqué tout à l'heure et si vous m'aviez écouté vous ne me poseriez pas la question, …
… la Haute autorité de santé est en train de travailler à l'élaboration des recommandations qui nous permettront de fixer la politique de vaccination qui devra également tenir compte du profil spécifique de chaque vaccin et de leur disponibilité puisque, vous le savez, plusieurs laboratoires sont plutôt bien avancés dans la réalisation de vaccins qui n'ont pas tous les mêmes caractéristiques – à deux doses pour certains, à une dose pour d'autres.
Enfin, la question de la stratégie d'approvisionnement ne doit pas être définie maintenant ! Elle a commencé d'être mise en oeuvre il y a plusieurs mois dans le cadre européen et sous l'impulsion de la France. L'Union européenne a commandé auprès du groupe Pfizer 200 millions de doses ainsi que 100 millions de doses en option.
D'autres précommandes ont été effectuées auprès d'autres laboratoires comme AstraZeneca. La stratégie est donc appliquée, je le répète, depuis de nombreux mois et je puis vous assurer que l'ensemble des Français pourront avoir accès à un vaccin dans le cadre des recommandations de la Haute autorité de santé.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
En fait, vous jugez polémique ce qui vous dérange ; mais j'ai exprimé ce qui est l'avis de tous les Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Madame la ministre déléguée chargée de l'industrie, nous avons voté en séance, le 27 octobre dernier, le plan de relance de 100 milliards d'euros dont 22 milliards seront débloqués dès 2021. Ses trois grands volets prépareront l'avenir : 30 milliards pour la transition écologique, 34 milliards pour la compétitivité et la souveraineté économique, et 36 milliards pour la cohésion sociale et territoriale.
Si l'effet coup de poing de ce plan de relance est recherché par sa rapidité, il doit aussi s'accompagner de pédagogie sur le terrain et financer des projets structurels à long terme. Je sais que le Gouvernement a lancé, dès le 13 octobre, le recrutement de trente sous-préfets à la relance afin d'accompagner les citoyens, les entreprises et les élus. Vous nous avez également indiqué que les crédits seraient pilotés depuis Bercy en lien avec les différents ministères. Vous nous avez déjà annoncé que ce plan pourrait être abondé d'ici à la seconde lecture du projet de loi de finances, à l'Assemblée, pour parer au reconfinement.
Seule la clarté de la répartition des rôles entre tous les acteurs qui participent à sa mise en oeuvre sera garante de son efficacité et j'avoue que je ne suis pas convaincu par la fluidité du processus décisionnel. Aussi, madame la ministre déléguée, pouvez-vous nous préciser comment sera traité, à compter du 1er janvier prochain, l'affectation des crédits de la relance aux différents demandeurs ? Quels acteurs seront les relais nationaux, régionaux et locaux ? Comment seront sélectionnés les bénéficiaires de ces crédits ? Je ne peux que vous suggérer d'étoffer ce dispositif en y associant – de manière active et non pas en tant que simples invités – la représentation nationale, auprès de laquelle nos concitoyens font remonter les difficultés qu'ils rencontrent.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Bruno Le Maire est en ce moment-même en train de présider un comité de pilotage sur le plan de relance. Plusieurs dispositifs de ce plan sont déjà en vigueur : je pense à celui, puissant, d'accompagnement de l'emploi des jeunes, au plan « Un jeune, une solution » concernant l'activité partielle de longue durée, aux dispositions relatives à l'emploi des handicapés. Nous engagerons ainsi, dès la fin de l'année, près de 10 milliards d'euros de soutien à l'emploi, à l'industrie, aux entreprises – pour aider à leur transformation et à passer ce cap difficile.
Comment cela se passe-t-il très concrètement ? Quatre types de dispositifs sont prévus. D'abord des dispositifs automatiques : la baisse des impôts de production, par exemple, dont bénéficient automatiquement les entreprises ou les Français. L'important est de faire connaître ces dispositifs et de les expliciter. Nous avons ensuite les dispositifs de guichet. MaPrimeRénov', par exemple, est en place. Ainsi, si vous souhaitez procéder à la rénovation thermique de votre maison, vous avez tous les éléments sur le site planderelance. gouv. fr où l'on vous guidera afin que vous puissiez bénéficier de ces soutiens. Je mentionnerai également la prime à la conversion pour l'automobile, l'aide aux maires densificateurs, pour les collectivités locales, mais aussi les aides à la numérisation et à la décarbonation qui sont très simples. Le troisième type de dispositifs concerne les mesures déconcentrées à la main des préfets, qui, dans le cadre de comités de pilotage qui ont vocation à vous associer, permettront de répondre aux problèmes posés. Enfin, quatrième type, les appels à projets sont déjà lancés dans l'industrie, la transition énergétique, l'agriculture.
La reconcentration de ces dispositifs est motivée par le souci d'assurer leur égal accès. Nous sommes en train d'achever la définition du processus de décision. Bref, le plan de relance est très bien engagé.
Monsieur le ministre de l'intérieur, 267, c'est le nombre de personnes qui ont péri des mains de barbares islamistes en France depuis 2012, et l'on ne compte plus les blessés tant ils sont nombreux ; 540, c'est le nombre de mosquées radicales en France où l'on prêche la haine, chaque jour, en toute impunité ; 22 000, c'est le nombre d'individus fichés pour islamisme au Fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste, le FSPRT, et qui circulent sur notre sol – parmi eux, 4 111 sont étrangers ; 26, c'est le nombre dérisoire de clandestins islamistes que vous avez fait raccompagner à la frontière depuis l'assassinat de Samuel Paty – 26, seulement, en trois semaines !
Ces chiffres montrent que le chantier à entreprendre impérativement en matière de lutte contre le terrorisme islamiste est au point mort, et ce, malgré toutes vos agitations médiatiques. Combien aura-t-il fallu de victimes, ces derniers jours encore à Conflans-Sainte-Honorine et à Nice, pour que le Président de la République concède enfin, timidement, qu'il pourrait y avoir un lien entre cette barbarie et l'immigration ? Un microscopique progrès…
Monsieur le ministre, il est temps d'agir. Qu'attendez-vous pour lutter contre ces associations subventionnées, notamment par l'Union européenne, qui vont chercher en mer des milliers de pseudo-réfugiés et les déversent sur nos côtes en toute illégalité ? Qu'attendez-vous pour déclarer que pas un seul djihadiste ne reviendra sur le territoire français, ni d'Irak, ni de Syrie, ni non plus de Libye, contrairement au souhait de votre collègue garde des sceaux ? Qu'attendez-vous pour dissoudre l'Union des organisations islamiques de France, l'UOIF, branche des Frères musulmans en France, organisation que, par exemple, l'Égypte et les Émirats arabes unis ont classée comme terroriste ? Qu'attendez-vous pour expulser les 4 000 fichés S étrangers susceptibles de circuler en France, dont près du quart sont, de surcroît, sans titre de séjour ? Qu'attendez-vous pour frapper d'indignité nationale les nationaux et déchoir de leur nationalité les binationaux qui pactisent avec l'ennemi ? Qu'attendez-vous pour mettre un terme à cette politique folle d'immigration massive, légale et illégale, qui constitue le terreau sur lequel prospère cette idéologie macabre ?
Applaudissements parmi les députés non inscrits.
Le problème, avec la démagogie, c'est qu'elle n'a pas de limites quand on commence à s'y adonner. Le sujet que vous abordez, monsieur Meizonnet, est suffisamment grave pour que vous évitiez de mentir sur des chiffres que j'ai d'ailleurs maintes fois répétés dans cet hémicycle, devant la commission des lois et à la télévision – que vous regardez sans doute…
Vous parlez de 22 000 personnes fichées S ; vous ne suivez pas les débats parlementaires, car 22 000 est le nombre de fiches depuis la création du FSPRT. C'est d'ailleurs le Président Emmanuel Macron qui a le premier connecté ce fichier avec ceux des préfectures afin de constituer un réseau national.
Le nombre de fiches actives est de 8 000 et non de 22 000 ; 8 000, c'est déjà beaucoup, monsieur le député, mais ce n'est pas la peine de réitérer un mensonge pour essayer d'en faire une vérité.
Ensuite, vous avez parlé de 4 100 étrangers. J'ai eu l'occasion de le dire la semaine dernière dans cet hémicycle – mais peut-être me suis-je mal exprimé…
… ou bien n'avez-vous pas tout à fait suivi ma réponse au député Éric Ciotti – que, si 4 000 personnes étrangères se trouvent effectivement dans le FSPRT, cela comprend surtout les étrangers qui sont à l'étranger et que nous ne voulons pas voir revenir sur le territoire national.
Enfin, ce ne sont pas 26 personnes que nous avons expulsées mais plus de 450 depuis qu'Emmanuel Macron est Président de la République.
Protestations parmi les députés non inscrits.
Je répondrai à toutes vos questions, monsieur le député, avec de vrais chiffres sur lesquels nous pouvons discuter. Le vrai sujet, et je pense que cela doit faire un peu mal à votre fonds de commerce électoral, c'est que nous agissons et que nous rassurons les Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Dem. – Protestations sur les bancs du groupe LR.
L'école est un lieu d'instruction et de socialisation essentiel pour notre jeunesse. C'est pourquoi, eu égard aux situations de décrochage lors du premier confinement, le groupe Socialistes et apparentés a soutenu le maintien de l'ouverture des établissements scolaires sous la condition de leur adaptation totale au contexte sanitaire.
Après dix jours de confinement national, vous avez finalement décidé de mettre en place un enseignement hybride dans les lycées, tout en écartant cette possibilité pour les collèges au motif d'une densité et d'une circulation des élèves moins forte. Or les brassages au moment des entrées et des sorties, dans les couloirs comme à la cantine, y sont tout aussi problématiques.
Le 26 octobre, le Conseil scientifique déclarait : « Les adolescents de 12 à 18 ans semblent avoir la même susceptibilité au virus et la même contagiosité vers leur entourage que les adultes. » Il y a quatre jours, vous présentiez des chiffres rassurants au sujet de l'épidémie en milieu scolaire, avec 3 528 élèves testés positifs, des chiffres pourtant très éloignés de ceux de Santé publique France, faisant état de 25 000 contrôles positifs chez les 0-19 ans entre le 2 et le 4 novembre. Vos données ne traduisent donc pas la dynamique épidémique, laissant croire ainsi à une contamination maîtrisée.
Alors qu'un plan de continuité pédagogique préparé dès juillet, prévoyant le passage à cet enseignement hybride en cas de circulation active du virus, aurait pu être activé plus tôt, se développe à nouveau un sentiment d'improvisation dans l'urgence, extrêmement anxiogène pour les élèves, leurs familles et les personnels. Tel est d'ailleurs le sens du mouvement qui se développe dans les établissements aujourd'hui.
Monsieur le ministre, que proposez-vous pour prendre en considération la situation au collège ? Au-delà, et au risque de me répéter depuis le printemps, quels moyens humains et matériels allez-vous enfin déployer pour garantir à tous les élèves une continuité pédagogique plus efficace que lors du premier confinement ? Que proposez-vous pour favoriser et sécuriser l'accès aux cantines, essentiel pour les enfants les plus défavorisés ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et quelques bancs du groupe GDR.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Quand j'écoute votre question, je pense que nous pourrions facilement être d'accord sur beaucoup de choses, car les objectifs que vous avez cités sont les nôtres : que les élèves aillent à l'école ; que la sécurité sanitaire soit assurée. Je me souviens de débats et de questions dans la période de mars à juin, où beaucoup de reproches nous étaient déjà adressés, notamment sur le décrochage. Eh bien, j'ai une bonne nouvelle à vous annoncer, et je suis sûr qu'elle vous fera plaisir : nous venons d'avoir les résultats de l'enquête, il y a eu moins de décrocheurs en 2020 qu'en 2019.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ce n'est pas rien, cela doit réjouir tout le pays. Cela signifie que nos dispositifs ont fonctionné.
Vous m'interrogez sur les moyens que nous déployons actuellement. Je répète ce que j'ai dit tout à l'heure : nous avons un curseur et nous le faisons évoluer en fonction de la situation sanitaire. Il est tout à fait vrai que mon but est que les élèves aillent le plus possible à l'école ; je m'y efforce, je le confesse, et si c'est mal il faut me le dire. À mon sens, les élèves doivent aller à l'école au maximum car, quand ils n'y vont pas, c'est mauvais pour eux.
Sommes-nous prêts à durcir davantage le protocole pour qu'il y ait éventuellement moins de brassage des élèves ? Contrairement à ce que vous avez dit, il y a au collège moins de brassage qu'au lycée, pour des raisons évidentes ; en outre, les élèves n'ont pas le même âge, chacun comprend donc que les mesures ne soient pas les mêmes. Nous avons accordé certaines souplesses à des collèges particulièrement denses ; nous ne le faisons que par exception parce que dans la plupart des cas on arrive à assurer le non-brassage des élèves. Nous restons ouverts sur l'avenir en fonction de l'évolution de l'épidémie. Chaque fois, c'est un équilibre entre le retour des élèves et le protocole sanitaire.
S'agissant des moyens, nous avons acheté encore récemment 6 000 ordinateurs, que nous sommes capables de distribuer. Je vous rappelle que nous fermons régulièrement des écoles, des collèges et des lycées dès qu'il y a des cas avérés. Actuellement, des départements comme le Val-d'Oise ou l'Aisne bénéficient par exemple de notre plan 100 % informatique…
Le député Jean-Louis Bricout, membre du groupe Socialistes, le souligne à juste titre.
Nous avançons aussi sur la formation des professeurs. J'en parlerai ultérieurement. Cette préparation-là existe aussi.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ma question s'adresse à Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, et j'y associe le président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, Bruno Studer, ainsi que mes collègues du groupe de travail sur le numérique éducatif.
Monsieur le ministre, le recours au numérique pour assurer la continuité pédagogique a globalement été une réussite grâce à la mobilisation des professeurs, mais aussi des parents. Toutefois, il a aussi révélé les défis auxquels l'éducation nationale fait face pour mettre le numérique au service des besoins éducatifs. Comment garantir l'accès au numérique partout et pour tous ? Comment enseigner avec le numérique ? Comment reprendre la souveraineté sur nos outils ?
Des députés de notre groupe vous ont fait part de quinze propositions pour construire le numérique éducatif de demain, par exemple l'homogénéisation à l'échelle nationale des outils de vie scolaire, notamment au primaire, ou encore la clarification de la politique d'équipement des élèves, partagée entre l'État et les collectivités territoriales.
Vous avez organisé les états généraux du numérique pour l'éducation, qui se sont conclus la semaine dernière, aboutissant à quarante propositions, certaines déjà retenues, comme la création d'un « data hub éducation » et la prime d'équipement pour les enseignants.
Permettre à chacun de maîtriser les compétences numériques est indispensable dans un monde en pleine révolution, et d'autant plus en période de crise sanitaire. Maintenir les écoles ouvertes est fondamental pour préserver l'éducation des jeunes générations. Cela doit se faire en respectant des protocoles sanitaires renforcés mais aussi en développant de nouvelles façons d'enseigner, comme c'est le cas au lycée, où vous avez proposé de mettre en place un enseignement hybride.
Monsieur le ministre, quels seront le calendrier et la méthode pour la mise en oeuvre des propositions issues des états généraux ou de celles de notre groupe ? Quels moyens allez-vous donner à l'école pour affronter les défis de la fracture numérique et de la souveraineté sur les outils, dans un contexte sanitaire où cela devient indispensable à la réussite de nos élèves ?
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Je vous remercie pour cette question sur un sujet très important et d'actualité. Je remercie également le président Bruno Studer pour sa collaboration aux états généraux du numérique pour l'éducation et plus généralement pour ses travaux sur le sujet, ainsi que certains de mes collègues du Gouvernement qui ont participé à ces états généraux, comme Amélie de Montchalin sur les sujets de fonction publique.
Le sujet a considérablement avancé grâce aux états généraux, d'abord parce qu'il y a eu des milliers de participants en amont, et c'est ce que nous attendions. C'était la première étape du Grenelle de l'éducation. C'est à souligner aussi, parce que disposer d'un bon contexte informatique contribue au bien-être professionnel des enseignants. Je distinguerai plusieurs aspects : un aspect de protection de nos élèves – je pense à ce qui a été dit en matière de données personnelles ou encore de cyberharcèlement – et un aspect d'ambition pour nos élèves. De ce côté, il y a d'abord le sujet de notre capacité à mieux équiper. Je le disais dans la précédente réponse, nous avons acquis 6 000 ordinateurs récemment, et nous continuerons les acquisitions dans la période actuelle. Surtout, nous allons continuer à développer des dispositifs qui vaudront même après la pandémie. Je pense à une idée venue des états généraux, « e-devoirs faits », qui consiste à aider à faire les devoirs à distance – pendant les vacances de printemps, nous avions eu de belles expérimentations en la matière. Je pense aussi à tout ce qui est fait pour accompagner les enseignants en matière de formation à l'enseignement à distance. Notre institution Canopé a ainsi formé à distance 100 000 enseignants dans la période récente.
Nous allons continuer dans cette direction. Les états généraux du numérique seront prolongés par ce qui se dira dans le Grenelle et par toute une série de dispositifs concrets. J'en profite pour dire que notre projet « Poitiers capitale de l'éducation » continue dans ce sens, avec nos opérateurs, le Centre national d'enseignement à distance, le CNED, Canopé, l'Institut des hautes études de l'éducation et de la formation, et d'autres acteurs du numérique, pour que la France soit à l'avant-garde des ed-techs et des enjeux du numérique de l'éducation.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, vous êtes un fervent défenseur des valeurs de la République et je me dois de vous donner, en tant que député, certaines informations. Je reste à votre disposition sur ce sujet.
Vendredi, vous avez déclaré qu'il y a eu 400 signalements environ de violations lors de l'hommage à Samuel Paty. Je pense que ce chiffre ne correspond pas à la réalité et peut-être êtes-vous de cet avis. Au lendemain de ce tragique assassinat, un quotidien a titré : « des profs brisent l'omerta ». Je peux vous dire qu'il y a des établissements qui n'ont pas rendu cet hommage pour ne pas provoquer de troubles internes.
Je peux également vous parler d'un lycée professionnel où les personnes de sexe masculin ne déjeunent qu'entre elles et ne serrent plus la main aux personnes du sexe opposé – et cela a commencé bien avant la période du covid. Le plus grave, c'est qu'il ne s'agit pas d'élèves, mais d'enseignants.
Malheureusement, les atteintes à la laïcité, le communautarisme ont gangréné certaines écoles, certains collèges, certains lycées. Aussi, monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre dans la loi sur le séparatisme pour les éradiquer ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Le sujet que vous abordez, monsieur le député, est essentiel. Nous avons des principes d'action dont vous pourrez vérifier qu'ils sont suivis pour le passé, le présent et le futur. Ce sont d'abord des normes claires, fixées par le Conseil des sages de la laïcité, et certaines des choses que vous avez citées sont en contravention avec ces normes claires. Tout fait signalé, et vous avez tout à fait le droit de m'en signaler, aura bien entendu des suites.
Les équipes « valeurs de la République » interviennent encore en ce moment même, par exemple à la suite des 400 violations dont j'ai parlé. Si vous en connaissez d'autres, signalez-les, le signalement est encore ouvert. J'ai été très clair : la minute de silence doit avoir lieu partout, sans exception, et chaque violation doit être signalée. J'ai la liste des violations. Si ce que vous avez vu doit l'être, nous l'ajouterons, et nous réagirons. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de problèmes ; il y en a. Mais nous sommes très clairs sur les règles et sur le fait que force doit rester à la République et au droit.
Je vous invite à nous signaler les cas qui nous auraient éventuellement échappés – c'est possible, je ne dis pas le contraire – mais en tout état de cause nous avons déployé les équipes « valeurs de la République » chaque fois que nous avons reçu un signalement. Nous avons agi. Bien sûr, les faits que vous avez signalés ne sont pas acceptables, dès lors qu'ils sont avérés.
Je tiens à vous dire, car ce sont des choses que nous ne disons pas forcément tous les jours et publiquement, que nous avons procédé par exemple à des radiations de personnels radicalisés, et que j'y ai veillé personnellement. Chacun doit respecter les règles de la fonction publique dans l'exercice de son métier.
S'agissant des élèves, un travail éducatif est conduit, un travail aussi de discussion avec les familles. C'est exactement ce que nous sommes en train de voir en ce moment, à la suite des incidents qui ont pu avoir lieu.
Notre détermination est totale. Notre ouverture est totale aussi si vous considérez que des choses n'ont pas été signalées.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Merci beaucoup, monsieur le ministre. Il est important que, dans la loi sur le séparatisme, des mesures fortes soient prises. Il y va de la survie de l'école de la République.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le Premier ministre, notre pays est à nouveau confiné pour tenter d'enrayer une épidémie qui met sous pression notre système hospitalier. Cette mesure, destinée à freiner les contaminations, ne doit pas nous faire oublier les considérables dégâts sociaux et économiques qu'elle engendre.
Vos dispositifs de soutien sont insuffisants pour juguler le chômage, la pauvreté, les inégalités sociales. Nous refusons un confinement libéral doux pour les puissants, dur pour les petits.
La solidarité doit s'exprimer envers toutes les victimes de cette crise sanitaire, en faisant davantage pour le million de personnes pauvres supplémentaires – en particulier pour les jeunes précaires et les étudiants – , pour les milliers de travailleurs qui vont perdre leur emploi, pour les salariés en chômage partiel qui perdent 16 % de leur salaire, pour les petits commerçants et les indépendants qui subissent de plein fouet le confinement.
Chaque mesure de restriction prise dans le cadre de la gestion sanitaire doit être conditionnée à de puissantes mesures d'accompagnement social et économique. À défaut, ce sont les Français, notamment les plus modestes, qui en paieront le prix.
Pour éviter cela, allez-vous retirer votre réforme de l'assurance chômage qui conduit à diminuer les allocations des privés d'emploi ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.
Allez-vous prévoir une prise en charge du chômage partiel à 100 % du salaire ?
Allez-vous augmenter les minima sociaux et aider les associations fortement, terriblement sollicitées pour faire face aux urgences ?
Allez-vous, faute de revenu d'autonomie, élargir le champ du revenu de solidarité active – RSA – pour les jeunes ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.
Allez-vous compenser toutes les pertes de chiffre d'affaires des petits commerçants ?
Allez-vous – enfin ! – mettre à contribution les géants du numérique et les groupes d'assurances ?
Ces six questions attendent des réponses précises.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.
Vous soulevez une question fondamentale, celle des dégâts commis par la crise économique et sociale, elle-même fille de la crise sanitaire. Cette question mobilise complètement la majorité et le Gouvernement.
Pour vous répondre de manière précise, je vous citerai trois chiffres.
Il y a trois semaines, le Président de la République annonçait le déblocage de 1,4 milliard d'euros pour aider les publics vulnérables, pauvres. Les bénéficiaires du RSA et de l'allocation de solidarité spécifique – ASS – toucheront 150 euros plus 100 euros par enfant. Les 400 000 jeunes qui perçoivent l'aide personnalisée au logement – APL – recevront 150 euros, de même que les étudiants précaires, cette sommes étant versée par les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires – CROUS.
Nous avons créé 1 500 places d'hébergement, destinées notamment aux femmes seules avec enfants, et 1 500 places dans des logements PLAI – prêts locatifs aidés d'intégration – , c'est-à-dire destinés à des personnes très précaires. Nous avons accordé des aides aux associations caritatives qu'à votre suite je veux vraiment féliciter pour l'action absolument indispensable et remarquable qu'elles mènent en cette période très grave que notre pays traverse. Nous les soutenons.
