Ce quatrième projet de loi de finances rectificative cherche à compenser les effets du deuxième confinement et de la perte de contrôle de l'épidémie de covid-19 dans notre pays. Permettez-moi deux remarques préalables.
Tout d'abord, si les Français vont devoir s'endetter pour sauver notre économie, c'est que vous n'avez pas su stopper l'épidémie en prenant des mesures ciblées que nous vous avons proposées tant de fois dans cet hémicycle. Hélas, vous avez préféré faire cet été des économies de bouts de chandelle, qui ont à présent pour conséquence un drame sanitaire et une facture financière colossale. Ces mesures étaient pourtant de bon sens : contrôler strictement nos frontières nationales, augmenter le nombre de lits de réanimation, renforcer la politique de tests non en quantité mais en qualité, protéger les personnes vulnérables, rétablir des arrêts de travail pour les conjoints des personnes fragiles, rétablir la liberté de prescription des médecins pour soigner leurs patients avec les traitements qui leur semblent le mieux fonctionner. Contrairement aux bruits qu'a fait courir le Premier ministre dans la presse, ce sont les mesures que j'avais proposées dans une vidéo du 5 août qu'En Marche ne semble pas avoir été capable d'écouter jusqu'au bout, dans laquelle je disais que l'épidémie était calmée mais qu'il fallait profiter du répit de l'été pour prendre les mesures qui s'imposent.
Ensuite, l'État n'aurait pas à compenser les pertes des commerçants si vous les aviez laissés ouverts. Il y a quelques instants encore, je recevais un coup de téléphone d'un Français vivant en Allemagne, qui me disait : « Je ne comprends pas, tous les commerces sont ouverts en Allemagne, et nous sommes prudents. Pourquoi le gouvernement français a-t-il fermé les commerces ? » Cela n'a aucun sens sanitaire et aucun sens économique. Qu'on m'explique en quoi, notamment dans les zones rurales, la fermeture des commerces, qui entraîne le déplacement des personnes dans les grandes surfaces, est une mesure sanitaire ? C'est une absurdité. J'affirme haut et fort que les indépendants ont fait tous les efforts nécessaires pour protéger nos compatriotes. Le renforcement de ces protocoles sanitaires aurait tout à fait permis de maintenir ouverts des milliers et des dizaines de milliers de commerces. Aucune mesure de compensation ne pourra jamais rattraper les mois de chiffre d'affaires perdus et surtout le risque imminent que les Français ne puissent faire leurs achats de fêtes de fin d'année et de Noël dans les petits commerces.
Il faut rouvrir. De tous les horizons politiques, à l'unanimité du Sénat même, donc avec des élus En Marche, la réouverture des commerces a été demandée, préfet par préfet, et bien sûr dans le respect des règles sanitaires. Il n'est pas trop tard, monsieur le ministre, pour changer de politique quand on est dans le mur, quand on commet une telle erreur d'appréciation. Il n'est pas trop tard.
Face au deuxième confinement, vous avez amélioré le dispositif du fonds de solidarité. Il faut saluer la hausse de la subvention à 10 000 euros, qui correspond à ce que j'avais proposé au printemps. Mais trop de critères bureaucratiques bloquent l'accès aux aides de milliers d'indépendants et de petites entreprises, et vous persistez à vouloir imposer ce critère totalement ridicule de 50 % de perte du chiffre d'affaires. Il n'y a que la bureaucratie française pour croire qu'un commerce qui perd 49,9 % de son chiffre d'affaires souffre moins qu'un commerce qui en perd 50,1 %. Depuis six mois, je vous propose de remplacer ce critère par une aide au prorata de la perte de chiffre d'affaires afin que toutes les entreprises soient aidées à la hauteur de leurs difficultés. Aux États-Unis, en Allemagne et dans d'autres pays, il existe des systèmes de don immédiat d'une première somme, vérifié ensuite par l'administration fiscale, qui apprécie la perte exacte. Comme vous le savez, la perte d'activité entraîne avant tout des difficultés de trésorerie.
Par ailleurs, la méthode de remboursement du chômage partiel n'est pas adaptée sur le moyen terme, puisque les entreprises doivent avancer l'argent des salaires avant d'être remboursées par l'État, et c'est une grande difficulté. Après tant de mois difficiles, chaque euro compte et il est temps que l'État paye directement les employés, sans faire souffrir la fiabilité financière des entreprises touchées.
Enfin, ce PLFR fait l'impasse sur la question ardente des prêts garantis par l'État, les PGE, et sur le maintien de la politique de report de charges. Une fois encore, les idées qui pouvaient être bonnes au début, quand il était permis de penser que la crise serait courte, ne peuvent plus l'être aujourd'hui. Il est absolument vital que, comme dans d'autres pays, les PGE soient garantis sur dix, quinze ou vingt ans – car si les entreprises survivent, elles ne pourront pas rembourser le mur de dettes que vous êtes en train de leur créer.