Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du mardi 10 novembre 2020 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2020 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Pourquoi ne pas reconnaître qu'il n'y a pas de travail pour eux et que le pays est en ruine – en partie par votre faute, tant votre politique a amplifié les effets de la crise épidémique ? Vous êtes responsables de leur misère, du fait qu'ils ont la boule au ventre parce qu'ils n'ont pas encore réussi à trouver leur alternance à la mi-novembre, qu'ils angoissent en alignant les demandes de stage mal payé ou se plient en quatre dans l'espoir d'être embauchés au SMIC et à mi-temps, alors qu'ils ont un diplôme de niveau bac + 5.

C'est vous qui n'avez pas été capables d'imposer des conditions aux entreprises en échange des cadeaux que vous leur avez offerts depuis le début du mandat et jusqu'au plan de relance. Vous avez distribué tranquillement l'argent des Français à des sociétés qui continuent à licencier tout en gavant leurs actionnaires de dividendes. Vous avez laissé faire sans encombre ceux que j'appelle les profiteurs de crise et autres Amazon, qui se sont fait des milliards grâce au covid sans rendre de comptes à personne – surtout pas à leurs employés et rarement au fisc.

En revanche, quand il s'agit d'aider les indépendants, les commerçants ou les PME en difficulté, vous voilà étrangement capables de leur imposer tout un tas de conditions à remplir pour bénéficier du fonds de solidarité que non, monsieur le ministre, je ne trouve pas à la hauteur.

Vous avez tout à l'heure dédicacé ce PLFR aux commerçants. Beaucoup d'entre eux doivent trouver la dédicace amère. Quels résultats produira ce texte ? Selon les secteurs, certaines entreprises en grande difficulté du fait de la crise ne pourront toucher que l'aide plafonnée à 1 500 euros. Pire : un grand nombre de personnes et d'entreprises ne pourront rien toucher du tout, sous prétexte que leurs pertes n'atteignent pas 50 % de leur chiffre d'affaires habituel, et cela quels que soient leurs revenus.

Dans quel drôle de monde vivez-vous si vous pensez qu'un artisan qui jusque-là se payait à peine au SMIC peut se permettre de perdre 45 % de son chiffre d'affaires sans avoir besoin d'aide ? Dans quel monde vivez-vous si vous trouvez normal qu'un indépendant puisse se retrouver d'un coup avec un revenu inférieur au seuil de pauvreté sans avoir le droit de toucher d'aide, alors qu'un autre peut être indemnisé tout en ayant maintenu un revenu de plusieurs milliers d'euros par mois ?

Pour les loyers, monsieur le ministre, vous laissez finalement au bon vouloir des bailleurs la possibilité de céder le terme de novembre. Je crains que pour beaucoup, cela ne reste un voeu pieux. Comment sont censés faire tous ceux que vous abandonnez, qui n'en peuvent plus de compter chaque centime d'euro, qui espéraient enfin une revalorisation des minima sociaux et se retrouvent seulement avec 100 ou 300 euros en plus, des miettes qui seront englouties par leurs agios ? Je rappelle qu'hier, vous avez repoussé un amendement tendant, pour les plus pauvres, les plus défavorisés, à geler les agios réclamés par les banques.

J'hallucine tous les jours en vous entendant recourir aux mêmes artifices, répéter les mêmes mots, user des mêmes feintes. Il y a quelques jours, en nous présentant le texte, M. Le Maire a indiqué – ce qu'il a d'ailleurs répété à l'instant – que de toute façon, il faudrait rembourser la dette. Vous savez non seulement que c'est faux, mais que c'est de toute façon impossible. Et au lieu d'en prendre acte, vous continuez à répéter ces mantras comme pour vous convaincre de leur efficacité ou plutôt, car je vous vois venir, pour nous convaincre de la nécessité qu'il faudra faire de nouvelles économies sur les dépenses publiques – politique qui a mené à cet affaiblissement de l'État que nous payons tous – , entreprendre des réformes structurelles et relancer votre ravageuse réforme des retraites.

Pour sortir de la crise que nous traversons, vous auriez pu, au lieu de vous préoccuper de maintenir votre cap libéral, votre politique de l'offre, jeter pour une fois un oeil à nos propositions, vous qui avez échoué à tester, tracer, isoler, soigner, faute de prendre à temps des mesures concrètes, ne serait-ce qu'au service immédiat des hôpitaux publics. Dans ce PLFR, un nouveau rectificatif de dernière minute en faveur de la santé publique montre d'ailleurs que vous n'avez pas fait assez depuis mars et que vous vous réveillez trop tard – et insuffisamment.

Le groupe La France insoumise vous a présenté un contre-budget, qui comporte des mesures d'urgence pour la période que nous traversons. Il constitue notre budget d'alternance au PLFR 4 – et surtout l'amorce budgétaire de ce que j'appellerai un alterconfinement. C'est l'opposé de votre politique à la petite semaine qui enchaîne PLFR sur PLFR au lieu d'organiser et de planifier. Parce qu'on ne pourra pas continuer sans causer des dégâts irrémédiables à confiner tout un peuple d'une façon aussi incohérente – qui fait voisiner un confinement familial strict et l'obligation d'aller travailler sans règle réelle visant à adapter les conditions ou le temps de travail afin de limiter les contaminations dans les transports et sur le lieu de travail, de même que l'ouverture des supermarchés et la fermeture de petits commerces présentant parfois de meilleures assurances en matière de protection – , notre contre-budget constitue une amorce pour éviter d'enchaîner confinement sur confinement, comme autant de jokers qu'on poserait sur la table quand on ne sait plus quelle carte jouer.

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