Intervention de Jean-Louis Bricout

Séance en hémicycle du mardi 10 novembre 2020 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2020 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bricout :

Nous sommes réunis pour l'examen du quatrième projet de loi de finances rectificative. Sur la forme, le moins que l'on puisse dire, c'est que les conditions d'examen de ce texte sont à l'image de votre considération pour le Parlement, particulièrement déplorables : remise tardive des documents et intégration douloureuse de ce texte à l'agenda parlementaire. Pourtant, il me semble que la situation mériterait un peu de recul, mériterait une réflexion plus approfondie pour des réponses appropriées à ce moment si particulier.

Sur l'environnement sanitaire et ses conséquences budgétaires qui nous amènent à ce PLFR 4, on peut partager certains points d'analyse. En effet, si certains secteurs, dans les services, notamment l'hébergement et la restauration, devraient subir un impact comparable à celui du confinement du printemps, le confinement qui a pris effet le 30 octobre devrait avoir un impact plus circonscrit sur l'activité économique. Le maintien des guichets de service public devrait quant à lui limiter la baisse directe d'activité sur les services non marchands. Face à ce constat macro-économique, vous prévoyez un « atterrissage » de fin d'année avec une chute du PIB de 11 %, un déficit qui devrait atteindre 11,3 % du PIB et une dette qui s'établirait à près de 120 % du PIB.

Sur ce constat budgétaire, considérant les éléments d'analyse qui fondent vos prévisions pour la fin de l'année, et comme a pu le déduire le Haut Conseil des finances publiques, vos hypothèses semblent cohérentes au vu des incertitudes entourant les conditions sanitaires. Pourtant, si l'on peut dire que ce texte prend acte de la dégradation consécutive à la seconde vague, il est certainement plus juste de dire qu'il représente une défaite à la suite d'un déconfinement raté. En effet, avec une meilleure préparation non seulement en amont de la pandémie – si, par exemple, le Gouvernement avait mieux écouté les soignants, en grève depuis un an – , mais aussi pendant l'entre-deux vagues, l'impact budgétaire des mesures d'urgence aurait pu être moindre. Nous n'en serions pas là sans cette impréparation flagrante. Nous n'en serions pas là si vous aviez aussi suivi avec rigueur l'avis no 8 du 27 juillet 2020 du Conseil scientifique, qui prévoyait déjà un haut niveau de circulation du virus pour octobre. D'ailleurs, vous ne réagissez toujours pas quand il confirme cet avis, le 11 septembre, et vous demande une réaction rapide.

Difficile, donc, d'approuver ce texte, d'abord à cause d'un niveau de dépenses qui aurait pu être limité, je viens de le rappeler, mais aussi à cause de mesures et de dépenses qui mériteraient d'être mieux ajustées aux secteurs d'activité et « mieux-disantes » pour ceux de nos concitoyens les plus exposés, les plus touchés, les plus fragilisés par les conséquences économiques, sanitaires et sociales de la crise.

Difficile d'approuver ce texte, parce qu'il n'est pas qu'un document comptable. Il porte aussi les gènes de votre stratégie, celle d'un financement essentiellement par la dette des mesures d'urgence et du plan de relance. D'une part, vous n'avez pas le droit d'accabler autant notre jeunesse, son avenir, en lui imposant un tel fardeau ; d'autre part, les rebonds épidémiques bousculent votre stratégie d'un retour rapide à la croissance. Aussi nous inquiétons-nous de la solvabilité de la dette. Nos propositions pour un autre financement ne manquent pourtant pas : celui de la solidarité des plus aisés, que ce soit à travers une participation solidaire sur les hauts revenus, sur les encours de contrats d'assurance-vie, sur les grands patrimoines – mais vous n'en avez rien à faire. Finalement, la solidarité des plus aisés, ce n'est pas votre truc.

Difficile d'approuver ce texte, toujours, face aux choix économiques que vous faites. Votre plan de relance, c'est exclusivement la politique de l'offre, coûte que coûte. Notre vision est bien plus équilibrée, entre deux politiques, celle de l'offre et celle de la demande. Nous disons oui, bien sûr, à la compétitivité des entreprises, si elles sont au service de l'emploi et vertueuses pour l'environnement, mais nous disons oui aussi au soutien du pouvoir d'achat des plus fragiles par une relance par la consommation. Enfin, que dire de certaines de vos mesures…

Difficile, encore une fois, de voter ce texte quand, à l'article 1er, vous privez une nouvelle fois Action logement de 52 millions d'euros. Monsieur le ministre délégué, avec l'article 1er, vous jouez trop avec les fonds d'Action logement, qui ne vous appartiennent pas. Ce dont il doit être question, c'est de la participation des employeurs à l'effort de construction, ce dont il doit être question, c'est d'un instrument de justice sociale.

En revanche, j'apprécie, même si la disposition est un peu tardive et insuffisante, les dispositions prises pour engager les commerçants et les collectivités dans les solutions numériques. C'est ce que nous réclamions. Il est dommage que vous ne souteniez pas mieux les chambres de commerce et d'industrie, les CCI, pour les mêmes raisons.

En ce qui concerne l'adéquation de vos mesures avec la situation des entreprises, la situation de ces dernières a profondément changé entre la première et la seconde phase de cette crise. D'abord, la confiance en l'avenir s'est complètement dégradée, avec une visibilité commerciale moindre. Ensuite, les entreprises sont face à un mur de dettes – les bilans de fin d'année risquent d'être catastrophiques – ,…

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