Deuxième chiffre : 1,8 milliard d'euros, issu du plan de relance. Nous avons revalorisé l'allocation de rentrée scolaire de 100 euros ; nous avons prévu des moyens massifs pour l'insertion des jeunes en difficulté : c'est le plan « un jeune, une solution ».
Troisième chiffre : 20 milliards d'euros, le montant du quatrième projet de loi de finances rectificative – PLFR 4 – dont vous allez débattre, qui va prolonger l'activité partielle – notamment celles des smicards qui percevront 100 % de leur salaire – et qui va accroître considérablement l'aide à l'économie, en particulier au commerce de proximité.
Tout cela nous conduira à un déficit public de 11,3 % du PIB. Vous avez parlé d'un confinement libéral : convenez que nous sommes très loin d'un libéralisme échevelé ! Au contraire, l'État se mobilise et investit massivement.
Cela étant, il le fait avec une vision philosophique qui a toujours été celle de cette majorité pour lutter contre la pauvreté : non pas en augmentant structurellement les minima sociaux, mais en venant au secours des plus vulnérables, comme en ce moment, et surtout en leur proposant des solutions pour sortir de la pauvreté, pour se former, s'insérer, s'affranchir.
À cet égard, je ferai quelques rappels. Pour les structures d'insertion par l'activité économique – IAE – , nous avons débloqué 30 000 postes supplémentaires. Dans le cadre du plan pour les jeunes, développé par la ministre du travail, 300 000 formations sont dédiées aux publics éloignés de l'emploi, avec des parcours sur mesure. Enfin, nous avons multiplié les parcours emploi compétence dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les zones de revitalisation rurale, avec un taux de prise en charge par l'État de 80 %.
Ce sont des actions massives pour lutter contre la pauvreté et les dégâts dus à la crise sanitaire et économique. Le Gouvernement entend bien poursuivre dans cette voie.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, il y a dix ans, le ministre des affaires étrangères turc utilisait une formule pacifique pour résumer les ambitions stratégiques de son pays : zéro problème avec les voisins. Depuis, en Syrie, en Irak, à Chypre, dans les eaux grecques de la Méditerranée orientale, en Libye et dorénavant dans le sud du Caucase où elle intervient en appui de l'Azerbaïdjan, la Turquie manoeuvre sur six terrains d'opérations.
Dans le même temps, le régime d'Erdogan choisit d'aider, notamment en les finançant, partis et mouvances idéologiquement proches de lui, essentiellement les Frères musulmans.
Le président Erdogan a récemment insulté la France et son Président de la République. Le président azerbaïdjanais Aliyev a déclaré ce jour à propos des Arméniens : « J'avais dit qu'on les chasserait de nos terres comme des chiens, et nous l'avons fait. »
Soyons lucides : l'histoire s'accélère ; nous ne pouvons pas accepter ce qui vient de se passer. Il ne s'agit pas de confondre le régime agressif d'Erdogan avec le peuple turc, issu d'une grande culture, qui en subit lui-même les méfaits. Mais l'expansionnisme néo-ottoman a désormais débordé du cadre géopolitique pour agir en France à travers les activités du mouvement ultranationaliste les Loups gris, dissous depuis la semaine dernière.
Nous souhaitons un message fort de soutien à nos amis arméniens alors qu'hier un accord de cessez-le-feu total, sous l'égide de la Russie, a été signé avec l'Azerbaïdjan.
Avec des collègues parlementaires et à l'initiative de François Pupponi et de Guy Teissier, nous avons signé, il y a plusieurs jours, une proposition de résolution sur la reconnaissance de la République d'Artsakh. L'Europe et l'OTAN doivent se faire entendre.
Monsieur le ministre, quelles marques de soutien fort notre pays peut-il apporter à l'Arménie ? Quelle réponse diplomatique ferme peut-il opposer au néo-impérialisme turc ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens ainsi que sur quelques bancs des groupes LaREM, Dem et LR.
À plusieurs reprises déjà, je me suis exprimé sur le comportement belliqueux et insupportable de la Turquie. Vous avez rappelé la liste de six terrains de confrontation où ce pays s'est engagé dans une spirale dangereuse en Europe et en Méditerranée.
À plusieurs reprises aussi, j'ai déclaré publiquement qu'un saut qualitatif majeur avait été fait, au-delà des événements que vous venez de rapporter, lorsque le président Erdogan a appelé à la haine contre notre pays et a insulté les valeurs qui fondent notre nation.
Les autorités turques ont récemment condamné les attentats de Nice et de Vienne, mais nous attendons des clarifications majeures dans deux registres.
Nous attendons que les autorités turques remettent en cause les déclarations à l'encontre de la France, traitant notre pays de nation islamophobe. Nous attendons aussi un changement de posture de la Turquie concernant les terrains de confrontation précités, faute de quoi des mesures seraient prises à son encontre, y compris des sanctions, lors du rendez-vous que les membres de l'Union européenne se sont fixé au mois de décembre à Bruxelles. Tout est sur la table.
Faute de temps, je ne vais pas commenter longuement l'accord intervenu cette nuit, mais nous considérons clairement que la Turquie doit respecter le cessez-le-feu, sinon, elle courrait le danger d'aggraver les sanctions qui pourraient être prises à son encontre.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le Premier ministre, avec mes collègues de l'Ain, Damien Abad et Charles de La Verpillière, je voudrais vous alerter sur les graves événements qui ont eu lieu ce week-end dans notre département, dans les villes d'Oyonnax et de Bourg-en-Bresse. Tirs de mortier, jets de cocktails Molotov, véhicules brûlés : c'est une véritable flambée de violence qui a embrasé des quartiers de ces villes.
Face à ces scènes de violence urbaine, saluons d'abord le courage des forces de sécurité : agressées et harcelées, elles ont su faire face et ramener le calme. Nous exprimons notre soutien aux policiers nationaux et municipaux qui ont été blessés par des tirs de projectiles.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Agir ens et LT.
Nous exprimons aussi notre soutien aux sapeurs-pompiers qui sont intervenus dans des conditions extrêmement périlleuses.
Monsieur le Premier ministre, nos concitoyens sont exaspérés. Alors qu'ils doivent supporter les contraintes du confinement qui restreignent leurs activités et leurs libertés, nos compatriotes subissent ces violences commises par une minorité de jeunes délinquants qui polluent leur quotidien et saccagent impunément leur cadre de vie. Non, nous n'avons pas affaire à des incivilités ! Nous avons affaire à des délits particulièrement violents, commis dans le but de dégrader, de casser, de blesser.
Face à ces scènes inadmissibles, nos concitoyens attendent des réponses fermes, rapides et déterminées. Ils attendent des actes et non des discours.
Au-delà de Bourg-en-Bresse et d'Oyonnax, nombre de villes françaises, notamment des villes moyennes, subissent ces flambées de violence ; c'est un signal inquiétant pour notre pays.
Alors, monsieur le Premier ministre, qu'allez-vous faire concrètement et rapidement pour ramener durablement le calme dans nos villes ? Qu'allez-vous faire concrètement et rapidement pour lutter contre cette délinquance qui empoisonne la vie de nos concitoyens ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Les violences qui ont eu lieu dans le département de l'Ain, à Oyonnax, Bourg-en-Bresse et dans d'autres communes, sont tout à fait inacceptables.
Dès les premiers heurts, lorsque des policiers nationaux sont allés sécuriser l'intervention des sapeurs-pompiers aux prises avec quelque cinquante ou soixante-dix individus – l'enquête en cours nous permettra d'être plus précis – , j'ai fait demander à la préfète de prendre contact avec les élus.
Elle a, me semble-t-il, appelé le président Abad, qui m'avait aussi interpellé sur ces violences et que je salue. J'ai demandé au directeur général de la police nationale de dépêcher des forces pour que le calme soit rétabli. Cela été fait pendant le week-end ; des forces de police sont intervenues en nombre. Trois policiers ont été blessés.
Qu'ils soient policiers municipaux, gendarmes ou policiers nationaux, je salue ici le courage de ces hommes qui ont rétabli l'ordre républicain.
Pour le reste, des enquêtes sont en cours, dont il ne faut pas désespérer. Dans le cas de l'attaque du commissariat de Champigny-sur-Marne, je vous signale que de nombreuses interpellations ont eu lieu. Les enquêtes menées par le procureur de la République et la préfecture de police de Paris ont permis de confondre ces délinquants qui, je l'espère, seront bientôt condamnés avec fermeté. Le même traitement sera réservé aux incendies de véhicules, feux de poubelle, jets de projectiles sur les pompiers et les policiers que nous avons connus.
Des forces supplémentaires ont été envoyées dans le département de l'Ain. Ce département et singulièrement les villes moyennes comme Oyonnax et Bourg-en-Bresse recevront des effectifs supplémentaires de manière pérenne, comme me l'a demandé M. le député Abad. Si je peux répondre positivement à sa demande, c'est notamment parce que des postes ont été créés depuis trois ans par le Parlement, grâce au Président de la République.
Quant aux feux de mortiers et autres feux d'artifice, que faire pour les interdire ? Voter, le 18 novembre, pour les dispositions de la proposition de loi relative à la sécurité globale présentée par Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot, visant à interdire et pénaliser la vente et l'utilisation de ces feux d'artifice.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Dem.
Vous nous parlez des interpellations ; j'entends, mais nous attendons aussi des réponses judiciaires. Nous voulons des actes et non pas des discours.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, la Guinée et la Côte d'Ivoire viennent d'élire leur président pour un troisième mandat.
Ces élections contestées, voire boycottées par les oppositions, portent des atteintes graves à la démocratie. Des candidatures ont été empêchées de multiples manières ; les résultats eux-mêmes ne sont pas certains.
Pendant que les pouvoirs et les oppositions se renvoient la balle, ces deux pays menacent de s'enfoncer jour après jour dans la violence, faisant craindre le pire pour les populations qui sont les otages de ces désordres constitutionnels.
Pour la Côte d'Ivoire, la Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Michelle Bachelet, s'est montrée très préoccupée par l'état du pays.
La voix de la France est entendue et attendue par nos partenaires, qui connaissent non seulement notre engagement mais aussi notre exigence, comme le Président de la République l'a rappelé récemment au Liban.
La voix de la France compte. Elle s'est bâtie autour de valeurs et de principes, auxquels nous ne pouvons déroger et pour lesquels nous nous battons. La liberté, la démocratie et le pluralisme en font partie.
La voix de la France compte, grâce à sa diplomatie et à ses politiques de coopération, ambitieuses et renforcées.
Dans ce contexte trouble, notre pays a évidemment un rôle majeur à jouer dans la recherche d'une issue à ces conflits, comme il a su le faire en 2003, avec les accords de Marcoussis.
Monsieur le ministre, nous connaissons et saluons votre engagement sur ces dossiers. Votre dernière prise de parole au Niger, dans laquelle vous avez félicité le président Issoufou d'avoir organisé des élections de référence pour l'Afrique, a été saluée unanimement et fait autorité. Or, malgré l'engagement de notre diplomatie au quotidien en Guinée et en Côte d'Ivoire, la parole publique de la France n'y a pas semblé aussi claire ni aussi incontestable.
Pouvez-vous réaffirmer que la France est et sera toujours du côté des peuples et des libertés publiques ? Que va faire notre pays pour apaiser le climat de tension et favoriser une sortie de crise qui garantisse la liberté, la sécurité et l'expression démocratique ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
En Côte d'Ivoire, l'élection présidentielle s'est tenue le 31 octobre dernier ; en Guinée, elle avait eu lieu un peu antérieurement. Ayant déjà eu l'occasion de m'exprimer ici sur la Guinée, je me concentrerai sur la situation en Côte d'Ivoire, où l'actualité est plus prégnante, d'autant que, comme vous le savez, le conseil constitutionnel y a rendu publics hier les résultats de l'élection.
La voix de la France en Côte d'Ivoire est forte. Elle l'a été notamment lorsque je me suis rendu dans ce pays au moment où la question du troisième mandat se posait. Nous avons fait valoir à plusieurs reprises, en parfaite harmonie avec l'Union européenne, nos inquiétudes quant au climat de tension qui a prévalu au cours de la période électorale. Nous avons condamné les violences intervenues avant, pendant et depuis le scrutin.
Désormais, nous appelons l'ensemble des acteurs ivoiriens à la responsabilité et au rejet des discours de haine. Nous nous retrouvons tout à fait dans les propos tenus hier par le Secrétaire général des Nations unies concernant les arrestations et les restrictions à la liberté de mouvement dont certains acteurs politiques ivoiriens font actuellement l'objet.
Le président Ouattara s'est exprimé hier devant son pays et a proposé un dialogue avec l'ancien président, M. Bédié. Cela va dans le bon sens. En revanche, nous souhaitons très clairement que des actes contribuent rapidement à l'apaisement : des mesures concrètes et rapides doivent être prises pour tourner la page de la violence et de la division. Nous pensons aussi que le règlement des différends entre les autorités et l'opposition doit se faire sur une base inclusive, en associant l'ensemble des forces politiques du pays, dans le respect du cadre constitutionnel et de l'État de droit.
En cette veille de commémoration de l'armistice, permettez-moi de saluer le fait que l'itinéraire des cendres de Maurice Genevoix vers le Panthéon soit passé par la crête des Éparges. Je tiens à dire, au nom de tous les élus des terres de Lorraine, que nous avons été très honorés par ce choix.
Applaudissements sur de nombreux bancs.
Quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, je pense, nous avons été émus par les paroles prononcées par Joe Biden vendredi soir : « Je ne vois pas des États rouges et des États bleus, je vois seulement des États unis ». La formule, par sa limpidité, nous a frappés. Elle m'a amené à m'interroger, comme beaucoup d'autres peut-être, sur les raisons qui font que nous ne parvenons pas, dans notre pays, à nous retrouver sur l'essentiel. Nous y avons peut-être tous une part de responsabilité, mais ce n'est pas uniquement le fait des oppositions, je le crois profondément.
Parmi les choses essentielles sur lesquelles nous pourrions nous retrouver, il y a, me semble-t-il, les questions d'éthique. En la matière, nous avons pris deux initiatives, d'un côté et de l'autre de l'hémicycle.
Il y a six mois, j'ai posé une question écrite, restée comme tant d'autres sans réponse, …
… sur l'opportunité de saisir plus systématiquement le Comité consultatif national d'éthique sur les questions relatives à la gestion de la pandémie. J'y évoquais notamment la question de la priorisation des patients, celle des soins palliatifs et de la culture en la matière en situation d'urgence, celle du traitement des corps et des rituels de deuil, si chers à notre civilisation. Nous avons évoqué à plusieurs reprises cette saisine.
Un mois plus tard, il y a cinq mois, notre collègue Xavier Breton a déposé une proposition de loi allant dans le même sens, qui prévoit une saisine systématique du Comité. Nous l'avons adoptée à l'unanimité, mais le Sénat n'a pas eu l'occasion de se prononcer, le calendrier sanitaire s'étant accéléré.
Puisque vous en avez la faculté, monsieur le Premier ministre, pouvez-vous, sans attendre le vote du Sénat, saisir le Comité consultatif national d'éthique, afin que nous ayons un éclairage sur ce qui s'est passé de mars à juillet dernier
MM. Xavier Breton et Sébastien Jumel applaudissent
et que nous soyons éclairés sur les questions de dignité humaine pour les semaines qui viennent ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LR, UDI-I, LT et GDR.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.
Votre question, essentielle, soulève au fond le problème de la concurrence entre le temps long de la réflexion éthique et le temps court de l'action, …
Il ne faut pas forcément opposer les deux ! Même dans l'action, l'éthique est importante !
… lorsqu'une vie est menacée et que l'on ne peut pas se permettre d'attendre. C'est une tension à laquelle nous avons été confrontés de tout temps, au premier chef les professionnels de santé, mais elle est d'autant plus prégnante aujourd'hui. Cette concurrence doit être surmontée.
Notre pays dispose, vous le savez, d'outils uniques au monde visant à garantir que les avancées techniques et technologiques ne soient pas hors de contrôle. C'est tout le sens des lois de bioéthique, qui ont donné lieu à de nombreux débats ici même, auxquels a notamment participé M. Breton. Nous disposons en outre d'instances qui peuvent formuler des avis. Elles permettent à des scientifiques, des philosophes, des praticiens, des citoyens de discuter ces tensions à l'oeuvre.
Tel est le cas du Comité consultatif national d'éthique, qui peut être saisi sans restriction en période d'état d'urgence sanitaire. C'est ce que le Gouvernement a fait depuis le mois de mars dernier.
Le Comité a ainsi rendu plusieurs avis : le 13 mars, sur les « enjeux éthiques face à une pandémie » ; le 1er avril, sur le « renforcement des mesures de protection dans les EHPAD et les unités de soins de longue durée » ; le 20 mai, sur les « enjeux éthique lors du déconfinement : responsabilité, solidarité et confiance ».
Je reviens plus précisément sur deux questions que vous avez évoquées et auxquelles je vous sais particulièrement attaché.
Première question : celles des funérailles. De nombreuses familles ont été durement affectées, parce qu'elles n'ont pas pu assister aux funérailles d'un de leurs proches. Nous pouvons dire, je crois, que les choses se sont améliorées en la matière lors de ce deuxième confinement, à la suite notamment des recommandations formulées par le Comité.
Deuxième sujet : celui de la fin de vie, sur lequel vous êtes engagé depuis de nombreuses années. Loin d'être secondaires, les questions qui s'y rapportent sont cruciales pour chacun d'entre nous, pour nos concitoyens, pour la société tout entière. Le 12 octobre dernier, à l'occasion de la journée mondiale des soins palliatifs, Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, a lancé des travaux à ce sujet, afin que nous intégrions toutes les leçons de la crise.
Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, en ce moment même, à l'assemblée générale de l'Organisation mondiale de la santé, trente-deux pays, dont nos voisins européens la Pologne et la Hongrie, présentent une déclaration commune rétrograde et inquiétante, qui clame leur opposition au droit à l'avortement. Cette déclaration s'inscrit malheureusement dans une offensive contre les droits des femmes. En la matière, ne nous y trompons pas, rien n'est jamais acquis.
En Pologne, le tribunal constitutionnel, encouragé par le parti ultraconservateur au pouvoir, a réduit comme peau de chagrin l'accès à l'interruption volontaire de grossesse. Depuis deux semaines, des centaines de milliers de Polonais protestent contre cette décision.
Aux États-Unis, si l'élection de Joe Biden est porteuse d'espoir, la marque de son prédécesseur mettra du temps à s'effacer. En nommant trois jeunes juges ultraconservateurs à la Cour suprême des États-Unis, Donald Trump l'a fait basculer, pour des décennies, du côté des anti-IVG.
Le risque permanent qui pèse sur les droits reproductifs des femmes est inquiétant. Il importe de comprendre ce que nos grand-mères et arrière-grand-mères savaient très bien : seul le fait de maîtriser ses grossesses permet à une femme de conduire sa vie avec la même liberté que peut le faire un homme.
Lorsque ces droits sont attaqués, l'égalité entre les femmes et les hommes l'est aussi. Inscrite dans la Constitution depuis 1946 et dans les traités européens depuis 1957, celle-ci fait partie de notre identité. Il est de notre devoir de la protéger et de la défendre quand elle est en danger.
Monsieur le ministre, nous sommes fiers de la France, qui mène une diplomatie féministe et soutient l'émancipation des femmes à travers le monde. Qu'allez-vous faire pour montrer au peuple polonais que nous sommes à ses côtés ? Qu'allez-vous faire face à ces multiples régressions ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et GDR ainsi que sur quelques bancs des groupes Dem et SOC.
Nous avons pris connaissance de la décision prise le 22 octobre dernier par le tribunal constitutionnel de Pologne. Comme vous l'avez indiqué, celui-ci a jugé inconstitutionnel l'avortement pratiqué en cas de malformation grave ou de maladie incurable du foetus, restreignant ainsi les motifs possibles pour une IVG.
Cette décision de justice a suscité de vives réactions en Pologne : des manifestations auxquelles près de 500 000 personnes ont participé et une grève générale des femmes. Nous comprenons pleinement et soutenons ces réactions, car c'est le respect des droits fondamentaux qui est en jeu.
Nous les comprenons et les soutenons en tant que Français, bien sûr, car ce combat pour le droit à l'avortement renvoie à l'histoire politique de notre pays, lorsque des femmes se sont mobilisées à juste titre pour revendiquer le droit à disposer de leur propre corps.
Nous les comprenons aussi en tant qu'Européens, car, je le rappelle, l'Union européenne est une communauté de valeurs, dont le fondement est le respect des droits fondamentaux et de la liberté. Porter atteinte à ceux-ci, c'est affaiblir la construction européenne elle-même. Les droits qui se rapportent à la santé sexuelle et reproductive sont une condition essentielle pour le développement d'une société égalitaire et juste. L'accès à un avortement légal et médicalisé fait partie intégrante de ces droits fondamentaux.
La France organisera en juin prochain à Paris, avec le Mexique, le forum Génération Égalité, vingt-cinq ans après la première initiative prise à Pékin. Nous souhaitons que cette question soit alors au centre de nos discussions, de nos proclamations et de nos engagements.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à Mme Sandra Boëlle, devenue le 28 mai dernier députée de la quatorzième circonscription de Paris, en remplacement de notre regretté collègue Claude Goasguen.
Applaudissements sur tous les bancs.
Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, l'embargo des Nations unies sur les armes conventionnelles en provenance ou à destination de l'Iran a expiré le 18 octobre dernier. Le régime des mollahs s'en est félicité publiquement. La France n'a pas soutenu l'initiative des États-Unis visant à le prolonger, de peur que cela n'entraîne la fin de l'accord de Vienne sur le nucléaire iranien ou JCPOA – Joint Comprehensive Plan of Action.
Pourtant, il ne fait aucun doute que les activités militaires de l'Iran et des milices qui lui sont inféodées ont un impact déstabilisateur sur tout le Moyen-Orient, particulièrement sur le Liban, qui traverse une crise grave. Notre pays est bien placé pour savoir que la fourniture d'armes aux milices djihadistes et au Hezbollah serait un élément supplémentaire de déstabilisation, qui ne ferait qu'accroître les tensions au pays du Cèdre et dans toute la région, ainsi qu'en Europe.
C'est pourquoi la France doit prendre ses responsabilités. Monsieur le ministre, notre pays a-t-il l'intention d'inscrire de nouveau la question de l'embargo sur les armes en provenance ou à destination de l'Iran à l'ordre du jour du Conseil de sécurité des Nations unies ? Que comptez-vous faire pour prévenir la course aux armements que ne manquera pas de provoquer la levée de cet embargo ?
J'en viens au Hezbollah, bras armé de l'Iran. Nous faisons face à une organisation terroriste qui a pris le Liban en otage, avec les conséquences que l'on connaît, et fomente des attentats sur le sol européen – les exemples et les informations à ce sujet ne manquent pas. C'est ce qui a déjà amené huit de nos pays voisins, dont l'Allemagne et le Royaume-Uni, à désigner le Hezbollah dans sa totalité comme une organisation terroriste, ce qu'il est véritablement.
La France, qui joue un rôle moteur dans la diplomatie européenne, ne doit plus attendre. Les branches politique et militaire du Hezbollah sont indissociables, puisque dirigées par un seul et même chef. Nous ne devons plus être dans l'ambiguïté vis-à-vis de cette organisation terroriste, seule à bénéficier d'un tel traitement. N'est-il pas temps, monsieur le ministre, que la France prenne les mesures qui s'imposent pour mettre le Hezbollah hors jeu, pour adresser un message de fermeté à l'Iran et pour constituer, avec nos alliés européens, américains et arabes, un front uni visant à combattre enfin le terrorisme et l'islamisme, avec la lucidité et les moyens appropriés ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je me suis déjà exprimé à de nombreuses reprises dans cette assemblée sur la question iranienne et sur le Hezbollah. L'enjeu essentiel, je vous le rappelle, est d'éviter que l'Iran n'accède à l'arme nucléaire. Et la meilleure manière de le garantir, c'est le respect de l'accord de Vienne sur le nucléaire iranien.
