S'agissant de l'impact de la crise sur les recettes de l'État, l'effet de la baisse d'activité par rapport à notre prévision dans le PLF pour 2021 est compensé par de bonnes nouvelles concernant les recouvrements sur les derniers mois. Entre la première et la deuxième vague, nous avons connu un troisième trimestre très dynamique avec un rebond de 18,2 % du PIB : ce chiffre porteur d'espoir démontre la capacité de rebond de l'économie – et quand l'économie repart, les recettes publiques rentrent bien. La dynamique constatée nous a permis d'enregistrer un niveau de recettes supérieur à ce que nous attendions, y compris par rapport aux hypothèses présentées au début du débat sur le PLF pour 2021.
Au final, nous dégradons la prévision macroéconomique de 10 % à 11 % de contraction du PIB, mais notre prévision du niveau des prélèvements obligatoires reste globalement stable. Dans le détail, la dégradation de l'environnement macroéconomique entraîne une révision à la baisse des recettes publiques et des cotisations sociales : dans le champ de l'État, la prévision de TICPE – taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – revenant au budget général est diminuée de 1,4 milliard d'euros par rapport à la prévision sous-jacente du PLF. En revanche, les recettes de TVA enregistrées à la fin du mois de septembre ainsi que celles anticipées en octobre conduisent, selon les premières données, à réviser à la hausse les recettes de 0,7 milliard d'euros par rapport au PLF pour 2021. Le troisième acompte d'impôt sur les sociétés a été plus élevé que prévu et nous revoyons nos estimations à la hausse de 2,8 milliards d'euros par rapport au scénario du PLF.
Le rebond de l'activité au troisième trimestre 2020 explique en grande partie ces bonnes nouvelles sur la TVA et sur l'impôt sur les sociétés. De même, au regard des remontées comptables de la fin du mois de septembre, nous revoyons à la hausse les recettes de l'impôt sur le revenu de 600 millions d'euros, en raison de revenus sous-jacents plus élevés que prévus.
Plus que la révision à la baisse de l'activité, ce sont donc les mesures d'urgence qui expliquent la dégradation des finances publiques par rapport à ce que nous vous avons présenté lors de l'ouverture des débats sur le PLF pour 2021.
Hors mesures d'urgence liées à la deuxième vague épidémique, le schéma est équilibré entre ouvertures et annulations de crédits. Le niveau des ouvertures et des annulations se situe à 4,1 milliards d'euros.
Les principales ouvertures concernent le financement des aides personnalisées au logement pour 1,9 milliard d'euros, pour cause de report de la réforme des APL et d'un tendanciel haussier lié à la crise économique et à ses conséquences sociales, mais aussi le financement de l'allocation aux adultes handicapés – AAH – et de la garantie de ressources des travailleurs handicapés pour un montant de 527 millions d'euros. Enfin, nous rechargeons les dispositifs d'aide exceptionnelle à l'apprentissage et de prime à l'embauche des jeunes, pour un total de 311 millions d'euros.
Les annulations portent essentiellement sur les crédits mis en réserve, pour 1,4 milliard d'euros, et sur des sous-consommations dues à la crise sanitaire. Nous constatons en effet des sous-exécutions sur certaines dépenses immobilières, comme celles du programme de rénovation des cités administratives pour 200 millions d'euros, sur des projets informatiques financés par le fonds pour la transformation de l'action publique ou sur la sinistralité des dispositifs de garantie créés pour répondre à la crise sanitaire.
Le schéma d'emplois traduit la nécessité de faire face aux enjeux de la crise sanitaire et aux engagements de renforcer la présence territoriale de l'État et ses fonctions régaliennes. Ainsi, ce PLFR révise le schéma d'emplois 2020 à la hausse de 5 350 équivalents temps plein, au profit principalement de Pôle emploi avec 2 383 ETP supplémentaires, de l'AFPA – Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes – avec 125 ETP en plus et des agences régionales de santé avec 417 ETP supplémentaires. Les effectifs du ministère de la justice augmentent pour rattraper le retard pris dans le traitement des affaires judiciaires, de même que ceux du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports pour éviter les fermetures de classes dans les zones rurales et créer des places en BTS, et du ministère de l'intérieur au titre du plan de lutte contre la haine sur internet.
Mesdames et messieurs les députés, les mesures que vous avez adoptées ces derniers mois ont apporté un soutien déterminant à nos concitoyens et à notre économie. Elles ont un coût qui met évidemment à mal la situation des finances publiques. Dans ces conditions, nous pensons que le moment est venu d'engager, au-delà des mesures d'urgence et du plan de relance, une réflexion de fond sur le redressement des comptes publics à moyen terme. Il nous faut travailler sur de nouvelles ancres de finances publiques et sur la trajectoire à dessiner pour les atteindre, mais également sur de nouveaux outils de pilotage des finances publiques plus efficaces, afin de renforcer notre capacité à redresser les comptes à la sortie de la crise.
Nous poursuivrons plusieurs objectifs : un cadrage plus intégré des finances publiques à l'échelle de l'ensemble des administrations publiques, puisque la fragmentation actuelle complique le pilotage et crée de l'illisibilité ; une approche davantage pluriannuelle et contractuelle des finances publiques pour donner de la visibilité aux acteurs, tant sur les dépenses que sur les trajectoires de recettes ; une responsabilisation des gestionnaires publics pour bâtir une construction budgétaire plus apaisée et obtenir une exécution plus fluide et plus concentrée ; enfin, des mécanismes de cantonnement de la dette publique issue du covid-19. Nous devrons tirer toutes les conséquences de la crise pour gérer la dette et sécuriser son remboursement dans le temps, en l'isolant de la gestion courante dans notre budget.
Nous nous appuierons sur un groupe de travail, composé de personnalités qualifiées, qui sera bientôt installé. Nous pourrons également utiliser des travaux importants comme le rapport de la MILOLF – mission d'information relative à la mise en oeuvre de la LOLF – de septembre 2019, rapport de Laurent Saint-Martin, dans lequel s'était beaucoup investi le président Éric Woerth. Toutes ces études nous seront utiles en temps voulu.
Vous le voyez, nous l'avons dit et nous le répétons avec Bruno Le Maire, l'État et le Gouvernement sont au rendez-vous pour soutenir l'économie et protéger les Français. Ce PLFR de fin de gestion et d'urgence nous permet d'ajuster la répartition, l'ouverture et l'annulation des crédits, de manière à sécuriser l'exécution budgétaire jusqu'à la fin de l'année 2020.