Je ne sais pas si Noël sera traditionnel cette année, mais ce PLFR ne l'est pas : d'abord par son ampleur – 20 milliards d'euros – , et ensuite parce qu'en général, un collectif budgétaire est un outil de fin de gestion. Or nous sommes ici en présence d'un collectif de reprise de l'épidémie et de mise en oeuvre de mesures d'urgence pour l'économie.
Le Gouvernement va ouvrir 33 milliards de crédits nouveaux, dont 17,3 milliards pour la seule mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire ». Je le répète, l'effort réalisé est nécessaire ; il s'agit pour l'essentiel de poursuivre les dispositifs de soutien qui ont déjà été instaurés au printemps. Mais avec ce PLFR 4, on atteint des températures extrêmes : les chiffres jouent au yo-yo. En trois mois, le déficit de l'État est passé successivement de 225 milliards à 195 milliards, pour se stabiliser – je l'espère – à 222 milliards. Autre chiffre spectaculaire, il est quasiment identique au montant des recettes fiscales, alors qu'en temps normal celles-ci lui sont trois fois supérieures. Il est ainsi financé dans des proportions identiques par la dette et par les recettes fiscales. C'est du jamais vu !
En l'absence de plusieurs scénarios de reconstruction économique, nous sommes dans le flou. Urgence et relance s'emmêlent et s'enchevêtrent : il faut optimiser les moyens pour sortir du cycle de la dette et du chômage. Vous avez indiqué, monsieur le ministre, que le calendrier de la mission « Plan de relance » était le bon. Je le conteste : je pense qu'elle est arrivée trop tard. Elle se heurte aux nouvelles exigences de l'urgence. L'urgence, c'est de la relance, mais à court terme. Ce n'est pas lorsque les entreprises sont fermées administrativement ou partiellement à l'arrêt – pas toutes, certains secteurs vont bien, mais beaucoup vont mal – que nous allons pouvoir pleinement relancer et transformer notre économie. Parce qu'on ne peut pas dépenser tous azimuts et creuser la dette sans fin, vous devez infléchir vos priorités et redéployer une partie des crédits qui étaient prévus pour financer des politiques de long terme vers la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire ». Je pense par exemple au plan vélo, à des projets de transports en commun ou à la décarbonation des entreprises : ce sont des dépenses très légitimes, mais dans l'urgence, il faut tenter de choisir. Ce sont probablement près de 10 milliards, déjà votés dans le cadre de la mission « Plan de relance » du PLF 2021, qui pourraient soutenir la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », soit la moitié des mesures d'urgence du PLFR 4. Concrètement, je propose que le plan de relance finance le plan d'urgence, pour ne pas accroître notre endettement.
Un mot sur le fond des mesures du PLFR. Si la prolongation des outils créés au printemps est une bonne chose, j'ai plusieurs réserves quant à leur efficacité. L'instauration d'un nouveau confinement est une catastrophe pour beaucoup d'entreprises. Pour y faire face, nous proposons de permettre aux collectivités locales d'exonérer les entreprises de leur territoire de l'intégralité de la CFE – cotisation foncière des entreprises. Ce n'est pas le cas. Pour ne laisser aucune entreprise sans solution, nous proposons de transformer une partie des PGE en quasi-fonds propres, pour celles qui sont surendettées ou qui font appel à la dette de manière trop importante, dégradant ainsi leur bilan de façon considérable, et qui auront du mal à relancer les investissements par la suite. Il existe des dispositifs de cette nature, compliqués d'accès : il faut les simplifier. Cette proposition permettrait d'assurer la survie de ces entreprises et de leur donner la capacité de rebond dont elles auront besoin.
Face au poids colossal des charges fixes des commerçants, en particulier du loyer – même si ce n'est pas le sujet du PLFR 4 – , vous allez proposer un crédit d'impôt à hauteur de 30 % du montant des loyers non perçus par les bailleurs. Si l'intention est bonne, la mesure s'avère peu lisible et probablement compliquée d'accès ; elle rend délicate la relation entre bailleur et commerçant. C'est pourquoi nous proposons de créer de façon très simple – comme vous l'avez fait pour le fonds de solidarité, dont il pourrait devenir un volet – un dispositif d'intervention directe sur les loyers.
Enfin, je profite du cinquantième anniversaire de la mort du général de Gaulle pour rappeler ses sages paroles, prononcées en 1963 : « Et de crier : "Des sous ! Des sous ! " ou bien "Des crédits ! Des crédits ! ". Mais les sous et les crédits ne sauraient être alloués que si nous les possédons, si l'équilibre entre nos rémunérations et nos prix, nos achats et nos ventes, nos recettes et nos dépenses ne s'en trouve pas bouleversé [… ] » Admettons qu'il s'agisse d'un autre temps et que la situation exige un soutien de l'économie par la dépense publique et le financement de la dépense publique par la dette. Admettons aussi que cette citation est toujours criante de vérité et d'actualité.