Il se trouve qu'après le retrait américain du JCPOA, nous avons assisté à une dérive – que nous avons condamnée – de la part des Iraniens. Ces derniers ont détricoté, chapitre après chapitre, les engagements qu'ils avaient pris dans ce cadre, à tel point que le JCPOA ne tient plus qu'à un fil.
Je souhaite donc que nous travaillions, avec la nouvelle administration américaine, à renouer le dialogue avec l'Iran, de manière à juguler trois tentations que pourrait avoir ce pays. La première est de revenir sur l'accord nucléaire et de se doter de l'arme atomique, ce qui aurait pour conséquence de déstabiliser considérablement l'ensemble de la région. La deuxième est de poursuivre la frénésie missilière qui s'est emparée de lui, nourrie par l'ampleur de leur armement et leur capacité à le renforcer, et qui pourrait accroître les perturbations dont souffrent plusieurs ses voisins, à l'instar du Yémen voire du Liban. Quant à la troisième tentation, c'est celle d'une déstabilisation globale de la région par le biais, entre autres, d'interventions militaires dans le Golfe. Toutes ces questions sont à régler et il convient de nous engager dans un nouveau processus politique, qui apparaît indispensable dans la période que nous traversons.
S'agissant du Hezbollah, le Président de la République et moi-même avons toujours condamné ses actions. Mais si sa branche militaire est considérée comme une organisation terroriste, des membres du Hezbollah politique sont bel et bien élus par les Libanais ; ce sont des députés libanais et c'est ainsi !
Nous sommes donc bien obligés de prendre acte de leur existence et de composer avec eux du mieux que nous pouvons. Cela ne nous empêche pas de critiquer leurs agissements, comme le Président de la République l'a fait lorsque le Hezbollah a empêché la dernière tentative de formation d'un gouvernement libanais en trahissant ses engagements.
Quand M. Le Drian a la parole, le chronomètre fonctionne en temps breton, ce qui explique qu'il puisse parler plus longuement.
Sourires.
Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement a déposé, samedi 7 novembre à douze heures cinquante-deux, un amendement sur la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2021 visant à lui donner la possibilité de renégocier à la baisse les tarifs des 800 plus importants contrats de production d'électricité photovoltaïque conclus entre 2006 et 2010.
Cela pose, en premier lieu, un problème de méthode, qui illustre un manque de respect à l'égard du Parlement.
Comme d'habitude, l'amendement a été introduit à la dernière minute, sans examen en commission, ni étude d'impact.
L'exposé sommaire confus et la note blanche, que vous n'avez fait circuler que parmi les députés de la majorité, n'apportent que peu d'éclaircissements sur les conséquences de cet amendement.
Sur le fond, ensuite, en revenant sur un engagement, vous faites porter le discrédit sur la parole de l'État. En outre, la rétroactivité de la mesure pose un véritable problème constitutionnel au regard du respect du droit de propriété.
Quant aux conséquences économiques sur la filière photovoltaïque, vous feignez de les oublier. En outre-mer et dans les zones non-interconnectées, notamment, la faillite de beaucoup de sociétés de projet est pourtant un risque réel – 90 % des actuels détenteurs de ces contrats ne sont pas les détenteurs initiaux. Par cet amendement, vous ouvrez d'ailleurs une possibilité de dérogation, au risque de tomber dans l'arbitraire.
Sur la question, enfin, des économies attendues, votre exposé sommaire reste muet. Dans son rapport de mars 2018, la Cour des comptes indiquait que les garanties accordées au secteur photovoltaïque – comme à celui de l'éolien offshore – représenteraient 2 milliards d'euros par an, dont 750 millions d'euros pour les 800 contrats les plus importants visés par votre amendement. Quel est donc le montant, monsieur le Premier ministre, des économies espérées ?
Ainsi, à l'heure où vous nous annoncez un pas de géant en faveur de l'écologie, quelle est la cohérence de votre politique énergétique ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LT, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR. – M. Jérôme Lambert applaudit également.
Je vous confirme tout d'abord que l'objectif du Gouvernement est bien de soutenir massivement le développement des énergies renouvelables. En témoignent les 110 milliards d'euros d'engagement sur les vingt prochaines années, ou encore l'accroissement de 25 % du soutien financier aux énergies renouvelables en 2020 et 2021.
Nous avons notamment prévu de prochains appels d'offres portant sur plus de 10 gigawatts d'installations photovoltaïques au cours des cinq prochaines années.
Concernant la mesure dont vous parlez, relative à la révision de contrats photovoltaïques signés entre 2006 et 2010, elle ne concerne qu'une une petite minorité des contrats existants – 800 sur 235 000 existants – et seulement des installations dont le coût est déjà amorti et qui ont bénéficié d'un rendement du capital parfois supérieur à 20 %, et ce aux frais du contribuable. Ces contrats bénéficient d'un tarif de rachat garanti, acquis après un phénomène de bulle, qui peut atteindre 600 euros par mégawattheure.
Si nous ne faisons rien – voici l'étude d'impact que vous souhaitiez, monsieur de Courson – , le contribuable devra débourser plus de 20 milliards d'euros au cours des dix prochaines années pour rémunérer l'ensemble de ces contrats, …
… alors que des subventions moins importantes permettraient de maintenir la même production d'énergies renouvelables, en rémunérant les producteurs de manière normale.
Cette rente photovoltaïque, que nous voulons abolir, c'est autant de ressources en moins pour développer de nouvelles installations d'énergies renouvelables.
J'insiste sur le fait qu'il s'agira d'une révision ciblée et juste. Nous avons travaillé avec la filière à la définition d'une clause de sauvegarde qui permettra, au cas par cas, …
… d'éviter qu'une révision de contrat ne puisse mettre en péril l'exploitation des installations ; nous y serons très attentifs. Et nous examinerons les cas particuliers de la Corse et des outre-mer, dont nous connaissons les spécificités.
En outre, nous ne réviserons pas les contrats relatifs aux installations dont la puissance est inférieure à 200 kilowatts-crête, ce qui protège de facto les particuliers et la quasi-totalité des agriculteurs.
Je le répète, cette mesure est introduite à la suite de nombreux échanges menés avec la filière. Vous l'avez donc compris, notre objectif est de revenir sur une rente de situation injustifiée, inutile, sans pour autant déstabiliser l'équilibre financier de la filière, que nous continuerons évidemment à soutenir.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Madame la ministre, vous avez donc mis plus de trois ans pour découvrir cette situation, qui n'est d'ailleurs, soit dit en passant, pas spécifique à cette filière. Et vous avez, en quelque sorte, l'amour vache, …
… puisque pour favoriser le développement de ces énergies, vous commencez par les sanctionner.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
Madame la ministre déléguée chargée de la politique de la ville, ce parlement et votre majorité viennent d'adopter un budget historique pour la politique de la ville, en hausse en 10 %. À l'heure où les enjeux dans nos quartiers sont immenses, ce gouvernement et cette majorité y répondent avec des moyens et des actions inédites.
Nous n'avons pas attendu la crise sanitaire pour faire des quartiers prioritaires de la politique de la ville une priorité. En effet, dès 2018, Jean-Michel Blanquer et Julien Denormandie, à qui je renouvelle mes remerciements, ont annoncé la création de quatre-vingts « cités éducatives », s'inspirant d'une préconisation du rapport de Jean-Louis Borloo. Celles-ci sont avant tout une grande alliance des acteurs éducatifs travaillant dans ces quartiers en vue de faire de la réussite de nos enfants un enjeu majeur. Elles visent à intensifier la prise en charge éducative des enfants, de leur naissance à leur insertion professionnelle, et ce avant, pendant, après et autour de l'école. Tous les acteurs du territoire – services de l'État, collectivités, associations, habitants – doivent se mobiliser ensemble et s'unir autour d'un même objectif, d'un même projet.
Vous l'avez compris, les cités éducatives ne constituent pas un énième dispositif. Il s'agit avant tout d'un état d'esprit et d'une méthode de travail, qui se fonde sur les besoins et les aspirations d'un territoire. À l'épreuve du premier confinement, elles ont fait la preuve de leur efficacité et de leur pertinence. Un avis du Comité national d'orientation et d'évaluation des cités éducatives, que j'ai l'honneur de présider, souligne combien ces nouveaux écosystèmes territoriaux ont fourni des réponses rapides et adaptées aux besoins des enfants et des jeunes durant la crise.
C'est la seule chose du rapport de Jean-Louis Borloo qui a été retenue…
Forte de cette réussite, vous avez annoncé, accompagnée de Mme la secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire, la création de quarante nouvelles cités éducatives. Je ne peux que m'en réjouir et le budget que nous venons d'adopter concrétise cet engagement. Pouvez-vous détailler la manière avec laquelle ces nouvelles cités éducatives seront déployées, ainsi que l'ensemble des actions que vous menez dans le cadre de ce projet en faveur des quartiers prioritaires de la politique de la ville ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je vous remercie de votre question, et, surtout, de votre rôle important dans la création des cités éducatives. À ce jour, ce sont 525 000 jeunes qui sont accompagnés par les cités éducatives, soit un quart de ceux vivant dans nos quartiers prioritaires. Vous avez raison, ces cités sont plus qu'un dispositif ; il s'agit d'une méthode de travail qui place l'enfant au coeur de l'action collective, ce qui permet d'organiser la continuité éducative et d'ouvrir le champ des possibles.
Les cités éducatives sont le plus grand investissement du ministère de la ville depuis la création de l'ANRU – Agence nationale pour la rénovation urbaine.
Le budget que vous avez voté pendant le week-end augmente de 10 % les crédits relatifs à la politique de la ville, ce qui permettra, vous l'avez dit, la création de quarante cités nouvelles. Nous les avions récemment annoncées, avec Nathalie Elimas, secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire ; elles portent le nombre de cités éducatives françaises à 120.
Notre ambition est de procéder à une montée en gamme de l'offre culturelle et sportive et de placer l'esprit critique et le respect de l'autre au coeur de notre action, afin de construire les jeunes citoyens de demain. L'emploi sera une autre de nos priorités ; c'est pourquoi nous consacrerons 10 millions d'euros de crédits à l'augmentation du nombre de postes d'adulte relais, qui sera porté à 6 500. Nous accroissons également de 32 millions d'euros le montant de la participation du ministère de la ville dans les établissements publics d'insertion et nous créons les nouvelles cités de l'emploi qui, à l'instar des cités éducatives, mobiliseront l'ensemble des acteurs locaux et des opérateurs de l'État pour sortir d'une logique de dispositif au profit d'une logique de parcours et ainsi toucher chaque habitant de nos quartiers.
C'est grâce à de telles actions concrètes que nous poursuivrons notre objectif de cohésion nationale. Le Président de la République l'a réaffirmé aux Mureaux, l'État sera aux côtés de celles et ceux qui font vivre la République au quotidien. Nous leur devons tant, car ils portent en eux la promesse républicaine.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Avant d'appeler la dernière question, je vous rappelle qu'à l'issue des questions au Gouvernement la séance ne sera pas suspendue, car je prononcerai l'éloge funèbre de François André. Je salue les membres de sa famille et quelques-uns de ses amis, qui ont rejoint les tribunes du public.
Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent longuement.
Comme lors du premier confinement, les hypermarchés sont ouverts alors que de nombreux commerces de proximité ont fermé boutique. À quelle logique sanitaire répond l'ouverture de grands espaces bondés et climatisés au détriment de petits magasins de proximité accueillant moins de monde et plus faciles à aérer ? Vous n'avez même pas su diffuser à temps l'information et organiser le versement des maigres aides consenties à ces petites entreprises, si bien que certaines auront mis la clé sous la porte avant d'en avoir touché un centime.
Devant la colère qui gronde, vous avez procédé à des ajustements jusqu'à l'absurde. Finis les livres, les fleurs ou les chaussettes dans les hypermarchés : vous prétendez ainsi protéger les libraires, les boutiques de vêtements, ou les fleuristes d'une concurrence déloyale. Comme si Amazon et consort, qui s'épanouissent sur internet en surexploitant des employés précaires sans payer leurs impôts, ne constituaient pas la menace la plus violente !
Comme si l'enjeu n'était qu'une affaire de concurrence ! Mesurez-vous ce qui se joue ? Ce qui se joue, c'est la vie de millions de personnes, menacées de perdre leur emploi, mais aussi, pour certains, leur maison ou leur voiture, sur lesquelles leur entreprise est gagée. C'est aussi la désertification des villes, qui va fatalement s'aggraver. C'est enfin l'accélération, par vos décisions, d'une société d'hyperconsommation déshumanisée. En réalité, votre action est le signe d'un choix de société : celui de la croissance et de la compétitivité.
Depuis longtemps, l'hypermarché a été soutenu et encouragé par les politiques publiques. Les perdants, ce sont les petits commerces et l'artisanat, qui participent pourtant de la vitalité de tant de villes, qui tissent du lien de proximité et qui nous libèrent du tout-voiture. Les perdants, ce sont aussi les consommateurs, devenus souvent – et pas seulement en raison des prix – dépendants des grandes surfaces. Laisser mourir les petits commerçants et les artisans est indécent quand on voit les milliards d'argent public que vous continuez d'attribuer aux grands groupes et les profits que continue d'engranger la grande distribution. Monsieur le ministre de l'économie, quand allez-vous arrêter ce carnage économique, social et environnemental ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI, ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et GDR.
Bien au contraire, tous les jours depuis le mois de mars, nous sommes aux côtés des petits commerçants et des petits artisans, pour les soutenir. Bien au contraire, la France est le pays qui a déployé le plan de soutien le plus important aux petits commerçants et petits artisans.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Bien au contraire, la stratégie que nous avons lancée dès octobre 2018 en faveur des petits commerçants et petits artisans continue de se concrétiser, avec l'appui du plan de relance. Pour le seul mois de novembre, ce sont 15 milliards qui seront mobilisés, notamment pour ces travailleurs.
Ce sont également 10 000 euros que nous attribuerons à ces entreprises en difficulté qui ont été contraintes de fermer en raison de la situation sanitaire. Mentionnons aussi les petits commerces de l'agroalimentaire, qui continuent d'être ouverts et que vous semblez ignorer. Eux aussi assurent un service public pour fournir les Français en nourriture.
Aussi, madame Autain, regardons les choses en face ! Notre boussole, c'est l'emploi.
Nous sommes parvenus à empêcher la disparition de l'activité de ces petits commerçants et artisans parce que nous avons mis le paquet ! Et lorsque l'on regarde le taux de faillite de ces entreprises, on peut constater qu'il est inférieur à celui de l'année dernière.
Nous sommes d'accord, le combat n'est pas terminé,
Mme Caroline Abadie applaudit
et nous le continuerons – avec vous, je l'espère – pour que les petits commerçants et les artisans passent la crise, grâce aux exonérations de cotisations sociales et aux aides massives que nous leur apportons, grâce au soutien que nous leur accordons pour la numérisation de leur commerces, et grâce à l'accompagnement de leurs salariés,
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LR
tant nous savons leur importance sur les territoires et dans les petits bourgs.
Et ce n'est pas Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, qui dira le contraire.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Mesdames et messieurs les députés se lèvent.
Le 11 février dernier, nous perdions un collègue exemplaire. François André, qui a lutté jusqu'au bout contre un mal implacable, finissait par succomber dans la nuit, à seulement cinquante-deux ans. Quelle infinie tristesse ! Lui, pourtant, n'était pas un homme triste, mais un citoyen libre dont chacun ici appréciait l'humour et cette sorte de malice, bien à lui, avec laquelle il savait exprimer ses convictions aussi bien que son amitié.
Enfant de la Bretagne, de toute la Bretagne, il est né à Pontivy, dans le Morbihan, mais c'est à Rennes qu'il a grandi et c'est dans ce département de l'Ille-et-Vilaine qu'il a conquis les suffrages de ses concitoyens. Dès l'âge de dix-neuf ans, il s'engage en politique. Après les manifestations étudiantes de 1986, il rejoint le Parti socialiste où il milite à sa manière, avec sérieux, constance et dévouement. Le jeune homme, déjà, est remarqué pour son sens de l'écoute, sa bienveillance, sa capacité de travail aussi. Edmond Hervé décide de lui donner sa chance. En 2001, François André est élu conseiller municipal de Rennes et, tout de suite, c'est lui qui est choisi comme adjoint au maire chargé des sports. Réélu en 2008, il devient adjoint aux finances, faisant à ce poste l'apprentissage de ces dossiers complexes que l'on épluche avec concentration, tôt le matin, tard le soir, pour trouver des solutions au service de la collectivité.
Car François André était un humaniste en même temps qu'un réaliste. Homme de gauche, social-démocrate dans l'âme, il voulait faire reculer l'injustice et promouvoir le progrès social, non par des incantations mais par des réalisations concrètes et par des financements sûrs. C'est ce qu'il a fait au conseil municipal de Rennes, mais aussi au conseil général d'Ille-et-Vilaine, où il est élu en 2008. Vice-président chargé de la solidarité, c'est avec ces mêmes qualités de rigueur et d'humanité qu'il s'efforce d'améliorer le sort des plus fragiles : les personnes âgées, car il n'est pas de société juste sans lien entre les générations, et les personnes en situation de handicap, dont il voulait rendre tous les droits effectifs. Issu d'un milieu modeste, il était l'élu des classes populaires dont il avait conservé la simplicité, l'empathie, la drôlerie aussi. Son oeil rieur et attentif traduisait d'un seul regard toute l'authenticité et la profondeur de sa démarche militante.
En 2012, François André est élu député et siège au sein du groupe socialiste. Hostile au cumul des mandats et cohérent avec lui-même, il démissionne du conseil municipal et renonce à la vice-présidence du conseil général d'Ille-et-Vilaine. Comme il l'a promis à ses électeurs, François André veut pouvoir s'investir à plein dans ses nouvelles fonctions de législateur. Membre de la commission de la défense, ce travailleur infatigable découvre de nouveaux dossiers que, bientôt, il maîtrise à la perfection. Son nouvel engagement au service de nos armées fera de lui un colonel de la réserve citoyenne.
En 2017, il soutient le candidat Emmanuel Macron dès le premier tour de l'élection présidentielle et c'est dans cet esprit qu'il se présente aux élections législatives pour un second mandat. François André n'en reste pas moins le social-démocrate qu'il a toujours été ; aussi choisit-il de siéger comme apparenté et non comme membre du groupe majoritaire. Ce sens de la nuance exprime bien, je crois, le caractère sincère et scrupuleux de notre ancien collègue.
Il avait écrit dans sa profession de foi qu'il voulait rénover la vie démocratique et renouer la confiance entre les citoyens et les élus. De toutes ses forces, il l'a fait, donnant l'exemple d'un député au travail qui maintient un lien fort, quotidien, profond, avec sa circonscription et ses habitants. Ainsi, quand il a su que sa maladie allait miner sa vie, François André n'a pas seulement pensé à lui-même, il a eu le cran d'en parler publiquement, d'en informer celles et ceux qui lui avaient fait confiance et qui, comme nous aujourd'hui, le pleurent. Ce mandat que la fatalité allait amputer, il l'a pourtant rempli jusqu'au bout, avec ce sens du devoir et cette éthique de l'effort que tous, ici, nous saluons. Moins d'un mois avant sa disparition, malgré la fatigue des traitements, malgré ses souffrances, il s'exprimait encore en commission des finances au sujet des obligations vertes émises par les collectivités locales. Je parlais au début de mon intervention d'un député de l'exemplaire ; vous voyez que l'adjectif n'est pas usurpé.
Élu et réélu en même temps que lui, je l'ai bien connu. J'aimais sa manière de concevoir la politique non comme un métier, mais comme l'une des passions de la vie. Je sais que nous sommes ici nombreux à l'avoir côtoyé et estimé. Oui, l'Assemblée nationale gardera en mémoire son humilité, sa disponibilité, sa responsabilité, qui allaient de pair avec un amour profond de la République et du débat démocratique. Aujourd'hui, François André nous manque. Je pense à sa famille, à ses amis, à ses proches, à celles et ceux qui ont milité ou travaillé à ses côtés. Au nom de tous les députés de l'Assemblée nationale et en mon nom propre, je leur présente mes condoléances attristées.
La parole est à M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Au nom du Gouvernement et du Premier ministre, je voudrais m'associer à cet hommage ; cette tâche m'incombe car François André était l'un de mes amis.
François André était fier de servir la nation. Cette fierté se lisait sur un visage dont le rire franc et le regard malicieux ne nous reviennent jamais en mémoire sans que ne nous reviennent aussi la tristesse et la douleur que nous avons ressenties le jour de sa disparition, il y a neuf mois.
Parce qu'il avait su gravir un à un les degrés du mérite républicain, le parcours qui le mena jusqu'à cette assemblée mérite assurément le respect et l'admiration. C'est avec un baccalauréat professionnel en poche que ce petit-fils de paysan et fils de cheminot, après avoir grandi dans un quartier populaire de Rennes, Villejean, entra à l'université pour y étudier l'histoire avant de tenter et de réussir plusieurs concours de la fonction publique. Rien de tout cela, pour lui, n'était écrit d'avance. Il lui fallut y mettre de la volonté, de la persévérance et du courage.
Volonté, persévérance, courage : trois qualités que ses convictions et son caractère l'inclinaient à placer aussi au service des autres en se consacrant corps et âme à l'engagement sincère qui l'animait depuis toujours. Du reste, chez lui, conviction et caractère ne faisaient qu'un. C'était la clé de son immense intégrité, enracinée dans un sens profond de la justice sociale, enracinée dans un souci constant des plus fragiles, ceux qui, jour après jour, ont à composer avec les obstacles des inégalités, du handicap, des discriminations, enracinée dans des ressources d'attention et de bienveillance qui semblaient inépuisables. À cet homme simple et attachant, chacun sentait en effet qu'il pouvait confier ses difficultés, ses espoirs, ses doutes, avec la certitude d'être entendu.
Conviction et caractère, c'était le centre de sa vie ; sa vie de conseiller municipal et d'adjoint d'Edmond Hervé puis de Daniel Delaveau à la mairie de Rennes, sa vie de conseiller général du canton de Rennes nord-ouest et de vice-président du département d'Ille-et-Vilaine aux côtés de Jean-Louis Tourenne, sa vie d'élu de terrain d'un territoire dont il connaissait les atouts et les blessures à la première personne, parce qu'il s'y trouvait au milieu des siens. Et c'est pourquoi il ne croyait qu'aux solutions concrètes, aux réponses pragmatiques, aux politiques publiques vraiment en prise avec la réalité. Car, pour lui, la politique était l'art de rendre possible ce qui est souhaitable – belle définition qu'il aimait à rappeler souvent.
Voilà, à mes yeux, ce qui faisait sa force : l'expérience de la proximité et des responsabilités jusque dans cette enceinte, où les électeurs de la troisième circonscription d'Ille-et-Vilaine le désignèrent comme leur représentant en 2012 avant de lui redonner leur confiance en 2017. Il devint un élu de la nation sur ces bancs où il plaidait pour que les grandes mutations d'aujourd'hui ne fassent de laissés-pour-compte ni parmi les salariés les plus précaires, ni dans les zones rurales, où il voulait voir revenir les services publics, dont il se faisait régulièrement le défenseur, y compris à la commission de la défense et des forces armées, où j'ai pu mesurer son investissement dans mes fonctions antérieures, et bien sûr à la commission des finances, puisque les finances publiques, dont il avait eu la responsabilité à la mairie de Rennes, étaient pour lui l'indispensable pierre de touche du réel.
