Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du jeudi 19 novembre 2020 à 9h00
Sécurité globale — Après l'article 1er

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur :

Monsieur Brindeau, vous avez raison de poser des questions. Le débat est loin d'être médiocre, le sujet est important.

Le changement que proposent certains groupes politiques est constitutionnel. Les conséquences qu'aurait l'adoption des amendements sur l'activité de la police municipale ne seraient pas minces. Aucun des maires que j'ai entendu ne souhaite qu'on se décharge sur celle-ci d'activités qui incombent aujourd'hui à la police nationale. Ils savent que, si on lui confiait les contrôles d'identité ou des actes d'enquête, elle devrait assumer une part des tâches de la police nationale, contrainte de traiter un grand nombre d'affaires.

J'ai d'ailleurs constaté, en tant que maire, que la police nationale laisse parfois à la police municipale le soin de remplir certaines missions dont elle ne se charge plus, au motif qu'elles relèveraient d'une police de proximité ; je pense par exemple à l'application des arrêtés du maire – alors qu'elles incombent évidemment à la police nationale. La crainte exprimée par M. le rapporteur me semble par conséquent fondée.

Par ailleurs, madame Kuster, l'exemple que vous citez n'est pas pertinent. Lors du déplacement que nous avons effectué à Paris, nous étions avec des policiers nationaux. Ce sont eux qui ont demandé l'identité des personnes dont ils ont contrôlé les attestations. Je ne sais plus si le cas s'est présenté ce jour-là, mais imaginons qu'une personne n'avait pas eu de pièce d'identité ou avait refusé de la donner : si les policiers de la préfecture de police de Paris n'aient eu de réquisition du procureur de la République et s'ils n'avaient pas constaté d'infraction, ils auraient emmené la personne au poste de police pour vérifier son identité.

On voit bien qu'il y a, pour ainsi dire, une forme de transaction entre la personne qui joue au con en ne donnant pas sa pièce d'identité et la police qui l'emmènera au poste, lui faisant perdre quelques heures, pour vérifier son identité. Il se passe la même chose avec la police municipale. La personne qui n'a pas son attestation ou qui ne l'a pas bien remplie encourt une contravention. Les policiers municipaux peuvent lui demander un relevé d'identité – M. Rudigoz a raison – , ils le font d'ailleurs chaque jour ; si une personne ne donne pas son identité ou s'ils ont un doute sur cette identité, même si, je le rappelle une nouvelle fois, la pièce d'identité n'est pas obligatoire dans notre pays, que se passe-t-il ? Qu'arrivera-t-il si une personne ne donne pas son identité aux policiers municipaux, quand bien même les amendements seraient adoptés et que le Conseil constitutionnel change de jurisprudence ? Imaginons que je suis une personne malfaisante ; arrêté par la police municipale, qui me demande ma pièce d'identité, je dis que je n'en ai pas – et encore une fois, j'ai le droit de ne pas posséder de pièce d'identité. Je dois néanmoins justifier de mon identité. Je n'aurai que ma parole pour le faire. Que feront les policiers municipaux s'ils ont un doute ? En l'absence de la pièce d'identité, qui n'est pas obligatoire et qu'il ne suffira pas d'exiger, ils effectueront des actes d'enquête – à la limite, vos amendements se comprendraient mieux si l'on obligeait actuellement tout le monde à posséder une pièce d'identité, à laquelle les policiers municipaux auraient alors accès.

Dans ce cas précité, si le citoyen n'a pas fait faire de pièce d'identité et qu'il ne justifie pas son identité comme tout le monde, on sera obligé de le retenir et de l'emmener au poste pour vérification. En somme, vous acceptez l'idée que, dans les postes de police municipale, il pourrait y avoir une retenue, une privation de liberté pour vérifier l'identité de quelqu'un et effectuer des actes d'enquête. En pareil cas, la vérification d'identité effectuée par ces policiers irait bien au-delà de la demande de pièce d'identité formulée par une caissière de supermarché.

Je répète que les policiers municipaux peuvent effectuer un relevé d'identité et que, lorsque quelqu'un refuse son donner son identité ou qu'il y a un doute sur celle-ci, on le présente à un OPJ qui, pour connaître son identité, effectue des actes d'enquête parfois complexes. Il y a en effet des gens dont l'identité n'est pas certaine, parce qu'on ne possède pas leur état civil, qu'il s'agit d'étrangers venus sur notre sol sans pièce d'identité ou qu'il est difficile d'obtenir des informations de leur consulat. Nous sommes en discussion avec nombre d'États étrangers qui ne reconnaissent pas la nationalité que revendique la personne – une discussion que nous avons souvent.

Vous le voyez bien : une telle situation, et l'enquête qu'elle supposerait, soulève des difficultés ne pouvant être réglées par des amendements qui, s'ils peuvent sembler de bon sens, ne sont pas conformes au droit.

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