Merci, monsieur le président.
La possibilité de constater par procès-verbal la conduite sans permis ou sans assurance, l'installation d'un campement sauvage ou les dégradations de mobilier urbain permettra de renforcer l'action de la police des mairies, souvent démunie face à ces phénomènes. Aussi l'élargissement du domaine d'action des polices municipales est-il bienvenu lorsqu'il permet aux agents d'exercer de façon plus complète la mission de lutte contre l'insécurité du quotidien qui leur est dévolue.
Notre groupe salue par ailleurs les efforts visant à mieux encadrer l'exercice de la profession d'agent de sécurité privée et à renforcer les sanctions en cas de manquement. Toutefois, si des améliorations sont possibles dans la coordination des actions entre forces de l'ordre et sociétés de sécurité privée, il ne faudrait pas aboutir à un mélange des genres au profit de ces dernières, qui ne répondent pas aux mêmes contraintes légales et de formation que les forces de l'ordre public. De même, des efforts supplémentaires seront encore nécessaires pour encadrer la sous-traitance en cascade, tant l'opacité règne dans ce milieu.
Notre groupe soutient donc les mesures qui visent à faciliter le travail des forces de l'ordre sur le terrain, notamment la mise à leur disposition de nouveaux outils de maintien de l'ordre ou le renforcement de leur protection juridique.
Toutefois il est des éléments sur lesquels nous ne pouvons pas déroger ; la défense des libertés fondamentales en est un. Que cela passe par des caméras-piétons ou des drones, les logiciels de reconnaissance faciale doivent être clairement interdits, a fortiori lors des manifestations sur la voie publique au cours desquelles un grand nombre d'individus seraient identifiés. Cela augurerait du passage à une société de surveillance de masse comme il en existe déjà dans certains pays – pas forcément des démocraties. Par ailleurs, les images filmées par les forces de l'ordre ne peuvent avoir pour finalité de leur servir à établir la vérité au sujet d'une intervention caractérisée, de part et d'autre, par des comportements potentiellement répréhensibles sur le plan pénal. Pour que les caméras puissent être utilisées de façon apaisée et qu'elles facilitent le travail sur le terrain, il convient que la diffusion des images d'intervention puisse être réalisée, au regard des critères de transparence et d'objectivité, par une autorité indépendante renforcée. Ce n'est pas le rôle de la police d'entrer dans une guerre des images contre ses propres concitoyens.
Nous soutenons qu'il est parfaitement insupportable que des agents de police ou de gendarmerie puissent subir du harcèlement ou des menaces de mort, parfois mises à exécution, en réaction à des actes réalisés dans le cadre de leurs fonctions. Mais ce que l'on nous propose à l'article 24 se révélera parfaitement inefficient pour protéger les forces de l'ordre et véritablement dangereux pour nos libertés fondamentales, en soulevant de multiples problèmes de constitutionnalité. Je pense que nous y perdrons sur les deux tableaux, d'autant que, comme je l'ai rappelé tout à l'heure, le harcèlement des forces de police est déjà largement répréhensible et peut donner lieu à des peines sévères.
Il est prévu d'interdire toute identification d'un membre des forces de l'ordre dans les vidéos diffusées « dans le but qu'il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique » ; or cette expression est bien trop vague. L'imprécision quant au caractère d'intentionnalité risque, dans les faits, de rendre extrêmement difficile la diffusion de vidéos exposant des cas de pratiques illégales par la police, alors que le droit de filmer la police relève de la liberté d'expression et du droit à l'information. La transmission en direct des opérations de police, qui rend inopérante la distinction entre captation et diffusion, serait drastiquement découragée par le risque juridique encouru ; celui-ci impliquerait en effet de censurer des contenus pour éviter des poursuites. Ces dispositions nous semblent de surcroît inutiles puisque des peines lourdes sont déjà prévues par le code pénal. Vous conviendrez dès lors, monsieur le ministre, que cette interdiction a sans doute plutôt pour objectif de renforcer un sentiment d'impunité parmi les forces de l'ordre, qui n'est dans l'intérêt de personne : ni dans celui de la population, bien entendu, ni dans celui de la police. Il est essentiel de renouer un lien de confiance dans le maintien de l'ordre – je pense à des expérimentations qui ont lieu dans d'autres pays, dont nous pourrions sans doute nous inspirer favorablement.
Le groupe Libertés et territoires déterminera son vote à l'issue des discussions, en fonction du contenu du texte final et de la façon dont nous serons parvenus à concilier la liberté avec la protection de nos agents.