Quand la maladie contre laquelle il luttait si vaillamment depuis deux ans l'a fauché, nous avons été nombreux à perdre un ami ; plus nombreux encore à perdre un camarade ; tous, chez lui, à Villejean, ont perdu un solide point de repère. C'est que, durant trente ans, son engagement aura compté, pour eux comme pour nous tous. Il était de gauche, il l'a toujours revendiqué haut et fort, y compris dans ses derniers engagements et ses derniers combats aux côtés du Président de la République ; de cette gauche qui « ne se résigne ni à la régression sociale ni au repli identitaire », où il voyait les deux plus grandes menaces actuelles contre le pacte républicain ; de cette gauche ancrée dans les territoires, soucieuse de la nation et viscéralement attachée au projet européen.
Voilà la conception exigeante de la politique qu'il incarnait avec tant de droiture et de passion, une conception volontaire, lucide et profondément humaine. Voilà à quoi sa mémoire nous appelle ; voilà à quoi nous devons rester fidèles.
En mémoire de notre ancien collègue, je vous demande d'observer une minute de silence.
Mesdames et messieurs les députés observent une minute de silence.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Sylvain Waserman.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Je suis très heureux de vous présenter, avec le ministre délégué chargé des comptes publics Olivier Dussopt, ce quatrième projet de loi de finances rectificative – PLFR.
S'il est de tradition de présenter un projet de budget rectificatif en cette période de l'année, la deuxième vague épidémique apporte un surcroît de justification à celui-ci.
En effet, cette nouvelle vague épidémique, à laquelle sont confrontés tous les pays européens, nous a amenés à prendre des mesures de restriction sanitaire, notamment le confinement, qui a entraîné la fermeture de 200 000 commerces, de 160 000 restaurants, de dizaines de milliers de cafés.
Je veux dire à tous les commerçants français que ce PLFR 4 leur est dédié. Il est là pour les soutenir, les aider à passer ce moment particulièrement difficile, qui, je le sais, suscite partout en France, dans les communes rurales comme dans les métropoles, parfois de l'incompréhension, parfois de la colère, mais toujours une immense détresse.
Pour les avoir entendus tout au long de la semaine, je sais que nombre de commerçants sont inquiets de garder sur les bras, dans leurs magasins, le stock de leur activité d'hiver – qu'il s'agisse de jouets, de vêtements ou de livres d'art.
Mme Cendra Motin acquiesce.
Je sais que beaucoup d'entre eux aimeraient reprendre leur activité le plus vite possible. Je sais aussi que pour beaucoup d'entre eux, c'est le travail d'une vie qui est menacé par ces fermetures, et que cela suscite une inquiétude profonde partout en France.
Notre responsabilité, avec cette majorité, avec le Premier ministre et avec le Président de la République, est de lutter avec efficacité contre la circulation du virus, pour que l'activité économique reprenne le plus vite possible, et que les commerces, qui comptent parmi les activités essentielles de la nation, rouvrent le plus rapidement possible et dans les meilleures conditions possibles.
Olivier Dussopt, Alain Griset – le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises – et moi-même n'avons cessé cette semaine de recevoir les fédérations du commerce, notamment celles du jouet et de l'habillement, ainsi que les libraires. Nous avons réfléchi avec elles aux meilleures options, aux nouveaux protocoles sanitaires qu'il convient de construire. Un système de rendez-vous serait-il intéressant ? Faudrait-il encore modifier les jauges, pour garantir une sécurité sanitaire totale ?
Nous sommes prêts. Nous travaillons, pour pouvoir, dans les meilleures conditions possibles, dès que la sécurité sanitaire sera rétablie dans notre pays, rouvrir les commerces concernés.
Nous suivons cela de près ; nous avons un rendez-vous important jeudi, avec le Président de la République et le Premier ministre. Je veux que tous les commerçants sachent que tous les représentants de la nation sont derrière eux.
Ce PLFR4 est donc un PLFR de soutien au commerce. Sans entrer dans le détail des mesures, je voudrais que chacun des commerçants, chacun des Français qui nous écoute, comprenne à quoi a droit aujourd'hui un commerçant dont l'activité a été fermée par décision administrative.
Puisque c'est l'État qui a décidé de ces fermetures pour garantir la sécurité sanitaire de nos compatriotes, il est normal qu'en retour les commerçants puissent bénéficier d'une protection supplémentaire. Un commerce fermé actuellement, dès lors qu'il emploie moins de cinquante salariés, a automatiquement accès au fonds de solidarité et à une indemnisation pouvant aller jusqu'à 10 000 euros.
Ainsi, une fleuriste installée à Verdun, qui réalise d'ordinaire 6 000 euros de chiffre d'affaires, n'aura qu'à déclarer sur le site impots. gouv. fr la variation de son chiffre d'affaires par rapport à 2019, pour être intégralement remboursée de ses pertes. Pour qu'il n'y ait aucune ambiguïté – car je sais qu'en ces temps difficiles, nos compatriotes ont besoin de clarté, j'annonce que le site dédié à ces nouvelles modalités du fonds de solidarité, sera ouvert début décembre, pour un premier versement dans les tout premiers jours de décembre. La direction générale des finances publiques – DGFIP – fait son maximum pour que le site soit opérationnel le plus vite possible pour appliquer ces règles nouvelles sur lesquelles vous vous apprêtez à statuer.
Je rappelle que ce fonds de solidarité était auparavant réservé aux entreprises de moins de dix salariés : nous l'avons élargi aux entreprises de cinquante salariés. Je rappelle aussi que le montant maximal de l'indemnisation était 2 500 euros ; nous l'avons porté à 10 000 euros. En conséquence, le montant total du fonds de solidarité pour novembre s'élèvera à 6 milliards d'euros, soit l'équivalent de toutes ses dépenses depuis sa création en mars dernier. C'est dire si nous avons décidé de renforcer le soutien aux commerces et aux entreprises ayant dû fermer.
En outre, si un commerçant – un fleuriste, un libraire, un marchand de vêtement – décide de vendre une partie de son stock grâce au click and collect…
… l'intégralité du chiffre d'affaires lui reviendra, c'est-à-dire qu'il ne sera pas déduit de la somme à laquelle il a droit au titre du fonds de solidarité.
Pour reprendre l'exemple de notre fleuriste de Verdun, si elle a touché 6 000 euros d'indemnisation du fonds de solidarité, somme équivalent à sa perte de chiffre d'affaires par rapport à 2019, elle pourra ajouter à ces 6 000 euros, les 1 500 ou 2 000 euros qu'elle aura gagné grâce au click and collect.
Elle aura droit évidemment à une exonération totale de charges sociales et, si elle emploie un salarié, au chômage partiel sans reste à charge. Enfin, si jamais elle s'est endettée et a contracté un prêt garanti par l'État – PGE – , elle aura droit, si elle le souhaite, à un différé de remboursement : si elle se trouve en grande difficulté pour rembourser son prêt garanti par l'État, elle pourra demander à le rembourser non pas au 31 mars 2021 mais au 31 mars 2022 ; elle pourra également demander l'étalement de ce prêt garanti par l'État, sur une durée pouvant aller jusqu'à six ans, avec un taux garanti entre 1 % et 2,5 %.
Enfin, pour toutes les entreprises qui n'auraient trouvé aucune solution de prêt ni aucune solution de trésorerie, nous avons prévu un demi-milliard d'euros de prêts d'État qui pourront être accordés directement aux entreprises n'ayant d'autre recours.
Autre élément important, ce PLFR 4 comporte une aide à la numérisation des commerces. La crise a en effet révélé qu'un tiers seulement des commerces était numérisé, ce qui est insuffisant. Il faut rattraper notre retard, et le plan que j'ai présenté hier doit permettre de répondre à cette difficulté en apportant notamment une aide directe de 500 euros à chaque commerçant qui voudrait s'équiper en outils numériques et numériser son commerce.
Reste enfin la question des loyers, qui est aujourd'hui l'un des problèmes les plus lourds pour les commerces et notamment les commerces de proximité.
Nous travaillons avec tous les bailleurs, que ce soit les petits bailleurs ou les grandes foncières, et je demande que tous les bailleurs de France renoncent au loyer du mois de novembre, période au cours de laquelle les commerces seront restés fermés. De mon côté, je m'engage en contrepartie à mettre en place un crédit d'impôt, de 30 % minimum, qui sera reversé aux bailleurs. Ce taux est ouvert à la discussion et, s'il n'est pas suffisant, nous sommes prêts à en débattre avec vous, comme avec les bailleurs. Quoi qu'il en soit, cet abandon des loyers de novembre serait un geste fort de l'ensemble des bailleurs vis-à-vis des commerces que les mesures de restriction sanitaire ont mis en très grande difficulté.
L'ensemble de ces mesures représentent un total de 15 milliards d'euros de dépenses supplémentaires pour le seul mois de novembre, c'est-à-dire pour un mois complet de confinement.
Nous provisionnons dans ce PLFR 4 20 milliards d'euros, à quoi s'ajoute une partie du fonds de solidarité sur l'activité partielle qui n'a pas été dépensée. L'ensemble de ces sommes nous permettent de faire face à tous les scénarios de fin d'année, quelle que soit la situation sanitaire.
Je voudrais maintenant insister auprès de vous sur la complémentarité entre le soutien au commerce et la relance économique. Certains m'expliquent qu'envisager la relance dès à présent, c'est trop tôt ; ce sont les mêmes qui me disaient en juillet que c'était trop tard, et ceux encore qui me reprocheront lorsqu'il y aura un vaccin disponible de ne pas avoir engagé la relance dès le mois de décembre, alors que je savais que la situation sanitaire se résoudrait au printemps.
Notre majorité continue à défendre cette idée simple qu'il faut combiner le soutien aux commerces en grande difficulté et la relance de l'activité économique. En effet le panorama économique français est très hétérogène : d'un côté, on trouve des commerces qui souffrent, des boutiques en grande difficulté, des magasins qui ne peuvent pas vendre parce qu'ils sont soumis à des règles de fermeture strictes ; de l'autre, la Banque de France a annoncé que l'activité pendant ce confinement d'automne avait trois fois moins chuté qu'en mars dernier. Nous avons en effet tiré les leçons du premier confinement et réussi à concilier lutte contre la circulation du virus et maintien de l'activité économique.
Certains secteurs, qui tournent aujourd'hui à 90 % ou 95 %, ont impérativement besoin des fonds de la relance, pour accélérer, pour innover encore davantage, pour recruter et notamment recruter des jeunes.
Permettez-moi, ici encore, de donner quelques exemples de la réponse que nous apportons. Voici ce qu'est la relance.
Nous avons décidé de consacrer 1 milliard d'euros à l'emploi des jeunes. Résultat : l'emploi des jeunes se maintient, et nous allons réussir, en 2020, alors que nous sommes en période de crise, à embaucher le même nombre d'apprentis qu'en 2019.
Je voudrais saluer ici tous les entrepreneurs qui ont joué le jeu de cette prime de l'apprentissage et qui ont pris la décision courageuse et salutaire d'embaucher massivement des apprentis, parce que l'apprentissage, c'est l'avenir de l'emploi des jeunes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes Dem et Agir ens.
Certaines industries sont en grande difficulté, mais d'autres sont en train d'investir massivement et de relocaliser leurs activités. Nous avons lancé des aides aux projets industriels et devrions atteindre d'ici à la fin de l'année le nombre de 500 projets financés par le plan de relance ; à la fin décembre 2020, ce sont plus de 2 milliards d'euros d'investissements industriels qui auront été rendus possibles par France Relance.
Que choisissez-vous : abandonner la relocalisation industrielle ou l'engager tout de suite, comme le demandent certains secteurs industriels ? Notre majorité a choisi, et je remercie les parlementaires qui n'appartiennent pas à la majorité, mais ont accepté de voter ce fonds de relance, parce qu'ils ont apporté 2 milliards d'euros à la relocalisation industrielle en France.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
S'agissant ensuite de la rénovation énergétique des bâtiments de l'État, au moment où je vous parle, nous avons reçu pour plus de 8 milliards d'euros de demandes.
Il faudra donc faire des choix, puisque seuls 2,7 milliards d'euros sont disponibles, mais cela traduit une volonté et une attente puissantes de la part des administrations de l'État, soucieuses de rénover leurs bâtiments, de les moderniser, de les rendre plus accueillants et de limiter leurs émissions de gaz à effet de serre.
Les universités et les résidences étudiantes ont été parmi celles qui ont le plus souscrit à cet appel d'offres, et ce pourrait être un beau projet pour nous tous, dans le cadre de ce plan de relance, de soutenir massivement la rénovation énergétique de nos bâtiments universitaires. Ce serait une belle réponse à apporter à tous les jeunes qui souffrent terriblement de la crise économique.
Enfin, ce plan de relance permet aussi l'accélération du verdissement du parc automobile. Cela se passe ici et maintenant, et non dans plusieurs mois : grâce aux aides que vous avez votées dans le cadre du plan de relance, le nombre d'immatriculations de véhicules électriques a été multiplié par trois et celui des véhicules hybrides rechargeables par plus de cinq par rapport à 2019. Nous sommes en train de réussir la rénovation énergétique du parc automobile français.
Au total, 10 milliards d'euros du plan de relance seront engagés dès la fin de l'année 2020. Vous le voyez, il n'y a pas d'opposition mais une complémentarité totale entre la protection nécessaire que nous apportons à nos commerces de proximité, qui sont des commerces essentiels, et la relance de l'activité industrielle, qui se joue en ce moment et qui doit permettre à la France de sortir plus forte, plus verte et plus compétitive de cette crise économique.
Mon dernier mot sera pour vous dire à quel point je suis convaincu des capacités de rebond de notre pays. Je vois parfois, ici ou là, pointer un esprit de défaite. Je crois davantage à l'esprit de résistance, cet esprit de résistance que je vois poindre partout, dans tous les secteurs économiques, dans les très petites entreprises et chez les indépendants, comme dans les grands secteurs industriels. Je vois partout des entrepreneurs qui se battent, je vois partout des salariés qui veulent aller travailler, je vois partout des ouvriers qui veulent que leur usine reste ouverte et qui veulent continuer à produire des biens aéronautiques ou des automobiles. Cette volonté de travailler, cette volonté d'innover, cette volonté de se redresser, c'est le trésor économique de la France, et c'est celui que nous allons défendre avec ce PLFR 4.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Avec Bruno Le Maire, nous vous présentons donc le quatrième projet de loi de finances rectificative pour l'année 2020. Il a deux caractéristiques : la première, c'est que c'est un projet de loi de fin de gestion et que, conformément au principe auquel nous nous tenons depuis 2018, il ne comporte donc pas dispositions fiscales nouvelles. Je souligne également que l'absence de décret d'avance pour la troisième année consécutive est aussi le signe d'un véritable progrès démocratique.
La seconde caractéristique de ce projet de loi de finances rectificative est qu'il s'agit d'une fin de gestion particulière, puisque ce PLFR permet de recharger les dispositifs d'urgence pour faire face aux évolutions de la pandémie et financer de nouvelles mesures de soutien – c'est en cela qu'il revêt aussi un caractère exceptionnel.
En effet, le contexte macro-économique pour la fin de l'année 2020 est bouleversé par la seconde vague épidémique. En conséquence, il dégrade les prévisions de finances publiques que nous avions faites pour l'année 2020, au moment de la présentation du projet de loi de finances pour 2021, début septembre.
Lors de cette présentation du PLF pour 2021, nous avions fait preuve de prudence, en choisissant de conserver une importante marge dans nos prévisions macro-économiques. Nous estimions la récession du PIB en 2020 à 10 %, là où la plupart des prévisionnistes avançaient une chute de 9 % – le Haut Conseil des finances publiques avait d'ailleurs souligné la prudence de nos hypothèses.
La seconde vague épidémique que nous subissons aujourd'hui nous force à dégrader à nouveau nos prévisions. En matière macro-économique, cette dégradation reste toutefois limitée à un point : nous prévoyons une récession de 11 %.
Pour ce qui est des finances publiques, nous revenons à des prévisions proches de celles que nous avions présentées lors du troisième projet de loi de finances rectificative, légèrement meilleures, en tout cas moins mauvaises.
Notre déficit public en 2020 devrait atteindre 11,3 % de la richesse nationale, alors que le PLFR 3 l'estimait à 11,5 %. L'État supportera l'essentiel de ce déficit. En l'état, avant l'éventuelle adoption d'amendements, le déficit budgétaire de l'État se situe à 222,9 milliards d'euros, niveau légèrement inférieur aux 225 milliards que nous anticipions à la fin du mois de juillet. En conséquence, notre endettement se détériore par rapport aux prévisions du PLF pour 2021, tel que présenté au début du mois de septembre. La dette publique atteindrait 119,8 % du PIB en 2020, niveau inférieur aux 121 % prévus lors de l'examen du PLFR 3.
Cette dégradation des finances publiques par rapport au PLF pour 2021 s'explique essentiellement par les mesures d'urgence que nous devons à nouveau prendre. Nous estimons, Bruno Le Maire l'a rappelé, que les mesures déployées pour lutter contre la deuxième vague auront un coût de 15 milliards d'euros par mois : 6 milliards au titre du fonds de solidarité, 7 milliards au titre du financement de l'activité partielle, 1 milliard au titre des exonérations de cotisations et 1 milliard pour le crédit d'impôt bailleur qui vous a été présenté il y a un instant.
Toutefois, certains dispositifs comme l'activité partielle ou le fonds de solidarité n'avaient pas consommé la totalité des enveloppes ouvertes lors des précédents projets de loi de finances rectificative. La marge existante et le rechargement des crédits que nous proposons avec ce PLFR permettent de financer les besoins jusqu'à la fin de l'année. Cela ne signifie pas, comme j'ai pu l'entendre ici ou là, que nous anticipons d'emblée la prolongation du confinement jusqu'à la fin de l'année. Chacun le sait bien, la durée et l'intensité des mesures sanitaires au cours du mois de décembre dépendront de l'évolution de la situation épidémique et de l'efficacité des mesures prises depuis plus de dix jours. Cependant, les incertitudes sur ces évolutions nous conduisent à la prudence pour être en mesure d'aider et de soutenir les entreprises jusqu'à la fin de l'année, y compris en phase de déconfinement et autant qu'il sera nécessaire. L'expérience de la première vague montre que les mesures d'aide sont ajustées progressivement et non le jour du déconfinement.
Au final, les finances publiques sont alourdies de 20 milliards d'euros : 10,9 milliards pour le fonds de solidarité – qui sera porté à 19,4 milliards pour l'année 2020 – , 3,2 milliards au titre de l'activité partielle, pour porter les crédits qui lui sont alloués à 34 milliards, 3 milliards au titre des exonérations de cotisations sociales, ce qui porte le total des exonérations à 8,2 milliards, 1,1 milliard au titre de la prime exceptionnelle de précarité pour les ménages bénéficiaires des APL – aides personnalisées au logement – , les étudiants boursiers et les jeunes de moins de vingt-cinq ans percevant des APL, et 1,9 milliard d'euros au titre des surcoûts liés au covid-19 dans l'ONDAM – objectif national de dépenses d'assurance maladie – , qui n'étaient pas encore intégrés dans notre dernière prévision de déficit public et que nous régularisons.
Pour les crédits budgétaires à proprement parler, la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » recevra 17,3 milliards d'euros de nouveaux crédits correspondant au rechargement du fonds de solidarité, à la part de l'État du financement de l'activité partielle et à la compensation à la sécurité sociale des nouvelles exonérations de cotisations. Certaines des mesures d'urgence que nous venons de présenter sont inscrites dans d'autres missions : tel est le cas des aides exceptionnelles de solidarité, qui font l'objet d'une ouverture de 1,1 milliard d'euros de crédits dans la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » ; de même, au titre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, le PLFR 4 traduit l'engagement du Président de la République de verser la prime exceptionnelle aux populations les plus vulnérables que j'ai citées tout à l'heure – celles qui ont bénéficié des aides de solidarité en mai dernier et les jeunes, en particulier les étudiants boursiers.
Toujours pour soutenir les plus précaires et dans la continuité de l'acte II de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté présenté le 24 octobre par le Premier ministre, le Gouvernement et le groupe La République en marche présenteront un amendement ouvrant 330 millions d'euros en autorisations d'engagement et 176,5 millions d'euros en crédits de paiement sur la mission « Travail et emploi » pour développer l'insertion par l'activité.
Nous proposerons aussi plusieurs ouvertures de crédits sur la mission « Économie », en soutien à l'emploi dans les entreprises et les associations. Nous vous proposerons d'ouvrir 60 millions d'euros de crédits sur la mission « Économie » pour accélérer la numérisation des commerces, afin qu'ils maintiennent leur activité pendant le confinement. Nous vous proposerons également un amendement issu de travaux menés avec Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable, ouvrant 30 millions d'euros sur la même mission pour financer un dispositif de soutien à l'emploi associatif.
Sur cette même mission « Économie », nous tirerons les conséquences de la dynamique des plans de soutien aux filières aéronautique et automobile et des aides à la relocalisation des secteurs critiques : nous vous proposons d'ouvrir 82 millions d'euros pour 2020 au titre de ces missions, qui correspondent à des anticipations de versement de ces dispositifs dans le respect des enveloppes globales accordées.
Outre le soutien aux entreprises et aux ménages, ce PLFR marque à nouveau notre soutien aux collectivités locales. Si l'État supporte l'essentiel des conséquences financières de la crise, les finances locales sont évidemment touchées : l'État est aux côtés des collectivités.
Nous proposons de mettre en place, avec ce seul PLFR, des avances remboursables pour compenser les pertes de versement mobilité et de recettes tarifaires des autorités organisatrices de mobilité, en Île-de-France comme dans les autres régions, pour un total de 1,950 milliard d'euros. Nous soutenons aussi les départements qui connaissent, du fait de la crise, une baisse de leurs recettes de DMTO – droits de mutation à titre onéreux – et une hausse de leurs charges d'allocations individuelles de solidarité, en abondant de 200 millions d'euros le fonds de stabilisation voté chaque année, habituellement doté de 115 millions d'euros mais que nous renforçons de manière exceptionnelle. Cela s'ajoute évidemment aux 60 millions d'euros que votre assemblée a débloqués en adoptant un amendement de Jean-René Cazeneuve, qui alimenteront la dynamique du fonds national de péréquation des DMTO entre les départements.
Ces mesures interviendront dans un contexte financier local moins dégradé que prévu : il s'agit d'une bonne nouvelle pour les collectivités, dont la mobilisation aux côtés de nos concitoyens face à la crise est essentielle.
S'agissant de l'impact de la crise sur les recettes de l'État, l'effet de la baisse d'activité par rapport à notre prévision dans le PLF pour 2021 est compensé par de bonnes nouvelles concernant les recouvrements sur les derniers mois. Entre la première et la deuxième vague, nous avons connu un troisième trimestre très dynamique avec un rebond de 18,2 % du PIB : ce chiffre porteur d'espoir démontre la capacité de rebond de l'économie – et quand l'économie repart, les recettes publiques rentrent bien. La dynamique constatée nous a permis d'enregistrer un niveau de recettes supérieur à ce que nous attendions, y compris par rapport aux hypothèses présentées au début du débat sur le PLF pour 2021.
