Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du lundi 20 novembre 2017 à 16h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Après l'article 46

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

Il n'y a aucun problème : tout le monde dit beaucoup de bêtises, notamment sur le verrou de Bercy, un mécanisme qui porte sans doute bien mal son nom.

Ce mécanisme a été instauré en 1977 dans le but d'aider les contribuables : considérant que l'administration fiscale ne devait pas être la seule à pouvoir engager des poursuites en matière fiscale, une commission indépendante, appelée « commission des infractions fiscales » – CIF – a été créée. Cette commission n'est pas gérée par l'administration de Bercy : présidée par un magistrat, elle est composée de plusieurs magistrats et de personnalités qualifiées désignées par MM. les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat. D'ailleurs, il serait sans doute intéressant que la mission d'information auditionne les membres de cette instance – j'imagine qu'elle le fera. Je le répète : la CIF n'est pas une instance gouvernementale, elle n'émane pas de l'exécutif, elle est composée de magistrats et de membres nommés par les présidents des assemblées parlementaires, ce qui garantit son indépendance vis-à-vis de l'administration fiscale.

Le verrou de Bercy, ce n'est donc pas le ministre chargé du budget qui examine les dossiers fiscaux et décide, pour chacun d'entre eux, s'il convient d'engager ou non des poursuites. Cela ne se passe plus comme cela depuis bien longtemps, et c'est fort heureux. L'administration fiscale s'en remet à une commission indépendante, présidée par un magistrat, composée de magistrats et de personnalités qualifiées désignées par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat. Ces dernières ne sont pas des représentants ou des membres du Parlement – on me dit que ce n'est pas possible, compte tenu de la séparation des pouvoirs – , mais c'est peut-être quelque chose qui pourrait évoluer.

Je fais là une proposition personnelle, qui n'émane pas de mon administration : la mission d'information en cours dans votre assemblée pourrait étudier la possibilité que des parlementaires siègent à la commission des infractions fiscales. Certes, cette évolution poserait un certain nombre de difficultés, tenant notamment au secret fiscal, mais si des parlementaires sont membres de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, il n'y a pas de raison qu'ils ne puissent pas intégrer la CIF. Ainsi, vous pourriez tous vous assurer de l'efficacité de cette commission.

Monsieur Coquerel, permettez-moi de formuler un second argument pour vous montrer que je repousse votre amendement non par principe, mais parce que je suis convaincu de ce que je vous dis. Pour poursuivre les délits de blanchiment de fraude fiscale, le parquet n'attend pas d'avoir l'accord de Bercy : certaines instances judiciaires ont la possibilité de se saisir directement de ce genre de délit, indépendamment de ce que pense le ministre chargé du budget.

Prenez garde à ne pas soumettre toutes les procédures au droit commun. Même Mme le procureur de la République financier, qui est connue pour son indépendance, notamment à l'égard de l'exécutif – je suis sûr que vous allez l'auditionner – , nous met en garde contre ce danger s'agissant de fraude fiscale caractérisée : en soumettant ces délits au droit commun, nous pourrions finalement être moins rapides et moins efficaces, tant dans le recouvrement de l'impôt que dans les poursuites.

Il est toujours possible d'améliorer les choses, et je me montre très ouvert à toutes vos idées. Cependant, il me semble trop facile, voire démagogique, de proposer la suppression du verrou de Bercy, qui n'en est d'ailleurs pas un. Avis défavorable.

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