Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du mardi 10 novembre 2020 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2020 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Une pandémie, deux confinements, un plan de relance, quatre lois de finances rectificatives : à n'en pas douter, l'année 2020 restera dans les annales comme celle de toutes les crises. Nous sommes entrés dans une récession qui s'annonce d'une rare violence, avec un PIB en contraction de 11 % en 2020 selon le dernier chiffre du Gouvernement. M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance nous disait mi-octobre qu'un reconfinement généralisé coûterait 15 à 20 milliards par mois. Le Haut Conseil des finances publiques estime, lui, le coût mensuel à 36 milliards. Depuis le 30 octobre et au moins jusqu'au 1er décembre, notre pays vit confiné, notre économie est ralentie, certains secteurs sont durablement à l'arrêt. Cependant, la Banque de France nous a informés que l'impact économique du second confinement serait moins important que celui du premier : l'activité devrait reculer de 12 % en novembre tandis qu'elle avait plongé de 31 % en avril. Cette dégradation moindre que redoutée permettra-t-elle d'éviter les défaillances en série ? Rien n'est moins sûr.

Face à cette situation qui nous dépasse, le Gouvernement a fait le choix de réabonder à hauteur de 20 milliards les dispositifs de secours déjà existants pour l'essentiel : garantie d'emprunts par l'État, prolongement du dispositif d'activité partielle – 2,1 milliards – , fonds de solidarité pour les TPE – 10,9 milliards – , prolongement des exonérations de cotisations sociales – 4,3 milliards. On peut noter, monsieur le ministre, que vous n'accordez que 1,2 milliards, soit 11 % du total, à la prime précarité du plan Pauvreté. Est-ce équilibré ? Mais notre groupe Libertés et territoires salue l'augmentation substantielle des crédits alloués au fonds de solidarité, qui est prolongé. Ces mesures ont montré leur efficacité.

Là où je dois vous redire mon inquiétude, c'est sur votre choix de recourir massivement à la dépense publique et à l'emprunt pour éviter un effondrement économique et social, sans recourir à des économies structurelles pour financer une partie de ces dépenses exceptionnelles. Notons que depuis mars 2020, la crise de la covid-19 a provoqué des pertes de recettes de 100 milliards – je m'interroge toujours sur la très forte hausse des recettes d'IS et même d'IR, ainsi que de TVA, que vous avez constatée fin septembre… mais attendons la fin de l'année. Dans le même temps, la hausse des dépenses s'est élevée à 86 milliards, dont 66 milliards votés avant le PLFR 4 via les mesures temporaires d'urgence sanitaire et économique. Le coût total de cette crise s'élève donc à 186 milliards d'euros. C'est abyssal !

Voilà le coût du « quoi qu'il en coûte ». Peut-on encore parler de budget, monsieur le ministre, dans ces conditions ? Je le dis depuis des mois : ce ne sont plus des budgets, c'est un open bar ! Évidemment, la situation exceptionnelle appelle des réponses qui le soient aussi. Mais notre assemblée ne vote que des budgets globalement dénués de sens, car on ajoute chaque jour des dépenses supplémentaires sans financement autre que par l'emprunt. Une nouvelle fois, on se contente d'enregistrer les dépenses. Mais comment financez-vous toutes ces mesures d'urgence qui s'ajoutent au plan de relance dont le vote interviendra la semaine prochaine ? Au risque de passer à nouveau pour un Cassandre dans cet hémicycle, je vous demande qui va payer à la fin – question que se posent tous nos concitoyens, car à la fin, il faudra bien payer. Pour le dire moins trivialement, nous appelons votre vigilance quant à la soutenabilité à moyen terme des finances publiques françaises – ce que rappelle d'ailleurs le Haut Conseil des finances publiques, sachant que l'endettement public va atteindre 120 % du PIB en fin d'année,

Je rejoins les propos du président de la commission : au regard de l'incertitude économique, pourquoi ne pas présenter plusieurs scénarios de budget afin de faire face à toutes les éventualités possibles ?

Je souhaite ajouter plusieurs autres remarques.

Tout d'abord, malgré vos efforts, des trous demeurent dans les dispositifs d'urgence. Je pense notamment à l'absence de plan d'accompagnement territorial, pourtant promis pour les outre-mer, Lourdes et la Corse – leur situation demandant une réponse rapide du Gouvernement, qui avait promis des mesures spécifiques en mai. Où en êtes-vous, monsieur le ministre ?

Par ailleurs, comme l'ont montré nos discussions en commission des finances, la réponse du Gouvernement semble insuffisante face à la situation critique dans laquelle se trouvent nombre de commerçants pour régler leur loyer. La création d'un crédit d'impôt de 30 % incitant les bailleurs à annuler une partie de leur loyer n'est pas à la hauteur de l'enjeu ; le loyer constitue une charge fixe qui pèse sur la survie d'une entreprise. C'est pourquoi notre groupe propose plutôt une mesure complémentaire telle que la mise en place d'un fonds de soutien pour les loyers commerciaux. Il s'agirait de créer un dispositif simple et compréhensible, accessible rapidement et donc efficace immédiatement.

Enfin, les mesures de fermeture des commerces non alimentaires ont entraîné une hausse considérable du chiffre d'affaires et des bénéfices attendus du e-commerce, notamment des grands groupes du secteur tels Amazon. Comme le Gouvernement a proposé de créer un impôt exceptionnel sur les complémentaires santé au motif d'une augmentation de leurs bénéfices liée aux mesures de confinement, ne serait-il pas logique de créer un impôt exceptionnel sur les grandes entreprises du e-commerce ? C'est l'objet d'un amendement que notre groupe a déposé et j'espère que la discussion des articles nous permettra d'obtenir des avancées sur ce sujet.

En cohérence avec ses votes sur les trois premiers projets de loi de finances rectificative, le groupe Libertés et territoires ne votera pas contre ce quatrième PLFR.

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