Au final, nous dégradons la prévision macroéconomique de 10 % à 11 % de contraction du PIB, mais notre prévision du niveau des prélèvements obligatoires reste globalement stable. Dans le détail, la dégradation de l'environnement macroéconomique entraîne une révision à la baisse des recettes publiques et des cotisations sociales : dans le champ de l'État, la prévision de TICPE – taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – revenant au budget général est diminuée de 1,4 milliard d'euros par rapport à la prévision sous-jacente du PLF. En revanche, les recettes de TVA enregistrées à la fin du mois de septembre ainsi que celles anticipées en octobre conduisent, selon les premières données, à réviser à la hausse les recettes de 0,7 milliard d'euros par rapport au PLF pour 2021. Le troisième acompte d'impôt sur les sociétés a été plus élevé que prévu et nous revoyons nos estimations à la hausse de 2,8 milliards d'euros par rapport au scénario du PLF.
Le rebond de l'activité au troisième trimestre 2020 explique en grande partie ces bonnes nouvelles sur la TVA et sur l'impôt sur les sociétés. De même, au regard des remontées comptables de la fin du mois de septembre, nous revoyons à la hausse les recettes de l'impôt sur le revenu de 600 millions d'euros, en raison de revenus sous-jacents plus élevés que prévus.
Plus que la révision à la baisse de l'activité, ce sont donc les mesures d'urgence qui expliquent la dégradation des finances publiques par rapport à ce que nous vous avons présenté lors de l'ouverture des débats sur le PLF pour 2021.
Hors mesures d'urgence liées à la deuxième vague épidémique, le schéma est équilibré entre ouvertures et annulations de crédits. Le niveau des ouvertures et des annulations se situe à 4,1 milliards d'euros.
Les principales ouvertures concernent le financement des aides personnalisées au logement pour 1,9 milliard d'euros, pour cause de report de la réforme des APL et d'un tendanciel haussier lié à la crise économique et à ses conséquences sociales, mais aussi le financement de l'allocation aux adultes handicapés – AAH – et de la garantie de ressources des travailleurs handicapés pour un montant de 527 millions d'euros. Enfin, nous rechargeons les dispositifs d'aide exceptionnelle à l'apprentissage et de prime à l'embauche des jeunes, pour un total de 311 millions d'euros.
Les annulations portent essentiellement sur les crédits mis en réserve, pour 1,4 milliard d'euros, et sur des sous-consommations dues à la crise sanitaire. Nous constatons en effet des sous-exécutions sur certaines dépenses immobilières, comme celles du programme de rénovation des cités administratives pour 200 millions d'euros, sur des projets informatiques financés par le fonds pour la transformation de l'action publique ou sur la sinistralité des dispositifs de garantie créés pour répondre à la crise sanitaire.
Le schéma d'emplois traduit la nécessité de faire face aux enjeux de la crise sanitaire et aux engagements de renforcer la présence territoriale de l'État et ses fonctions régaliennes. Ainsi, ce PLFR révise le schéma d'emplois 2020 à la hausse de 5 350 équivalents temps plein, au profit principalement de Pôle emploi avec 2 383 ETP supplémentaires, de l'AFPA – Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes – avec 125 ETP en plus et des agences régionales de santé avec 417 ETP supplémentaires. Les effectifs du ministère de la justice augmentent pour rattraper le retard pris dans le traitement des affaires judiciaires, de même que ceux du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports pour éviter les fermetures de classes dans les zones rurales et créer des places en BTS, et du ministère de l'intérieur au titre du plan de lutte contre la haine sur internet.
Mesdames et messieurs les députés, les mesures que vous avez adoptées ces derniers mois ont apporté un soutien déterminant à nos concitoyens et à notre économie. Elles ont un coût qui met évidemment à mal la situation des finances publiques. Dans ces conditions, nous pensons que le moment est venu d'engager, au-delà des mesures d'urgence et du plan de relance, une réflexion de fond sur le redressement des comptes publics à moyen terme. Il nous faut travailler sur de nouvelles ancres de finances publiques et sur la trajectoire à dessiner pour les atteindre, mais également sur de nouveaux outils de pilotage des finances publiques plus efficaces, afin de renforcer notre capacité à redresser les comptes à la sortie de la crise.
Nous poursuivrons plusieurs objectifs : un cadrage plus intégré des finances publiques à l'échelle de l'ensemble des administrations publiques, puisque la fragmentation actuelle complique le pilotage et crée de l'illisibilité ; une approche davantage pluriannuelle et contractuelle des finances publiques pour donner de la visibilité aux acteurs, tant sur les dépenses que sur les trajectoires de recettes ; une responsabilisation des gestionnaires publics pour bâtir une construction budgétaire plus apaisée et obtenir une exécution plus fluide et plus concentrée ; enfin, des mécanismes de cantonnement de la dette publique issue du covid-19. Nous devrons tirer toutes les conséquences de la crise pour gérer la dette et sécuriser son remboursement dans le temps, en l'isolant de la gestion courante dans notre budget.
Nous nous appuierons sur un groupe de travail, composé de personnalités qualifiées, qui sera bientôt installé. Nous pourrons également utiliser des travaux importants comme le rapport de la MILOLF – mission d'information relative à la mise en oeuvre de la LOLF – de septembre 2019, rapport de Laurent Saint-Martin, dans lequel s'était beaucoup investi le président Éric Woerth. Toutes ces études nous seront utiles en temps voulu.
Vous le voyez, nous l'avons dit et nous le répétons avec Bruno Le Maire, l'État et le Gouvernement sont au rendez-vous pour soutenir l'économie et protéger les Français. Ce PLFR de fin de gestion et d'urgence nous permet d'ajuster la répartition, l'ouverture et l'annulation des crédits, de manière à sécuriser l'exécution budgétaire jusqu'à la fin de l'année 2020.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe Agir ens.
La parole est à M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, j'avais évoqué non pas une courbe en V, non pas une courbe en U, non pas une courbe en racine carrée, mais une courbe en K. En effet, la production de certains secteurs d'activité et la consommation de certains ménages avaient fortement redémarré après le premier déconfinement. La courbe descendante du K est constituée des mesures d'urgence, toujours nécessaires pour un certain nombre d'activités, d'entreprises, de salariés et de ménages. Cette courbe qui descend est ce quatrième PLFR. Après le premier PLFR du mois de mars, le deuxième du mois de mai et le troisième du mois de juillet, nous voici, comme convenu, à l'aune du quatrième projet de loi de finances rectificative, consacré essentiellement aux mesures d'urgence et de soutien aux entreprises, aux associations, aux collectivités territoriales et à nos concitoyens.
Ce PLFR 4 prend une tournure différente des trois premiers, puisqu'au-delà des mesures d'urgence et des rechargements de crédits budgétaires pour des dispositifs que nous connaissons bien, il constitue le schéma de gestion de la fin de l'année 2020. Le cumul de ces deux fonctions fait la particularité de ce PLFR 4.
Avec la fin du premier confinement, nous avons eu une indication très intéressante de la capacité de résilience de notre pays. Le rebond de l'activité, avec une croissance et une reprise de plus de 18 % au troisième trimestre, doit nous inviter à l'optimisme et à l'espoir. Certes, la crise sanitaire dicte et crée le rythme de la crise économique et sociale, comme elle entraîne, à l'heure où nous parlons, le fait que nous vivions, même si les restrictions sont différentes, un deuxième confinement ; mais nous avons démontré cet été et nous démontrerons après le confinement en cours, et peut-être le referons-nous successivement, que notre pays peut fortement rebondir. Ce constat doit nous rendre patients, volontaires, concentrés et confiants pour l'avenir.
La confiance sera la clef de nos débats. Elle était là lorsque nous avons parlé de relance et nous devons en faire tout autant preuve quand nous parlons d'urgence.
Pour le moment, s'il reste une grande incertitude dans ce que nous examinons, c'est bien le contexte macro-économique. Les prévisions sont aujourd'hui plus pessimistes que celles que nous avions présentées il y a quelques semaines, au début de l'examen du projet de loi de finances pour 2021 ; elles sont évidemment liées au ralentissement économique dû au nouveau confinement. Les prévisions pour 2021 font désormais état d'une récession de l'ordre de 11 %, d'un déficit qui s'établirait à 258 milliards et d'une dette qui atteindrait ou frôlerait les 120 % du PIB.
La politique menée depuis le début de la crise, au mois de mars, est reconnue comme efficace non seulement dans notre pays, mais également d'un point de vue international : le Fonds monétaire international – FMI – a salué les mesures instaurées avec le plan d'urgence massif – notamment l'activité partielle – , plus puissantes et protectrices qu'aucune autre mesure prise par un pays de l'OCDE.
Le quatrième PLFR, qui s'inscrit dans cette logique, doit résoudre une équation complexe : parer au plus urgent tout en anticipant la relance de l'économie. Au fond, c'est la ligne de tous les textes budgétaires depuis un an. Le Gouvernement et la majorité ont fait des choix très clairs : protéger la nation face à une crise sanitaire ; soutenir les ménages ; protéger l'emploi en accompagnant les entreprises. Le quatrième PLFR ne dévie certainement pas de cette logique. Les outils d'urgence sont accentués, rechargés et intensifiés : activité partielle, fonds de solidarité, reports et exonérations de cotisations sociales, PGE.
Un mot sur le fonds de solidarité. Au cours des prochaines heures et jusque tard dans la nuit, nous allons probablement nous demander si ce que propose le Gouvernement en termes de montant est suffisant ; ce débat sera récurrent. Rendons-nous compte que pour le seul mois de novembre, les crédits budgétaires mobilisés pour le fonds de solidarité sont équivalents à ceux débloqués depuis le début du mois de mars.
Nous passerons d'un plafond de 1 500 euros à un plafond potentiel de 10 000 euros pour les secteurs d'activité les plus touchés. On change de braquet, parce que les entreprises qui ont déjà été fragilisées par le premier confinement peuvent se retrouver dans des situations extrêmement critiques en raison du nouveau confinement. Mais ce changement de braquet a un coût ; j'y reviendrai.
On ne pourra pas dire, lors de l'examen de ce texte, que les moyens ne sont pas mis sur la table pour sauver nos entreprises, et particulièrement les petits commerces. Ces derniers seront largement évoqués lors de la discussion des amendements, mais la première des urgences doit évidemment rester la lutte contre l'épidémie. Nous n'allons pas refaire ce soir le débat sur la nécessité de maintenir ou non l'ouverture de certains commerces. La question est la suivante : créons-nous avec ces mesures de protection de la santé et de la vie de nos concitoyens les outils financiers et d'accompagnement utiles et efficaces pour sauver les emplois et l'activité ? C'est cela qui compte, ce n'est pas de refaire le match des mesures de restriction. Il nous faut savoir si les mesures de soutien sont à la hauteur des enjeux liés aux mesures de restriction.
Parallèlement à ce qui a été prévu dans le cadre du PLFSS – certains d'entre vous l'ont suivi – , c'est-à-dire les plus de 2,4 milliards qui ont été mis sur la table et qui font partie du plan d'urgence de 20 milliards, nous avons prévu plus de 17 milliards pour les entreprises à travers ces outils : fonds de solidarité pour 11 milliards, activité partielle pour 3,2 milliards, exonérations de cotisations pour 3 milliards.
Je tiens à saluer les propositions formulées par voie d'amendement par le Gouvernement, notamment en ce qui concerne le soutien au secteur associatif : les 30 millions proposés par Bruno Le Maire et Olivier Dussopt, avec le concours d'Olivia Gregoire, seront les bienvenus. Nous avons adopté cette mesure tout à l'heure lors de la réunion tenue en application de l'article 88 du règlement. Elle sera tout à fait bienvenue pour conforter notre tissu associatif, notamment les plus petites associations, qui souffrent pendant cette période de crise.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Nous devons ensuite soutenir nos concitoyens qui sont fragilisés par la crise. Ne nous trompons pas de réponse : la crise n'a pas paupérisé l'ensemble des Français, c'est faux ; mais elle a aggravé les inégalités : je pense notamment aux familles déjà précaires avec plusieurs enfants, aux étudiants déjà précaires, qui se sont encore appauvris. Il était important de leur apporter une aide exceptionnelle complémentaire, et nous avons été plusieurs à le proposer au cours des derniers mois. C'est chose faite avec la prime de 1,1 milliard proposée dans le PLFR 4, tout à fait salutaire et nécessaire.
Je salue également la proposition du Gouvernement de recharger davantage les crédits de la mission « Travail et emploi », à hauteur de 330 millions, notamment pour l'insertion par l'activité économique. Seul le travail permettra à chacun de sortir de situations difficiles après la crise, et c'est pourquoi nous protégeons les emplois.
Le texte n'oublie pas non plus les collectivités territoriales. Nous avions voté des mécanismes d'avances remboursables, notamment pour les pertes de DMTO des départements. On observe là aussi une faculté de résilience plus importante que prévu, et c'est tant mieux. Toujours en ce qui concerne les départements, les besoins de financement du RSA se sont accrus ; c'est pourquoi nous proposons une subvention de 200 millions. Enfin, comme promis et comme annoncé, les avances remboursables, pour un total de 1,9 milliard, seront bien octroyées pour Île-de-France Mobilités et les autorités organisatrices de mobilité dans le reste du pays.
Vous le voyez, mes chers collègues, urgence et relance doivent aller de pair. Aujourd'hui, nous nous concentrerons sur les mesures de soutien. Ce quatrième projet de loi de finances rectificative, c'est l'urgence, c'est maintenant, c'est pour l'activité économique, pour nos concitoyens et pour leurs emplois !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Je ne sais pas si Noël sera traditionnel cette année, mais ce PLFR ne l'est pas : d'abord par son ampleur – 20 milliards d'euros – , et ensuite parce qu'en général, un collectif budgétaire est un outil de fin de gestion. Or nous sommes ici en présence d'un collectif de reprise de l'épidémie et de mise en oeuvre de mesures d'urgence pour l'économie.
Le Gouvernement va ouvrir 33 milliards de crédits nouveaux, dont 17,3 milliards pour la seule mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire ». Je le répète, l'effort réalisé est nécessaire ; il s'agit pour l'essentiel de poursuivre les dispositifs de soutien qui ont déjà été instaurés au printemps. Mais avec ce PLFR 4, on atteint des températures extrêmes : les chiffres jouent au yo-yo. En trois mois, le déficit de l'État est passé successivement de 225 milliards à 195 milliards, pour se stabiliser – je l'espère – à 222 milliards. Autre chiffre spectaculaire, il est quasiment identique au montant des recettes fiscales, alors qu'en temps normal celles-ci lui sont trois fois supérieures. Il est ainsi financé dans des proportions identiques par la dette et par les recettes fiscales. C'est du jamais vu !
En l'absence de plusieurs scénarios de reconstruction économique, nous sommes dans le flou. Urgence et relance s'emmêlent et s'enchevêtrent : il faut optimiser les moyens pour sortir du cycle de la dette et du chômage. Vous avez indiqué, monsieur le ministre, que le calendrier de la mission « Plan de relance » était le bon. Je le conteste : je pense qu'elle est arrivée trop tard. Elle se heurte aux nouvelles exigences de l'urgence. L'urgence, c'est de la relance, mais à court terme. Ce n'est pas lorsque les entreprises sont fermées administrativement ou partiellement à l'arrêt – pas toutes, certains secteurs vont bien, mais beaucoup vont mal – que nous allons pouvoir pleinement relancer et transformer notre économie. Parce qu'on ne peut pas dépenser tous azimuts et creuser la dette sans fin, vous devez infléchir vos priorités et redéployer une partie des crédits qui étaient prévus pour financer des politiques de long terme vers la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire ». Je pense par exemple au plan vélo, à des projets de transports en commun ou à la décarbonation des entreprises : ce sont des dépenses très légitimes, mais dans l'urgence, il faut tenter de choisir. Ce sont probablement près de 10 milliards, déjà votés dans le cadre de la mission « Plan de relance » du PLF 2021, qui pourraient soutenir la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », soit la moitié des mesures d'urgence du PLFR 4. Concrètement, je propose que le plan de relance finance le plan d'urgence, pour ne pas accroître notre endettement.
Un mot sur le fond des mesures du PLFR. Si la prolongation des outils créés au printemps est une bonne chose, j'ai plusieurs réserves quant à leur efficacité. L'instauration d'un nouveau confinement est une catastrophe pour beaucoup d'entreprises. Pour y faire face, nous proposons de permettre aux collectivités locales d'exonérer les entreprises de leur territoire de l'intégralité de la CFE – cotisation foncière des entreprises. Ce n'est pas le cas. Pour ne laisser aucune entreprise sans solution, nous proposons de transformer une partie des PGE en quasi-fonds propres, pour celles qui sont surendettées ou qui font appel à la dette de manière trop importante, dégradant ainsi leur bilan de façon considérable, et qui auront du mal à relancer les investissements par la suite. Il existe des dispositifs de cette nature, compliqués d'accès : il faut les simplifier. Cette proposition permettrait d'assurer la survie de ces entreprises et de leur donner la capacité de rebond dont elles auront besoin.
Face au poids colossal des charges fixes des commerçants, en particulier du loyer – même si ce n'est pas le sujet du PLFR 4 – , vous allez proposer un crédit d'impôt à hauteur de 30 % du montant des loyers non perçus par les bailleurs. Si l'intention est bonne, la mesure s'avère peu lisible et probablement compliquée d'accès ; elle rend délicate la relation entre bailleur et commerçant. C'est pourquoi nous proposons de créer de façon très simple – comme vous l'avez fait pour le fonds de solidarité, dont il pourrait devenir un volet – un dispositif d'intervention directe sur les loyers.
Enfin, je profite du cinquantième anniversaire de la mort du général de Gaulle pour rappeler ses sages paroles, prononcées en 1963 : « Et de crier : "Des sous ! Des sous ! " ou bien "Des crédits ! Des crédits ! ". Mais les sous et les crédits ne sauraient être alloués que si nous les possédons, si l'équilibre entre nos rémunérations et nos prix, nos achats et nos ventes, nos recettes et nos dépenses ne s'en trouve pas bouleversé [… ] » Admettons qu'il s'agisse d'un autre temps et que la situation exige un soutien de l'économie par la dépense publique et le financement de la dépense publique par la dette. Admettons aussi que cette citation est toujours criante de vérité et d'actualité.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
J'ai reçu de M. Jean-Luc Mélenchon et des membres du groupe La France insoumise une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Éric Coquerel.
En mars dernier, à la France insoumise, comme beaucoup de gens dans le pays, nous étions déjà inquiets. Nous le sommes toujours ; nous le sommes de plus en plus. Inquiets pour la santé de nos proches ; inquiets pour celle de nos concitoyennes et concitoyens ; inquiets de l'ampleur de l'épidémie et de ne pas voir de porte de sortie ; inquiets aussi des conséquences du confinement sur la population, sur l'emploi, sur les liens humains, sur les libertés individuelles et publiques, mais surtout sur la misère et sur la faim. Je l'ai déjà dit dans cette assemblée, mais je ne cesserai de le répéter tant que vos réactions et surtout vos décisions ne seront pas à la hauteur.
Dans ma circonscription, en Seine-Saint-Denis, le préfet en personne s'était inquiété d'un risque d'émeutes de la faim. Depuis des mois, il faisait état de 15 000 à 20 000 personnes risquant la famine rien que dans ce département. Depuis le mois de mars, encore plus que d'habitude, ce sont les collectifs de citoyens et les associations qui suppléent très largement l'État, à bout de bras, avec des moyens dérisoires au regard de la gravité de la situation. Ce matin encore, on me rapportait que dans la seule cité des Francs Moisins, à Saint-Denis, la demande d'aide alimentaire est si importante que le collectif chargé des distributions est désormais contraint de sélectionner les cas prioritaires. Je ne sais pas si vous vous rendez compte de ce que ce constat implique, chers collègues, si vous vous rendez compte de l'ampleur du problème dont je parle, si vous vous rendez compte de ce qu'il faut de courage à des parents pour se lever le matin en ne sachant pas s'ils pourront nourrir leurs enfants le soir, au point pour certains de préférer se sacrifier et ne pas manger pendant des jours pour sauver la mise de leurs enfants, comme nous l'avait raconté l'association Villejuifois solidaires lors d'une audition.
Je ne sais pas si vous vous rendez compte que ce dont je vous parle a lieu en France, dans les foyers des citoyens dont vous êtes la représentation nationale. Quelles réponses nos gouvernants apportent-ils à la banalisation de ces situations, de l'extrême pauvreté et de la faim en France ? Que faites-vous, messieurs les ministres, pour éradiquer la misère à l'heure où plus de 10 millions de Français – soit, selon l'INSEE, 2 millions de plus qu'au début de la crise – sont désormais sous le seuil de pauvreté ? Certes, monsieur le rapporteur général, il ne s'agit pas de tous les Français, mais vous admettrez avec moi que c'est beaucoup, beaucoup trop.
D'une main, dans le PLF, vous continuez les coupes indécentes, notamment dans le budget du ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, dans celui de la transition écologique ou dans celui de l'économie, des finances et de la relance, mais aussi dans les dépenses structurelles de santé du PLFSS, le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Vous allez même jusqu'à diminuer sans gêne de 8 millions d'euros le montant de l'aide alimentaire, et ce dans la situation que je viens de décrire.
De l'autre main, vous avancez, avec ce énième PLFR, une nouvelle preuve de l'échec de votre stratégie et de l'absence de planification, en distribuant des miettes de fin d'année, avec votre aide exceptionnelle de peu de chose. Alors que tout le monde attend l'ouverture du RSA – revenu de solidarité active – aux moins de vingt-cinq ans, vous n'avez rien de mieux à offrir qu'un versement unique de 150 euros. C'est sûr, ça sonne bien, ça aide toujours plus que l'enveloppe de zéro euro des dix derniers mois, mais sur dix mois de crise, cela représente à peine 50 centimes par jour. Il vous aurait fallu à chacun l'équivalent de quarante jours de cette aide pour payer ne serait-ce que votre déjeuner au restaurant de l'Assemblée.
Pendant ce temps, lorsque nous vous interpellons en vous demandant d'ouvrir le RSA aux jeunes, vous répondez, depuis le banc du Gouvernement, que ce serait un fort mauvais message à leur adresser et que ce n'est pas ainsi que vous voyez leur avenir. Vous estimez que les 330 millions d'euros consacrés aux dispositifs de retour à l'emploi, d'insertion par l'activité économique et de je ne sais quel prolongement de l'apprentissage vendu désormais comme un emploi seraient la solution, comme si les jeunes sans emploi n'ayant pas ou plus droit au chômage pouvaient s'en satisfaire et avaient besoin d'une bonne leçon de misère pour aspirer à travailler.
Cette réponse moins pertinente que jamais, compte tenu de la situation que nous connaissons, c'est celle du mépris de classe et du déni de responsabilité : elle consiste à prétendre que quand les jeunes crèvent de faim, c'est parce qu'ils n'ont pas assez cherché de travail, et qu'au final, ça leur apprendra la vie.
« Personne n'a dit cela ! » sur les bancs du groupe LaREM.
Pourquoi ne pas reconnaître qu'il n'y a pas de travail pour eux et que le pays est en ruine – en partie par votre faute, tant votre politique a amplifié les effets de la crise épidémique ? Vous êtes responsables de leur misère, du fait qu'ils ont la boule au ventre parce qu'ils n'ont pas encore réussi à trouver leur alternance à la mi-novembre, qu'ils angoissent en alignant les demandes de stage mal payé ou se plient en quatre dans l'espoir d'être embauchés au SMIC et à mi-temps, alors qu'ils ont un diplôme de niveau bac + 5.
C'est vous qui n'avez pas été capables d'imposer des conditions aux entreprises en échange des cadeaux que vous leur avez offerts depuis le début du mandat et jusqu'au plan de relance. Vous avez distribué tranquillement l'argent des Français à des sociétés qui continuent à licencier tout en gavant leurs actionnaires de dividendes. Vous avez laissé faire sans encombre ceux que j'appelle les profiteurs de crise et autres Amazon, qui se sont fait des milliards grâce au covid sans rendre de comptes à personne – surtout pas à leurs employés et rarement au fisc.
En revanche, quand il s'agit d'aider les indépendants, les commerçants ou les PME en difficulté, vous voilà étrangement capables de leur imposer tout un tas de conditions à remplir pour bénéficier du fonds de solidarité que non, monsieur le ministre, je ne trouve pas à la hauteur.
Vous avez tout à l'heure dédicacé ce PLFR aux commerçants. Beaucoup d'entre eux doivent trouver la dédicace amère. Quels résultats produira ce texte ? Selon les secteurs, certaines entreprises en grande difficulté du fait de la crise ne pourront toucher que l'aide plafonnée à 1 500 euros. Pire : un grand nombre de personnes et d'entreprises ne pourront rien toucher du tout, sous prétexte que leurs pertes n'atteignent pas 50 % de leur chiffre d'affaires habituel, et cela quels que soient leurs revenus.
Dans quel drôle de monde vivez-vous si vous pensez qu'un artisan qui jusque-là se payait à peine au SMIC peut se permettre de perdre 45 % de son chiffre d'affaires sans avoir besoin d'aide ? Dans quel monde vivez-vous si vous trouvez normal qu'un indépendant puisse se retrouver d'un coup avec un revenu inférieur au seuil de pauvreté sans avoir le droit de toucher d'aide, alors qu'un autre peut être indemnisé tout en ayant maintenu un revenu de plusieurs milliers d'euros par mois ?
Pour les loyers, monsieur le ministre, vous laissez finalement au bon vouloir des bailleurs la possibilité de céder le terme de novembre. Je crains que pour beaucoup, cela ne reste un voeu pieux. Comment sont censés faire tous ceux que vous abandonnez, qui n'en peuvent plus de compter chaque centime d'euro, qui espéraient enfin une revalorisation des minima sociaux et se retrouvent seulement avec 100 ou 300 euros en plus, des miettes qui seront englouties par leurs agios ? Je rappelle qu'hier, vous avez repoussé un amendement tendant, pour les plus pauvres, les plus défavorisés, à geler les agios réclamés par les banques.
J'hallucine tous les jours en vous entendant recourir aux mêmes artifices, répéter les mêmes mots, user des mêmes feintes. Il y a quelques jours, en nous présentant le texte, M. Le Maire a indiqué – ce qu'il a d'ailleurs répété à l'instant – que de toute façon, il faudrait rembourser la dette. Vous savez non seulement que c'est faux, mais que c'est de toute façon impossible. Et au lieu d'en prendre acte, vous continuez à répéter ces mantras comme pour vous convaincre de leur efficacité ou plutôt, car je vous vois venir, pour nous convaincre de la nécessité qu'il faudra faire de nouvelles économies sur les dépenses publiques – politique qui a mené à cet affaiblissement de l'État que nous payons tous – , entreprendre des réformes structurelles et relancer votre ravageuse réforme des retraites.
Pour sortir de la crise que nous traversons, vous auriez pu, au lieu de vous préoccuper de maintenir votre cap libéral, votre politique de l'offre, jeter pour une fois un oeil à nos propositions, vous qui avez échoué à tester, tracer, isoler, soigner, faute de prendre à temps des mesures concrètes, ne serait-ce qu'au service immédiat des hôpitaux publics. Dans ce PLFR, un nouveau rectificatif de dernière minute en faveur de la santé publique montre d'ailleurs que vous n'avez pas fait assez depuis mars et que vous vous réveillez trop tard – et insuffisamment.
Le groupe La France insoumise vous a présenté un contre-budget, qui comporte des mesures d'urgence pour la période que nous traversons. Il constitue notre budget d'alternance au PLFR 4 – et surtout l'amorce budgétaire de ce que j'appellerai un alterconfinement. C'est l'opposé de votre politique à la petite semaine qui enchaîne PLFR sur PLFR au lieu d'organiser et de planifier. Parce qu'on ne pourra pas continuer sans causer des dégâts irrémédiables à confiner tout un peuple d'une façon aussi incohérente – qui fait voisiner un confinement familial strict et l'obligation d'aller travailler sans règle réelle visant à adapter les conditions ou le temps de travail afin de limiter les contaminations dans les transports et sur le lieu de travail, de même que l'ouverture des supermarchés et la fermeture de petits commerces présentant parfois de meilleures assurances en matière de protection – , notre contre-budget constitue une amorce pour éviter d'enchaîner confinement sur confinement, comme autant de jokers qu'on poserait sur la table quand on ne sait plus quelle carte jouer.
Pour cela, il faut mettre le budget nécessaire et faire l'effort de penser à la fois l'urgence et le temps long. C'est toute la différence avec ce PLFR 4 auquel nous nous opposons et auquel nous opposons cette solution alternative. Il faut, comme nous le répétons sans relâche, aller chercher l'argent là où il est – ça commence par là – , c'est-à-dire chez les profiteurs de crise que vous arrosez de milliards, chez les évadés et les fraudeurs fiscaux, que vous ne traquez plus suffisamment et auxquels vous envoyez un message rassurant en supprimant encore 1 800 équivalents temps plein à la DGFIP, la direction générale des finances publiques, chargée de faire en sorte qu'ils arrêtent de sévir ou qu'ils sévissent moins, chez les ultra-riches à qui vous avez offert la suppression de l'ISF.
Nous vous demandons aujourd'hui, ce que devrait prévoir un PLFR, de réintroduire dès maintenant un impôt sur la fortune qui permette de faire rentrer tous les ans 10 milliards dans les caisses de l'État. Nous vous demandons de vous attaquer aux dividendes, notamment à ceux que versent les entreprises qui reçoivent des aides de l'État, de taxer les transactions financières, de supprimer les si nombreuses niches fiscales antisociales et anti-écologie. Avec ne serait-ce qu'une poignée de ces mesures, même temporaires si vous le souhaitez et limitées à la crise, c'est tout un horizon des possibles qui s'ouvrirait, au moment où nous en avons le plus besoin.
Nous serions ainsi en mesure de mettre l'argent où il faut, par exemple pour financer la gratuité des masques, qui devrait être une évidence, puisqu'ils sont devenus obligatoires, y compris pour les enfants de plus de six ans, contrairement à ce que vous affirmiez il y a encore quelques semaines. Ce serait d'ailleurs une mesure de santé publique, puisqu'on éviterait ainsi le port de masques usagés.
Ce même argent pourrait financer le recrutement de soignants, de personnels pour nos hôpitaux et nos EHPAD, l'augmentation de leurs salaires et la création d'un pôle public du médicament. Il pourrait aussi permettre de prendre des mesures sociales immédiates, enfin à la hauteur de la situation sociale. Je pense particulièrement aux 18-25 ans, auxquels le RSA doit immédiatement être étendu. Nous proposons aussi la création de 300 000 emplois-jeunes pour cinq ans payés au SMIC. Ces emplois-jeunes seraient si utiles pour répondre aux revendications des enseignants venus manifester aujourd'hui sous les fenêtres de M. Blanquer ! Ces derniers proposent eux aussi des mesures immédiates d'alterconfinement, comme le dédoublement automatique des classes.
Cet argent pourrait également permettre de relever les minima sociaux pour que plus personne ne vive sous le seuil de pauvreté, de revenir sur la réforme du chômage, de financer une année blanche pour les intérimaires et les extras de la restauration et de l'hôtellerie. Il pourrait permettre de venir en aide au monde de la culture, qui est en train de mourir sous nos yeux.
La liste des mesures que nous vous proposons est encore longue, et celles-ci sont concrètes, applicables immédiatement. Il est encore temps. Prises dans leur ensemble comme un projet à la hauteur de la crise que nous vivons, elles permettraient aussi d'amorcer une véritable transition écologique, ne serait-ce qu'en vue d'atteindre les chiffres prévus par l'accord de Paris, qui nécessitent à présent un investissement de 50 milliards par an, comme l'indiquent la plupart des associations – sachant que plus on retarde l'investissement, plus son montant devra augmenter.
Malheureusement, vous préférez, comme à votre habitude, ne jeter sur nos amendements et nos propositions, comme sur ceux de toutes les oppositions, qu'un regard de dédain, ajouter votre suffisance à votre insuffisance, avec cette énième rectification de votre budget désastreux, après avoir, la semaine dernière, refusé une nouvelle fois d'écouter vos oppositions politiques lors du débat sur la prorogation de l'état d'urgence, alors que ceux qui éduquent, soignent, travaillent ont des propositions à vous faire, ne serait-ce que pour vous éviter d'accumuler tant d'erreurs !
Pour toutes ces raisons, nous appelons à rejeter ce quatrième projet de loi de finances rectificative.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Pascal Brindeau.
Les députés du groupe UDI et indépendants ne s'associeront pas à la motion de rejet préalable. On peut ne pas être d'accord avec les orientations prises par le Gouvernement et discuter sur telle dépense visant à soutenir des secteurs économiques en difficulté ou des catégories de salariés. On peut penser, par exemple, que le texte ne va pas suffisamment loin pour soutenir l'action des personnels de santé pendant la crise sanitaire. On peut avoir des divergences avec le Gouvernement au sujet de la dette colossale créée par les projets de lois de finances rectificatives et par le plan de relance. Dès demain, en effet, il faudra réduire la dette pour éviter qu'elle ne pèse durablement sur les générations futures. Mais, pour faire valoir ces arguments, il faut débattre du texte qui nous est soumis. C'est l'une des raison pour lesquelles nous ne pouvons nous associer à cette motion de rejet préalable.
Nous espérons que le Gouvernement sera attentif aux propositions que nous défendrons au cours du débat. Je pense notamment à l'application d'un taux de TVA à 5,5 % à la restauration, qui serait une mesure bienvenue pour soutenir un secteur aujourd'hui quasi-sacrifié.
Le groupe Libertés et territoires ne votera pas la motion de rejet préalable. On peut être d'accord ou non avec le texte – j'y reviendrai au cours de la discussion générale – , mais on ne peut contester que le fonds de solidarité doit faire face à des urgences ou qu'il faut soutenir l'activité partielle.
Nous ne pouvons, quant à nous, soutenir ce quatrième PLFR, pour deux raisons.
D'abord, si les fonds débloqués sont bien sûr nécessaires, le texte ne répond pas à l'impératif d'urgence – la branche descendante du K – que vous évoquiez, monsieur le rapporteur général. Ce n'est pas avec 1 milliard d'euros, même majorés des quelques millions que vous y ajoutez, que nous pourrons répondre à l'urgence sociale qui s'impose à nous devant tant de pauvreté – 2 millions de pauvres supplémentaires à cause des crises et des confinements. Même le fonds de solidarité oublie beaucoup de Français. Nous aurons l'occasion d'y revenir. Pour ce qui est de l'urgence, donc, le texte ne répond pas à la situation.
Il ne permet pas non plus la relance. À cet égard, ce plan n'ouvre aucune perspective : assez peu de relance par le pouvoir d'achat, rien pour répondre aux urgences de l'hôpital ou de l'école et très peu d'investissements publics, qui seraient pourtant nécessaires pour assurer le retour immédiat de l'emploi et la relance de l'économie – y compris des entreprises.
Le PLFR 4 est donc une recette qui ne marche pas : c'est un texte à la petite semaine, qui n'ouvre aucune perspective. C'est la raison pour laquelle le groupe de La France insoumise votera cette motion de rejet préalable.
Le groupe de la France insoumise a déposé une motion de rejet préalable. Nous n'approuvons pas nécessairement cette procédure dans la période actuelle, qui présente plutôt un caractère d'urgence : …
… urgence à répondre aux Français qui tombent dans la pauvreté ; urgence à répondre aux salariés qui perdent leur travail et subissent la précarité ; urgence à soutenir les commerces et les petites entreprises.
En revanche, nous partageons totalement les différents arguments soulevés par notre collègue Coquerel. Avec ce projet de loi de finances rectificative, vous échouez en effet pour la quatrième fois à répondre aux besoins qui s'expriment. Ce texte devrait être placé sous le signe de la solidarité. Or si la solidarité de la nation est réelle, à travers les milliards d'argent public mis sur la table, la solidarité de toute la nation, elle, reste inatteignable : une fois de plus, les assurances, les GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon – , les grandes fortunes et le capital, eux, ne seront pas mis à contribution. Ce sont toujours les mêmes qui payent, les mêmes qui souffrent et les mêmes qui profitent.
Pour cette raison, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera pour cette motion de rejet.
Monsieur Coquerel, vous êtes inquiet – nous aussi, si vous en doutiez ! Oui, nous avons conscience de la réalité de la situation. En revanche, je ne suis pas certaine que vous vous rendiez compte de tout ce que nous faisons au cours de cette crise pour lutter, entre autres choses, contre la précarité. Je crois qu'en réalité, vous ne voulez pas voir, ni entendre.
Vous parlez du RSA des jeunes. Mais ce que nous voulons, c'est sortir du RSA tous ceux qui y sont, en leur donnant du travail !
Par ailleurs, le plan « un jeune, une solution » vous dit-il quelque chose ? Voilà un autre exemple de ce que nous mettons en oeuvre. Vous continuez de ne pas voir. Je ne vous comprends pas – mais ce n'est pas nouveau.
Au-delà de tout ce qu'ont dit les ministres et le rapporteur général, vous voulez, si j'ai bien compris, rejeter, entre autres, les 60 millions d'euros – soit 500 euros par commerce – prévus pour soutenir le déploiement des aides à la numérisation des commerces, que vous êtes supposément les seuls à soutenir. Vous dites non aux 30 millions d'euros alloués aux associations qui n'auront pas pu bénéficier du fonds de solidarité et qui oeuvrent précisément pour aider les personnes en situation précaire. Vous vous opposez aux 330 millions d'euros destinés aux mesures du plan de lutte contre la pauvreté annoncé par le Premier ministre.
Pourquoi, alors que vous exprimez, jusque dans vos interventions lors des séances de questions au Gouvernement, le souhait de soutenir les emplois, les personnes en situation précaire ou les commerces, voulez-vous rejeter ce PLFR ? Pour quel affichage ? Cela me semble complètement incohérent et je ne vois qu'une raison : la volonté de rester dans une posture d'opposition systématique. Il est vrai qu'en la matière, vous êtes assez constants !
Je suis désolée, mais vos explications ne nous ont absolument pas convaincus – pas plus, j'en suis sûre, qu'elles n'auront convaincu toutes celles et ceux qui bénéficieront des soutiens que vous refusez.
Nous, députés du groupe La République en marche, voterons contre cette motion de rejet. Nous vous laissons seuls dans votre posture, voire dans votre imposture, en vous assurant que nous vivons bien dans la réalité, et pas dans une bulle démagogique !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Il est important, en cette période de crise, que nous fassions tous preuve d'un grand sens des priorités et que nous assumions nos responsabilités. Ce constat n'enlève rien à l'exigence totale que nous devons avoir à l'égard du Gouvernement et des mesures qu'il propose pour sauver nos entreprises et nos emplois, mais également pour lutter contre la précarité. Depuis le début de la crise, les députés du groupe Les Républicains ont toujours fait preuve de responsabilité et ont systématiquement été force de proposition pour sauver notre économie. Nous continuerons de le faire dans ce quatrième projet de loi de finances rectificative.
Nous espérons toutefois que le Gouvernement entendra certaines de nos propositions, comme la création d'un fonds spécifique de concours pour couvrir les loyers, mais également, puisque nous en avons longuement parlé en commission des finances, le renforcement de l'équité fiscale entre les géants du e-commerce et le commerce physique, car cette iniquité fiscale est encore plus insupportable maintenant que les petits commerces souffrent et doivent rester fermés. Il y a urgence à apporter des réponses concrètes, claires et rapides aux commerçants, aux artisans et à toutes les entreprises fortement touchées par le deuxième confinement. C'est notre priorité.
Si je comprends l'inquiétude exprimée face à la précarité liée à la crise, j'estime que le fait de ne pas voter le PLFR conduirait à aggraver la situation, parce que les petits commerces et les entreprises ont besoin de visibilité dès maintenant si nous voulons sauver les emplois existants.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.
C'est la raison pour laquelle nous voterons contre cette motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et Agir ens, ainsi que sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Il est assez particulier de commencer l'examen du PLFR 4 par une motion de rejet préalable : vous qui aimez tant débattre, je suis un peu étonné de votre position. En effet, les mesures qui ont été prises dans le cadre des PLFR précédents ont fonctionné : on constate moins de licenciements, moins de faillites et un maintien du pouvoir d'achat. Ce sont des mesures simples, lisibles et qui marchent.
Le texte que nous examinons vise à refinancer certaines mesures et à apporter un soutien particulier aux plus fragiles : 1 milliard d'euros sont ainsi prévus au titre de la prime exceptionnelle versée aux bénéficiaires des minima sociaux. Il constitue aussi l'occasion de débattre, comme nous le faisons depuis le printemps, de la transformation des entreprises, nécessaire pour mieux répondre à la crise, et du renforcement des fonds propres, outil qui sera indispensable au rebond dans les prochains mois.
J'espère que nous pourrons améliorer le texte qui nous est proposé. C'est pourquoi le groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés ne votera pas pour cette motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Le groupe Socialistes et apparentés soutiendra cette motion de rejet préalable, même si cette procédure lui paraît quelque peu en décalage avec l'urgence de la situation et la nécessité de débattre du texte, que nous espérons améliorer.
Nous considérons d'abord que le présent PLFR est loin de répondre à nos concitoyens les plus touchés socialement – cela a été rappelé par notre collègue – , qui sont pourtant souvent les plus impliqués pour faire face à la crise. Nous estimons ensuite que les dépenses engagées auraient pu être limitées si vous aviez tiré les leçons de la première phase en écoutant un peu mieux les enseignants et en prêtant attention aux alertes qui n'ont pas manqué par la suite. Peut-être auriez-vous pu entendre l'avis du Conseil scientifique qui, le 27 juillet, vous alertait déjà sur le fait que le virus circulerait activement à l'automne et sur la nécessité d'agir vite. Nous regrettons votre manque d'anticipation en la matière.
Par ailleurs, comme le souligne notre collègue Coquerel, ce PLFR n'est pas que comptable : il porte aussi l'ADN de votre politique libérale – une politique essentiellement fondée sur l'offre. Nous demandons d'ailleurs un meilleur équilibre entre les politiques de l'offre et de la demande, qui prendrait la forme d'une relance par la consommation. Comme nous l'avions fait dans le cadre du plan de relance, nous vous reprochons, dans ce texte, de financer vos mesures exclusivement par la dette, malgré toutes les propositions que nous avons faites pour les financer par un effort de solidarité des plus aisés. Nous nous inquiétons également de la solvabilité de la dette, car nous ne voulons pas d'un tel fardeau pour notre jeunesse.
Ce texte mérite donc le rejet préalable que souhaite notre collègue Coquerel.
Monsieur le ministre Dussopt, vous êtes donc à la fois responsable et coupable : vous êtes accusé de suffisance, d'insuffisance, de mépris de classe, de déni de responsabilité et d'être responsable des misères des Français – quelle glorieuse litanie !
Monsieur Coquerel, il y a ceux qui agissent, qui prennent des risques, qui font des choix parfois difficiles, terriblement contraignants et souvent impopulaires, mais qui toujours prennent leurs responsabilités ; et il y a ceux qui vont à la chasse aux signatures pour préparer le coup politique d'après !
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Mais le coup d'après, c'est aujourd'hui qu'il se prépare, au moment même où nos concitoyens attendent de leurs responsables politiques qu'ils soient à leurs côtés pour les aider à affronter les vents mauvais à travers le fonds de solidarité, le chômage partiel et tous les outils qui sont déployés. Vous vous trompez lorsqu'au cours d'un débat démocratique – dont vous voudriez nous priver, au demeurant – , vous faites de votre adversaire politique un ennemi, alors que vous devriez plutôt le considérer comme un partenaire du débat démocratique.
Vous refusez systématiquement nos amendements ! Vous n'écoutez personne !
Nous ne sommes pas vos ennemis, nous sommes vos partenaires dans notre démocratie, pour servir nos concitoyens.
C'est la raison pour laquelle, avec tous leurs partenaires de la majorité, les membres du groupe Agir ensemble voteront contre la motion de rejet, parce que vous entendez nous priver d'un débat nécessaire et parce que vous vous trompez de lieu : nous n'examinons pas ici un plan de relance, mais un PLFR.
Applaudissements sur les bancs des groupes Agir ens, LaREM et Dem.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 114
Nombre de suffrages exprimés 113
Majorité absolue 57
Pour l'adoption 10
Contre 103
La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
Nous sommes confrontés à un choc économique sans précédent dû à la pandémie de covid-19. L'examen de ce PLFR 4 intervient dans un contexte d'urgence et de grande incertitude pour l'économie française. Le coût global de la crise sanitaire est estimé cette année à 186 milliards d'euros, dont 100 milliards de pertes de recettes et 86 milliards de mesures d'aides d'urgence. Évidemment, le PLF pour 2021, qui avait pour but d'accompagner le déploiement du plan de relance, devient littéralement caduc, et les prévisions financières qui le sous-tendent sont anachroniques. Nous déplorons qu'aucun scénario de deuxième, voire de troisième vague ne soit formulé en amont – cela nous éviterait peut-être les lois de finances rectificatives successives à examiner en urgence.
Même après le net rebond observé au troisième trimestre, la reprise, fragile dans notre conjoncture déjà très volatile, se heurte au choc de la deuxième vague, qui ébranle encore davantage nos entreprises. Bien sûr, dans ce contexte, nous ne pouvons que soutenir fermement les nouvelles mesures sociales annoncées et l'effort d'élargissement des dispositifs d'accompagnement de nos entreprises, dont beaucoup sont au bord de la faillite. En ce sens, nous saluons naturellement le relèvement de 10,9 milliards d'euros des crédits du fonds de solidarité, les nouvelles exonérations de cotisations sociales à hauteur de 3 milliards d'euros et la hausse de 3,2 milliards d'euros du dispositif d'activité partielle.
Cette pandémie fait vaciller des pans entiers de notre économie ; les suppressions d'emplois et les faillites annoncées ne sont que la partie émergée de la crise, nos PME-TPE souffrent en silence mais elles n'en disparaîtront pas moins par milliers.
À cet égard, comme notre groupe l'expliquait dans son courrier du 30 octobre dernier au Premier ministre, il est contre-productif de continuer à pénaliser les commerces de proximité alors qu'ils se retrouvent en première ligne, entre autres dans les communes rurales et périurbaines. Cette fermeture du petit commerce de proximité est une démarche économiquement destructrice et sanitairement injustifiée, nous n'avons cessé de le démontrer la semaine dernière.
Vous défendez en permanence, monsieur le ministre, l'importance du dialogue et de la concertation entre les territoires et leurs parties prenantes : relevons donc ce défi qui semble une gageure en renforçant le couple maire-préfet ; laissons-les se concerter et décider, par exemple, combien de mètres carrés par client sont nécessaires pour limiter l'affluence tout en permettant l'activité et éviter la destruction d'entreprises et d'emplois, des destructions qui coûteront cher économiquement et socialement. Faisons confiance aux acteurs économiques locaux, qui s'efforceront d'instaurer des protocoles adaptés aux territoires.
La fermeture de rayons dans les supermarchés et le développement de la vente à emporter ne suffiront pas à contrer les géants du numérique. Il faut inscrire ce débat dans une logique d'équité, de proportionnalité et d'efficacité sanitaire. Aujourd'hui, il nous semble que ce n'est pas le cas. Ouvrons les yeux : les GAFA, qui ont publié leurs résultats trimestriels le 5 novembre, affichent une solidité impressionnante, en dépit d'une crise sans précédent qui a provoqué une baisse de 10 % du PIB américain et de 11 % du PIB français. Nous ne pouvons laisser mourir les commerces de proximité, et j'espère que le Gouvernement travaillera le plus tôt possible à leur réouverture en permettant à la fois la sécurité sanitaire et l'activité économique, c'est-à-dire le sauvetage de ces milliers d'entreprises et d'emplois si nécessaires à notre pays.
Tout au long de ces dernières semaines, le groupe UDI et indépendants s'est donc efforcé de faire des propositions au Gouvernement. Nous avons par exemple proposé de casser les chaînes de contamination économique en supprimant les privilèges des créanciers publics dans l'ordre de paiement afin que ceux-ci ne soient pas remboursés avant les fournisseurs – pour sauver ceux à qui les entreprises en difficulté laissent des ardoises. Si cette proposition était suivie, les salaires seraient payés et les entreprises sauvées. Vous ne l'avez pas retenue.
Une autre mesure nous paraît indispensable pour sauver nos PME-TPE : transformer leurs PGE en obligations Relance Covid. Ils deviendront ainsi des quasi-fonds propres remboursables sur quinze ou vingt ans, ce qui permettrait aux entreprises de retrouver leurs marges tout en sauvant des emplois et de relancer l'investissement, alors qu'elles sont aujourd'hui asphyxiées par une montagne de dettes.
Enfin, des mesures de soutien bien plus offensives dans certains secteurs nous semblent indispensables pour l'économie présentielle. Nous proposons ainsi d'instaurer un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée à 5,5 % pour l'ensemble des activités commerciales des secteurs de l'hôtellerie, de la restauration, des cafés et des bars jusqu'à la fin de l'année 2021 afin de leur permettre de survivre et de se reconstituer.
D'autres mesures doivent être prises pour rééquilibrer les inégalités de traitement que j'ai évoquées entre les plus grands et les petits : on pourrait par exemple envisager que la grande distribution, les plateformes de vente en ligne et les assureurs contribuent à un fonds de solidarité élargi en faveur des petits commerces, monsieur le ministre. Nous y reviendrons bien sûr au cours du débat.
Les perturbations économiques dues à la pandémie et à la riposte budgétaire offrent certes l'occasion de réorienter l'économie française en accompagnant nos entreprises, mais il faut se rendre à l'évidence : nous nous dirigeons vers la pérennisation de la dynamique confinement-reconfinement, par vagues épidémiologiques successives. Il faut l'anticiper et de nombreux autres PLFR seront dès lors nécessaires. Toutefois, je ne crois pas que nos entreprises et notre budget y soient prêts.
Le groupe UDI et indépendants soutiendra évidemment ce texte, mais en demandant au Gouvernement, à l'avenir, d'anticiper un peu plus pour permettre de sauver beaucoup plus.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
Une pandémie, deux confinements, un plan de relance, quatre lois de finances rectificatives : à n'en pas douter, l'année 2020 restera dans les annales comme celle de toutes les crises. Nous sommes entrés dans une récession qui s'annonce d'une rare violence, avec un PIB en contraction de 11 % en 2020 selon le dernier chiffre du Gouvernement. M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance nous disait mi-octobre qu'un reconfinement généralisé coûterait 15 à 20 milliards par mois. Le Haut Conseil des finances publiques estime, lui, le coût mensuel à 36 milliards. Depuis le 30 octobre et au moins jusqu'au 1er décembre, notre pays vit confiné, notre économie est ralentie, certains secteurs sont durablement à l'arrêt. Cependant, la Banque de France nous a informés que l'impact économique du second confinement serait moins important que celui du premier : l'activité devrait reculer de 12 % en novembre tandis qu'elle avait plongé de 31 % en avril. Cette dégradation moindre que redoutée permettra-t-elle d'éviter les défaillances en série ? Rien n'est moins sûr.
Face à cette situation qui nous dépasse, le Gouvernement a fait le choix de réabonder à hauteur de 20 milliards les dispositifs de secours déjà existants pour l'essentiel : garantie d'emprunts par l'État, prolongement du dispositif d'activité partielle – 2,1 milliards – , fonds de solidarité pour les TPE – 10,9 milliards – , prolongement des exonérations de cotisations sociales – 4,3 milliards. On peut noter, monsieur le ministre, que vous n'accordez que 1,2 milliards, soit 11 % du total, à la prime précarité du plan Pauvreté. Est-ce équilibré ? Mais notre groupe Libertés et territoires salue l'augmentation substantielle des crédits alloués au fonds de solidarité, qui est prolongé. Ces mesures ont montré leur efficacité.
Là où je dois vous redire mon inquiétude, c'est sur votre choix de recourir massivement à la dépense publique et à l'emprunt pour éviter un effondrement économique et social, sans recourir à des économies structurelles pour financer une partie de ces dépenses exceptionnelles. Notons que depuis mars 2020, la crise de la covid-19 a provoqué des pertes de recettes de 100 milliards – je m'interroge toujours sur la très forte hausse des recettes d'IS et même d'IR, ainsi que de TVA, que vous avez constatée fin septembre… mais attendons la fin de l'année. Dans le même temps, la hausse des dépenses s'est élevée à 86 milliards, dont 66 milliards votés avant le PLFR 4 via les mesures temporaires d'urgence sanitaire et économique. Le coût total de cette crise s'élève donc à 186 milliards d'euros. C'est abyssal !
Voilà le coût du « quoi qu'il en coûte ». Peut-on encore parler de budget, monsieur le ministre, dans ces conditions ? Je le dis depuis des mois : ce ne sont plus des budgets, c'est un open bar ! Évidemment, la situation exceptionnelle appelle des réponses qui le soient aussi. Mais notre assemblée ne vote que des budgets globalement dénués de sens, car on ajoute chaque jour des dépenses supplémentaires sans financement autre que par l'emprunt. Une nouvelle fois, on se contente d'enregistrer les dépenses. Mais comment financez-vous toutes ces mesures d'urgence qui s'ajoutent au plan de relance dont le vote interviendra la semaine prochaine ? Au risque de passer à nouveau pour un Cassandre dans cet hémicycle, je vous demande qui va payer à la fin – question que se posent tous nos concitoyens, car à la fin, il faudra bien payer. Pour le dire moins trivialement, nous appelons votre vigilance quant à la soutenabilité à moyen terme des finances publiques françaises – ce que rappelle d'ailleurs le Haut Conseil des finances publiques, sachant que l'endettement public va atteindre 120 % du PIB en fin d'année,
Je rejoins les propos du président de la commission : au regard de l'incertitude économique, pourquoi ne pas présenter plusieurs scénarios de budget afin de faire face à toutes les éventualités possibles ?
Je souhaite ajouter plusieurs autres remarques.
Tout d'abord, malgré vos efforts, des trous demeurent dans les dispositifs d'urgence. Je pense notamment à l'absence de plan d'accompagnement territorial, pourtant promis pour les outre-mer, Lourdes et la Corse – leur situation demandant une réponse rapide du Gouvernement, qui avait promis des mesures spécifiques en mai. Où en êtes-vous, monsieur le ministre ?
Par ailleurs, comme l'ont montré nos discussions en commission des finances, la réponse du Gouvernement semble insuffisante face à la situation critique dans laquelle se trouvent nombre de commerçants pour régler leur loyer. La création d'un crédit d'impôt de 30 % incitant les bailleurs à annuler une partie de leur loyer n'est pas à la hauteur de l'enjeu ; le loyer constitue une charge fixe qui pèse sur la survie d'une entreprise. C'est pourquoi notre groupe propose plutôt une mesure complémentaire telle que la mise en place d'un fonds de soutien pour les loyers commerciaux. Il s'agirait de créer un dispositif simple et compréhensible, accessible rapidement et donc efficace immédiatement.
Enfin, les mesures de fermeture des commerces non alimentaires ont entraîné une hausse considérable du chiffre d'affaires et des bénéfices attendus du e-commerce, notamment des grands groupes du secteur tels Amazon. Comme le Gouvernement a proposé de créer un impôt exceptionnel sur les complémentaires santé au motif d'une augmentation de leurs bénéfices liée aux mesures de confinement, ne serait-il pas logique de créer un impôt exceptionnel sur les grandes entreprises du e-commerce ? C'est l'objet d'un amendement que notre groupe a déposé et j'espère que la discussion des articles nous permettra d'obtenir des avancées sur ce sujet.
En cohérence avec ses votes sur les trois premiers projets de loi de finances rectificative, le groupe Libertés et territoires ne votera pas contre ce quatrième PLFR.
Il est heureux que nous arrivions à la fin de l'année car les PLFR 2020 se suivent et se ressemblent, faisant de l'exceptionnel une énième routine parlementaire. En effet, il s'agit ici peu ou prou d'une actualisation des dispositifs déjà mis en place lors du précédent confinement : abonder le fonds interentreprises, financer le chômage partiel, exonérer davantage les entreprises et quelques menus soutiens sectoriels. J'entends déjà – et encore – la majorité se récrier : « Il s'agit d'un effort sans précédent, nous faisons mieux que nos voisins européens en soutenant le tissu économique ! » Et nous de lui faire remarquer que les aides et autres allégements de cotisations ne doivent pas se faire sans contrepartie, que s'entêter dans une politique de l'offre est un non-sens économique, qu'il faut soutenir directement le pouvoir d'achat de nos concitoyens, notamment les plus précaires, qu'il faut consentir un investissement public massif pour éviter la faillite de pans entiers de notre appareil productif, et que le fameux plan de relance qui ne planifie rien – ou si peu – ne relancera pas davantage une économie devenue atone, qu'il ne répondra à aucune des urgences, ni à celle des hôpitaux ni à celle des écoles, et encore moins à celle de la population précaire, que prendre le problème dès à présent à bras-le-corps par un plan de relance efficace aurait évité demain d'enchaîner à nouveau les PLFR.
Car la réalité. c'est aussi 2 millions de personnes qui rejoignent la cohorte des précaires ; la réalité, c'est à peine 1 milliard dédié aux plus précaires dans cette quatrième version du PLFR, une obole de 150 euros à 550 euros, pondérée en fonction du nombre d'enfants et dont les étudiants non boursiers ne devraient pas même bénéficier, une somme dérisoire face aux difficultés croissantes et à la paupérisation visible de notre société… 150 euros pour dix mois de crise, c'est à peine 50 centimes par jour ! Voilà de jolies étrennes pour Noël !
Et alors que la majorité ne cesse de chanter les louanges de l'esprit d'initiative, de l'esprit d'entreprise, comment ne pas voir dans quelle détresse inextricable se trouvent aujourd'hui plongées nos PME-TPE ? Certes, plus de 10 milliards sont consacrés à abonder de nouveau le fonds de solidarité interentreprises, mais cette aide, quand on l'examine dans le détail, apparaît insuffisante et mal ventilée. Beaucoup ne pourront y avoir accès : les entreprises dont le chiffre d'affaires sera tout juste supérieur à la moitié de ce qu'elles engrangeaient l'année dernière n'auront rien du tout. De même, un indépendant enregistrant une baisse de chiffre d'affaires de 40 % par rapport à son chiffre d'affaires habituel de 1 200 euros ne percevra que 720 euros de revenus d'activité, sans être aucunement indemnisé par le fonds de solidarité. 720 euros, soit bien moins que le seuil de pauvreté. Pourquoi ne pas avoir conçu un barème plus progressif, plus respectueux de la diversité de notre tissu économique, qui puisse lisser l'effort fourni par la collectivité nationale alors que l'initiative privée partout défaille ?
Et toujours rien pour les extras de l'hôtellerie !
Pourquoi non plus ne pas avoir ouvert un fonds de solidarité pour les associations, si utiles en temps de crise, plutôt que de proposer une aide au rabais ?
La défaillance que vous refusez de voir, c'est celle des grandes entreprises qui refusent d'investir, qui profitent de vos largesses pour engraisser les actionnaires et licencient à tour de bras ; citons Vivendi, dont les dividendes augmentent de 20 % pendant que ses filiales ont recours au chômage partiel. Comment ne pas penser aussi à Amazon, ce nouveau Père Noël qui représente aujourd'hui 20 % du commerce virtuel en France et auquel M. Le Maire a refusé de s'attaquer : plus 40 % de chiffre d'affaires à la faveur de la pandémie, et personne ne songe à lui demander des comptes ! Prendre l'argent là où il est, c'est la garantie de ne pas faire peser sur les générations futures une charge injuste. Après vos envolées sur le thème de la dette, je vous croyais, naïvement sans doute, sensibles à ce sujet ; mais avec ce quatrième PLFR, vous douchez une fois de plus tous nos espoirs et ceux de nos concitoyens.
Mais à quoi bon insister, chers collègues, à quoi bon s'épancher devant un hémicycle qui se transforme en scène de vaudeville, avec un ballet d'entrées et de sorties de députés de garde, juste là pour appuyer sur le bouton au bon moment ?
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Dans le champ de ruines économique que vous nous préparez, les Français viendront bientôt vous demander des comptes. Il devient urgent de faire de la politique pour ouvrir d'autres horizons !
En attendant, les députés du groupe la France insoumise voteront contre ce projet de loi.
Cette nouvelle loi de finances rectificative intervient alors qu'une deuxième vague de la pandémie frappe notre pays. La France allait être prête, avait promis le Président de la République ; elle en est loin. Je regrette encore une fois que vous ayez fait le choix d'un tel confinement, qui privilégie l'économie au détriment de la santé, qui est doux pour les grandes entreprises, juteux même pour les GAFA, mais très dur pour les petites, pour les commerçants comme pour les ouvriers, les enseignants ou les soignants – tous les premiers de corvée exposés à la maladie.
Les activités non essentielles des usines restent autorisées, alors qu'elles étaient suspendues en mars dernier. C'est autant de foyers de contamination en plus, et les salariés vont au travail car ils ont peur de se retrouver en chômage partiel et de perdre encore 16 % de leur salaire, soit 200 ou 300 euros qui comptent sur un salaire de 1 500 euros net.
Je vous le redemande ici : mettez en place un confinement cohérent, le même pour tous, qui protège nos vies. Notre pays déplore 40 900 morts ; l'Allemagne, 11 400 – il y a quand même un problème ! Pour faire face à ce confinement de l'économie, il faut aider plus celles et ceux qui en ont besoin. Je pense à ceux qui pleurent devant leur commerce fermé, tous ces hommes et ces femmes qui ont dépensé leurs économies, épuisé leur trésorerie avec la première vague ; aujourd'hui, ils ont besoin d'être accompagnés à 100 %.
Il est temps de mettre à contribution ceux qui n'ont pas été au rendez-vous, voire qui profitent de cette crise : nous vous proposerons de faire enfin payer les assurances, qui sont toujours là pour encaisser, mais qui ont des gros oursins dans les poches. Nous pouvons aller chercher 5 milliards sur les plus de 100 milliards de réserves dont elles disposent. En juin 2020, AXA avait annoncé qu'il divisait par deux ses dividendes, ce qui laissait quand même 1,7 milliard d'euros aux actionnaires.
Ceux qui ont profité de la crise, tout le monde les connaît désormais : c'est Amazon et les autres GAFA, qui ne déclarent quasiment aucun bénéfice en France puisque les trois quarts sont rapatriés au Luxembourg, en Irlande ou aux Pays-Bas. Ces entreprises payent deux à trois fois moins d'impôts qu'une entreprise française. Non seulement ce sont des délinquants en col blanc, mais en plus ils profitent de cette crise tout en touchant de l'argent public. Alors nous vous disons : Amazon encaisse ici, il doit payer ici –
l'orateur brandit un panonceau
je le montre, parce qu'ainsi l'idée s'imprime mieux ! Nous vous proposerons, dans le cadre de ce PLFR, une vraie taxe sur les GAFA, une taxe coronavirus pour plus de justice dans ce pays, parce que votre taxe, monsieur le ministre, rapporterait 300 millions d'euros quand ce sont des milliards d'euros de fraude fiscale qui plombent le budget de la nation ; …
… parce que votre taxe ne fera qu'effleurer Facebook et Google, tout en épargnant Amazon et les géants du e-commerce. Ce sont ces entreprises, dont le chiffre d'affaires dépasse les 750 millions d'euros, qu'il faut toucher et taxer. Nous proposons aussi de taxer les dividendes et de prélever à la source les bénéfices des multinationales pour qu'elles paient leurs impôts ici, comme tout le monde. Oui, il faut maintenant montrer les dents, dire stop à ces tricheurs et aux aides publiques que vous leur versez : crédit d'impôt recherche, baisse de cotisations sociales via le crédit d'impôt compétitivité emploi – CICE – , baisse des impôts de production demain. Nous vous proposons de la justice fiscale : qu'elles paient des impôts comme tout le monde, et que cet argent serve à abonder un fonds qui bénéficiera à tous nos commerçants et à toutes nos PME !
Enfin, il est temps d'agir plus fortement pour les plus modestes et les précaires, qui sont les grandes victimes de la situation. Là non plus, les réponses ne sont pas suffisantes. Avec deux primes que vous accordez en ultime recours, vous n'offrez pas de solution pérenne à ceux qui vivent avec 586 euros ni aux jeunes qui sortent de l'école et qui arrivent sur le marché du travail – ils n'auront rien.
Notre constat sur ce PLFR reste donc identique à celui sur le précédent : tapis rouge pour les grandes entreprises, aides insuffisantes pour les petites et service minimum pour les travailleurs modestes et les précaires.
Dans une telle situation, sauf si ces enjeux sont pris en compte dans la discussion, les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, dans un esprit de résistance à votre projet et de combativité pour la France, ne voteront pas ce PLFR.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.
Je me souviens qu'au début de ce mandat, c'était une fierté pour nous de défendre un projet de loi de finances rectificative sans aucun décret d'avance, parce que c'était le gage de la sincérité de notre budget.
Les temps changent, mais c'est avec la même sincérité que nous adaptons nos dispositions à l'évolution de cette crise sanitaire imprévisible.
Vous connaissez l'adage « jamais deux sans trois » ; nous disons, pour notre part, « jamais trois sans quatre », et nous irions plus loin s'il le fallait, pour chaque fois mieux adapter, mieux cibler, mieux aider. Le « quoi qu'il en coûte », répété depuis le début de cette crise, nous oblige tous, et nous répondons une nouvelle fois présent. Mais nous le faisons en écoutant aussi l'inquiétude des Français devant l'augmentation de la dette, qui bien sûr nous oblige aussi. Amin Maalouf dit que la sagesse est un chemin de crête, la voie étroite entre deux précipices, entre deux conceptions extrêmes. Nous y sommes.
Ce sont 20 milliards d'euros supplémentaires qui sont mobilisés pour la fin de l'année 2020, avant l'entrée en vigueur du projet de loi de finances 2021. C'est donc un projet de loi qui adapte et améliore nos dispositifs pour répondre à la triple urgence : sanitaire, économique et sociale.
Parce que l'urgence est d'abord sanitaire, ce texte mobilise un total de 2,4 milliards d'euros pour renforcer les moyens de nos établissements de santé afin de leur permettre de faire face à cette seconde vague dont nous savons désormais que le pic est à venir. Je veux ici une nouvelle fois exprimer la pleine solidarité de la majorité présidentielle avec nos personnels soignants – infirmières, médecins de ville, de campagne et des hôpitaux, toutes les personnes qui oeuvrent chaque jour pour combattre l'épidémie. Elles appelaient à des mesures fortes de restriction pour combattre le virus. Pendant que les oppositions fustigent la majorité, sans écouter ce que veulent les Français, nous répondons présent pour nos personnels soignants lorsqu'ils ont besoin de moyens supplémentaires !
Parce que l'urgence est aussi économique, nous prévoyons 3 milliards supplémentaires d'exonérations de charges pour nos entreprises et consacrons 3,2 milliards à la poursuite du financement de l'activité partielle. Nous ne laissons pas nos entreprises sur le bord de la route. Nous les accompagnons, pour les aider à traverser cette période difficile. Je veux ici avoir une pensée sincèrement émue pour nos dirigeants de TPE et PME, dont j'étais il n'y a pas si longtemps : ils luttent, je le sais, chaque jour, pour leur survie tout en trouvant l'énergie de faire preuve de solidarité. Je pense aux libraires, qui s'organisent pour livrer les personnes les plus âgées ; je pense aux fleuristes, qui offrent des bouquets à nos personnels soignants pour adoucir leurs angoisses lorsqu'ils sortent de leurs gardes, trop souvent difficiles. Je veux les remercier chaleureusement parce qu'ils font bloc, comme l'ensemble des Français, pour faire face à cette crise.
Enfin, parce que l'urgence est aussi sociale, près de 11 milliards d'euros sont consacrés au fonds de solidarité, avec un accès élargi et des montants augmentés. Le texte prévoit également 1,1 milliard d'euros pour les ménages les plus fragiles, dont on sait qu'ils sont les plus exposés au virus. Nous les soutenons et les accompagnons. Nous connaissons leurs difficultés, renforcées par la crise, et ce projet de loi leur apporte, une nouvelle fois, des mesures dédiées.
Nous agissons aussi pour nos jeunes. Nous avons notamment mis en place l'aide exceptionnelle de 150 euros pour les étudiants boursiers et les jeunes bénéficiaires des APL. Nous avons beaucoup entendu les oppositions au début de la législature à ce sujet ; où sont-elles maintenant pour nous soutenir et pour appuyer ce genre de mesures ?
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Où sont-elles pour écouter et accompagner les Français dans leurs préoccupations sanitaires, sociales, économiques ?
Pendant que certains sont centrés sur leurs ambitions électorales, proférant des discours d'une démagogie aussi caricaturale qu'indécente, la majorité présidentielle répond présent pour soutenir nos jeunes, nos personnels soignants, nos entreprises et leurs salariés, pour soutenir les Français dans cette fin d'année à bien des égards suffocante, face à un virus meurtrier. Oui, nous le répétons, oui, nous le martelons : quoi qu'il en coûte, jusqu'au bout !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Nous nous retrouvons aujourd'hui pour examiner un nouveau projet de loi de finances rectificative, le quatrième depuis le mois de mars. Le caractère inédit de ces dépenses nouvelles, leur importance et leur récurrence traduisent évidemment la violence de la crise sanitaire, économique et sociale que nous subissons et qui n'a fait que trop de victimes. En mars, l'épidémie de covid-19 nous avait imposé un confinement qui a mis notre pays à l'arrêt pendant deux mois. La virulence de la deuxième vague nous conduit désormais à un reconfinement qui met cette fois notre pays au ralenti. Nous comprenons ces mesures prises pour protéger nos concitoyens et notre système de santé, même si nous contestons votre choix de fermer à nouveau tous les petits commerces qui seraient parfaitement capables de respecter des conditions sanitaires strictes.
Certes, la situation est particulièrement grave…
… et nous devons tous avoir conscience de ses conséquences dramatiques sur notre économie. La récession sera de 11 % cette année, menaçant la survie même de nombreuses entreprises. Le chômage vient déjà de bondir à 9 % des actifs, le déficit sera de 11 % du PIB, la dette s'élève à quasiment 120 % de la richesse nationale et la dépense publique atteint 64,3 % du PIB. Derrière, ce sont 100 milliards d'euros de pertes de recettes fiscales que subira la France, croulant toujours sous un taux historique de prélèvements obligatoires à 45,2 % pour l'année 2020.
Nous regrettons une nouvelle fois que la France ait abordé cette crise en situation de fragilité vis-à-vis de nos voisins, car vous n'avez pas su profiter des trois dernières années de croissance pour restaurer nos marges de manoeuvre budgétaires.
Nous approuvons cependant vos mesures d'urgence et le renforcement indispensable du soutien à notre économie à travers le fonds de solidarité, le chômage partiel, les exonérations de charges – je rappelle que les députés du groupe Les Républicains ont été les premiers à demander cette mesure – …
… ou encore les 1,2 milliard d'euros débloqués pour les bénéficiaires du RSA et des APL.
Mais nous peinons à comprendre certaines des mesures économiques prises ou omises dans ce PLFR.
L'une des grandes inquiétudes qui nous gagnent à la lecture de ce texte concerne – vous le savez, monsieur le ministre, nous l'avons déjà dit – les loyers. Notre groupe sensibilise le Gouvernement et la majorité sur ce sujet depuis le premier PLFR, c'est-à-dire depuis le mois de mars. Le crédit d'impôt de 30 % est un premier pas, mais il ne suffira pas. Les loyers payés par les entreprises ne sont en effet pas pris en compte par le fonds de solidarité mis en place au début du premier confinement, il y a de cela huit mois. Et pourtant ces loyers demeurent des charges très importantes, des charges fixes qui pèsent sur nos entreprises. C'est la raison pour laquelle nous demandons par amendement de créer un fonds de 2 milliards d'euros pour aider les commerçants à s'acquitter de leur loyer : ce serait une véritable aide, pragmatique et simple à mettre en oeuvre.
Notre deuxième sujet de préoccupation concerne les prêts garantis par l'État, utilisés à grande échelle depuis le début de la crise. Les plans d'affaires qui ont été prévus, mois par mois, par les entreprises au moment de contracter ces prêts sont aujourd'hui caducs. En effet, la plupart d'entre eux ont été pensés en prévision d'un rebond fort de l'économie et d'une reprise importante de l'activité à l'approche des fêtes de Noël. La fermeture des commerces considérés comme non essentiels et le nouveau confinement mettent à mal toutes ces perspectives.
Nous regrettons que rien n'ait été prévu pour rectifier le tir. C'est pourquoi le groupe Les Républicains vous propose de transformer le PGE en quasi-fonds propres pour les entreprises surendettées.
C'est une mesure indispensable et qui, chers collègues, devrait nous rassembler.
Nous pensons également qu'il est important de donner davantage de latitude aux collectivités territoriales pour exonérer de cotisation foncière des entreprises – CFE – les entreprises qui souffrent le plus de la crise. Depuis le début de la crise sanitaire, les députés de notre groupe, en responsabilité, ont voté chacun des textes d'urgence budgétaire pour soutenir les entreprises menacées. C'est pourquoi vos propos, madame David, n'étaient pas du tout appropriés quand vous avez cité l'opposition.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous n'avons cessé, par ailleurs, de vous faire des propositions pour améliorer les dispositifs, pour étendre leur portée ou pour en corriger les insuffisances. Nous avons d'ailleurs été les premiers à réclamer une prolongation du PGE, …
… une extension du fonds de solidarité, une aide spécifique sur les loyers et surtout une annulation de charges massive – autant de mesures que vous avez systématiquement rejetées avant de les reprendre à votre compte, mais hélas avec retard.
Aussi, malgré les nombreuses incertitudes et insuffisances de ce quatrième PLFR, nous savons combien ces 20 milliards d'euros supplémentaires débloqués sont nécessaires. Espérant qu'ils seront mieux écoutés que lors des examens précédents, les députés Les Républicains voteront donc ce quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020, comme les précédents, notre économie ayant un besoin urgent de soutien durant les dures semaines qui l'attendent.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous sommes réunis pour le traditionnel examen du collectif budgétaire de fin d'année ; mais le mot « traditionnel » n'est certainement pas le bon si l'on en juge par le contenu du texte. Au-delà de l'outil de régulation de fin de gestion classique, il est la continuité d'un budget d'urgence et de soutien pour faire face à la crise ; il a par conséquent une signification particulière, il a un autre goût. En effet, avec ce projet de loi, nous réarmons – et le mot « réarmons » compte – les dispositifs anti-faillites et anti-licenciements mis en place depuis le printemps.
Ces dispositifs ont fonctionné avec des outils clairs, simples : activité partielle, exonérations, fonds de solidarité… Il faut continuer en ce sens, messieurs les ministres ; c'est pourquoi nous rechargeons ainsi les crédits de ces dispositifs. En même temps, nous les renforçons, notamment par le biais du fonds de solidarité, qui bénéficiera de 10,9 milliards d'euros de crédits supplémentaires par rapport à juillet. Ce financement permet d'améliorer ce fonds, vous en avez longuement parlé. C'est un dispositif de soutien sans précédent pour les très petites entreprises, les auto-entrepreneurs et les indépendants. Il s'agit là du premier objectif, celui de la protection financière des entreprises à travers le soutien massif qui leur est apporté.
J'appelle toutefois l'attention du Gouvernement sur la situation spécifique de certains travailleurs non salariés qui se retrouvent parfois pour la première fois dans une très grande précarité. Ces indépendants ne sont pas en mesure de se verser une rémunération depuis plusieurs mois. C'est toute une population qui se trouve ainsi fragilisée et vis-à-vis de laquelle il faut avoir une attention particulière. C'étaient, ce sont et ce seront des créateurs de richesses indispensables à notre relance, à notre rebond et à notre retournement dans quelques mois.
Ensuite, il s'agit de continuer d'oeuvrer au raffermissement des entreprises françaises car une entreprise qui disparaît, c'est un tissu de relations, un savoir-faire, une culture, une communauté qui sont perdus à jamais. Nos entreprises, nos commerces, nos artisans sont un trésor national, qu'il est de notre responsabilité de protéger, d'accompagner et surtout de rassurer. Le groupe Mouvement démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés entend ainsi poursuivre et accélérer la discussion entamée avec le Gouvernement au sujet des fonds propres des entreprises.
Ce PLFR poursuit un second objectif : renforcer le soutien à nos concitoyens. Ainsi, je rappelle que le dispositif activité partielle, souvent considéré comme un outil au service des entreprises, est également et surtout une mesure sociale permettant de réduire le chômage, de maintenir le pouvoir d'achat et de conserver les emplois – cela grâce aux 34 milliards d'euros alloués. Et pour les plus fragiles, l'enjeu est de briser la pauvreté, mais aussi et surtout de conjurer la peur d'y retourner. C'est pourquoi la mission « Cohésion des territoires » est augmentée de 2,1 milliards d'euros, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est renforcée par 1,6 milliard d'euros.
En clair, le Gouvernement nous propose un véritable plan de défense économique et social, qui répond tout à la fois à la nécessité absolue de préserver les entreprises, l'emploi, le pouvoir d'achat et de soutenir nos concitoyens les plus fragiles. C'est pourquoi les députés de notre groupe voteront bien évidemment ce projet de loi de finances rectificative. Toutefois, tous ces efforts financiers pour répondre à la crise économique seront vains si la confiance ne revient pas. Or, pour que la confiance progresse, il faut que le virus régresse. Il y va de la responsabilité de chacun : respecter les gestes barrières, la distanciation sociale, les consignes sanitaires. Chaque citoyen détient également la clé du sauvetage de l'économie française.
Enfin, sans visibilité sanitaire et au-delà des mesures évoquées précédemment, nous devons affirmer notre stratégie, monsieur le ministre délégué, une stratégie politique et économique pour rassurer à la fois les entreprises et la population, avec une double ligne de conduite présente dans ce projet de loi : celle consistant à soutenir les entreprises avec force et justesse, quoi qu'il en coûte, toujours, et celle consistant à protéger financièrement la population jusqu'au retournement de cette situation.
Il y va, chers collègues, de notre responsabilité de douter avec humilité, mais aussi d'avancer résolument dans ces deux directions politiques.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et Agir ens, ainsi que sur quelques bancs du groupe LaREM.
Nous sommes réunis pour l'examen du quatrième projet de loi de finances rectificative. Sur la forme, le moins que l'on puisse dire, c'est que les conditions d'examen de ce texte sont à l'image de votre considération pour le Parlement, particulièrement déplorables : remise tardive des documents et intégration douloureuse de ce texte à l'agenda parlementaire. Pourtant, il me semble que la situation mériterait un peu de recul, mériterait une réflexion plus approfondie pour des réponses appropriées à ce moment si particulier.
Sur l'environnement sanitaire et ses conséquences budgétaires qui nous amènent à ce PLFR 4, on peut partager certains points d'analyse. En effet, si certains secteurs, dans les services, notamment l'hébergement et la restauration, devraient subir un impact comparable à celui du confinement du printemps, le confinement qui a pris effet le 30 octobre devrait avoir un impact plus circonscrit sur l'activité économique. Le maintien des guichets de service public devrait quant à lui limiter la baisse directe d'activité sur les services non marchands. Face à ce constat macro-économique, vous prévoyez un « atterrissage » de fin d'année avec une chute du PIB de 11 %, un déficit qui devrait atteindre 11,3 % du PIB et une dette qui s'établirait à près de 120 % du PIB.
Sur ce constat budgétaire, considérant les éléments d'analyse qui fondent vos prévisions pour la fin de l'année, et comme a pu le déduire le Haut Conseil des finances publiques, vos hypothèses semblent cohérentes au vu des incertitudes entourant les conditions sanitaires. Pourtant, si l'on peut dire que ce texte prend acte de la dégradation consécutive à la seconde vague, il est certainement plus juste de dire qu'il représente une défaite à la suite d'un déconfinement raté. En effet, avec une meilleure préparation non seulement en amont de la pandémie – si, par exemple, le Gouvernement avait mieux écouté les soignants, en grève depuis un an – , mais aussi pendant l'entre-deux vagues, l'impact budgétaire des mesures d'urgence aurait pu être moindre. Nous n'en serions pas là sans cette impréparation flagrante. Nous n'en serions pas là si vous aviez aussi suivi avec rigueur l'avis no 8 du 27 juillet 2020 du Conseil scientifique, qui prévoyait déjà un haut niveau de circulation du virus pour octobre. D'ailleurs, vous ne réagissez toujours pas quand il confirme cet avis, le 11 septembre, et vous demande une réaction rapide.
Difficile, donc, d'approuver ce texte, d'abord à cause d'un niveau de dépenses qui aurait pu être limité, je viens de le rappeler, mais aussi à cause de mesures et de dépenses qui mériteraient d'être mieux ajustées aux secteurs d'activité et « mieux-disantes » pour ceux de nos concitoyens les plus exposés, les plus touchés, les plus fragilisés par les conséquences économiques, sanitaires et sociales de la crise.
Difficile d'approuver ce texte, parce qu'il n'est pas qu'un document comptable. Il porte aussi les gènes de votre stratégie, celle d'un financement essentiellement par la dette des mesures d'urgence et du plan de relance. D'une part, vous n'avez pas le droit d'accabler autant notre jeunesse, son avenir, en lui imposant un tel fardeau ; d'autre part, les rebonds épidémiques bousculent votre stratégie d'un retour rapide à la croissance. Aussi nous inquiétons-nous de la solvabilité de la dette. Nos propositions pour un autre financement ne manquent pourtant pas : celui de la solidarité des plus aisés, que ce soit à travers une participation solidaire sur les hauts revenus, sur les encours de contrats d'assurance-vie, sur les grands patrimoines – mais vous n'en avez rien à faire. Finalement, la solidarité des plus aisés, ce n'est pas votre truc.
Difficile d'approuver ce texte, toujours, face aux choix économiques que vous faites. Votre plan de relance, c'est exclusivement la politique de l'offre, coûte que coûte. Notre vision est bien plus équilibrée, entre deux politiques, celle de l'offre et celle de la demande. Nous disons oui, bien sûr, à la compétitivité des entreprises, si elles sont au service de l'emploi et vertueuses pour l'environnement, mais nous disons oui aussi au soutien du pouvoir d'achat des plus fragiles par une relance par la consommation. Enfin, que dire de certaines de vos mesures…
Difficile, encore une fois, de voter ce texte quand, à l'article 1er, vous privez une nouvelle fois Action logement de 52 millions d'euros. Monsieur le ministre délégué, avec l'article 1er, vous jouez trop avec les fonds d'Action logement, qui ne vous appartiennent pas. Ce dont il doit être question, c'est de la participation des employeurs à l'effort de construction, ce dont il doit être question, c'est d'un instrument de justice sociale.
En revanche, j'apprécie, même si la disposition est un peu tardive et insuffisante, les dispositions prises pour engager les commerçants et les collectivités dans les solutions numériques. C'est ce que nous réclamions. Il est dommage que vous ne souteniez pas mieux les chambres de commerce et d'industrie, les CCI, pour les mêmes raisons.
En ce qui concerne l'adéquation de vos mesures avec la situation des entreprises, la situation de ces dernières a profondément changé entre la première et la seconde phase de cette crise. D'abord, la confiance en l'avenir s'est complètement dégradée, avec une visibilité commerciale moindre. Ensuite, les entreprises sont face à un mur de dettes – les bilans de fin d'année risquent d'être catastrophiques – ,…
… dettes contractées avant la crise, souscrites dans le cadre des PGE pour absorber des reports de cotisations, des charges fixes, etc.
Comme mon temps est compté…
… je terminerai en disant qu'il existe de nombreuses raisons pour refuser ce texte.
Vous ne pouvez pas rejeter des crédits d'urgence, monsieur Bricout ! Abstenez-vous, à la rigueur .
Qui pouvait imaginer, alors que nous votions le PLF pour 2020, avant de fêter Noël en famille, qu'un an plus tard, nous serions réunis pour examiner un quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020 ? Personne. Et pourtant, nous le faisons ce soir. Entre possible et impossible, affirmait le général de Gaulle, deux lettres, un état d'esprit.
En ce qui nous concerne, au groupe Agir ensemble, nous serons toujours aux côtés de ceux qui agissent, réagissent, accompagnent le présent et préparent l'avenir. Aux Diafoirus de plateaux et de studios qui nous disent surtout ce qu'il ne faut pas faire mais jamais ce qu'il faudrait faire, à ceux qui se lamentent devant le mur vertigineux des chiffres, nous préférons les mécaniciens qui n'hésitent pas à mettre les mains dans le cambouis d'une crise sans précédent.
Je salue la mobilisation puissante et constante du Gouvernement pour nous protéger en prenant des décisions difficiles, courageuses, qui, pour les plus contraignantes d'entre elles, ne sont pas prises de gaieté de coeur mais dans le but de nous garder en bonne santé – je n'ose imaginer M. Dussopt tous les matins, en se rasant, demander à son miroir : « Mon beau miroir, que puis-je faire pour rendre les Français plus malheureux encore ? » À la sauvegarde et au soutien, déjà la relance est à l'oeuvre pour moderniser, numériser, verdir notre économie. Et nombreux sont les entrepreneurs, les commerçants et artisans, les salariés déjà mobilisés pour le rebond annoncé car à toute chose sa saison et son temps, et il y aura assurément un temps d'après. Et nous devons être prêts pour le grand rendez-vous, celui des vainqueurs et non celui des vaincus.
Les milliards d'euros supplémentaires doivent donc être mobilisés le plus efficacement possible. Car nos recettes, qui ne sont pas extensibles, accusent une forte baisse, nos dépenses d'urgence et de soutien atteignent un niveau exceptionnel, le déficit public pour 2020 a été réévalué à l'occasion de la présentation de ce projet de loi à 11,3 % du PIB, tandis que la dette publique devrait atteindre 120 % du PIB cette année. Si ces prévisions sont un peu plus dégradées que dans le PLF pour 2021, du fait des nouvelles mesures sanitaires, le groupe Agir ensemble tient à saluer le sérieux dont a fait preuve le Gouvernement, qui a fondé ses textes budgétaires sur des hypothèses prudentes et cohérentes depuis le début de la crise. Dans ce contexte, nous devrons sans attendre établir une nouvelle trajectoire pour nos finances publiques et discuter des moyens que nous voulons nous donner pour rendre notre endettement public soutenable, avec l'engagement fort de ne pas augmenter les impôts et par le retour de la croissance.
Quoiqu'il en soit, l'heure est au soutien des secteurs les plus touchés par la crise. Ce projet de loi de finances rectificative répond en ce sens parfaitement au double objectif qu'il s'est assigné : c'est un collectif budgétaire de fin d'année traditionnel et un texte de renforcement des mécanismes de soutien. Notre groupe salue la méthode utilisée par le Gouvernement, car nous sommes convaincus qu'il fallait réutiliser des dispositifs qui ont fait leurs preuves depuis le début de la crise et qui ont été assimilés par les acteurs économiques. Nous pensons au fonds de solidarité, au chômage partiel, aux exonérations de charges, tous outils qui ont été massivement utilisés car ils sont simples d'accès et répondent à l'enjeu posé par la crise. Je veux d'ailleurs à cette occasion saluer le travail colossal accompli par les agents de vos administrations, messieurs les ministres, qui accompagnent les acteurs économiques depuis le premier jour de la crise avec une grande réactivité et des compétences unanimement saluées.
L'ouverture du fonds de solidarité jusqu'à 10 000 euros permettra à de nombreuses entreprises de compenser au mieux leurs pertes, et même à certains chefs d'entreprise de se verser un salaire, alors que beaucoup ont malheureusement dû se priver cette année de rémunération pour sauver leur entreprise. Ces mécanismes ne sont pas les seuls mis en place par le Gouvernement pour soutenir les acteurs économiques ; je pourrais citer l'incitation au « cliquer ou appeler et emporter », le numéro unique mis en place pour simplifier les démarches, ou encore le crédit d'impôt qui nous sera normalement présenté à l'occasion de l'examen des articles non rattachés.
S'il soutient massivement les acteurs économiques, ce PLFR a également la vertu d'apporter des aides substantielles aux ménages les plus fragiles. Plus d'1 milliard d'euros sont prévus pour financer les aides exceptionnelles de solidarité et nous saluons les 527 millions d'euros de crédits ouverts sur le programme « Handicap et dépendance ».
Bien sûr, tout est perfectible et je ne doute pas que nos débats permettront d'améliorer tout cela, et peut-être de combler les trous dans la raquette. En tout état de cause, le groupe Agir ensemble salue ce projet de loi qui apporte une réponse à la hauteur des enjeux auxquels sont confrontés les acteurs économiques dans nos territoires et les ménages les plus fragiles. Mes chers collègues, « le courage fait les vainqueurs ; la concorde, les invincibles » ; je nous souhaite d'être ce soir invincibles.
Applaudissements sur les bancs des groupes Agir ens, LaREM et Dem.
Ce quatrième projet de loi de finances rectificative cherche à compenser les effets du deuxième confinement et de la perte de contrôle de l'épidémie de covid-19 dans notre pays. Permettez-moi deux remarques préalables.
Tout d'abord, si les Français vont devoir s'endetter pour sauver notre économie, c'est que vous n'avez pas su stopper l'épidémie en prenant des mesures ciblées que nous vous avons proposées tant de fois dans cet hémicycle. Hélas, vous avez préféré faire cet été des économies de bouts de chandelle, qui ont à présent pour conséquence un drame sanitaire et une facture financière colossale. Ces mesures étaient pourtant de bon sens : contrôler strictement nos frontières nationales, augmenter le nombre de lits de réanimation, renforcer la politique de tests non en quantité mais en qualité, protéger les personnes vulnérables, rétablir des arrêts de travail pour les conjoints des personnes fragiles, rétablir la liberté de prescription des médecins pour soigner leurs patients avec les traitements qui leur semblent le mieux fonctionner. Contrairement aux bruits qu'a fait courir le Premier ministre dans la presse, ce sont les mesures que j'avais proposées dans une vidéo du 5 août qu'En Marche ne semble pas avoir été capable d'écouter jusqu'au bout, dans laquelle je disais que l'épidémie était calmée mais qu'il fallait profiter du répit de l'été pour prendre les mesures qui s'imposent.
Ensuite, l'État n'aurait pas à compenser les pertes des commerçants si vous les aviez laissés ouverts. Il y a quelques instants encore, je recevais un coup de téléphone d'un Français vivant en Allemagne, qui me disait : « Je ne comprends pas, tous les commerces sont ouverts en Allemagne, et nous sommes prudents. Pourquoi le gouvernement français a-t-il fermé les commerces ? » Cela n'a aucun sens sanitaire et aucun sens économique. Qu'on m'explique en quoi, notamment dans les zones rurales, la fermeture des commerces, qui entraîne le déplacement des personnes dans les grandes surfaces, est une mesure sanitaire ? C'est une absurdité. J'affirme haut et fort que les indépendants ont fait tous les efforts nécessaires pour protéger nos compatriotes. Le renforcement de ces protocoles sanitaires aurait tout à fait permis de maintenir ouverts des milliers et des dizaines de milliers de commerces. Aucune mesure de compensation ne pourra jamais rattraper les mois de chiffre d'affaires perdus et surtout le risque imminent que les Français ne puissent faire leurs achats de fêtes de fin d'année et de Noël dans les petits commerces.
Il faut rouvrir. De tous les horizons politiques, à l'unanimité du Sénat même, donc avec des élus En Marche, la réouverture des commerces a été demandée, préfet par préfet, et bien sûr dans le respect des règles sanitaires. Il n'est pas trop tard, monsieur le ministre, pour changer de politique quand on est dans le mur, quand on commet une telle erreur d'appréciation. Il n'est pas trop tard.
Face au deuxième confinement, vous avez amélioré le dispositif du fonds de solidarité. Il faut saluer la hausse de la subvention à 10 000 euros, qui correspond à ce que j'avais proposé au printemps. Mais trop de critères bureaucratiques bloquent l'accès aux aides de milliers d'indépendants et de petites entreprises, et vous persistez à vouloir imposer ce critère totalement ridicule de 50 % de perte du chiffre d'affaires. Il n'y a que la bureaucratie française pour croire qu'un commerce qui perd 49,9 % de son chiffre d'affaires souffre moins qu'un commerce qui en perd 50,1 %. Depuis six mois, je vous propose de remplacer ce critère par une aide au prorata de la perte de chiffre d'affaires afin que toutes les entreprises soient aidées à la hauteur de leurs difficultés. Aux États-Unis, en Allemagne et dans d'autres pays, il existe des systèmes de don immédiat d'une première somme, vérifié ensuite par l'administration fiscale, qui apprécie la perte exacte. Comme vous le savez, la perte d'activité entraîne avant tout des difficultés de trésorerie.
Par ailleurs, la méthode de remboursement du chômage partiel n'est pas adaptée sur le moyen terme, puisque les entreprises doivent avancer l'argent des salaires avant d'être remboursées par l'État, et c'est une grande difficulté. Après tant de mois difficiles, chaque euro compte et il est temps que l'État paye directement les employés, sans faire souffrir la fiabilité financière des entreprises touchées.
Enfin, ce PLFR fait l'impasse sur la question ardente des prêts garantis par l'État, les PGE, et sur le maintien de la politique de report de charges. Une fois encore, les idées qui pouvaient être bonnes au début, quand il était permis de penser que la crise serait courte, ne peuvent plus l'être aujourd'hui. Il est absolument vital que, comme dans d'autres pays, les PGE soient garantis sur dix, quinze ou vingt ans – car si les entreprises survivent, elles ne pourront pas rembourser le mur de dettes que vous êtes en train de leur créer.
Il y a une urgence absolue à entendre les commerçants, les artisans et les patrons de PME.
La discussion générale est close.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures :
Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2020.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures quarante.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra