La séance est ouverte.
La séance est ouverte à seize heures.
Vendredi soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles non rattachés à des missions, s'arrêtant à l'article 46.
Deux orateurs sont inscrits sur l'article 46.
La parole est à Mme Cendra Motin.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, monsieur le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mes chers collègues, en décembre 2015, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2016, le précédent gouvernement a pris une mesure visant à lutter contre la fraude à la TVA qui oblige les entreprises à utiliser des logiciels comptables et des systèmes de caisse ayant reçu une certification attestant qu'ils ne permettent plus de fraude fiscale et que les inspecteurs des impôts pourront consulter dans le cadre de leurs contrôles. Cette obligation, décidée à la fin de l'année 2015, doit s'appliquer au 1er janvier 2018.
Devant la diversité des logiciels de comptabilité et la difficulté à appliquer cette solution, nous proposons de limiter cette obligation aux seuls logiciels de caisse, tout en conservant le délai. En effet, le délai de deux ans accordé aux éditeurs de logiciels leur ont permis de se mettre aux normes.
Quant aux mises à jour des applicatifs des entreprises, fréquentes en début d'année, elles ne poseront pas de problèmes de délai. De plus, les solutions en mode SAAS – software as a service –, de plus en plus répandues, mutualisent les mises à jour et le développement, ce qui permet de limiter les coûts pour les éditeurs et leurs clients.
Il semble donc superflu de décaler cette mesure d'une année supplémentaire. La lutte contre toutes sortes de fraudes à l'impôt nous semble être une priorité absolue. Le présent dispositif, quoiqu'il vise des fraudes moins importantes que les affaires en cours, n'en reste pas moins l'un des vecteurs de cette lutte.
Voilà pourquoi nous proposons de soutenir l'article 46, qui vise à la fois à limiter la certification aux logiciels de caisse et à maintenir la date d'application de cette obligation au 1er janvier 2018.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.
Mon propos sera un peu différent de celui de Mme Motin. L'article 46 modifie les dispositions de la loi de finances pour 2016 introduisant notamment certaines obligations relatives aux logiciels pour les assujettis à la TVA, dans le but de lutter contre la fraude.
Cette volonté de lutter contre la fraude est vertueuse. Je veux redire ici que je l'approuve. En revanche, il importe que les dispositions votées soient applicables, ce qui suppose de prendre en compte la nature et la diversité des entreprises et des situations du monde économique, notamment celles des très petites entreprises – TPE – et des petites et moyennes entreprises – PME.
Il ne faudrait pas que les outils retenus soient par nature inapplicables, par exemple parce qu'ils seraient trop coûteux pour certaines entreprises, et qu'ils conduisent certaines d'entre elles à réduire leurs activités, voire à disparaître – telle pourrait en effet être la situation qui résulterait des dispositions de cet article. Plusieurs exploitants agricoles nous ont ainsi indiqué que leurs activités de vente à la ferme disparaîtraient probablement.
Ces craintes, monsieur le secrétaire d'État, nous ont conduits à déposer certains amendements : j'espère qu'ils retiendront votre attention car il y va de l'activité économique de l'ensemble de nos TPE.
Nous en venons aux amendements.
La parole est à M. Bruno Millienne, pour soutenir l'amendement no 1649 .
La volonté politique de lutter contre la fraude se heurte à une rédaction technique de l'article 46 du projet de loi de finances pour 2018. En effet, le renvoi à l'article 289 du code général des impôts – CGI – ne vise que les cas d'émission de factures obligatoires au sens fiscal pour les opérations entre assujettis ou personnes morales. En l'état, le texte conduirait à appliquer le dispositif de certification ou d'attestation à toutes les opérations réalisées avec les particuliers, même lorsqu'elles donnent lieu à l'émission de factures conformes au CGI, par exemple dans le cadre du commerce électronique. Ce texte serait inapplicable pour tous les autres assujettis – entreprises, associations, organismes ou entités publiques.
Les entreprises disposent généralement d'un système de facturation unique, non de plusieurs systèmes spécifiques en fonction du destinataire. En conséquence, elles émettent les mêmes factures quelle que soit la qualité du destinataire – entreprise, particulier, organisme du secteur public. En pratique, tous les logiciels de facturation devraient être certifiés. Ces remarques s'appliquent également aux sites de commerce électronique : tous les processus de ventes en ligne devraient donc être certifiés.
En conclusion, l'entreprise souhaitant obtenir une certification ou une attestation ne peut pas déterminer quels logiciels ou quelles fonctionnalités relèvent de l'obligation. À ce jour, seuls les systèmes de caisse enregistreuse disposent d'une procédure de certification, mais pas les logiciels de facturation.
Ce texte serait inapplicable en l'état pour les éditeurs, lesquels ne connaissent pas l'utilisation qui est faite de leurs logiciels, donc ne savent pas si les factures sont émises pour des professionnels, des particuliers ou des établissements publics.
La rédaction actuelle de l'article peut conduire à requalifier en logiciel de caisse un logiciel de facturation, si des factures sont émises à l'attention d'un particulier ou d'une administration, ou un logiciel de comptabilité, si des règlements sont comptabilisés directement par l'utilisateur. L'éditeur deviendrait ainsi responsable du mode d'utilisation de son logiciel par l'assujetti. Il est impossible de transposer les exigences d'un logiciel de caisse à un logiciel de facturation : leurs fonctionnalités respectives sont totalement différentes. Actuellement, il existe des dispositifs de certification en matière de caisse, mais pas en matière de facturation.
La parole est à M. Joël Giraud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission.
Avis défavorable.
L'article 46 précise que l'obligation de certification ne vaut que pour les logiciels ou systèmes de caisse. L'obligation ne concernera plus les progiciels de gestion intégrée ou de comptabilité : pour ces logiciels multifonctions qui traitent à la fois la comptabilité, la gestion et la caisse, seuls les modules caisse enregistreuse et encaissement devront être certifiés, non l'ensemble du logiciel.
Si votre dispositif s'appliquait, monsieur le député, on déshabillerait tellement le processus qu'il n'y aurait plus de lutte contre la fraude à la TVA.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, pour donner l'avis du Gouvernement.
Avis défavorable. Une facture n'est obligatoire, au sens fiscal, que dans le cadre d'une relation B to B – business to business, c'est-à-dire d'entreprise à entreprise. L'administration fiscale peut la contrôler car elle dispose d'un droit de communication envers l'entreprise cliente. A contrario, elle ne peut exercer de droit de communication auprès des particuliers.
Cet amendement conduirait donc à exclure du dispositif de sécurisation les entreprises qui émettent des factures contenant les mentions légales, qu'elles soient adressées à des entreprises ou à des particuliers.
Je suis donc l'avis du rapporteur général quant au risque de fraude accrue que cet amendement ferait courir.
Après avoir entendu ces arguments, je voudrais apporter le témoignage d'entreprises concernées par l'amendement no 1649 , déposé par M. Laqhila.
Aujourd'hui, 134 000 TPE et PME du e-commerce réalisent un chiffre d'affaires inférieur à 30 000 euros. Elles utilisent très souvent des logiciels open source ou développés en interne, pour construire leur site de vente en ligne. Or, par définition, ces logiciels ne sont pas certifiables, puisque leurs utilisateurs peuvent en modifier le code source. Ainsi, le dispositif mis en place empêchera ces entreprises de fonctionner avec leurs logiciels.
Pour certaines entreprises, les coûts de la certification sont évalués à 3 000 ou 4 000 euros.
J'ai recueilli le témoignage d'une entreprise, près de mon territoire, qui sera conduite à arrêter son activité du fait de ces coûts.
On ne peut pas ignorer cette difficulté, ni laisser penser que les logiciels du e-commerce ne sont pas concernés, puisqu'ils entrent bien dans la définition des logiciels que donne l'article 46.
Pour toutes ces raisons, je voterai pour cet amendement.
L'amendement no 1649 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 1079 .
Cet amendement est proche, dans son esprit, de celui qui vient d'être défendu. Il vise à simplifier le dispositif, en laissant les entreprises du e-commerce utiliser leur logiciels open source sans certification. Il s'agit donc d'adapter la mesure, en faisant en sorte que l'obligation de certification s'applique uniquement à des entreprises pour lesquelles le volume de chiffre d'affaires des règlements en espèces – c'est surtout sur celui-là que porte la lutte contre la fraude – dépasse un certain seuil, fondé sur le chiffre d'affaires total de l'entreprise.
Les entreprises du e-commerce ne réalisent presque pas de mouvements en espèces. Puisque d'autres moyens de contrôle de ces entreprises existent, il s'agit d'apporter une souplesse, en prenant en compte l'absence de règlement en espèces.
Il est défavorable, pour des raisons identiques à celles que j'ai développées tout à l'heure.
La fraude à la TVA ne concerne pas uniquement les paiements en espèces : il existe bien d'autres manières de frauder. C'est d'ailleurs un « produit » qui se développe bien.
Avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles du rapporteur général.
Permettre l'auto-attestation vide de son sens le dispositif. Il comporte un risque de fraude à la TVA qui, comme vous le savez, madame la députée, n'est pas seulement réalisée à partir des espèces.
L'amendement no 1079 n'est pas adopté.
Cet amendement vise à prendre en compte les difficultés que pose la certification aux entreprises, sans pour autant renoncer au dispositif – voyez, chers collègues, la manière dont nous essayons de participer de manière constructive à l'élaboration de ce projet de loi.
Son objectif est double : il s'agit, d'une part, de reporter la mise en application de la mesure d'un an, au 1er janvier 2019, afin de laisser aux entreprises le temps de s'adapter ; et, d'autre part, de reporter la charge de la délivrance de l'attestation ou du certificat sur les fournisseurs d'équipement, afin d'éviter la double peine, qui pèserait notamment sur les entreprises de proximité, en termes de charge d'investissement, donc de charge financière, et de complexité administrative.
La parole est à M. Philippe Dunoyer, pour soutenir l'amendement no 1169 .
Dans la même veine que les amendements précédents, tout en confirmant notre volonté commune de lutter contre la fraude fiscale et en saluant le principe de simplification de l'article 46, qui ne fait porter l'obligation que sur les logiciels de caisse, je signalerai, comme ma collègue, les difficultés que nous signalent plusieurs entreprises, qui n'ont pas été en mesure de se mettre en conformité dans les délais impartis.
Surtout, pour compléter ce qui a déjà été très bien dit, j'appelle votre attention sur une difficulté née de la doctrine fiscale, qui oblige les entreprises à se procurer à toute force le certificat lorsque celui-ci n'est pas délivré spontanément ni à la première demande. Cette charge administrative qui pèse sur les entreprises est injuste. Nous proposons donc, à travers notre amendement, que le code général des impôts impose au fournisseur de l'équipement ou à l'éditeur du logiciel l'obligation de fournir l'attestation de conformité soit lors de l'installation, soit à la première demande.
L'application de cette mesure est déjà différée depuis deux ans, puisqu'elle était prévue pour 2016. Si nous continuons à la reporter, je me demande où nous nous arrêterons et si elle adviendra un jour.
Sur le second point, c'est bien aux fournisseurs d'équipement et aux éditeurs de logiciels qu'incombe la charge de la certification, et non aux entreprises.
Avis défavorable.
Un délai de deux ans a été laissé aux assujettis et aux éditeurs de logiciels pour se mettre en conformité avec le dispositif proposé.
Je veux toutefois rassurer les entreprises : la direction générale des finances publiques les accompagnera pendant la première année d'application de ce dispositif, en vertu non pas d'une culture de la sanction ou du contrôle fondée sur le présupposé d'une malveillance des entreprises, mais d'un rôle de conseil. La DGFIP tiendra notamment compte des démarches engagées et des diligences effectuées par les entreprises pour obtenir le certificat ou l'attestation. C'est dans cet esprit que nous travaillerons. Les deux organismes certificateurs prendront également leur part de cet effort de pédagogie, qui est normal.
Pour l'ensemble de ces raisons, avis défavorable.
Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur général, vous avez fait valoir que les logiciels n'étaient pas uniquement destinés à contrôler les mouvements en espèces ; je suis tout à fait d'accord, et ce cas n'était qu'un exemple.
Monsieur le rapporteur général, il est exact que la charge n'incombera pas aux entreprises, puisque ce sont par définition les concepteurs qui devront construire ou adapter leurs logiciels, mais on sait très bien que les concepteurs répercutent sur les entreprises une partie du temps passé à développer les logiciels. Le fait, pour les entreprises, de les contacter pour obtenir la certification aura indéniablement un coût. Aujourd'hui, on parle de 3 000 à 4 000 euros ; je m'appuie pour le dire sur les devis qui m'ont été communiqués par certaines entreprises.
Prenons l'exemple d'exploitants agricoles qui proposent la vente à la ferme de leurs produits. Ce ne sont pas de gros montants qui sont en jeu. Ils vont renoncer à ce type d'activité, alors même que l'on incite par ailleurs nos agriculteurs à se diversifier, en lien avec le développement du tourisme et au nom de l'attractivité de nos territoires.
Je vous le dis : ce sont des cas que nous rencontrons sur le terrain. Dès lors, on peut regretter que vous n'entendiez pas nos arguments en faveur d'un report, qui aurait été un signal positif. Je suis très inquiète.
Moi, je ne suis pas inquiète du tout. D'abord parce que je n'ai pas les mêmes devis que vous, ma chère collègue : les estimations s'échelonnent plutôt de 500 à 1 500 euros.
Il s'agit du coût de l'achat d'un nouveau logiciel aux normes. Il existe aussi un petit logiciel très utilisé sur le marché, pour beaucoup de choses, et qui coûtera 19 euros par mois en mode SAAS, ce qui correspond à une sorte de location de service.
Pour avoir longtemps travaillé chez un éditeur qui proposait ce type de services de gestion, je peux confirmer, et c'est un avantage, que les éditeurs mutualisent les coûts de développement ; en revanche, ils ne les répercutent pas nécessairement tous, surtout quand une obligation légale s'impose à eux. D'après mon expérience dans mon domaine – la paie – , quand une obligation légale incombait à une entreprise, la mise aux normes obligatoire figurait dans le contrat de l'éditeur, qui, dès lors, ne facturait pas nécessairement un montant supplémentaire à son client.
On pourra avoir affaire à des éditeurs responsables qui seront en mesure de délivrer les certificats, puisqu'ils travaillent aux développements nécessaires depuis deux ans.
Quant aux agriculteurs, un amendement que nous avons examiné en commission devrait lui aussi vous rassurer. Nous en reparlerons tout à l'heure.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l'amendement no 1567 .
Le dispositif dont nous parlons a été adopté au cours de la précédente législature afin de limiter la fraude à la TVA ; je crois qu'il est bon et que les entreprises pourront s'y adapter assez facilement.
L'article 46 a pour objet de soustraire certaines entreprises à l'obligation d'utiliser un logiciel de caisse certifié. Notre amendement tend à préciser que les organismes HLM ne sont pas, eux non plus, concernés par cette obligation, mais aussi à étendre la dispense aux opérateurs ayant une activité de promotion immobilière, laquelle donne de toute façon lieu à l'établissement d'actes notariés.
Je ne vois pas très bien en quoi les organismes HLM pourraient être concernés par cette mesure : leur clientèle est soit professionnelle, auquel cas ils sont déjà soumis à des obligations de facturation, soit composée de particuliers dont les loyers sont, par définition, exonérés de TVA.
Quant aux notaires, compte tenu de ce que j'ai dit précédemment sur les logiciels multifonctions, je doute qu'ils soient nombreux à être concernés par l'obligation.
Avis défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons.
L'amendement no 1567 n'est pas adopté.
L'article limite l'obligation de certification aux seuls systèmes de caisse et y soustrait les personnes relevant du régime de la franchise en base de TVA du régime général.
Par souci d'équité, et pour tenir compte de ce que peut représenter pour les petites structures l'investissement induit par le dispositif, notre amendement vise à en dispenser également, puisqu'ils ne peuvent bénéficier de cette limitation, les exploitants agricoles non redevables de la TVA, qui relèvent du régime du remboursement forfaitaire de TVA agricole.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 455 .
Il est identique à celui dont Julien Aubert vient de nous proposer une excellente présentation.
Madame Motin, cet amendement ne résout pas du tout le problème des agriculteurs dont j'évoquais tout à l'heure le cas, puisque leur importante activité agricole les assujettit à la TVA, même si l'activité commerciale connexe qui leur permet de compléter leurs revenus reste modeste.
La proposition qui vient d'être présentée a fait l'objet en commission de plusieurs amendements identiques qui ont été adoptés, ce qui a donné lieu au présent amendement. Je ne vois d'ailleurs pas très bien pourquoi il n'est pas tout simplement identique aux deux précédents. Quoi qu'il en soit, cette proposition, formulée par des parlementaires siégeant sur tous les bancs, est parfaitement légitime.
Monsieur Aubert, peut-on considérer que vous avez défendu l'amendement identique no 1310 ?
Favorable à l'amendement no 1507 .
Sourires.
La parole est à M. Bruno Millienne, pour soutenir l'amendement no 1647 .
Pour faire respecter l'obligation d'utiliser un logiciel ou système de caisse sécurisé et certifié, une amende de 7 500 euros par manquement constaté est prévue. Initialement fixé à 5 000 euros, son montant a été relevé afin de la rendre plus dissuasive.
Ce montant nous paraît excessif et disproportionné s'agissant d'une amende fiscale, a fortiori pour les commerçants dont le chiffre d'affaires est limité. Nous proposons donc de le ramener à 5 000 euros.
Compte tenu des enjeux de la lutte contre la fraude à la TVA, le montant de l'amende a semblé raisonnable à la commission.
Avis défavorable.
Même avis.
Le montant de l'amende, arrêté en commission mixte paritaire en 2015, semble suffisamment incitatif, sans être démesuré.
L'amendement no 1647 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 453 .
Il s'agit en quelque sorte d'un amendement de repli : le montant de l'amende serait maintenu, mais son application reportée au 1er janvier 2019.
Nous en avons parlé en commission : les uns et les autres ont constaté que toutes les entreprises ne pourraient pas s'être dotées d'un logiciel de caisse certifié au 1er janvier 2018, c'est-à-dire dans quarante jours. Ce sera impossible à beaucoup d'entre elles, pour des raisons techniques. Dans ce contexte, il ne paraît pas très raisonnable de maintenir une amende renouvelable de 7 500 euros par logiciel ou par système de caisse.
L'amendement laisserait du temps aux entreprises et allégerait un peu l'épée de Damoclès que ce délai place au-dessus de leur tête.
Vous le savez, Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, nous a assuré ici même qu'une politique d'accompagnement des entreprises serait mise en oeuvre l'année suivant la mise en application du dispositif. Reporter l'amende d'un an adresserait un mauvais signal aux entreprises : celles qui, de bonne foi, n'ont pas réussi seront « couvertes » par cette phase de pédagogie, mais il faut bien sanctionner celles qui sont de mauvaise foi.
Avis défavorable.
Avis défavorable. Notre administration maniera avec parcimonie l'épée de Damoclès ; elle privilégiera l'accompagnement et la pédagogie.
L'amendement no 453 n'est pas adopté.
L'amendement no 1266 est retiré.
La parole est à M. Bruno Millienne, pour soutenir l'amendement no 1646 .
Puisque nous avons confiance dans la clémence du Gouvernement pour la première année, nous le retirons.
L'amendement no 1646 est retiré.
L'article 46, amendé, est adopté.
Ces quatre amendements ont le même objectif et se différencient seulement par le niveau des sanctions qu'ils définissent.
Comment ne pas évoquer, à la suite de l'article 46, qui concerne la fraude à la TVA, la fraude commise par le biais de l'optimisation fiscale, après le récent scandale des Paradise papers ? Nous avons beaucoup avancé dans la lutte contre l'optimisation fiscale, notamment grâce à l'échange automatique d'informations entre pays, si bien qu'en 2017 cinquante-trois pays le pratiquent et que ce chiffre atteindra près d'une centaine l'année prochaine, pour inclure des pays parmi les plus sensibles, comme la Suisse, le Luxembourg ou Singapour. C'est une mesure parmi d'autres au sein du projet de lutte contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices, dit BEPS.
Il en est une en particulier qui fait l'objet d'un projet de directive européenne : la communication à l'administration fiscale des schémas d'optimisation fiscale par les entreprises et les conseillers fiscaux. Pierre Moscovici, très engagé, communique dessus depuis six mois et espère aboutir à une directive d'ici à six mois. L'idée est de remonter le plus en amont possible dans le processus d'échappement à l'impôt. Certains pays ont adopté cette mesure il y a longtemps, comme l'Angleterre ou l'Irlande, lesquels ne sont pourtant pas les plus engagés dans ces questions.
Notre administration, informée de l'existence de tels dispositifs, serait ainsi plus réactive et pourrait interdire leur recours, en rendant illégal ce qui n'est aujourd'hui qu'immoral, ce qui aurait un vrai effet de dissuasion.
La transparence est une impérieuse nécessité pour les citoyens, pour la cohésion sociale, mais également pour éviter de transférer, dans notre budget, le manque à gagner sur les impôts payés par nos entreprises et nos concitoyens. C'est aussi une nécessité pour les entreprises. On nous oppose souvent l'idée selon laquelle il faut protéger les actionnaires. Or, protéger ses actionnaires, c'est les informer des risques que court l'entreprise, y compris en termes de réputation, et non seulement en raison des redressements fiscaux qu'elle peut subir.
Je comprends bien l'objectif poursuivi par l'auteur de ces amendements, et je pense qu'il est partagé sur tous les bancs. En dépit de la bonne intention qui les anime, ils se heurtent au principe constitutionnel de l'incompétence négative. En visant des « dispositifs de planification fiscale à caractère potentiellement agressif », vous n'êtes pas suffisamment précis. Le Conseil constitutionnel, appelé à se prononcer sur la loi de finances pour 2014, avait censuré l'obligation de déclarer les schémas d'optimisation fiscale, précisément parce que cette notion était trop imprécise. Puisque la vôtre l'est tout autant, sinon plus, la même censure risque de s'y appliquer.
Par ailleurs, ces amendements entraîneraient une sanction pénale voire une sanction pour fraude fiscale, ce qui semble manifestement disproportionné pour un manquement à une obligation déclarative. Je vous invite à retirer ces amendements. À défaut, j'émettrais un avis défavorable.
Les différentes mesures que vous proposez ont le même objet. Elles comportent des imprécisions juridiques de nature à les rendre peu conformes à la Constitution.
Vous le savez, la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales doit être organisée aux niveaux européen et international. À ce titre, une directive visant à rendre obligatoires les déclarations de montage est en cours de négociation à Bruxelles. Plusieurs dispositifs, qui existent déjà au niveau international, ont été transposés dans notre droit. Pour les plus grandes entreprises existe déjà le dispositif de la déclaration pays par pays, par exemple, qui permet aux administrations fiscales d'avoir précisément connaissance des données des structures établies dans d'autres États.
Pour l'ensemble de ces raisons, je vous suggère de retirer votre amendement. À défaut, l'avis serait défavorable.
Nous sommes régulièrement confrontés à ce type d'arguments : la liberté d'entreprendre, la protection de la vie privée ou, comme dans ce cas précis, l'apparente imprécision de ma proposition. Dans la Constitution sont aussi inscrits des principes forts, notamment celui d'égalité. Or lorsqu'un système conduit à une situation dans laquelle certains échappent à l'impôt et que celui-ci pèse entièrement sur les autres, c'est ce principe constitutionnel fort qui est bafoué.
Ces amendements visent simplement à coller à la directive européenne, ni plus ni moins, et à conditionner l'application du dispositif à l'entrée en vigueur de ladite directive. Nous pouvons revoir la formulation si elle n'est pas exactement conforme, mais l'objectif est bien celui-là, monsieur le secrétaire d'État. Nous retravaillerons éventuellement pour nous caler sur la directive européenne. Quoi qu'il en soit, il est important que les États envoient des signaux à l'Europe. Je comprends que nous ne voulions pas être les premiers, parce qu'appliquer une telle mesure seuls n'aurait pas de sens. Cela dit, ce serait une bonne chose que dire à l'Europe que nous sommes là, que nous soutenons ces dispositions, comme nous l'avons déjà fait.
La parole est à Mme Émilie Cariou, pour soutenir l'amendement no 1858 .
Cet amendement vise à redéfinir la notion de paradis fiscal en droit français. On parle aujourd'hui des « États et territoires non coopératifs » – ETNC – à l'article 238-0 A du code général des impôts. Or on se rend compte que cette définition a eu des conséquences assez affligeantes, puisque seuls sept États actuellement sont classés ETNC en France, sans que cette liste n'inclue les îles Caïman ou les Bermudes. En effet, dès lors qu'un État conclut une convention d'échanges de renseignements fiscaux ou financiers avec l'État français, il sort de notre liste des paradis fiscaux.
Je tiens d'ailleurs à saluer les journalistes pour le travail qu'ils ont accompli récemment sur les Paradise papers, que ce soit au Monde, à Radio France ou dans d'autres médias français ou internationaux. Pour eux, se battre pour l'information a parfois des conséquences gravissimes. Nous pouvons tous les saluer. Il faut que les États les aident, parce que, s'il est bien beau de lancer une mission d'information, nous avons aussi une responsabilité.
Je vous propose ainsi de retenir la notion de « bonne gouvernance fiscale », qu'est en train de créer l'Union européenne, et, au-delà, de se référer à un taux. En effet, une fois que les échanges seront transparents entre tous les États du monde, on saura qui transfère quels fonds aux îles Caïman ou aux îles Vierges, mais cela ne dira pas si l'on a le droit d'imposer le flux. D'où l'intérêt d'introduire la notion de « différentiel de taux », que l'on appliquait il y a vingt ans dans les services fiscaux, quand la liste des paradis fiscaux comportait soixante-dix pays. Je propose le chiffre de 5 points par rapport à notre taux de droit commun, qui sera bientôt de 25 % : nous pourrions établir que, lorsque le taux de l'impôt sur les sociétés est inférieur à 20 %, l'État n'applique pas les standards de bonne gouvernance.
En redéfinissant ainsi les paradis fiscaux, nous pourrions rapatrier les fonds au titre de toute une série de mesures qui existent dans notre droit français. Cela permettrait d'asseoir des retenues à la source ou de rapatrier des transferts de bénéfices au titre de l'article 57 du code général des impôts. Nous disposons déjà de tout le panel juridique qui servirait dès aujourd'hui si la liste existait.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.
Sourires.
Madame Cariou, je sais à quel point vous êtes vigilante sur ces sujets que vous pratiquez depuis un certain temps – et vous trouverez bien évidemment en moi un soutien. Votre dispositif pose toutefois quelques problèmes.
Vous proposez une définition alternative des ETNC qui conduirait à inclure des États membres de l'Union européenne, ce qui méconnaîtrait le droit de l'Union. Ce n'est pas parce que certains États de l'Union européenne ne sont pas en conformité qu'il ne faut pas être en conformité avec le droit de l'Union. Par ailleurs, si l'on comprend les finalités de votre définition, elle reste trop imprécise et tombe sous le coup d'une incompétence négative.
Le critère pour être qualifié d'ETNC serait non plus la coopération et la transparence, mais un taux d'imposition inférieur d'au moins 5 points au taux de l'impôt sur les sociétés français. Or le taux d'imposition ne relève pas d'une absence de coopération. L'amendement susciterait une confusion avec les régimes fiscaux privilégiés.
Enfin, en retenant un taux inférieur à 5 points par rapport à la France, presque tous les États de l'Union européenne et de l'Organisation de coopération et de développement économiques – l'OCDE – seraient concernés en l'état actuel des taux. Je pense qu'il vaudrait mieux que votre amendement n'ait pas une application immédiate, si l'on ne veut pas considérer l'ensemble des États de l'Union comme des États non coopératifs, voire un peu voyous. Avis défavorable sur la rédaction actuelle du dispositif.
Je veux souligner la pertinence de votre amendement et de son objectif. Néanmoins, vous savez que les travaux engagés par l'Union européenne pour établir une liste de paradis fiscaux d'ici à la fin de l'année devraient trouver une issue positive. Nous veillerons à ce qu'elle permette de bien faire progresser la transparence au niveau international. Le ministre Bruno Le Maire est très engagé dans cette question et il a défendu ce sujet au niveau européen, bien avant que le scandale des Paradise papers n'éclate. J'en profite pour me joindre à vos félicitations à l'égard de tous ceux qui ont été des lanceurs d'alerte et ont permis d'avoir ces éléments d'éclairage.
Par ailleurs, il faut harmoniser l'impôt sur les sociétés au niveau européen, que ce soit sur les taux ou l'assiette. La baisse de 33,3 % à 25 % que nous opérons permettra d'approcher la moyenne européenne dans le cadre du quinquennat. C'est bien l'enjeu de la discussion ouverte sur la directive ACCIS – assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés. Sachez que vous êtes évidemment la bienvenue pour travailler en bonne intelligence avec les services de notre administration et les cabinets des ministres concernés : vous serez toujours accueillie avec bienveillance. Vous comprendrez toutefois que, pour les mêmes raisons que celles données par M. le rapporteur général, l'avis du Gouvernement est défavorable. Cela dit, je vous remercie vraiment.
L'écart de 5 points s'entend par rapport au taux de 25 % qui deviendra notre taux de droit commun, mais j'entends qu'il faille préciser l'amendement en ce sens.
Je vais retirer mon amendement. Vous avez raison : la Commission européenne publiera bientôt la liste. Vous nous appelez à coopérer avec le Gouvernement sur ce sujet. Nous avons demandé à lancer une mission d'information sur l'optimisation fiscale, en plus de la mission sur le verrou de Bercy. Notre groupe s'associera bien évidemment au Gouvernement pour ces travaux. Quant aux États européens qui seraient concernés par mon amendement, je les invite à se mettre en conformité, dans une optique d'harmonisation fiscale, avec les États de l'Union qui n'ont pas pour objectif de siphonner les recettes fiscales des autres. Le problème ne se poserait plus.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.
L'amendement no 1858 est retiré.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l'amendement no 1851 .
J'ai déjà déposé un amendement identique à celui-ci en 2015. Il vise à faire en sorte que les sociétés de conseil, avant de commercialiser des schémas d'optimisation, les adressent à l'administration fiscale, de sorte que Bercy ait connaissance des schémas d'optimisation qui rentrent dans le cadre légal, tout en se rapprochant toujours plus de la frontière de la légalité. Ce principe existe au Royaume-Uni depuis 2004.
Je sais que M. le rapporteur général avancera l'argument selon lequel nous ne saurions être les seuls à instaurer une telle obligation, mais on ne peut pas à la fois dire – comme M. le ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, l'a fait à plusieurs reprises pendant cette discussion budgétaire – que la France est pionnière dans ce domaine et nous répondre qu'il faut attendre l'Union européenne. Ne tombons pas dans le paradoxe de l'oeuf et de la poule.
Cet amendement vise uniquement à créer l'obligation de déclarer à Bercy les schémas d'optimisation fiscale avant qu'ils ne soient commercialisés. Cette obligation existe depuis très longtemps dans certains pays de l'Union européenne, donc je ne vois pas pourquoi elle ne serait pas mise en oeuvre en France également. Le jour où Bercy souhaitera opérer des contrôles, cela permettra d'éviter de chercher pendant des lustres la manière dont le montage fonctionne.
Comme pour l'amendement précédent, il s'agit d'un objectif que nous partageons tous. Je ne sais pas qui, de la poule et de l'oeuf, est le plus en avance, mais pour peu que la Commission européenne représente l'oeuf, celui-ci a quand même été pondu. Il existe désormais un document qui prévoit une série de dispositions relatives aux intermédiaires financiers, qui ont été rappelées la semaine dernière par Pierre Moscovici.
Ce que je trouve excessif dans votre proposition, c'est qu'on a l'impression que tout intermédiaire, quel qu'il soit – avocat, comptable, cabinet de conseil – est soupçonné et soupçonnable de fraude ou d'abus de droit. C'est disproportionné par rapport à l'objectif que vous voulez atteindre. Je vous inviterais plutôt à retirer cet amendement et à vous rallier à l'amendement no 1508 , qui enrichit la documentation des prix de transfert à l'aune des standards BEPS. À ce stade, avis défavorable.
Madame la députée, c'est non pas l'histoire de la poule et de l'oeuf, mais celle du lièvre et de la tortue, et vous connaissez l'issue de la fable de La Fontaine : ce ne sont pas toujours les premiers partis qui arrivent à bon port.
Comme vous le savez, un projet de directive est en cours d'élaboration au niveau européen, qui prévoit une obligation de déclaration des montages transfrontaliers et surtout un échange de données entre les États membres. La France s'inscrit pleinement dans cette logique puisque, comme vous l'avez rappelé, Bruno Le Maire en a été l'un des fers de lance lors des échanges à Bruxelles. Le dispositif que vous prévoyez dans votre amendement me semble prématuré alors que ce texte – dont l'intérêt est de se situer au niveau communautaire – est en cours de discussion et que la France en est partie prenante. Avis défavorable.
Je suis surprise par la réponse tant du rapporteur général que du secrétaire d'État. En rédigeant cet amendement, nous avons pris plusieurs précautions. D'abord, le dispositif entrerait en vigueur le 1er janvier 2019 et comprendrait une phase d'expérimentation de deux ans ; si, au bout de cette période, Bercy ne reçoit aucun schéma commercialisé qui permettrait de détecter des fraudes, on pourra arrêter l'expérience. Quel risque prend-on à lancer un processus expérimental sur deux ans ? Si le dispositif n'est pas conforme au texte qu'aura adopté l'Union européenne, il suffira de le modifier puisque de toute façon il expirera au bout de cette période.
Monsieur le rapporteur général, je ne suis pas d'accord avec vous : cette proposition n'a rien à voir avec l'échange d'informations entre fiscs. Loin de sortir de nulle part, elle correspond à la douzième des quinze recommandations formulées par l'OCDE.
On vous propose donc de donner vie à une recommandation de l'OCDE ; on fait entrer le dispositif en vigueur le 1er janvier 2019 et on lui donne un caractère expérimental pendant deux ans, ce qui permet de l'arrêter s'il ne marche pas et de l'adapter au droit européen. Pour ce qui est des sanctions – point qui pose souvent problème auprès du Conseil constitutionnel – , c'est un décret en Conseil d'État qui les fixerait. On est donc vraiment bordé ! D'autres pays membres de l'Union européenne le font ; si nous ne le faisons pas, il sera difficile de dire que nous sommes le fer de lance ou la locomotive dans ce domaine.
Et puis, monsieur le secrétaire d'État, dans la fable sur le lièvre et la tortue, c'est la tortue – qui part tranquillement la première – qui arrive au bout, et non le lièvre qui s'oublie en chemin !
Sourires.
L'amendement no 1851 n'est pas adopté.
L'amendement proposé par le groupe REM tend à durcir les sanctions contre les grands fraudeurs du fisc. Nous visons la fraude commise en bande organisée ou avec des circonstances aggravantes, déjà définies dans la loi, telles que la dissimulation d'identité ou la domiciliation fiscale fictive à l'étranger.
Nos concitoyens ont raison de trouver inacceptable et insupportable que des contribuables se soustraient à l'impôt, violant ce qui constitue notre pacte républicain. L'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme exprime clairement le lien entre l'entretien de la force publique et la contribution nécessaire de chacun, entre la citoyenneté et l'impôt. C'est pourquoi nous souhaitons rendre obligatoire, sauf motivation spéciale du juge, une peine de privation des droits civiques : l'impossibilité d'être élu, d'exercer des fonctions publiques, de voter ou encore de représenter quelqu'un devant la justice. Nous souhaitons également renforcer les sanctions financières prévues en cas de condamnation ou encore le montant des amendes en cas de refus de communication des données demandées par le fisc. Le message de notre majorité est simple : nous voulons construire une société de confiance, mais le corollaire de la confiance, c'est la responsabilité et l'exemplarité.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 1508 .
Cet amendement avait été déposé et adopté par la commission sur une initiative de Mme de Montchalin. Sans être concurrents, ces deux amendements – de nature quasi identique sur le principe – sont légèrement différents sur plusieurs points.
La différence essentielle réside dans le fait que l'amendement no 1746 suit une logique plus coercitive puisqu'il vise à alourdir les sanctions : en l'adoptant, on multiplierait par sept le montant de l'amende applicable en cas de manquement aux obligations de communication de données ; en cas de fraude fiscale aggravée, la privation de droits civiques, civils et de famille – et non des seuls droit de vote et éligibilité – , soit de ce qu'on appelait jadis en droit la dégradation civique complète, deviendrait automatique. Pour être applicable, cet amendement no 1746 devra de toute façon être coordonné avec le code pénal ; je m'en remettrai, le concernant, à la sagesse de l'Assemblée. Pour ce qui est de l'amendement de la commission, je ne puis évidemment qu'y être favorable.
Monsieur Guerini, le Gouvernement partage pleinement la volonté exprimée par le groupe REM de renforcer les dispositifs de lutte contre la fraude fiscale et de recherche des infractions. Les sanctions proposées étant réservées aux cas établis d'intentionnalité avec des circonstances aggravantes, le Gouvernement émettra un avis favorable sur ces deux amendements, pour des raisons que nous avons évoquées dans le débat public depuis plusieurs semaines. Avant les Paradise papers, il y avait eu les Panama papers, et je m'enorgueillis du fait qu'à la suite de cette première salve de révélations, la France ait été le pays ayant engagé le plus de poursuites pénales. C'est cette philosophie qui semble animer ces deux amendements ; je m'y inscris pleinement, d'où cet avis favorable.
Monsieur le secrétaire d'État, dans la mesure où il s'agit d'une discussion commune, il est difficile que vous donniez un avis favorable aux deux amendements.
J'ai été emporté par mon enthousiasme !
Sourires.
En effet, il semble difficile d'obtenir un accord simultané sur ces deux amendements, mais notre groupe préfère évidemment sa production. Je me réjouis donc de l'avis favorable du Gouvernement, conforme aux discussions que nous avons eues. Nous voterons bien pour l'amendement qu'a présenté Stanislas Guerini, fût-ce au détriment de celui qui suit.
Cette précision est utile dans la mesure où les membres du groupe REM sont signataires des deux amendements en question.
Sourires.
Il faut en effet renforcer notre arsenal pénal pour lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ; nous considérons donc l'amendement no 1746 comme positif et nous le voterons. Mais ne représente-t-il pas une épée de bois ? De fait, ces dispositions ont beau être utiles, elles ne nous permettront d'agir ni contre les intermédiaires ni contre les grandes multinationales qui, comme l'ont révélé les Paradise papers, localisent 45 % de leurs bénéfices dans les paradis fiscaux.
Par ailleurs, l'efficacité du système dépend de bien d'autres paramètres. Si aujourd'hui, en France, aucun évadé ni fraudeur fiscal n'est derrière les barreaux, c'est aussi parce que les moyens du parquet national financier sont faibles et l'autonomie de la justice dans ce domaine, limitée. Ainsi, jusqu'à présent, vous vous êtes toujours refusés à faire sauter le verrou de Bercy, qui rend la justice impuissante dans la lutte contre la fraude fiscale. Je rappelle que le verrou de Bercy est ce qui a mis notre pays dans cette situation paradoxale où le fraudeur Cahuzac ne pouvait être poursuivi que par le ministre Cahuzac ; sans les lanceurs d'alerte et les journalistes, cette affaire n'aurait jamais été au bout.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur Ferrand, je voudrais avoir une clarification. Votre groupe présente deux amendements légèrement différents, l'un étant plus sévère que l'autre. Du reste, le second avait été présenté et adopté en commission. Pourquoi ce durcissement en une semaine ? Pour quelle raison avez-vous tout d'un coup estimé que l'amendement no 1508 , devenu un amendement de la commission des finances, n'était pas assez dur et qu'il fallait absolument le renforcer ? Qu'est-ce qui vous a fait évoluer ?
Ce qui nous a fait évoluer, c'est que les droits civiques, civils et de famille ne se limitent pas aux seuls droits politiques, tels que l'éligibilité ou le droit de vote. Depuis une semaine, nous avons donc travaillé pour nous assurer que nous pouvions étendre la disposition à l'ensemble de ces droits et renforcer les sanctions. Vu le contexte actuel, ce durcissement permet de clarifier la ligne vis-à-vis de ceux qui fraudent et qui trahissent le pacte républicain de financement collectif de la cité. Cela nous semble essentiel ; c'est pourquoi nous voterons l'amendement no 1746 .
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.
En effet, l'amendement no 1746 parle de l'« interdiction des droits civiques, civils et de famille », alors que le no 1508 n'évoque que l'« interdiction de droit de vote » et l'« inéligibilité ». C'est bien la différence entre ces deux amendements, signés par les mêmes députés.
La parole est à M. le rapporteur général.
Sourires.
Cependant, j'appelle votre attention sur la nécessité de coordonner ces dispositions avec le code pénal. Nous n'avons pas le temps de déposer un sous-amendement, mais il faudra vraiment procéder à cette coordination au cours de la navette.
L'amendement no 1508 est retiré.
L'amendement no 1746 est adopté à l'unanimité.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Cet amendement vise à créer un délit d'incitation à la fraude fiscale. Il s'agit d'une proposition concrète s'appuyant sur les travaux remarquables de la commission d'enquête sénatoriale de 2013 sur le rôle des banques et des acteurs financiers dans l'évasion des capitaux. J'invite tous mes collègues à lire ce rapport, très instructif, rédigé par notre collègue Éric Bocquet et qui a été largement adopté par le Sénat.
Les scandales fiscaux à répétition ont également mis en lumière le rôle obscur de certains intermédiaires qui outrepassent parfois leur mission en organisant et en proposant à leurs clients des solutions fiscales illégales afin de les aider à frauder l'impôt à travers la création de trusts, de comptes offshore ou encore de sociétés écrans. Il convient aujourd'hui de renforcer notre arsenal juridique pour prévenir et sanctionner celles et ceux qui participent à la fraude fiscale, qu'ils soient professionnels du chiffre, cabinets juridiques ou conseillers fiscalistes. Nous proposons donc de créer un délit d'incitation à la fraude fiscale, et nous nous félicitons de voir d'autres groupes reprendre cette proposition concrète que nous défendons depuis plusieurs années.
Certaines professions sont soumises à des obligations professionnelles et déontologiques – c'est notamment le cas des avocats. Ces règles déontologiques et, plus généralement, notre droit actuel ne nous prémunissent pas, toutefois, contre les pratiques qui poussent à la fraude fiscale, notamment à travers des schémas complexes. Pour les contribuables les plus aisés, les sollicitations et les conseils ne manquent pas. Il n'est d'ailleurs pas rare que les honoraires soient liés à ces prestations et corrélés au gain fiscal permis par tel ou tel montage : certains professionnels voient leurs honoraires directement liés au montant optimisé. On voit bien là les effets déplorables d'une telle incitation. Voilà pourquoi notre pays doit aujourd'hui se doter d'un outil permettant de réprimer le démarchage en matière d'évasion fiscale. Tel est le sens du présent amendement.
La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir l'amendement no 1406 .
Cet amendement est identique à celui que vient de présenter M. Dufrègne.
Si nous luttions contre la drogue, il serait paradoxal de frapper les seuls consommateurs et de ne jamais nous en prendre aux trafiquants. De même, la lutte contre le dopage ne pourrait pas sanctionner les sportifs sans s'intéresser à ceux qui leur fournissent les produits illicites. Il en va de même concernant la fraude et l'évasion fiscales : on ne peut lutter efficacement contre ces pratiques si l'on épargne ceux qui proposent, par des publicités intempestives, différents dispositifs permettant aux plus fortunés d'échapper à l'impôt ou d'« optimiser » leurs biens afin d'échapper à ce formidable outil républicain que constitue l'impôt.
C'est la raison pour laquelle il faut créer un délit d'incitation à la fraude fiscale. Cela permettrait de lutter efficacement contre l'évasion fiscale que nous dénonçons tous sur ces bancs. Force est en effet de constater que, malgré toutes les belles paroles entendues au cours des dernières décennies, et particulièrement des dernières années, rien ne se passe. Il est temps d'agir, notamment en ciblant ceux qui vont démarcher nos concitoyens fortunés. Nous connaissons très bien ces pratiques car il est bien souvent assez facile d'observer l'activité de ces organismes qui ont pignon sur rue et qui font de la publicité. Il faut que tout cela cesse ! Tel est donc l'objet de l'amendement no 1406 : disposer d'un outil efficace pour lutter contre ce délit qui coûte trop cher à la nation.
Des amendements rédigés dans les mêmes termes sont déposés depuis déjà plusieurs années ; ils se heurtent chaque fois à un obstacle constitutionnel. Au demeurant, ils poursuivent les mêmes objectifs que l'instrument sur les intermédiaires fiscaux que la Commission européenne est en train d'élaborer. Il serait donc très intéressant de se référer à cette norme en cours d'écriture, afin que le droit français soit conforme à la fois à la Constitution et au droit européen. Nous pourrions ainsi lutter efficacement contre les pratiques révélées par les Paradise papers. Avis défavorable.
La parole est à M. le ministre de l'action et des comptes publics, pour donner l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques.
Effectivement, ces amendements posent une difficulté juridique. En revanche, dès que la directive européenne aura été adoptée, nous devrons en tirer d'urgence les conséquences en droit français, …
… afin d'agir contre les intermédiaires qui diffusent largement ces schémas de fraude.
Je rejoins les arguments de M. Corbière : on ne peut pas lutter contre la fraude sans s'attaquer à son origine, laquelle réside dans les schémas commercialisés par des cabinets d'avocats fiscalistes dont l'activité est aujourd'hui extrêmement lucrative. Nous souhaitons qu'après l'adoption de la directive, toutes les conséquences en soient tirées en droit français et qu'un régime de sanctions soit mis en place.
J'avoue que je ne comprends pas ces réponses. Il y aurait, dites-vous, un problème juridique. Mais c'est à nous de faire la loi dans cet hémicycle ! Il faudrait, dites-vous encore, attendre la Commission européenne. Excusez-nous : nous n'avons aucune confiance dans la manière dont elle aborde ce problème. De toute manière, il serait utile et même fertile pour les travaux de la Commission européenne que la France donne le ton.
Les arguments qui nous sont opposés semblent témoigner, au mieux, d'une gêne : vous préférez attendre sans rien faire. Or nos concitoyens exigent précisément que nous agissions vite et que nous donnions le ton à l'échelle européenne. La France pourrait marcher devant et mettre en avant la législation adoptée par l'Assemblée nationale : il me semble que ce serait utile pour nos collègues européens. Surtout, ne nous alignons pas sur le moins-disant dans cette affaire. Tout cela nous a coûté trop cher, nous a fait perdre trop de temps et gaspiller trop d'argent. Il est temps d'agir. Je ne comprends pas votre réaction. Nous maintenons bien évidemment notre amendement.
Vous avez sans doute remarqué que nous défendions, à ce stade, des amendements que nous avions déjà soutenus lors de l'examen de la première partie de ce projet de loi de finances. Depuis quelques semaines, en effet, le scandale des Paradise papers a été révélé et nous avons entendu le ministre Bruno Le Maire expliquer que la fraude était non pas seulement un scandale en termes de recettes fiscales – on estime que 80 milliards d'euros partent chaque année dans la nature – , mais aussi un problème démocratique absolument grave, contre lequel il fallait prendre des décisions. Nous vous prenons au mot. Dès lors que, malgré toutes les mesures qui ont été prises, on constate que la fraude, l'évasion fiscale et l'optimisation illégale continuent de plus belle, il faut savoir être plus radical. C'est pourquoi nous avons fait des propositions sur la question des paradis fiscaux.
J'ai d'ailleurs entendu tout à l'heure quelque chose d'intéressant, lorsque M. le rapporteur général s'est opposé à l'amendement no 1858 de Mme Cariou, estimant qu'il pourrait poser des problèmes parce qu'il risquait d'inclure des pays membres de l'Union européenne dans la liste des paradis fiscaux. C'est une sorte d'aveu.
Le second thème essentiel sur lequel nous souhaitons intervenir concerne le verrou de Bercy. Il y a quelques mois, dans cet hémicycle, nous avions défendu un amendement qui visait à supprimer ce dispositif et avait recueilli l'accord de presque tous les groupes ; or il a suffi que M. Darmanin propose la création d'une mission pour que nos collègues du groupe La République en marche, qui n'étaient pas défavorables à cet amendement sur le fond, préfèrent créer la mission proposée.
Il s'agit d'une mission parlementaire ! Je n'en suis pas à l'origine !
Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts. Le moment est venu d'aller plus loin et de remettre en question cette juridiction spéciale.
Il y a quelques jours, le 14 novembre, le parquet national financier s'est satisfait, dans un communiqué, qu'une première convention judiciaire d'intérêt public ait été signée avec HSBC, dans le cadre de la loi Sapin 2. Or, en vertu de cette convention, l'État récupère seulement 300 millions d'euros alors que HSBC a soustrait plus de 1,6 milliard d'euros à l'administration fiscale. Aussi, nous voyons bien qu'il faut prendre des mesures plus radicales.
Nous avons déjà débattu du verrou de Bercy, et une mission d'information de notre assemblée travaille sur le sujet. Avis défavorable.
Monsieur Coquerel, ce n'est pas moi qui ai proposé la création d'une mission. Il s'agit d'une mission parlementaire, et j'ai trop de respect pour le Parlement pour m'immiscer dans ses affaires. Cela dit, il est tout à fait logique que cette mission se réunisse ; comme toutes les missions d'information créées au Parlement, elle est composée de représentants de tous les groupes politiques.
Nous débattons d'un sujet compliqué, sur lequel il est assez facile de sombrer dans la démagogie sans pour autant atteindre l'objectif que nous partageons tous : rendre l'administration fiscale plus efficace dans le recouvrement et la lutte contre la fraude fiscale. On dit beaucoup de bêtises…
… en général ! Ne vous inquiétez pas, monsieur le député : chacun prend sa part !
Cela vaut surtout pour le Gouvernement et le Président de la République !
Sourires.
Il n'y a aucun problème : tout le monde dit beaucoup de bêtises, notamment sur le verrou de Bercy, un mécanisme qui porte sans doute bien mal son nom.
Ce mécanisme a été instauré en 1977 dans le but d'aider les contribuables : considérant que l'administration fiscale ne devait pas être la seule à pouvoir engager des poursuites en matière fiscale, une commission indépendante, appelée « commission des infractions fiscales » – CIF – a été créée. Cette commission n'est pas gérée par l'administration de Bercy : présidée par un magistrat, elle est composée de plusieurs magistrats et de personnalités qualifiées désignées par MM. les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat. D'ailleurs, il serait sans doute intéressant que la mission d'information auditionne les membres de cette instance – j'imagine qu'elle le fera. Je le répète : la CIF n'est pas une instance gouvernementale, elle n'émane pas de l'exécutif, elle est composée de magistrats et de membres nommés par les présidents des assemblées parlementaires, ce qui garantit son indépendance vis-à-vis de l'administration fiscale.
Le verrou de Bercy, ce n'est donc pas le ministre chargé du budget qui examine les dossiers fiscaux et décide, pour chacun d'entre eux, s'il convient d'engager ou non des poursuites. Cela ne se passe plus comme cela depuis bien longtemps, et c'est fort heureux. L'administration fiscale s'en remet à une commission indépendante, présidée par un magistrat, composée de magistrats et de personnalités qualifiées désignées par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat. Ces dernières ne sont pas des représentants ou des membres du Parlement – on me dit que ce n'est pas possible, compte tenu de la séparation des pouvoirs – , mais c'est peut-être quelque chose qui pourrait évoluer.
Je fais là une proposition personnelle, qui n'émane pas de mon administration : la mission d'information en cours dans votre assemblée pourrait étudier la possibilité que des parlementaires siègent à la commission des infractions fiscales. Certes, cette évolution poserait un certain nombre de difficultés, tenant notamment au secret fiscal, mais si des parlementaires sont membres de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, il n'y a pas de raison qu'ils ne puissent pas intégrer la CIF. Ainsi, vous pourriez tous vous assurer de l'efficacité de cette commission.
Monsieur Coquerel, permettez-moi de formuler un second argument pour vous montrer que je repousse votre amendement non par principe, mais parce que je suis convaincu de ce que je vous dis. Pour poursuivre les délits de blanchiment de fraude fiscale, le parquet n'attend pas d'avoir l'accord de Bercy : certaines instances judiciaires ont la possibilité de se saisir directement de ce genre de délit, indépendamment de ce que pense le ministre chargé du budget.
Prenez garde à ne pas soumettre toutes les procédures au droit commun. Même Mme le procureur de la République financier, qui est connue pour son indépendance, notamment à l'égard de l'exécutif – je suis sûr que vous allez l'auditionner – , nous met en garde contre ce danger s'agissant de fraude fiscale caractérisée : en soumettant ces délits au droit commun, nous pourrions finalement être moins rapides et moins efficaces, tant dans le recouvrement de l'impôt que dans les poursuites.
Il est toujours possible d'améliorer les choses, et je me montre très ouvert à toutes vos idées. Cependant, il me semble trop facile, voire démagogique, de proposer la suppression du verrou de Bercy, qui n'en est d'ailleurs pas un. Avis défavorable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.
Monsieur le ministre, j'ai eu le sentiment que vous défendiez un petit peu ce qu'on appelle le verrou de Bercy. Certes, vous vous montrez ouvert à quelques aménagements, mais je vous confirme que c'est la suppression de ce dispositif que nous demandons.
Ce dispositif ancien accrédite l'idée selon laquelle la lutte contre la fraude fiscale serait menée dans une certaine opacité et que certains contribuables jouiraient d'une impunité. À nos yeux, ce mécanisme demeure une anomalie institutionnelle et une atteinte au principe fondamental de la séparation des pouvoirs. Pour lutter efficacement contre la fraude et l'évasion fiscales, il convient de supprimer le verrou de Bercy. Nous n'avons que trop tardé à le faire.
J'ai bien entendu qu'une mission d'information avait été mise en place par notre assemblée. Or le Sénat a déjà voté la suppression de ce dispositif à trois reprises. Nous pouvons donc, à l'Assemblée nationale, prendre nos responsabilités en votant l'amendement no 1409 visant à supprimer dès aujourd'hui ce verrou.
Monsieur Darmanin, votre argumentaire est à peu près le même que celui que vous avez exposé ici même il y a quelques mois. Je vous rappelle d'ailleurs que c'est vous qui avez suggéré, sentant que la critique montait, une mission d'information susceptible de proposer une solution sur le sujet. Pour ma part, je continue à penser que votre suggestion avait pour seul objectif de faire paravent, afin de masquer ce qui montait des bancs de l'Assemblée. Je vous rappelle que beaucoup de groupes s'étaient exprimés dans le même sens, y compris certains qui, d'habitude, ne sont pas d'accord entre eux.
Vous dites qu'il s'agit d'aider les contribuables. Je considère quant à moi que les fraudeurs sont des délinquants et je ne vois pas pourquoi des délinquants, en plus à hauteur de centaines de millions d'euros, voire beaucoup plus comme dans le cas d'HSBC, que je viens d'évoquer, pourraient bénéficier d'une juridiction spéciale. C'est quelque chose qui dépasse l'entendement et rappelle l'Ancien régime.
Vous affirmez que la commission des infractions fiscales est indépendante. Si tel est le cas, pourquoi ne pas laisser la justice, pouvoir réellement indépendant, traiter de ce type de délinquance ? La question se pose d'autant plus que toutes les mesures prises depuis des années maintenant pour essayer de récupérer un peu d'argent ont un effet infinitésimal au regard des dizaines de milliards d'euros que représente chaque année la fraude fiscale – et je ne parle même pas de l'optimisation, dont le montant est estimé à 20 milliards par le journal Le Monde. Il est clair que le dispositif actuel ne fonctionne pas. C'est pourquoi le groupe La France insoumise vous propose d'aller plus loin.
L'amendement no 1409 n'est pas adopté.
Je le qualifie de repli car nous proposons une disposition que vous qualifierez peut-être de plus raisonnable, monsieur le ministre.
Lorsqu'il est établi qu'on a affaire à un contribuable fraudeur, qui connaissait véritablement l'ensemble de la situation et qui a agi en conscience – donc pas à quelqu'un qui, pour des raisons particulières, a pu croire de bonne foi qu'il pouvait échapper à l'impôt – , récidiviste de surcroît, et pour un montant supérieur à 100 000 euros, il ne doit pas y avoir quelque dispositif que ce soit, fût-il appelé « verrou de Bercy » ou ce que vous voulez, qui permette à ce contribuable de ne pas être frappé par le glaive de la justice comme le seraient tous les autres à sa place : comme un fraudeur. Il s'agit maintenant de dire clairement les choses. Je crois que notre amendement est raisonnable et je ne doute pas que je vais vous convaincre. Acceptez au moins celui-ci, monsieur le ministre.
Monsieur Coquerel, puis-je considérer que l'amendement no 1411 a été défendu ?
Je renvoie à ce que j'ai dit précédemment puisqu'il s'agit du même sujet, celui du verrou de Bercy : laissons travailler la mission d'information, de façon à parvenir à des conclusions non pas pré-dictées au détour d'un amendement mais issues de la mission parlementaire elle-même.
Avis défavorable. Pour répondre à M. Corbière et aux intervenants précédents, je ne peux pas laisser dire que la CIF se substituerait à l'action de la justice.
Je vais révéler plusieurs chiffres : le taux d'avis défavorable de la CIF à une proposition de poursuite en correctionnelle est à la fois stable et faible, soit 6,2 % seulement de refus en 2016 – sur 1 063 propositions – , 5,4 % en 2015, 7,4 % en 2014. On ne peut donc pas considérer que cette commission serait un tamis destiné à protéger je ne sais qui.
Je vous rappelle une nouvelle fois qu'aucun administrateur de Bercy ni aucun membre du Gouvernement, y compris le ministre des comptes publics, ne siège dans cette commission. Par ailleurs, le président de la commission des finances de l'Assemblée comme son homologue au Sénat peuvent tout à fait, c'est leur droit le plus strict, poser des questions sur des dossiers fiscaux et même les consulter. Le Parlement pourrait être mieux représenté au sein de la CIF, mais nul ne peut dire qu'elle est là pour mettre à l'abri certains fraudeurs. Ce serait une vision un peu passéiste. En tout cas, depuis 2008, c'est-à-dire depuis que le parquet peut se saisir d'un délit de blanchiment de fraude fiscale, c'est complètement erroné.
Je suis saisi d'un amendement no 1509 qui fait l'objet de plusieurs sous-amendements.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement.
Monsieur le président, je propose que M. Woerth, auteur de l'amendement, le soutienne.
Cet amendement a pour but de transposer plusieurs des normes définies dans le cadre du projet BEPS, cette initiative de l'OCDE concernant la fiscalité, car nos normes n'ont pas été revues depuis longtemps en matière de prix de transfert.
En 2009, Christine Lagarde au ministère de l'économie et moi à Bercy avions été à l'origine de l'adoption par notre pays de règles en ce domaine. Depuis, ces normes sont restées les mêmes alors que les prix de transfert sont un des facteurs très importants de l'érosion de la base fiscale en fonction de la manière sont ils sont calculés dans le cadre des échanges intragroupes.
L'idée n'est de pas de prendre une telle mesure avant les autres : des standards plus élevés et plus précis en matière de documentation des prix de transfert ont été adoptés par un pays aussi important que l'Allemagne, ainsi que par la Belgique et même la Chine. Cela veut dire que les sociétés sont tenues, lorsqu'elles y sont contrôlées au titre des entreprises qu'elles possèdent sur place, de respecter ces normes.
Par conséquent, la commission et moi-même proposons que notre réglementation soit harmonisée avec les recommandations du programme BEPS. J'ai repris celles-ci mot à mot – il n'aurait eu aucun sens de les interpréter. Au moment où une grande partie de l'opinion publique est encore plus sensibilisée au phénomène d'érosion de la base fiscale, il me semble bienvenu que la France adopte ces nouveaux standards internationaux alors qu'elle n'a pas changé les siens depuis 2009. Il faut les réactualiser.
Le sous-amendement no 1942 est de précision, mais l'autre me semble important sur le fond parce qu'il faut avoir suffisamment de recul pour évaluer la mise en place de ce dispositif dans le rapport demandé. Je propose que la date de remise de ce dernier soit décalée d'un an.
Puisque l'amendement reprend, à la lettre près, les dispositions de l'action 13 du projet BEPS, il y aura peut-être des ajustements à faire lors de la navette, mais je crois qu'il est important de l'adopter dès maintenant, ainsi sous-amendé, parce que son acuité est démontrée par l'actualité. Il me semble très utile, non seulement parce que c'est un amendement de la commission mais également parce qu'à titre personnel, je suis très favorable à la mise en oeuvre de cette action 13.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et les sous-amendements ?
Avis favorable sur l'amendement et évidemment sur les sous-amendements.
Monsieur le président de la commission des finances, ne soyez pas surpris si le dispositif est quelque peu réécrit au cours de la navette : il convient de faire la différence entre ce qui relève de la loi et ce qui relève du règlement, et que nous soyons sûrs de faire la même chose que les autres pays européens. Je sais que ces arguments devraient vous convaincre.
Pour avoir pratiqué les prix de transfert dans mes anciennes fonctions, sachant qu'un dispositif existe déjà, avec une documentation générale et une documentation locale en la matière, je note que cet amendement vise à renforcer les obligations en prévoyant d'inscrire davantage de détails dans la documentation obligatoire.
Oui au contenant, mais le contenu est très important aussi : je pense au principe de pleine concurrence, prévu à l'article 57 du code général des impôts et à l'article 9 des conventions fiscales concernées, car il y a actuellement des difficultés de mise en oeuvre. D'où, en effet, la nécessité d'un rapport pour évaluer les modalités d'application du nouveau dispositif et pour que l'administration dispose des moyens d'analyser l'ensemble des données qui lui sont transmises – car ce n'est pas le tout de transmettre les informations : encore faut-il pouvoir les interpréter et les utiliser le mieux possible. Je suis persuadée que notre administration fiscale saura dès lors utiliser au mieux ces données, mais le coeur du sujet est bien là.
Le groupe La République en marche apporte son soutien à l'amendement et aux sous-amendements puisqu'il nous paraît essentiel de continuer à avancer, en coordination internationale, sur tous les volets du projet BEPS, et donc d'avancer sur la question des prix de transfert, tout en étant extrêmement vigilants à opérer dans le bon ordre avec les bons outils, à laisser au réglementaire ce qui doit l'être, à renforcer la transparence et la nécessaire simplification. Nous serons très attentifs à ce qui se passera au cours de la navette. L'année supplémentaire proposée à travers le sous-amendement no 1914 nous laissera le temps suffisant pour nous situer dans un processus qui soit coordonné et où nous avancerons, pour paraphraser Mme Rabault, plutôt comme des tortues que comme des lièvres, c'est-à-dire à bon pas, de manière constante et organisée.
L'amendement no 1509 , sous-amendé, est adopté.
La parole est à M. Bruno Millienne, pour soutenir l'amendement no 1650 .
Un des points de blocage de l'administration fiscale dans sa lutte contre la fraude est le fait qu'elle dispose de textes lui permettant, le ministre l'a rappelé, de contrôler les factures interentreprises, le B to B, mais ils ne sont pas clairs du tout en ce qui concerne le contrôle des autres factures. C'est la raison pour laquelle nous proposons, à travers cet amendement, de modifier l'article L. 13 D du livre des procédures fiscales afin de permettre le contrôle sans limitation de tout type de facture et de faciliter ainsi la mise en oeuvre de l'article 46 du projet de loi de finances pour 2018.
Il s'agit d'un amendement visant à tirer les conséquences d'un des vos précédents amendements, lequel n'a pas été adopté, monsieur le député. Je vous invite donc à le retirer.
L'amendement no 1650 est retiré.
Cet amendement vise à lutter plus efficacement contre les activités non déclarées. L'administration dispose d'un délai de dix ans pour imposer les revenus que le contribuable retire d'une activité occulte ; toutefois, lorsqu'il le perçoit non pas directement mais par l'intermédiaire d'une société, le délai de reprise n'est que de trois ans. Cette situation n'est évidemment pas satisfaisante. Il convient donc d'avoir le même traitement fiscal de l'enrichissement issu d'une activité occulte, que le contribuable ait ou non interposé une société. C'est pourquoi il vous est proposé d'étendre le délai de reprise décennal applicable aux activités occultes, prévu au second alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, aux appréhensions de sommes ou d'avantages découlant d'une activité occulte exercée sous couvert d'une société. J'espère que la commission donnera un avis favorable.
L'amendement no 1752 , accepté par la commission, est adopté.
Cet amendement vise à transposer une directive européenne.
L'amendement no 1712 , accepté par la commission, est adopté.
La parole est à Mme Émilie Bonnivard, pour soutenir l'amendement no 519 .
La France souffre d'un aléa fiscal pénalisant : la législation fiscale n'est pas stable dans le temps, ce qui a un impact néfaste sur la capacité des acteurs économiques à anticiper les bonnes décisions et à investir.
Déjà asphyxiés par les hausses de prélèvements obligatoires, les contribuables sont déroutés par l'instabilité fiscale : re-fiscalisation des heures supplémentaires, rabot sur le quotient familial, fiscalisation des mutuelles, remise en cause du système d'intéressement qui existait pourtant depuis un demi-siècle. Les Français sont inquiets de devoir payer toujours plus. Quelle confiance peuvent-ils avoir dans un impôt qui évolue sans cesse, qui est rarement compréhensible – plus de 500 dispositions différentes régissent l'impôt sur le revenu – , qui est instable – 20 % des articles du code général des impôts sont modifiés chaque année – et présente souvent des effets rétroactifs ? J'ajoute qu'une telle complexité coûte chaque année 80 milliards d'euros à la France et constitue ainsi un frein majeur à la compétitivité, au développement ainsi qu'à l'attractivité de notre pays.
Enfin, la théorie économique a démontré que les anticipations des agents économiques étaient fonction de la cohérence et de la crédibilité des objectifs de la politique économique suivie.
Ainsi, non seulement les agents économiques n'investiront pas s'ils estiment que la politique économique mise en oeuvre n'offre pas un environnement propice à l'investissement, mais ils ne le feront pas plus s'ils considèrent qu'une politique pourtant affichée comme « pro-business » risque d'être, dans un avenir proche, remise en cause.
Cet amendement vise à permettre au Gouvernement de mener une réflexion, dans le cadre du projet de loi de finances, sur les conséquences de l'instabilité fiscale et sur les moyens d'y remédier.
Chère collègue, la simple lecture du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 devrait vous satisfaire car il va dans le sens de votre souhait, à savoir la stabilité de la fiscalité, qui est, effectivement, absolument indispensable.
La majorité parlementaire et le Gouvernement ont répondu par avance à votre souhait et ont bien évidemment l'intention d'éviter les allers-retours dans le domaine fiscal car ils nuisent en effet à la prévisibilité de la norme fiscale.
Par ailleurs, dans la mesure où votre amendement ne détaille pas très précisément le sujet du rapport demandé, je suis contraint de donner le concernant un avis défavorable.
L'amendement no 519 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Émilie Bonnivard, pour soutenir l'amendement no 520 .
Il vise à demander au Gouvernement de présenter au Parlement un rapport du même type que le précédent – celui-ci ayant trait à l'impact de la fraude fiscale sur notre budget.
Il s'agit, à mon sens, d'un amendement d'appel dont l'objet est de faire rappeler par le Gouvernement ses engagements en matière de fraude fiscale.
J'en demande donc le retrait. À défaut, j'y serais défavorable.
L'amendement no 520 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous en arrivons à l'amendement no 1370 .
Je vous informe que, sur cet amendement, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour le soutenir.
Cet amendement a pour objet de demander la remise au Parlement, par le Gouvernement, d'un rapport détaillant les initiatives prises sur le plan international en vue de l'organisation d'une conférence internationale, placée sous l'égide des Nations unies, portant sur la régulation mondiale de la finance, l'harmonisation et la justice fiscales.
Le 2 février 2017, l'Assemblée nationale adoptait à une très large majorité la résolution européenne pour une conférence des parties de la finance mondiale, l'harmonisation et la justice fiscales, défendue par notre ex-collègue Alain Bocquet, alors député du Nord.
Cette résolution invitait le Gouvernement à prendre l'initiative d'une grande conférence internationale, placée sous l'égide des Nations unies, portant sur la régulation mondiale de la finance ainsi que sur la justice fiscale et ayant pour objectif de parvenir à l'instauration d'une instance internationale permanente de coopération et de régulation fiscales. Cette instance aurait pour mandat de garantir la bonne application des engagements pris ainsi que l'ouverture régulière de nouvelles négociations sur ces questions.
J'anticipe les éventuelles interrogations portant sur cette COP fiscale en vous demandant, chers collègues de vous reporter, notamment, aux travaux de l'OCDE. Cette organisation internationale accomplit, c'est indéniable, un travail de qualité, comme en témoignent les avancées réalisées depuis plusieurs années. L'objet de cet amendement n'est pas de court-circuiter son travail mais au contraire, puisque l'intérêt d'une COP serait de mettre autour de la table les représentants de tous les pays de la planète, y compris les pays en voie de développement, de le valoriser.
L'évitement fiscal contribue directement au sous-développement à travers le monde. Pour l'organisation non gouvernementale Oxfam, le montant actuel de la dette fiscale non réglée dans les pays en développement est estimé à 180 milliards de dollars par an.
Dans le cadre de l'OCDE, le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales, qui réunit un grand nombre de pays – 125 au total. C'est bien, mais cela en laisse beaucoup de côté. L'ONU serait ainsi l'instance pertinente en vue d'une concertation et de travaux à visée mondiale. Elle pourrait s'appuyer sur les travaux de l'OCDE et agirait en toute complémentarité avec elle. Tel est l'objectif du présent amendement.
Rappelons, pour conclure, que la proposition rencontre un écho incontestable puisque le Conseil économique, social et environnemental – le CESE – l'a mentionnée dans un excellent avis, adopté en décembre 2016, intitulé « Les mécanismes d'évitement fiscal, leurs impacts sur le consentement à l'impôt et la cohésion sociale ».
Sur le terrain, les frères Bocquet mènent un intéressant travail de pédagogie, et l'idée d'une COP de la finance mondiale recueille auprès de nos concitoyens un assentiment de plus en plus large.
Cher collègue, votre amendement vise à demander au Gouvernement la remise d'un rapport détaillant les initiatives prises sur le plan international en vue de l'organisation d'une conférence internationale, placée sous l'égide des Nations unies, portant sur la régulation mondiale de la finance, l'harmonisation et la justice fiscales.
Il s'apparente, me semble-t-il, davantage à un amendement d'appel, visant à inciter le Gouvernement à agir, plutôt qu'à une réelle demande de rapport. La lutte contre l'optimisation fiscale agressive passe en grande partie par l'Union européenne et fait par ailleurs partie des sujets débattus dans les conférences interparlementaires de l'Union européenne, comme celle qui vient d'avoir lieu à Tallinn, en Estonie.
Le ministre de l'économie et des finances a très largement répondu sur ces sujets et a même eu des mots très forts en affirmant à propos de l'évasion fiscale : « Il ne s'agit pas d'une attaque contre le seul Trésor public, mais contre la démocratie et contre le consentement à l'impôt, et elle est inacceptable. »
Tout est, je crois, mis en oeuvre aujourd'hui pour que nous nous acheminions, non seulement au niveau européen mais également au niveau international, vers un régime de sanctions importantes.
Cher collègue, je vous propose par conséquent de retirer votre amendement : au vu des engagements du ministre, une demande de rapport sur ce sujet n'a pas de sens.
Il est également défavorable.
Quelques précisions qui permettront de mieux comprendre le sens de cet amendement, que nous ne souhaitons pas retirer : il a pour objet de demander un rapport sur les initiatives prises par le Gouvernement sur le sujet, l'idée étant d'avoir des allers-retours réguliers entre l'exécutif et la représentation nationale sur ce sujet, afin que les parlementaires accompagnent le Gouvernement dans ses démarches.
La COP fiscale est un outil diplomatique incontestable : il est intéressant pour notre diplomatie, tout autant que pour nos alliances et partenariats à l'échelle de la planète. Je note en outre que l'idée est défendue par le G77, pendant du G7 regroupant l'ensemble des pays en voie de développement.
Les choses ne vont évidemment pas se faire du jour au lendemain : comme Alain Bocquet aime à le rappeler, c'est l'affaire d'une génération.
Il s'agit donc incontestablement d'un travail de longue haleine. On le voit bien actuellement à Bonn avec la COP23 : si le format a ses limites, il garantit à tout le moins la discussion et le dialogue. Une COP de la finance permettrait en effet de donner la parole à l'ensemble des acteurs : organisations non gouvernementales, experts, représentants du secteur de la finance et syndicats.
En outre, je rappelle que la résolution européenne adoptée par l'Assemblée nationale le 2 février 2017 avait reçu l'aval de l'actuel rapporteur général, Joël Giraud, et qu'elle avait été accueillie favorablement par le président de la commission des finances de l'époque, Gilles Carrez.
Enfin, l'idée de réunir une COP de la finance mondiale sous l'égide de l'ONU était également, comme cela vient d'être rappelé, une des propositions fortes de l'avis du CESE sur le sujet, que notre collègue Jean-Paul Dufrègne a mentionné. C'est la raison pour laquelle nous maintenons cet amendement.
Je veux simplement encourager l'ensemble de nos collègues à prendre connaissance de l'avis du CESE de décembre 2016. En effet, dans ses préconisations, à la page 62, dans une sous-partie E, intitulée : « Organiser une COP fiscale, une conférence internationale des états membres des Nations unies sur la lutte contre l'évitement fiscal », il indique : « Les Nations unies ne jouent aujourd'hui qu'un rôle marginal en matière de fiscalité, comme le souligne l'avis du CESE "La politique française de coopération internationale dans le cadre de l'agenda 2030 du développement durable" d'octobre 2016. »
Il poursuit : « Le CESE estime, comme dans son précédent avis, que seule l'enceinte des Nations unies peut offrir la portée universelle souhaitée dans le cadre d'une Convention en s'appuyant sur les travaux faits par l'OCDE. À l'image de la COP environnementale qui a permis depuis 1992 [… ] d'engager une discussion avec tous les États sur les questions du réchauffement climatique et d'adopter un certain nombre de mesures, le CESE recommande l'organisation d'une conférence des États sur la lutte contre l'évitement fiscal. »
Ce n'est pas le groupe de la Gauche démocrate et républicaine qui a inventé cette idée : elle figure dans un rapport, très intéressant et très documenté, du CESE.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 116 |
Nombre de suffrages exprimés | 116 |
Majorité absolue | 59 |
Pour l'adoption | 16 |
contre | 100 |
L'amendement no 1370 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour soutenir l'amendement no 1414 .
C'est dommage pour l'amendement précédent : j'avais mis le champagne au frais.
Sourires.
Il sera sans doute débouché lorsque cet amendement no 1414 aura été adopté.
Il vise à demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport d'évaluation du dispositif prévu à l'article 238-0 A du code général des impôts, relatif aux critères qualifiant un État ou un territoire de non coopératif, c'est-à-dire permettant de le considérer comme un paradis fiscal.
La question des paradis fiscaux a été abordée précédemment dans nos discussions : c'est une question fondamentale. Des négociations essentielles ont lieu depuis plusieurs mois au niveau européen en vue de dresser – enfin – une liste noire des paradis fiscaux…
… commune à l'ensemble des États membres de l'Union européenne.
Nous disposons de quelques éléments de calendrier : Pierre Moscovici a ainsi indiqué souhaiter que les négociations aboutissent avant la fin de l'année. Toutefois, sur quelle liste allons-nous nous mettre d'accord ?
Une chose nous inquiète profondément : aucun État européen n'y figurera, pas plus l'Irlande et le Luxembourg que les Pays-Bas. Cela porte déjà un sacré coup à l'efficacité future de la liste.
Nous verrons à quel résultat final ces négociations aboutiront mais en tout état de cause, nous savons que pour qu'une telle liste soit efficace, il faut qu'elle soit largement définie. Y figurer doit également être synonyme, comme nous l'avons vu tout à l'heure, de sanctions dissuasives.
S'il existe donc dans notre pays depuis 2009 – l'ambition était intéressante – une liste des États et territoires non coopératifs, cet outil a très rapidement perdu de son utilité à la suite de la signature opportune de conventions fiscales avec des États initialement ciblés.
Au final, seuls sept pays restent inscrits sur cette liste française des paradis fiscaux : le Botswana, le Brunei, le Guatemala, les Îles Marshall, Nauru, Niue et le Panama. Cette liste est tout de même hallucinante : où sont donc passées les îles Vierges britanniques, les îles Caïmans, l'île de Man, Jersey et Guernesey ?
Notre code général des impôts comporte donc un outil complètement inopérant, qui cible des territoires marginaux – à l'exception du Panama – dans l'univers de la fiscalité mondiale.
Nous pourrions donc engager un travail sérieux de refonte de ce dispositif, en concertation avec le Gouvernement et en cohérence avec les intentions qu'il a proclamées : tel est le sens de cet amendement.
Point important : ce travail que nous mènerions ici en France n'entrerait pas en contradiction avec les travaux menés à l'échelon européen. Il serait au contraire complémentaire : nous devons en effet avoir une ambition et une volonté politique communes.
Cher collègue, votre amendement est quasiment satisfait car la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires a prévu qu'un débat ait lieu chaque année en présence du ministre en charge des finances, devant la commission des finances ainsi que devant la commission des affaires étrangères, précisément sur la liste des États et territoires non coopératifs.
Ce débat a, depuis lors, eu lieu chaque année. Votre amendement me semblant largement satisfait, l'avis de la commission est défavorable.
S'il est défavorable, je vais cependant, monsieur le député, prendre un engagement envers vous. En préparant nos travaux, je me suis aperçu qu'en application de l'article 31 de la loi de finances rectificative pour 2009, le Gouvernement devait chaque année présenter un rapport, au contenu assez similaire à celui dont vous demandez la remise, sur ce sujet.
Or j'ai constaté que, si les deux derniers rapports rédigés au titre des projets de loi de finances pour 2015 et pour 2016 avaient bien été – respectivement en juillet 2015 et en novembre 2016 – transmis au cabinet du ministre, ils n'avaient pas ensuite été transmis au Parlement.
N'est-ce pas ?
Je m'engage à transmettre d'ici à la fin du mois à l'ensemble des parlementaires les deux rapports en question. Il existe des dispositions en la matière dans notre droit, en particulier dans notre législation financière : encore faut-il les appliquer. Dont acte.
Quelques mots pour soutenir cet amendement : l'évasion fiscale et la triche à l'échelle internationale sont de véritables drames. Leur ampleur est patente. Ces phénomènes déstabilisent littéralement la vie sociale et ils sont de puissants facteurs d'injustice sociale. Telles sont les raisons pour lesquelles nous soutenons cet amendement.
L'amendement no 1414 n'est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Dunoyer, pour soutenir l'amendement no 1456 .
Avec mon collègue Charles-Amédée de Courson et les autres membres de notre groupe, nous avons déposé cet amendement relatif au secteur d'activité de l'archéologie préventive, lui-même segmenté en deux secteurs : celui des diagnostics, dédié au service public et plus précisément à l'INRAP, l'Institut national de recherches archéologiques préventives ; et celui des fouilles, ouvert à la concurrence.
Il se trouve que, depuis quelques années déjà, l'utilisation des subventions qui bénéficient à l'INRAP fait l'objet de remarques, notamment de la part des parlementaires et de l'Autorité de la concurrence. Dans le cadre du programme « Patrimoines » du projet de loi de finances pour 2017, il avait été pointé du doigt une difficulté quant à la lisibilité de l'utilisation des subventions de l'INRAP.
Le présent amendement tend à ce qu'un rapport étudie, d'ici à la mi-2018, la possibilité de créer un compte d'affectation spéciale, ce qui est depuis longtemps considéré comme la bonne solution afin de préciser le soin apporté à l'utilisation de la redevance d'archéologie préventive.
La loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine a réaffirmé le rôle de l'État dans le contrôle scientifique, technique et administratif de l'archéologie préventive. L'année 2018 doit être celle de la concrétisation des engagements pris par l'État et par l'INRAP auprès de l'Autorité de la concurrence, à la suite de la décision du 1er juin dernier que vous mentionnez dans l'exposé sommaire de votre amendements. Il serait préférable, à mon avis, de retirer l'amendement et d'attendre la mise en oeuvre prochaine de ces mesures. Sans vouloir m'immiscer dans le fonctionnement d'une commission qui n'est pas la mienne, c'est un sujet qu'il serait intéressant d'examiner, en termes d'applicabilité, au sein de la commission des affaires culturelles.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Défavorable.
J'entends les arguments de M. le rapporteur général, mais je maintiens l'amendement eu égard à la situation très tendue des entreprises qui oeuvrent dans le secteur et qui, nous disent-elles, sont proches du redressement judiciaire.
L'amendement no 1456 n'est pas adopté.
Je laisse Mme Grégoire, qui est la co-auteure de cette disposition adoptée par la commission des finances, présenter le sien.
La parole est à Mme Olivia Gregoire, pour soutenir l'amendement no 1844 .
Le présent amendement vise à demander au Gouvernement la remiseau Parlement, avant le 1er mars 2018, d'un rapport sur la pertinence des dispositifs publics d'accompagnement et de financement des entreprises françaises en difficulté, notamment des dispositions fiscales, et sur leur potentielle refonte.
Une multiplicité de dispositions, fiscales, budgétaires, ou du fait d'opérateurs publics, sont prévues pour accompagner et soutenir les entreprises en difficulté et éviter, autant que faire se peut, les cas de défaillance, qui s'accompagnent trop souvent de plans sociaux.
Ces dernières années, des cas emblématiques de faillites d'entreprises ayant attendu le dernier moment pour solliciter un accompagnement public ont posé la question de la pertinence non seulement de ces dispositifs, mais plus globalement de la politique de résolution de ces situations.
La France continue malheureusement à se distinguer par un faible taux de réussite dans l'accompagnement d'entreprises en difficulté, du fait d'un manque de communication et de coordination entre les différents acteurs publics et privés appelés à intervenir.
Il conviendrait de mobiliser les acteurs publics et privés autour d'une grande cause nationale : la protection de nos entreprises défaillantes et de leurs salariés.
Cet amendement tend à interroger le Gouvernement et, plus largement, l'administration sur les pistes de réflexion à privilégier sur ces sujets dans les prochains mois.
Je laisse cette fois encore à l'auteure de l'amendement initial, Mme de Montchalin, le soin de présenter cette disposition.
La parole est donc à Mme Amélie de Montchalin, pour soutenir l'amendement no 1724 .
Cet amendement vise à mieux comprendre les dispositifs d'aide à l'export, en présence d'un déficit commercial qui s'accroît. Si l'exécutif acceptait de nous suivre dans cette voie, cela permettrait de compléter les dispositions prises dans le cadre de la mission « Économie », avec la demande d'un rapport sur les missions de Business France concernant l'aide à l'exportation apportée aux entreprises françaises. Il s'agit de comprendre comment nous pouvons mobiliser toute la puissance publique pour que les entreprises, petites et grandes, aient la capacité d'exporter leurs produits et de contribuer ainsi à notre croissance, avec un déficit commercial réduit.
Comme il a été décidé de ne plus assujettir aux cotisations d'assurance chômage les salariés soumis au régime général, il semble équitable de supprimer la contribution exceptionnelle de solidarité pour ceux qui sont soumis à des régimes spéciaux.
Le droit à une assurance chômage universelle est une promesse que nous souhaitons concrétiser dès l'année prochaine. Le financement de ce droit universel doit reposer sur une logique qui ne peut pas être assise uniquement sur les revenus d'activité des Français. C'est pourquoi nous avons proposé, et adopté dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, une augmentation de la contribution sociale généralisée, la CSG.
Sa compensation à l'euro près pour les fonctionnaires est un autre engagement du chef de l'État. Il est donc logique que la contribution exceptionnelle de solidarité soit supprimée pour les salariés des régimes spéciaux. Le Fonds de solidarité, au financement duquel contribuait cette cotisation, continuera d'être alimenté par les recettes de CSG supplémentaires consécutives à la hausse de 1,7 % de celle-ci. La suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité, qui, concrètement, ne concernera pas tous les agents, puisque ceux dont le salaire est inférieur à 1 467 euros ne la payaient pas, permettra de dégager 1,4 milliard d'euros. Ce dispositif est complémentaire de ceux actés par le ministre de l'action et des comptes publics et les partenaires sociaux : le versement d'une prime, une baisse des cotisations maladies des contractuels, des baisses de cotisations patronales pour les collectivités territoriales et la fonction publique hospitalière.
La suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité s'inscrit dans la même logique et en parallèle de la suppression des cotisations salariales d'assurance chômage du régime général. Voilà pourquoi nous la proposons dans cet article 47.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.
La parole est à M. Éric Woerth, pour soutenir l'amendement no 1735 , tendant à supprimer l'article 47.
Cet article est vraiment mal venu : il supprime l'effort collectif de solidarité des fonctionnaires, lesquels ne prennent pas le risque du chômage, avec les salariés qui sont exposés à ce risque.
Il existe une solidarité entre, d'un côté, les fonctionnaires, qui bénéficient de la garantie de l'emploi, et, de l'autre, ceux qui sont exposés au risque du chômage. Ce n'est pas rien. Le dispositif, créé en 1982, servait à financer le Fonds de solidarité, qui verse, entre autres, l'allocation de solidarité spécifique, destinée aux personnes au chômage qui sont en fin de droits. Je suis étonné que vous décidiez de compenser l'augmentation de la CSG – à laquelle nous sommes opposés, mais c'est un autre sujet – par une solution de ce type. Probablement faut-il compenser, puisque vous avez décidé cette augmentation, mais pas en supprimant le versement de solidarité de 1 % de la fonction publique à l'égard du secteur exposé.
C'est d'autant plus étonnant que vous adoptez là un raisonnement que vous ne suivez nulle part ailleurs. Habituellement, vous opposez la rente et le secteur exposé. D'ailleurs, vous avez décidé de ne pas compenser la hausse de la CSG pour les retraités parce que vous considérez que ceux-ci ne font pas partie du secteur exposé. Ce n'est donc pas une règle générale. En réalité, quand cela vous arrange, vous suivez ce raisonnement et quand cela ne vous arrange pas, vous ne le suivez pas.
Vous pourriez choisir d'autres méthodes pour compenser. D'ailleurs, la suppression de la contribution de solidarité ne suffira pas, puisque cela ne représentera qu'environ 1,4 milliard sur un total de 3 milliards. Vous devrez compenser le reste par des primes. Vous avez dit, monsieur le ministre, que les collectivités locales seraient remboursées du versement de ces primes ; il faudra le vérifier. Quoi qu'il en soit, ne commettez pas l'erreur de supprimer la seule contribution de solidarité entre le secteur privé et le secteur public.
La suppression de la CES vise à compenser la hausse de 1,7 point de la CSG pour les fonctionnaires et les salariés du secteur parapublic. En l'absence de cette suppression, qui représente quand même 1,4 milliard d'euros, il serait nécessaire de prévoir une compensation supplémentaire de la hausse de CSG par le versement de primes pour les fonctionnaires et les salariés du secteur parapublic. La suppression de la CES prévue par l'article 47 me semble beaucoup plus simple. Avis défavorable.
Avis défavorable.
D'abord, la suppression de cette cotisation est symétrique à ce qui se passe pour le privé ; puisque l'on supprime des cotisations dans le privé, il paraît normal d'en supprimer dans le public.
Ensuite, on ne peut pas tout nous reprocher dans la même phrase, voire dans la même idée. Quelle compensation proposez-vous, monsieur Woerth ? Vous dites qu'il faut supprimer des cotisations et des impôts et qu'il ne faut pas faire supporter de charges supplémentaires aux collectivités locales – à ce propos, je confirme que le remboursement du versement des primes est bien garanti. Je suis sûr que si nous proposions autre chose que la suppression de cette cotisation, vous nous reprocherez de dépenser de l'argent public en augmentant la masse salariale.
Il y a là un jeu – d'ailleurs, vous souriez !
Vous avez le droit de sourire, monsieur le président de la commission des finances !
Sourires.
En vérité, c'est un choix courageux qu'a fait le Gouvernement.
La suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité a beaucoup d'intérêt du point de vue de nos relations avec les collectivités locales et la sécurité sociale. Certes, cela ne compensera pas intégralement les 3 milliards d'euros, mais cela en compensera la moitié, puisque, en gros, ce sont les fonctionnaires de catégories A et B qui paient cette contribution. Dès lors que l'on part du principe que les cotisations en rapport avec le chômage et la protection sociale doivent relever plutôt de l'impôt, il s'agit d'une modification cohérente ; elle est en tout cas conforme à la façon dont le Gouvernement présente les choses.
Pour ce qui est du dernier point, je vous confirme, avec grand plaisir, que c'est bien l'État qui compensera le versement des primes ; d'où les difficultés liées au déficit que vous évoquiez au début de l'examen du projet de loi. Cette compensation sera pérenne puisque nous allons – si j'ose dire – supprimer les cotisations patronales pour les collectivités locales. Il n'y aura donc pas de nouvelle discussion sur le fait de savoir si l'État compense ou non la politique salariale des collectivités territoriales ; d'ailleurs, je constate que cela n'a pas eu lieu, au congrès des maires de France.
Enfin, il me semble que les agents publics contribuent eux aussi aux efforts collectifs, même si c'est de manière différente que les agents du privé. Si la hausse de la CSG se traduira pour eux par une compensation intégrale, ils ne bénéficieront pas d'augmentation du pouvoir d'achat et ils subissent un décalage de leurs parcours professionnels, carrières et rémunérations. On a l'impression que vous estimez que les agents publics ne participent pas aux efforts de la nation ; mais par l'acceptation des économies que le Gouvernement leur propose, du fait de non-dépenses ou de décalages de dépenses, ils contribuent à la solidarité nationale.
Avis défavorable, donc, en cohérence avec l'action du Gouvernement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.
Monsieur le ministre, vous dites que c'est une question de symétrie, mais de symétrie, il n'y en a pas. Par rapport au chômage, y a-t-il une symétrie entre le privé et le public ? Je veux bien tout entendre, mais pas ça : si symétrie il y a, elle est purement financière.
Mme Motin disait à l'instant que c'était un engagement du Président de la République. Soit ; mais la réalité, c'est que vous êtes en train de faire de la cuisine. Avec vos moins 4 milliards plus 3 milliards de CSG, personne ne s'y retrouve. Vos schémas financiers ne sont pas lisibles. Rien n'est compréhensible.
Vous parlez d'un choix courageux, mais il ne l'est en rien. En 1982, l'augmentation du chômage avait conduit le Gouvernement de l'époque, certains devraient en garder le souvenir, …
Sourires.
… à faire contribuer les fonctionnaires à un effort national au profit de ceux qui sont les plus exposés au risque du chômage : cela s'appelle de la solidarité.
Le « nouveau monde » a ses propres règles, j'entends bien ; mais un effort de solidarité, à hauteur de 1 % de l'assiette, de la part de personnes non touchées par le chômage, au profit de celles qui courent quotidiennement le risque d'y être, a un vrai sens sociétal et social.
C'est ce que l'on appelle la solidarité, mes chers collègues ; et je ne comprends pas que le groupe LR ait à vous le rappeler. La mesure que vous soutenez exonérerait totalement les fonctionnaires de ce geste de solidarité nationale.
C'est franchement dommage, et cela ne va pas dans le sens de la cohésion sociale.
Nous parlons ici d'un principe. Je ne dis pas qu'aucune mesure de compensation ne doit être prévue pour les fonctionnaires. La meilleure façon de ne pas avoir à le faire, d'ailleurs, aurait été de ne pas augmenter la CSG.
« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs du groupe REM.
Pour différentes raisons, vous avez décidé de le faire, ce à quoi nous étions résolument opposés ; et dès lors, vous opérez des transferts inutiles, ce qui est bien sûr votre droit : vous avez la majorité.
Pour notre part, nous défendons un principe : je ne comprends pas que vous ne le compreniez pas. L'action publique a, elle aussi, besoin d'un certain nombre de principes. La cotisation dont nous parlons, à cet égard, jette un pont entre un secteur exposé au risque du chômage et un secteur qui ne l'est pas : ce n'est pas si mal. On connaît peu de systèmes de solidarité de ce type.
Les fonctionnaires, en 1982, avaient au demeurant compris et accepté cette mesure qui, depuis, n'a jamais posé de problème. En décidant de la supprimer, vous supprimez aussi le principe qui la sous-tend : un principe de solidarité entre, d'un côté, la fonction publique, qui n'est pas exposée au chômage et, de l'autre, un secteur privé qui l'est. C'est votre choix et, de ce point de vue, vous avez répondu à côté.
S'agissant de la compensation, puisque vous avez aussi décidé de verser un certain nombre de primes – sans doute à hauteur de plus de 1,5 milliard d'euros – , pourquoi ne pas les augmenter de 1 milliard supplémentaire ? La compensation de l'augmentation de CSG serait ainsi intégralement compensée par des primes, non par la suppression de la CES.
Les arguments que nous venons d'entendre me semblent un peu spécieux. L'année 1982 fut fort belle, madame Dalloz, non seulement pour le vignoble Bordelais mais aussi pour moi-même, puisque ce fut celle de ma naissance.
Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Je n'ai donc guère de souvenirs du débat dont vous parlez, mais votre comparaison entre les personnes exposées au risque du chômage et les autres est fausse : la très grande majorité des 1,5 million de contractuels, par exemple, gagnent plus de 1 400 euros par mois et paient donc la CES, bien qu'ils connaissent le chômage. En oubliant ces personnes – sur un total de 5,4 millions de fonctionnaires – , vous avancez un faux argument s'agissant de la solidarité. Comme si les choses étaient aussi simples, notamment au sein des collectivités locales !
Certes, mais ils ont donc le même droit que les salariés du privé à la suppression d'une cotisation.
Vous suggérez, d'autre part, de compenser l'augmentation de CSG par une augmentation des primes, autrement dit d'augmenter une norme de dépenses. À l'ouverture de nos débats, vous nous reprochiez de trop dépenser, notamment pour la masse salariale des fonctionnaires ; pendant la discussion, vous refusez que l'on touche aux cotisations en invitant à verser plus de primes ; et je suis sûr que, lors du vote final du projet de loi, vous nous reprocherez d'avoir trop dépensé : tout cela est un peu paradoxal.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Troisième point : nous n'allons pas relancer, à ce stade un peu tardif de nos discussions budgétaires, le débat sur la compensation de l'augmentation de CSG ; mais si nous avions augmenté la TVA, aucune compensation ne serait intervenue.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Force est de constater que, pour la droite, on n'en fait jamais assez pour la finance et toujours trop pour les salariés.
Notre groupe, lui, est favorable à la suppression de la CES, mais cette mesure pose la question du sort global réservé aux fonctionnaires, qui sont traités, comme les retraités, comme des variables d'ajustement budgétaire.
Le candidat Macron avait promis un gain de pouvoir d'achat pour l'ensemble des salariés : promesse reniée, puisque les fonctionnaires ne bénéficieront que d'une mesure de compensation sans gain de pouvoir d'achat, le point d'indice étant gelé et le plan d'avancement des carrières en suspens ; ajoutons à cela les 120 000 suppressions de poste annoncées sur l'ensemble du quinquennat et, pour que le panorama soit complet, l'article 48, qui prévoit la restauration d'un jour de carence.
En clair, les fonctionnaires paient lourdement les choix économiques et budgétaires de l'exécutif.
Puisque vous parlez de principes, monsieur Woerth, je m'efforcerai de remettre les choses à plat.
Nous nous apprêtons à supprimer la cotisation de chômage, assise sur les salaires, pour les salariés du privé. Au regard des principes, pensez-vous vraiment que nous devrions faire supporter aux seuls fonctionnaires le financement, à travers une cotisation salariale, d'un droit auquel ils n'ont même pas accès ? Cela me semblerait un peu étonnant.
Si nous exonérons les salariés du privé d'une cotisation salariale, il me semble de bon principe d'accorder aux fonctionnaires une exonération similaire, en l'espèce celle de la contribution exceptionnelle de solidarité.
Le financement de l'ASS, puisque c'est de cela qu'il s'agit, est assuré, non seulement par les salariés du public mais aussi par ceux du privé, et continuera à l'être. Les droits afférents au chômage seront toujours financés par la hausse de la CSG, y compris pour ceux qui sont les plus touchés par le chômage de longue durée.
Enfin, monsieur Dufrègne, je ne voudrais surtout pas laisser penser que la majorité considère les fonctionnaires comme une variable d'ajustement de ce budget. Les fonctionnaires sont indispensables au bon fonctionnement de notre pays ; nous tenons à eux, et ils bénéficieront quand même, ne l'oublions pas, d'une augmentation de salaire de 4 % cette année.
Certes, un certain nombre de mesures sont suspendues pour eux cette année, et ils participeront à l'effort national demandé à tous ; mais ils ne sont certainement pas une variable d'ajustement. J'en veux pour preuve le grand programme « Action publique 2022 » que nous avons lancé : il vise à leur redonner une place pleine et entière dans la société française, et à les valoriser.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
L'amendement no 1735 n'est pas adopté.
L'amendement no 1802 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La France est marquée par un taux de chômage très élevé, et beaucoup de travailleurs, privés d'emploi, en souffrent. À La Réunion, pour ne citer que ce département où je fus élu le 18 juin dernier, jamais le taux de chômage n'est passé sous la barre des 20 % au cours des trente dernières années. C'est vous dire à quel point le chômage de masse pèse sur la société réunionnaise, comme dans différents territoires d'outre-mer et de l'Hexagone.
Un signal fort doit être envoyé à ces gens qui attendent beaucoup du Gouvernement et des élus. Dans un esprit d'exemplarité, et pour montrer notre attachement à la lutte contre le chômage sous toutes ses formes, il nous paraît normal que députés et sénateurs versent 1 % de leur salaire brut au Fondsde solidarité. Ce serait là un signe fort pour les demandeurs d'emploi.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement no 1516 .
L'amendement tend à supprimer l'alinéa 6 de l'article, en vue de maintenir la contribution des parlementaires au Fonds de solidarité. Deux raisons essentielles, que chacun comprendra, motivent une telle mesure, qui ne doit rien à la démagogie. Il s'agit, tout d'abord, d'éviter de nourrir l'antiparlementarisme, puisque nos concitoyens nous reprochent un statut qu'ils jugent exorbitant. J'ai même lu quelque part que nous avions transformé l'Assemblée nationale en paradis fiscal.
Ensuite – et surtout – , l'amendement vise à maintenir un effort de solidarité. Les conditions sociales sont ce qu'elles sont, et notre contribution, même modeste, serait utile au Fonds de solidarité.
La suppression de l'alinéa 6, à quoi tendent ces amendements tels qu'ils sont rédigés, entraînerait de facto celle de l'ensemble du dispositif. Avis défavorable.
Je n'ai aucun avis sur le fond : il est d'usage que les membres du Gouvernement ne prennent pas parti lorsqu'il s'agit de la rémunération des parlementaires. Sagesse.
Cet amendement de la commission, qui fait suite à deux amendements respectivement présentés par Valérie Rabault et Hervé Pellois, vise à demander au Gouvernement un rapport relatif à la compensation de la hausse de la CSG pour les fonctionnaires et les salariés du secteur parapublic, en particulier – dans l'esprit de M. Pellois – pour les salariés des chambres d'agriculture.
Un certain nombre de salariés du secteur parapublic, c'est vrai, sont assujettis à une contribution exceptionnelle de solidarité de 1 % et pas à la cotisation de chômage de 2,4 %. C'est le cas, par exemple, des salariés de La Poste ou des chambres consulaires, en particulier des chambres de commerce et d'industrie – CCI. Lorsque le revenu mensuel est inférieur à 1 467 euros, la CES n'est pas acquittée.
On ne connaît pas le nombre de salariés qui sont assujettis à la CES non plus que le nombre de ceux qui en sont exonérés. Le dispositif peut donc conduire à des distorsions, et des zones d'ombre demeurent. C'est pourquoi nous suggérons la remise d'un rapport avant le 30 juin 2018 : si des angles morts subsistent, nous pourrions ainsi y remédier.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l'amendement no 1688 .
La commission des finances a adopté le même amendement et, au cours des débats auxquels il avait donné lieu – comme lors de l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale – , le rapporteur général avait souvent utilisé l'expression d'« angle mort ».
De fait, les angles morts sont un vrai danger lorsque l'on modifie telle ou telle règle fiscale. Ces modifications peuvent avoir, ailleurs, des répercussions parfois mal appréhendées ; c'est en tout cas ce que nous enseigne l'expérience – je ne parle pas spécifiquement du texte dont nous débattons, puisque, en l'espèce, je n'en sais rien.
Il nous paraîtrait donc opportun, monsieur le ministre, de disposer des données visées avant le 30 juin en vue d'une éventuelle réévaluation dans le projet de loi de règlement, donc dans les meilleurs délais. Cela permettrait d'éviter aux contribuables concernés certains effets potentiellement négatifs.
Pour être agréable à M. le rapporteur général et à Mme Rabault, j'émets un avis favorable.
Sourires.
L'article 47, amendé, est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 47.
La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour soutenir l'amendement no 845 .
La Conférence nationale sur les retraites agricoles du 30 novembre 2016 avait relevé, une nouvelle fois, le besoin de recettes nouvelles pour financer le régime de retraite des non-salariés agricoles. Les seules marges de manoeuvre dégagées par la baisse du nombre de retraités agricoles et l'appel à la solidarité nationale afin d'améliorer le niveau des pensions servies ne permettent pas d'assurer l'avenir du régime au niveau actuel. Le régime agricole présentait ainsi, en 2015, un déficit de 400 millions d'euros – soit 1 % de son budget – , principalement imputable à la branche retraite du régime des non-salariés agricoles, obligeant la caisse centrale de la MSA – la Mutualité sociale agricole – à recourir à l'emprunt. L'État avait donc décidé d'ouvrir une mission de réflexion structurelle sur l'avenir des retraites agricoles et si besoin sur le financement à court terme du régime, dont les conclusions devaient être remises en avril 2017.
Afin de répondre aux demandes des organisations de retraités agricoles de revalorisation globale des retraites des non-salariés agricoles sur la base d'un minimum de pension égal à 85 % du SMIC pour une carrière complète tous régimes confondus, le présent amendement prévoit une nouvelle recette. Il concrétise l'avancée législative du 2 février 2017 : l'adoption à l'unanimité de la proposition de loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer, dont il était prévu d'assurer le financement par une taxe additionnelle à la taxe sur les transactions financières, la TTF.
Il s'agit d'une mesure de solidarité indispensable, de nature à garantir de nouvelles ressources au bénéfice de la caisse centrale de la MSA et à concrétiser l'engagement, adopté à l'unanimité en février dernier, d'un montant de pensions égal à 85 % du SMIC pour une carrière complète.
Nous avons rejeté, en première partie, des amendements visant à relever le taux de la TTF à 0,4 %. Cet amendement est assez orthogonal avec la visée originelle de la TTF, qui est, je le rappelle, de financer l'aide publique au développement. Mon avis est donc défavorable.
Avis défavorable.
J'entends votre argument mais il ne règle rien. Le produit de la TTF est censé être affecté à l'aide au développement, ce que je ne conteste pas – je suis même favorable à un relèvement de cette taxe pour accroître les ressources et renforcer la politique de développement. Mais où va-t-on trouver les moyens afin d'accroître le niveau des retraites des non-salariés agricoles pour une carrière complète à hauteur de 85 % du SMIC ? On ne peut pas balayer cette question d'un revers de main, sans proposer une solution.
L'amendement no 845 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 464 .
L'amendement no 464 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 689 .
Il convient d'aider les entreprises à remplacer leurs véhicules fonctionnant aux énergies fossiles par des véhicules utilisant des énergies renouvelables. Il vous est ainsi proposé d'accorder, pendant une période de douze trimestres, une exonération de TVS – taxe sur les véhicules de sociétés – aux véhicules roulant au superéthanol E85, comme cela existe déjà pour ceux employant du gaz naturel ou du gaz de pétrole liquéfié. Cette exonération incitera évidemment les gestionnaires de flottes automobiles à diversifier à moindre coût la motorisation de leur parc afin de répondre aux objectifs de réduction des émissions de CO2 et surtout de particules.
Pour les mêmes raisons, je suis défavorable à ce qu'on mette trop d'éthanol dans la flotte.
Sourires.
L'amendement no 689 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 466 .
Nous avons déjà abordé ce sujet en première partie du projet de loi de finances – le ministre nous avait alors indiqué que ses service avaient réfléchi sur le problème – mais je veux y revenir.
La loi prévoit une exception au régime de la TVA pour les véhicules affectés à l'enseignement de la conduite mais celle-ci n'inclut pas les écoles de prévention, de sécurité routière, d'éco-conduite ni de pilotage sur circuit. Avant 2011, ces professions bénéficiaient d'une tolérance administrative qui leur permettait, de manière dérogatoire, d'être exemptée de la TVS, la taxe sur les véhicules des sociétés, mais cette dérogation a été supprimée. Depuis lors, la dérogation a été restreint. La disparité fiscale entre les écoles de conduite et les écoles de pilotage sportif sur circuit crée une distorsion de concurrence.
Afin d'offrir un environnement juridique clair, plus intelligible et qui place les établissements, notamment frontaliers, dans une situation plus favorable vis-à-vis de la concurrence, l'amendement prévoit une exonération de TVS pour tous les véhicules destinés à l'enseignement de la conduite. À l'instar de la TVA, que nous avons évoquée en première partie, il faut régler le problème posé par la TVS.
J'ignore à quel carburant roulent les flottes de ces établissements. Peut-être à l'éthanol ?
Sourires.
Je l'ai dit plusieurs fois déjà, les véhicules des écoles de pilotage ne sont pas exclusivement affectés à l'apprentissage de la conduite. L'amendement, s'il était adopté, n'aurait pas pour effet d'exonérer de la TVS les sociétés concernées, faute d'une affectation exclusive à l'apprentissage de la conduite. Avis défavorable.
Il est défavorable, dans le même esprit. Il y a maintenant dix jours, « les professionnels de la profession », comme dirait Jean-Luc Godard, ont été reçus par mon cabinet, comme je m'y étais engagé, madame Louwagie. Nous travaillons sur ce dossier. Nous aurons l'occasion d'y revenir, soit à l'occasion d'un échange particulier, soit lors d'une autre discussion budgétaire – il ne manquera pas d'en arriver avant la fin du mois de décembre…
Monsieur le rapporteur général, j'ai relevé une ouverture : vous avez indiqué que la TVA ne pouvait être déduite dès lors que les véhicules n'étaient pas utilisés exclusivement pour les activités d'apprentissage de la conduite. Pour affiner l'analyse, j'en déduis, a contrario, que la TVA devrait être déductible pour ceux utilisés à titre exclusif – car il y en a.
Par ailleurs, monsieur le ministre, je suis satisfaite que vous ayez pu échanger avec les professionnels. En conséquence, dans l'attente des discussions budgétaires à venir, je retire mon amendement.
L'amendement no 466 est retiré.
Je remercie Mme Louwagie et je vous demande, monsieur le président, une suspension de séance de quelques minutes.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.
La séance est reprise.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 1327 .
En s'attaquant à l'une des taxes qui nuisent à la compétitivité de nos filières agricoles, cet amendement, dont le premier signataire est Marc Le Fur, offrirait l'occasion de revenir à une situation de parité entre les producteurs industriels français, qui travaillent le plus souvent à partir de matières premières venant de l'Hexagone, et leurs concurrents étrangers.
Actuellement, il existe entre eux une distorsion importante crée par différentes taxes. En l'occurrence, la taxe spéciale sur les huiles végétales génère depuis de nombreuses années des distorsions de concurrence injustifiées au détriment des huiles issues de matières premières produites en France. Pour citer un exemple familier à tous, l'huile de tournesol est notablement plus taxée – à raison de 43 % par tonne – que l'huile de palme, dont la culture a pourtant un impact négatif bien connu sur l'environnement, notamment en Asie, et qui est néfaste pour l'équilibre nutritionnel. Il convient de supprimer cette taxe, qui, en raison de modalités de calcul différentes, défavorise les industriels produisant en France et avantage certains importateurs. Elle pénalise les 130 000 producteurs agricoles d'oléoprotéagineux français, les industriels utilisateurs de corps gras et, au final, les consommateurs.
Le problème est que la suppression de cette taxe rendrait certes la filière plus compétitive mais fragiliserait le financement des prestations vieillesse du secteur agricole en privant les caisses de la MSA de 125 millions.
J'admets qu'il existe un problème de compétitivité, ici comme dans d'autres domaines, mais la MSA, en déséquilibre, ne peut pas se passer d'une telle somme. Avant toute décision, il convient d'inscrire le sujet à l'ordre du jour de la concertation prévue lors des États généraux de l'alimentation. L'avis de la commission est défavorable.
L'amendement no 1327 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'agit de supprimer ce que l'on appelle la « taxe farine », comme une mission d'information présidée par Mme Louwagie l'avait déjà suggéré durant la précédente législature, ce qui avait d'ailleurs fait l'objet d'un consensus. J'ai écrit à la directrice régionale des douanes et droits indirects pour lui signaler un problème bien connu en zone frontalière : lorsque des farines arrivent de l'étranger, notamment d'Allemagne, les boulangers doivent acquitter la taxe, alors que ce sont les minotiers qui la paient directement quand les farines sont produites en France. Cette différence de traitement pose problème et la directrice régionale des douanes m'a répondu en termes très clairs qu'elle n'avait pas les moyens d'effectuer des contrôles.
C'est un vrai paradoxe : non seulement la taxe favorise les farines étrangères au détriment des minotiers français, mais l'administration elle-même se dit incapable de la collecter. Il semble urgent de supprimer cette taxe pour mettre fin à une distorsion de concurrence manifeste entre les entreprises françaises et étrangères, qui, en zone frontalière, sont nombreuses à les concurrencer.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 1569 .
Cet amendement est identique au précédent, mais j'aborderai le problème sous un autre angle. Monsieur le rapporteur général, je vous entends déjà nous répondre que les 65 millions annuels de produit de la taxe farine sont nécessaires, par solidarité, puisqu'ils financent la CCMSA, la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole. Si seulement vous aviez pu avoir un regard aussi solidaire, tout à l'heure, à propos de l'augmentation de 1 % de la contribution de solidarité chômage ! Le parallélisme des formes devrait prévaloir dans tous les domaines.
Avec la taxe farine, nous sommes face à un non-sens, que nous signalons tous les ans. En France, l'excédent brut d'exploitation des minotiers est de 3,1 %. Or ce dispositif représente exactement 3 % de leur chiffre d'affaires. Cherchez l'erreur ! Pour qualifier cette taxe, j'ose pour la première fois – je n'étais encore jamais allée jusque là – affirmer qu'elle est anticoncurrentielle. Ce secteur, dans notre pays, souffre de la concurrence internationale, particulièrement sensible dans les régions frontalières. Venez voir ce qui se passe dans le Doubs ou le Jura ; vous verrez passer des camions étrangers qui viennent livrer des farines au vu et au su de tout le monde.
Les importateurs ne supportent pas la taxe, alors qu'elle frappe les producteurs français de plein fouet. Où sont la logique, le sens de l'équité et la solidarité ? Faut-il vraiment affaiblir un secteur pour financer la MSA ?
Madame Dalloz, il est inutile de faire les questions et les réponses ; ma réponse ne sera pas exactement celle que vous attendez. Je fais en effet partie de ceux, vous le savez parfaitement, qui avaient demandé la suppression de la taxe farine en contrepartie d'une augmentation de la taxe sur les sodas, afin que l'opération soit neutre pour le budget de la MSA. Cependant, telle qu'elle a été votée cette année, la taxe sur les sodas est équilibrée, puisque son taux baisse sur les boissons moins sucrées et augmente sur les plus sucrées. De ce fait, aucune recette complémentaire n'est dégagée pour éviter à la MSA de perdre 70 millions. La ministre des solidarités et de la santé a annoncé dans cet hémicycle qu'avant la fin de l'année prochaine, elle organiserait une série de réunions pour étudier le moyen de remplacer cette taxe par une autre recette.
Je rappelle que, l'an dernier, en commission des finances, nous avons été quelques-uns à voter la taxe de rendement, et que ceux qui s'expriment aujourd'hui n'en faisaient pas forcément partie.
À l'époque, j'avais voté les recettes en même temps que les dépenses, ce qui ne me semblait pas incohérent. La situation est un peu différente à présent que la ministre de la santé s'est engagée à ce qu'on sorte de cette spirale infernale et à ce qu'on trouve une nouvelle recette. En clair, il s'agit d'éliminer la taxe farine, dont je conviens qu'elle est contre-productive. Si, à ce stade, j'émets un avis défavorable sur l'amendement, soyez sûrs que je veillerai à ce que l'engagement pris par la ministre au banc de Gouvernement soit respecté.
Tout le monde est conscient de la nécessité de changer cette taxe, qui pose plusieurs problèmes. Mme Louwagie et M. Hammadi les avaient analysés dans le rapport qu'ils avaient rédigé sous la législature précédente. Mme la ministre des solidarité et de la santé et M. le rapporteur général s'accordent eux aussi pour reconnaître l'existence d'une distorsion de concurrence.
J'aimerais cependant savoir, monsieur Hetzel, quels moyens font défaut à la direction des douanes et droits directs de votre région. Nous pourrons en reparler.
Quoi qu'il en soit, je reconnais que la taxe farine est anachronique et fausse la concurrence. Mais la position du rapporteur général devrait vous interpeller : pour l'instant, nous n'avons pas les moyens de compenser sa suppression auprès de la MSA. C'est si vrai que les auteurs des amendements ne s'y sont pas essayés mais ont préféré gager la perte de recettes par une augmentation des taxes sur le tabac, c'est, j'imagine, pour que nous en discutions. En somme, ils disent la même chose que nous : la taxe crée sans doute une difficulté et l'on doit trouver des recettes pour compenser sa suppression.
C'est ce vous proposez dans vos amendements et je note que vous n'avez pas proposé d'autre solution dans vos longues prises de parole.
Je propose donc que l'Assemblée rejette ces amendements mais que, conformément à l'engagement de la ministre des solidarités et de la santé, rappelé par le rapporteur général, nous trouvions une solution dans l'année.
Monsieur le ministre, je pense que vous êtes conscient que, dans les zones frontalières, beaucoup de boulangers ont recours à des farines d'origine étrangère, ce qui crée une difficulté opérationnelle : quand des centaines de professionnels sont concernés, il devient très difficile à la direction régionale des douanes et droits indirects de s'assurer du bon acquittement de la taxe farine. C'est pourquoi les minotiers français et étrangers se retrouvent dans une situation déséquilibrée, à l'avantage de ces derniers. C'est une réalité. La direction régionale des douanes n'a pas la capacité opérationnelle d'y remédier car cela exigerait l'affectation systématique de moyens ciblés. Or ce n'est pas à vous que je vais apprendre qu'il existe, dans notre pays, un véritable mille-feuille de taxes et d'impôts.
Avec de la farine française, le mille-feuille !
Cet amendement vise à créer une prime compensant la hausse de la CSG, afin de ne pas pénaliser les agents de la fonction publique. Cela fait écho aux arguments que nous avons échangés tout à l'heure avec M. le président de la commission des finances. Vous constaterez que cette prime compense exactement la hausse de la CSG : nous sommes allés jusqu'au quatrième chiffre après la virgule. Nous avons fait le maximum pour rassurer les intéressés.
Une compensation de hausse de la CSG a déjà été mise en oeuvre sous le gouvernement de Lionel Jospin en 1997, pour des raisons différentes. Toutefois, cette dernière n'évoquait pas les flux : les nouveaux entrants dans la fonction publique ne bénéficiaient donc pas de cette compensation. Leur prise en compte constituait une demande des organisations syndicales. Si l'on déclare vouloir renforcer l'attractivité de la fonction publique, on doit agir en conséquence ; même si ce sont de petites pertes, elles n'en sont pas moins réelles.
Pour toutes ces raisons, je souhaiterais que votre assemblée accepte l'amendement du Gouvernement.
Monsieur le ministre, monsieur Woerth, je souhaiterais pour ma part que l'on réunisse la commission des finances pour discuter de cet amendement du Gouvernement. En effet, il vient d'être présenté en quelques secondes, alors qu'il porte sur 3 milliards d'euros et fait intervenir une mécanique compliquée.
Je résume son dispositif, puisque le ministre ne l'a pas fait. L'augmentation de la CSG de 1,7 point concernera les 5,5 millions d'agents publics, qui subiront ainsi une baisse de pouvoir d'achat de 3 milliards d'euros. La question est de savoir comment l'on compense ces 3 milliards. Si je comprends bien, ce sera fait, d'une part, par la suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité chômage de 1 %, pour un montant de 1,4 milliard et, d'autre part, par le versement d'une indemnité compensatrice, pour un montant de 1,6 milliard. Le versement de cette indemnité compensatrice ne pose pas de problème pour l'État mais, pour l'employeur local ou l'employeur hospitalier, cela représente un surcoût, que vous entendez compenser par la baisse de la cotisation maladie des employeurs locaux et hospitaliers.
Par ailleurs, dans l'exposé sommaire, il est indiqué, et le ministre vient d'y faire allusion : « Afin de garantir l'attractivité de la fonction publique, une indemnité calculée de manière plus forfaitaire [sic] sera versée aux nouveaux entrants et aux agents réintégrés ».
Un amendement de 3 milliards d'euros qui débarque comme cela, touchant nombre de sujets importants, mérite un minimum d'examen. Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, peut-être disposez-vous d'informations particulières ? Je pense, pour ma part, que l'on ne peut pas s'en tenir à quelques secondes de discussion.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe NG.
Je formule la même demande que Gilles Carrez. Nous avons compris le mécanisme de la suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité chômage de 1 %, pour un montant de 1,4 milliard. Il n'en va pas de même concernant la somme de 1,6 milliard – ce qui n'est pas peu de chose, monsieur le ministre.
Je me réfère à la tribune publiée la semaine dernière par nos collègues de La République en marche qui appelaient le Gouvernement et les parlementaires à légiférer de manière éclairée et évaluée. En l'occurrence, on ne légifère de manière ni éclairée ni évaluée. En effet, cette réforme de la CSG est constituée de plusieurs tuyaux, allant tantôt vers la Sécurité sociale, tantôt vers les collectivités locales.
Oui, c'est vraiment de la mécanique de tuyauterie ! Monsieur le ministre, nous avons vraiment besoin d'y voir clair. Je ne veux pas vous accuser de quoi que ce soit, mais vous faites apparaître 1,6 milliard par quelque chose qui s'apparente à un tour de passe-passe. Lorsqu'on présente un amendement qui a des conséquences financières aussi importantes, on peut y consacrer un peu plus de trente secondes.
Applaudissements sur les bancs des groupes NG et LR.
Nous avons déjà abordé ce sujet à l'occasion de l'examen d'un autre amendement mais j'aimerais savoir comment les collectivités, qui rémunèrent les fonctionnaires territoriaux, …
Quel est exactement le mécanisme de compensation choisi pour les collectivités locales ? C'est un point absolument essentiel. Comment cela va-t-il fonctionner sur le long terme ? Cette prime va-t-elle augmenter avec le temps, le cas échéant en fonction de l'inflation, ou sera-t-elle gelée ?
Je vais me répéter, pour M. Carrez, dont je comprends parfaitement la question. Mme Rabault a rappelé que l'amendement avait une portée financière non de 3 milliards mais de 1,6 milliard.
Il s'agit évidemment d'un montant important, mais c'est tout de même 1,4 milliard de moins que le montant avancé par certains.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je vous prie de m'écouter, comme je l'ai fait à l'instant, mes chers collègues : dans votre présentation, monsieur Carrez, vous avez affirmé que c'était un amendement à 3 milliards.
Cet amendement ne soulève pas de difficultés budgétaires ; il ne modifie pas les équilibres du budget. Vous aurez constaté que, dans sa grande sagesse, le ministre de l'action et des comptes publics – qui est en même temps le ministre de la fonction publique, qui menait ces négociations avec les syndicats, et le ministre du budget – ne dégrade pas sa copie. Comme je vous l'ai dit, la hausse de la CSG affectant les agents de la fonction publique entraîne une augmentation des recettes de 3 milliards, qui fait l'objet d'une compensation. Vous appelez cela la « tuyauterie ». Si l'on étudiait toutes les tuyauteries, chacun se révélerait excellent plombier, tant le sujet est complexe.
Sourires. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
S'agissant du respect des droits du Parlement, vous m'avez interrogé par deux fois en commission des finances. J'avais abordé plusieurs sujets et je vous avais dit, en toute franchise, monsieur Carrez, monsieur Woerth, mesdames, messieurs les députés de la majorité, qu'une négociation était engagée avec les syndicats et que je ne pouvais proposer un texte au Parlement avant qu'il ne fasse l'objet de discussions, notamment devant le Conseil commun de la fonction publique, qui s'est réuni le 8 novembre.
J'avais toutefois commencé à dessiner un certain nombre de grands principes, que je voudrais ici rappeler. Il y a, d'un côté, des suppressions de cotisations que, pour établir un parallèle avec la hausse de la CSG et la baisse des cotisations chômage et maladie adoptées pour le secteur privé, l'on pourrait qualifier de « salariales » : suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité de 1 % pour les fonctionnaires et de la cotisation maladie de 0,75 % pour les contractuels. Par ailleurs, sur les 3 milliards en jeu, une compensation de 1,6 milliard sera accordée aux collectivités locales et à la Sécurité sociale, au moyen d'un mécanisme réglementaire – il est donc normal que vous ne le voyiez pas dans la loi – consistant, comme je l'ai déjà dit, à supprimer des cotisations employeur, notamment à la charge des collectivités locales.
J'ai pu constater, indépendamment des échanges informels que j'ai avec eux, que les employeurs territoriaux ont manifesté, au sein du Conseil commun de la fonction publique, leur accord avec cette mesure, qui constitue une garantie pérenne de la compensation de la CSG. Il ne s'agit pas, en effet, d'un versement de prime ex nihilo. La suppression des cotisations employeur pesant sur les employeurs territoriaux, pour prendre cet exemple, n'entraînera de difficultés budgétaires ni pour les collectivités locales ni pour l'État, puisqu'il y aura un jeu à somme nulle entre les 3 milliards d'augmentation de CSG et les 3 milliards de compensation, pour moitié par compensation « salariale » – si vous me permettez cette expression abusive – , pour moitié par la suppression de cotisations employeurs.
L'amendement a été déposé voilà plus d'une semaine. Nous avons discuté très longuement de cette question en commission, notamment lors de l'examen des rapports spéciaux, en particulier sur la fonction publique ; le rappeler n'est pas faire injure à votre assemblée. Les échanges furent assez intéressants, et nous nous sommes notamment demandé s'il s'agissait de la bonne solution. On ne peut donc pas prétendre que votre assemblée n'ait pas été informée. Il ne m'appartient pas de me prononcer sur la question de savoir si la commission des finances doit être réunie, mais il me semble, monsieur Carrez, que vous avez surtout manifesté une demande d'explication.
Je me félicite : premièrement, que la hausse de la CSG pesant sur les agents publics soit entièrement compensée ; deuxièmement, que cette compensation concerne également les flux de nouveaux entrants, ce qui constitue une autre mesure positive ; troisièmement, que la hausse de la CSG pesant sur les collectivités locales et la Sécurité sociale soit aussi compensée intégralement, alors que, en toute objectité, nous n'étions pas obligés de le faire ; quatrièmement, de ne pas avoir écouté ceux qui suggéraient d'augmenter le point d'indice pour compenser la hausse de la CSG, car cette mesure aurait été malvenue, dans la mesure où elle aurait été financée pour un tiers par l'État et pour les deux autres tiers par la Sécurité sociale et surtout par les collectivités locales.
Je pense donc que l'État et le Gouvernement ont pris leurs responsabilités et que la tuyauterie n'est pas si compliquée que vous la présentez. La suppression des cotisations des deux côtés me semble le meilleur moyen de compenser la hausse de la CSG.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.
Je m'associe aux demandes de renvoi en commission de ce sujet central. Une question essentielle va s'imposer à toutes les collectivités, fatiguées de devoir vivre toujours plus sur la base de fonds ou de dotations de compensation, qui sont de plus en plus nombreux, pèsent de plus en plus dans leur budget, s'avèrent bien trop erratiques et ne sont absolument pas sécurisés dans le temps. Même si l'on peut se réjouir de cet amendement, qui définit les modalités de la nécessaire compensation, voici la question qui se pose aujourd'hui : comment vous allez assurer l'indexation de cette compensation ? On peut se demander si, par cet amendement, vous n'allez pas réaliser, dans la durée, une économie budgétaire sur le dos des collectivités.
C'est, en ma personne, la très enthousiaste rapporteure spéciale du budget de la fonction publique qui s'exprime. Je vous invite à lire mon rapport spécial, dans lequel j'ai indiqué qu'un certain laps de temps s'était écoulé entre le moment où j'ai disposé des chiffres et celui où M. le ministre a achevé la négociation salariale avec les partenaires sociaux, lesquels ont, pour tous les versants de la fonction publique, accepté le principe de la compensation. M. le ministre a répondu à une demande forte, qui émanait notamment des directions des ressources humaines des collectivités territoriales, d'avoir une compensation dynamique. Cette compensation sera pérenne, monsieur Saulignac, puisque, pour une fois, il ne s'agit pas de recettes allouées une seule année et pouvant être supprimées, mais d'une diminution des cotisations employeur de nos collectivités territoriales.
Cela va entraîner un phénomène inédit : au fil des ans, les collectivités territoriales vont y gagner. En effet, cet allégement de charges va augmenter progressivement : d'abord, les agents des services publics vont bénéficier d'une revalorisation des rémunérations et des carrières liée au protocole PPCR – parcours professionnels, carrières et rémunérations – , qui montera en charge jusqu'au 1er janvier 2020 ; par ailleurs, les négociations salariales vont leur conférer un peu plus de pouvoir d'achat au cours des prochaines années. Dès lors, cet allégement de charges va connaître une augmentation en euros, alors que la prime différentielle, elle, demeurera fixe : comme je l'ai expliqué dans mon rapport, elle sera recalculée une dernière fois en janvier 2019, après quoi elle ne variera plus. Vont donc se conjuguer un allégement de charges qui, en euros, va augmenter, et une prime dont le montant sera stable, voire en baisse, au fur et à mesure que les agents de la fonction publique vont partir. Ne vous inquiétez donc pas : finalement, dans quelques années, les collectivités territoriales s'y retrouveront, et s'y retrouveront même bien.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.
L'amendement no 1870 est adopté.
Cet amendement vise à organiser les modalités du report d'un an des revalorisations prévues dans le cadre du protocole PPCR. Sur ce sujet encore, je pense avoir été largement sollicité – j'anticipe la question que M. Carrez ne va pas manquer de soulever – dans le cadre du débat sur la masse salariale. Au demeurant, celui-ci, à l'Assemblée nationale, a pris une ampleur bien supérieure à celle du débat sur la compensation de la hausse de la CSG, en commission des finances, dans l'hémicycle, lorsqu'on a évoqué la commission salariale – M. Woerth avait d'ailleurs proposé de mettre fin au protocole PPCR – , en commission élargie, où la rapporteure spéciale a été entendue, comme dans le cadre de nos autres échanges.
Nous procédons donc à un décalage d'un an d'un protocole qui engageait l'ancien Gouvernement mais ne résultait pas d'un accord majoritaire. Il n'entrera en vigueur que le 1er janvier 2019, pour des motifs d'économies mais aussi d'application dans l'ensemble de la fonction publique, et enfin pour permettre aux collectivités locales de ne pas le comptabiliser dans leur budget de cette année.
Là encore, le Gouvernement fait très fort : voici un amendement à 800 millions d'euros ! Vous me direz, monsieur le ministre, qu'il va dans le bon sens, puisqu'il s'agit d'une économie. En effet, vous reportez d'un an le protocole Lebranchu, ou protocole PPCR. Sur le fond, cette décision va dans le bon sens, mais on ne présente pas un tel amendement directement en séance. Vous en avez peut-être discuté – et encore ! – lors de l'examen des crédits de la mission mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ». Mme Cendra Motin a peut-être eu des informations privilégiées, mais, pour notre part, nous découvrons cet amendement.
Dans le budget de l'État pour 2018, il n'y a que 324 diminutions d'effectifs sur 2 millions de fonctionnaires ; vous recherchez désespérément des économies – cela se comprend – pour compenser cette totale stabilité des effectifs. Par ailleurs, il est vrai que cela représente une économie non négligeable pour les collectivités territoriales, puisque le protocole PPCR concernait avant tout les agents de catégorie C, qui devaient recevoir, au fil du temps, des points d'indice supplémentaires, avec une accélération des carrières et des avancements.
Mais nous faisons du mauvais travail en discutant en quelques secondes d'amendements aussi importants. Derrière cette mesure, se cache toute la gestion de la masse salariale dans les trois fonctions publiques, qui mériterait un examen approfondi. Bien sûr, vous avez une majorité, qui va adopter cet amendement au doigt et à l'oeil, comme un seul homme,
Protestations sur les bancs du groupe REM
mais nous faisons là du mauvais travail parlementaire. Les deux derniers amendements mériteraient un peu plus de réflexion, et il conviendrait de suspendre la séance pour réunir la commission des finances, monsieur le président de la commission des finances. Cela nous permettrait d'aller au fond des choses et de faire du bon travail parlementaire. Je vous remercie de votre compréhension.
Exclamations sur les bancs du groupe REM.
Ayant beaucoup de respect pour tous les parlementaires, particulièrement pour le président Carrez, quand il déclare que nous faisons du mauvais travail, j'ai tendance à le prendre au sérieux. Néanmoins, votre argumentation, monsieur Carrez, a du mal à tenir sur ce point précis.
J'ai annoncé, dès la fin du mois d'août et le tout début du mois de septembre, y compris devant cette assemblée et devant sa commission des finances, à la suite d'ailleurs d'interpellations de votre groupe politique, que le Gouvernement proposait de décaler l'entrée en vigueur du protocole PPCR de dix-huit voire de douze mois. Je vous ai dit que j'allais en parler aux organisations syndicales.
Si, monsieur Carrez, je vous l'assure.
La tuyauterie n'est pas très complexe : nous ne faisons que décaler au 1er janvier 2019 l'entrée en vigueur du protocole.
Par ailleurs, pardonnez-moi mais il est faux de dire que ce sont les agents de catégorie C qui pâtiront de ce décalage d'un an – c'est d'ailleurs bien pour cela qu'une partie des organisations syndicales n'a pas signé le protocole. Ce sont les fonctionnaires de catégorie B pour lesquels l'impact de ce décalage sera le plus important. Les agents de catégorie C ont en effet déjà bénéficié d'une revalorisation, même si certains d'entre eux ont des difficultés financières, que personne n'ignore.
Il faudrait connaître la ventilation de l'impact du décalage par catégorie !
Le Parlement en discute depuis trois ans, monsieur Carrez !
Si ! On parle même des « accords Lebranchu », alors que Mme Girardin a occupé le poste de ministre chargé de la fonction publique entre Mme Lebranchu et moi.
Indépendamment de ce décalage, les sujets de fond sont la rémunération des agents publics, le statut de la fonction publique et l'adaptation de la fonction publique. Ne vous inquiétez pas : le projet de la majorité parlementaire prévoit une réforme importante de la fonction publique. Nous aurons largement le temps d'en parler.
Cet amendement propose une mesure conforme aux propos que j'ai tenus aux organisations syndicales – qui sont les premières concernées, excusez-moi – et conforme à la parole du Gouvernement dès la fin du mois d'août. On peut toujours suspendre la séance et réunir la commission, mais j'y verrais surtout le signe, monsieur le président Carrez, que vous voulez faire durer la séance. Sachez que je suis très heureux d'être avec vous !
Vous passez le protocole PPCR par pertes et profits, ce à quoi nous serions plutôt favorable, considérant que ce dispositif a été négocié trop rapidement, qu'il n'apporte rien, qu'il coûte très cher et qu'il n'est en rien une réforme de la fonction publique. Si vous gagnez un an, j'imagine que c'est pour mieux tuer ce protocole et faire autre chose.
Si vous faites autre chose, j'aimerais bien savoir ce que ce sera. Vous pourriez nous donner les lignes directrices de votre projet. J'ai également été ministre chargé de la fonction publique et je sais que les négociations sont difficiles, mais il faut bien afficher certaines valeurs sur le statut de la fonction publique, la manière dont on compte restreindre le droit au statut ou faire évoluer son champ, ou encore la part du mérite dans les augmentations par rapport aux revalorisations générales. Beaucoup d'éléments de cette nature peuvent être traduits dans une réforme. Vers quoi allez-vous ?
Cette question est d'autant plus légitime que la majorité repousse tous nos amendements en disant qu'une réforme plus générale, merveilleuse, est en préparation. C'est une attitude systématique, que l'on a notamment constatée il y a peu lors du débat sur les taux d'intérêt. Vous dites que le protocole PPCR est mort.
Donc que se passe-t-il pour la fonction publique ? Où allez-vous ? Je comprends que vos propositions ne soient pas prêtes dans le détail, mais vers quoi allez-vous ? Quelle est votre vision de la fonction publique ? En outre, lorsque l'on présente une mesure de suppression de cette nature, il est opportun de fournir une étude d'impact. Nous avons besoin de chiffres.
Je suis étonnée que ces amendements n'aient pas été présentés lors de l'examen des crédits de la mission dont Mme Cendra Motin était rapporteure spéciale, …
Oui, une vision d'ensemble ! Les résultats de la négociation n'ont pu être connu qu'après l'examen de cette mission, mais tout de même.
Pourriez-vous nous donner le nombre de fonctionnaires touchés par la mise en stand by du protocole, par catégorie, A, B et C ?
Je voudrais revenir sur les propos de Gilles Carrez. Quand le ministre est venu devant la commission des finances, nous étions au début d'une négociation avec les partenaires sociaux de la fonction publique. Il nous a été expliqué que certaines mesures allaient être prises pour pleinement compenser la hausse de la CSG. Au moment de l'examen des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », la négociation se poursuivait, si bien que le Gouvernement n'était pas en mesure d'adapter le texte initial pour refléter la négociation. Aujourd'hui, c'est le cas : le PPCR n'est pas abandonné ; la négociation a abouti à son report d'une année.
Lorsque des négociations menées par le Gouvernement sont en cours, comme c'est arrivé pour le logement, il me semble important de comprendre que ces mesures arrivent et de suivre l'avancée des discussions. Le ministre nous a donné énormément d'informations sur les négociations en cours, nous a rassurés sur leur avancée et avait présenté en amont des leviers de discussion qui étaient sur la table.
Il n'y a donc ni surprise ni grande révélation, me semble-t-il. Non, le PPCR n'est pas abandonné ; il est reporté d'une année. Il est essentiel pour les personnels de la fonction publique d'être extrêmement clairs là-dessus. Je suis rapporteure spéciale du budget de la recherche, et il doit être clair pour les universités que nous procédons à un report d'un an du PPCR et non à l'abandon de ce plan de carrière, extrêmement important pour les personnels de la fonction publique.
Il n'y a pas de surprise, les négociations ont eu lieu, et, comme pour le logement, on a adapté le texte en séance pour refléter au mieux leur résultat. Il ne faut pas faire de grands coups de communication sur des processus que nous avons pu suivre précisément.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Madame Rabault, tous les agents publics sont concernés par le décalage d'un an. Le protocole PPCR a été négocié il y a près de trois ans mais le gouvernement précédent n'en a mis en oeuvre qu'une petite partie, puisque 82 % de la dépense attachée à ce protocole doit être financée dans ce quinquennat, et cela coûtera 11 milliards d'euros au total pendant cette période. Vous pouvez me reprocher ce décalage d'un an pour tous les agents publics, mais je peux vous reprocher d'avoir négocié un protocole il y a deux ans et demi, de ne l'avoir pas financé et d'avoir reporté sa charge sur le quinquennat actuel.
Exclamations sur quelques bancs du groupe NG.
Souffrez que l'on vous réponde ! Si je ne peux pas répondre à vos questions, je ne suis qu'un punching-ball et la discussion n'a aucun intérêt. Il ne me semble pas incongru d'informer, dans le cadre de l'examen d'un projet de loi de finances, que l'on devra payer 82 % d'un accord datant d'il y a deux ans et demi. Cela n'est pas grave en soi mais il faut le dire.
Mme de Montchalin a raison : le Gouvernement ne passe pas le protocole PPCR par pertes et profits. Bien sûr, l'accord aurait pu être mieux négocié, mais, comme vous l'avez dit, monsieur Woerth, il n'est pas facile de négocier un accord. Je constate qu'il n'a pas été majoritaire et qu'il sera intégralement financé à l'issue du quinquennat : nous ne vous présentons pas une trajectoire de financement sur dix ou quinze ans, mais bien sur cinq ans. Simplement, il n'est pas possible de le financer en intégralité maintenant, comme cela avait été prévu. Néanmoins, cet accord ne sera appliqué qu'au 1er janvier 2019.
Enfin, s'agissant de la procédure, je peux comprendre Mme Rabault et les interrogations des parlementaires : on peut toujours mieux discuter des sujets, mais cet amendement est passé en commission, jeudi matin.
Il n'y avait peut-être pas beaucoup de parlementaires, et chacun peut déplorer que le contrôle du Gouvernement par le Parlement ne soit pas suffisant.
Il est donc incroyable que la commission l'ait adopté !
Protestations sur les bancs du groupe LR.
C'est une blague !
Quoi qu'il en soit, M. le rapporteur général était présent, et l'on ne peut pas dire que, depuis la fin du mois d'août, ce débat n'a pas eu lieu. Il me semble que le processus a été assez clair : le protocole est décalé, est gardé, coûtera 11 milliards d'euros dans les cinq prochaines années, n'était financé qu'à 18 % et touchera tous les agents de la fonction publique. Chacun est désormais informé.
Je vois bien que le ministre utilise le ton de la plaisanterie, mais notre groupe était majoritaire jeudi dernier en commission des finances, où étaient présentes, entre autres, Mme Louwagie et Mme Dalloz.
Alors qu'aucun député de la majorité n'était présent, à l'exception du rapporteur général, nous avons choisi de ne pas en profiter. Nous n'avons pas voulu faire du petit parlementarisme, de la mauvaise opposition, car cela ne change rien à un texte. Nous n'avons pas pris part au vote et avons laissé le rapporteur général adopter l'amendement. Nous n'avons pas joué à ce jeu, et je pense que c'est plutôt à notre honneur qu'à notre déshonneur.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
L'amendement no 1871 est adopté.
Rappel au règlement
Ce rappel au règlement se fonds sur le l'article 58, alinéa 1, du règlement, relatif au bon déroulement des travaux de notre assemblée.
Monsieur le président, vous connaissez parfaitement le règlement : vous pouvez donner la parole à un ou à plusieurs parlementaires, et il ne vous a pas échappé que ce sujet était particulièrement sensible. Nous étions quelques-uns à vouloir intervenir sur cet amendement, qui porte sur un sujet sensible et un montant budgétaire très élevé. De part et d'autre de l'hémicycle, des demandes de réunion de la commission des finances ont été formulées. Puisque ces demandes ont été rejetées, nous souhaitions simplement pouvoir nous exprimer sereinement en séance publique.
Monsieur le président, le fait que vous refusiez de nous donner la parole montre que vous traitez l'opposition avec mépris !
Protestations sur les bancs du groupe REM.
Je tiens solennellement à dire que ce n'est pas une manière de faire lorsque l'on examine des sujets méritant une considération particulière ! Monsieur le président, votre rôle est de faire en sorte que l'opposition et ses droits soient reconnus.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur Hetzel, comme moi, vous avez suivi attentivement le débat, si bien que nous pouvons nous en tenir aux faits. Lorsque l'on examine un amendement, il est possible d'entendre deux réponses : une à la commission et l'autre au Gouvernement. Or j'ai donné la parole à quatre orateurs : M. Carrez, M. Woerth – lequel est d'ailleurs intervenu deux fois, la première en temps que président de commission, la seconde, dirons-nous, au nom de son groupe politique – et Mme Rabault, députés de l'opposition, et Mme de Montchalin, seule oratrice de la majorité. L'opposition n'a donc nullement été brimée dans ce débat ; j'ai au contraire permis à toutes les sensibilités politiques de s'exprimer, comme je le fais très souvent, et en allant au-delà de ce que les règles permettaient.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.
Après l'article 47
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l'amendement no 1689 .
À dix-neuf heures quinze, M. Sacha Houlié remplace M. François de Rugy au fauteuil de la présidence.
Je reconnais que cet amendement n'a pas forcément sa place dans une loi de finances et je prie d'avance M. le ministre de bien vouloir accepter mes excuses sur ce point. Je souhaite néanmoins lancer un appel, monsieur le ministre, car voilà trois ans que nous cherchons à résoudre cette situation. Laissez-moi donc vous expliquer.
Des anciens agents d'EDF, affiliés à la CAMIEG – la Caisse d'assurance maladie des industries électriques et gazières – , peuvent adjoindre à leur contrat de mutuelle leur conjoint pourvu que le revenu fiscal de référence de celui-ci soit inférieur à un certain seuil. Or, chaque fois que le revenu fiscal de référence est modifié, ce qui fut le cas notamment avec la suppression de la demi-part des veuves ou la fiscalisation de la majoration de pension de 10 % pour charges de famille, certains conjoints perdent ce bénéfice, sans même le savoir. Certains se sont ainsi rendus à l'hôpital, pensant bénéficier de la mutuelle, et on leur a annoncé qu'ils n'en relevaient plus non pas parce que leur revenu avait changé, mais du seul fait d'une modification de la définition du revenu fiscal de référence.
Cette difficulté pourrait être résolue de manière assez simple en modifiant le décret qui fixe le seuil, par un rehaussement de ce dernier. On éviterait ainsi qu'un certain nombre de Français qui, en toute bonne foi, pensent être affiliés à la CAMIEG, en soient radiés du fait d'un changement de définition du revenu fiscal de référence.
J'avais déjà déposé un amendement similaire en loi de finances l'année dernière, et votre prédécesseur m'avait promis que la question serait résolue dans les deux mois, ce qui n'a pas été le cas. Je me permets donc de me tourner vers vous pour appeler votre attention sur ce point, monsieur le ministre. J'ignore quel étage de Bercy est compétent – peut-être le troisième, le cinquième ou encore le sixième – mais je sais que c'était auparavant du ressort du ministère de l'industrie.
Valérie Rabault a raison de déposer cet amendement ; je l'ai d'ailleurs invitée à le faire en commission, sans y donner pour autant un avis favorable. Ce sujet a effectivement déjà été abordé et il aurait dû être réglé. Il me semble que le dossier est non pas entre le sixième, le septième et le huitième étage, mais échappé d'un tunnel du réseau Télédoc, perdu dans un mur, comme cela arrive parfois…
Si je ne peux donner un avis favorable à un amendement, qui tend à introduire une mesure d'ordre réglementaire, j'insiste néanmoins sur l'importance de résoudre ce problème et sur la nécessité qu'un engagement soit pris au banc du Gouvernement.
Je comprends que cette ténébreuse affaire, en cours depuis 2013, est assez complexe, qu'elle crée des injustices, …
… que des mesures ont été prises pour aider les personnes concernées, mais pas celle qui vous paraît la plus simple, madame Rabault, à savoir la modification du décret de seuil.
Je ne vais pas vous faire le coup de la complexité et de la procrastination – c'était plus ou moins ce qui figurait sur ma note – , ni le coup de la promesse qui dans deux mois ne sera pas tenue parce qu'alors nous penserons tous à autre chose. Je vais vous faire une proposition un peu iconoclaste : je donnerai à votre amendement un avis favorable, de façon qu'il soit adopté ; cela mettra un coup de pression à mon cabinet et à l'administration pour que le décret soit modifié d'ici à deux mois.
Cette mesure étant d'ordre réglementaire, elle sera retirée par la suite, mais elle garantira, dans l'attente, que nous travaillions sur ce sujet d'apparence un peu complexe.
Applaudissements.
L'amendement no 1689 est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Deux orateurs sont inscrits sur l'article 48.
La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne.
« Ah ! » sur divers bancs
c'est tout un feuilleton. Parmi les victimes de vos choix budgétaires, il y a bien sûr les retraités, nous l'avons évoqué plusieurs fois, mais aussi les fonctionnaires et les agents publics, victimes d'une politique générale de stigmatisation depuis mai dernier. Tout le monde a en tête la campagne présidentielle : entre le candidat Fillon et le candidat Macron, c'était à qui supprimerait le plus de postes de fonctionnaires.
Aujourd'hui, cela se traduit par une politique de punching-ball contre les agents publics : 120 000 postes seront supprimés d'ici à 2022. Rappelons ici toutes les suppressions prévues au sein de Bercy, notamment dans les services de contrôle fiscal ; on est là très loin des déclarations d'intention en matière de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. Il faut y ajouter le gel du point d'indice et la stagnation du pouvoir d'achat, en dépit de la promesse de campagne du candidat Macron, qui s'était engagé à augmenter le pouvoir d'achat de tous les actifs – peut-être faut-il entendre que les fonctionnaires n'appartiennent pas à cette catégorie. L'avancement des carrières est en outre au point mort. Quand les conditions de travail se dégradent et que les cadences sont plus difficiles à assumer, le travail peut perdre de son sens.
C'est dans ce contexte qu'intervient le rétablissement d'un jour de carence, mesure directement sortie des cartons de la droite et empreinte d'une démagogie sans nom. Rien ne justifie une telle mesure : elle n'apporte aucunement les économies escomptées, ne permet pas de lutter contre les véritables causes de l'absentéisme dans la fonction publique, prétend rapprocher les règles du privé et du public quand les deux situations d'emploi sont en l'état incomparables, les salariés du privé étant bien souvent couverts sur leur premier jour d'absence.
Cette stigmatisation des agents de la fonction publique nous apparaît indigne. Au fond, achever l'examen de ce projet de loi de finances par le rétablissement d'un jour de carence pour les fonctionnaires est un symbole très fort : …
… c'est la cerise sur le gâteau, un marqueur politique particulièrement amer que nous n'acceptons pas.
En voulant rétablir le jour de carence dans la fonction publique, la majorité s'inscrit dans les pas de Nicolas Sarkozy, lequel avait lui aussi cru bon, en son temps, d'humilier un peu plus les fonctionnaires. Le groupe Les Républicains, voyant encore une fois l'actuelle majorité marcher sur ses plates-bandes idéologiques, surenchérit en proposant plusieurs jours de carence. Jusqu'où les diverses nuances de droite iront-elles dans la rhétorique anti-fonctionnaires ?
L'article 48 réussit le tour de force d'être à la fois inutile et injuste. L'Enquête emploi de l'INSEE parue la semaine dernière porte notamment sur l'impact du rétablissement du jour de carence en 2012 et en 2013 sur l'absentéisme dans la fonction publique. Ses conclusions, pour peu qu'on les analyse de bonne foi, montrent clairement que le jour de carence ne fait pas baisser le taux d'absentéisme. En 2014, les rapports d'évaluation parvenaient aux mêmes conclusions sur les effets de la mesure : le jour de carence ne réduit pas l'absentéisme dans la fonction publique.
De même, l'argument de l'équité avec le secteur privé ne tient pas une seconde. En effet, deux tiers des salariés du privé sont couverts par une convention collective qui ne les soumet pas au jour de carence.
Enfin, les agents dont le taux d'absentéisme de courte durée est le plus élevé sont ceux de la catégories C, c'est-à-dire ceux qui exercent généralement les tâches les plus dures ou les plus contraignantes sur le plan physique.
Je laisse le soin à ceux qui voteront pour cet article d'expliquer à un agent de voirie tombé malade en travaillant dehors la veille que le fait de lui retirer une journée de son traitement parce qu'il est malade est une mesure de justice vis-à-vis du secteur privé.
Mesdames et messieurs les députés de la majorité, lisez les rapports, examinez les chiffres, regardez la situation des agents et la pénibilité au travail, notamment au sein des hôpitaux publics, et vous comprendrez que cette mesure n'est que pure démagogie.
Cet amendement vise en effet à supprimer l'article.
Plusieurs collègues l'ont rappelé, le jour de carence dans la fonction publique avait été rétabli par François Fillon, alors Premier ministre, puis supprimé par la précédente majorité, début 2014. Quelques mois plus tard, en mai 2015, un sénateur LR avait proposé de le rétablir. Le gouvernement de l'époque lui répond sans ambiguïté par ces mots, auxquels nous souscrivons : « Tout d'abord, si l'on examine de près la situation des salariés du privé, on s'aperçoit que les deux tiers d'entre eux sont couverts par des conventions collectives qui prennent en charge les jours de carence. Donc, "en vrai", comme disent les enfants, la situation n'est pas aussi injuste que celle que vous décrivez. [… ] ce n'est pas la bonne mesure. » Ces mots sont d'Emmanuel Macron, alors ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique du gouvernement Valls. Tout est dit !
Par ailleurs, je souhaiterais revenir sur ce fameux rapport de la Cour des comptes que beaucoup brandissent à tour de bras mais dont je me demande s'il a bien été étudié. Voici ce qu'il concluait : « Si l'instauration d'un jour de carence paraît avoir eu pour effet de faire baisser les arrêts maladie de courte durée au cours de son année d'application, son abrogation à compter du 1er janvier 2014 aurait eu l'effet inverse. La remise en place d'un ou plusieurs jours de carence dans la fonction publique devrait être envisagée. » Deux éléments me choquent dans cette analyse. Elle traduit tout d'abord la difficulté à estimer l'efficacité du jour de carence en matière d'absentéisme. Il est par ailleurs surprenant que la Cour des comptes emploie le conditionnel et, finalement, propose tout de même le rétablissement d'un ou plusieurs jours de carence. C'est choquant.
Ces différents éléments montrent bien qu'il est question ici non pas de trouver une solution au problème des conditions de travail des fonctionnaires mais bien de stigmatiser ces derniers.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement no 1413 .
Une fois encore, en tentant de rétablir le jour de carence dans la fonction publique instauré sous Sarkozy puis abrogé sous Hollande, M. Macron puise son inspiration dans la droite la plus traditionnelle qui soit, celle qui considère que les fonctionnaires sont par essence des absentéistes à surveiller et à contrôler pour les empêcher de bayer aux corneilles. Nous proposons, par cet amendement, de supprimer l'article 48 car nous considérons que cette vision idéologique du fonctionnariat relève du mythe.
Si un fonctionnaire pose un arrêt maladie d'une journée et revient le lendemain, c'est qu'il a été malade une journée. En quoi cette situation serait-elle suspecte ou incongrue ? Cet état de fait est confirmé par une enquête récente de l'INSEE. Durant la dernière période d'application du jour de carence, le nombre d'absences d'une seule journée n'a pas diminué, pas plus que l'absentéisme global, qui est resté stable. L'absentéisme se trouve par ailleurs être sensiblement moins élevé dans le public que dans le privé – 2,91 % contre 3,68 %.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements de suppression ?
Si vous me le permettez, monsieur le président, je soutiendrai l'argumentation du Gouvernement pour l'ensemble des amendements sur le sujet et, par la même occasion, je répondrai aux orateurs qui sont intervenus sur l'article.
Tout d'abord, di je puis me permettre, monsieur Dufrègne, le parallèle entre le public et le privé n'est pas aussi simpliste que vous l'avez présenté. Vous évoquez les conventions collectives, notamment celles de l'assurance ou de la banque, qui ont également été mentionnées en commission. Si les trois premiers jours de carence sont pris en charge pour certains salariés, beaucoup de salariés ne bénéficient pas de cette couverture.
Vous avez pris tout à l'heure l'exemple d'un agent de voirie qui tombe malade. Agent de collectivité locale, il a un employeur qui, en tant que tel, a une responsabilité et est tout à fait fondé à souscrire un contrat de prévoyance pour couvrir une telle situation.
Le jour de carence vise à lutter contre le micro-absentéisme, et il est totalement faux d'affirmer que sa mise en place n'y a pas contribué, car c'est une évidence. Il est notamment proposé, dans le rapport de la Cour des comptes, de rétablir un ou plusieurs jours de carence, car, durant la période d'application du jour de carence, le nombre d'absences de deux jours a été divisé par deux.
Revenons au cas des gens absents pour des raisons de santé, et à votre exemple de l'agent de voirie qui attrape froid : si le cas s'était produit à Tourcoing, par exemple, l'agent aurait eu la chance d'avoir un maire ayant souscrit, en concertation avec les organisations syndicales, un contrat de prévoyance à 95 %, auquel à la fois l'employeur et l'agent contribuent. Voilà, me semble-t-il, ce que nous devons faire. Sous prétexte que les agents de la fonction publique ne bénéficient pas d'un accompagnement de prévoyance, on se refuse à le mettre en place. Et, maintenant que nous avons ouvert ce chantier avec les organisations syndicales, on se refuse – la démagogie qui a été évoquée peut se trouver des deux côtés – à évoquer le sujet important du fonctionnement des services publics.
Ce n'est pas que nous estimons, comme vous l'avez affirmé de façon provocante, que les agents publics sont par nature absentéistes ; mais un agent absent double la charge de travail de l'un de ses collègues, ce qui constitue une vraie difficulté en matière de fonctionnement du service où il est affecté, y compris pour lui-même, dont la charge de travail est ainsi mal répartie.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement maintient l'introduction d'un jour de carence pour la prise en charge des congés maladie des personnels du secteur public, conformément d'ailleurs à un engagement présidentiel pris devant les Français ainsi qu'à un engagement de la majorité parlementaire.
L'avis du Gouvernement sur les amendements proposant d'introduire davantage de jours de carence, provenant notamment de la droite de l'hémicycle, sera défavorable ; il pourrait néanmoins y être favorable, dès lors que nous aurons mis en place une protection sociale complémentaire relevant de la responsabilité de l'employeur, que j'évoquais tout à l'heure. Je souhaite que l'Assemblée nationale s'inscrive dans le cadre du texte proposé par le Gouvernement.
Le présent amendement propose que le Gouvernement remette à la représentation nationale un état des lieux dressant le panorama général de l'absentéisme dans la fonction publique et identifiant ses causes. D'aucuns pourraient penser qu'il n'existe aucun problème de pénibilité ni de stress au travail dans la fonction publique, …
… même si l'on sait très bien que certains secteurs en connaissent. Afin que l'on puisse débattre de l'introduction d'un jour de carence dans la fonction publique de façon un peu plus juste et un peu moins démagogique, cet amendement propose de procéder à une évaluation précise des causes de l'absentéisme dans certains de ses secteurs.
Il est défavorable. Les risques psychosociaux au sein de la fonction publique sont une réalité, mais ils le sont aussi dans le secteur privé. Il s'agit d'un risque global, qu'il convient de mieux mesurer globalement, à l'échelle de la société.
L'amendement no 1363 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'agit d'un amendement d'équité – car nous y travaillons. Les salariés relevant d'un régime spécial d'assurance maladie seront exclus du dispositif mis en place si nous ne corrigeons pas la rédaction du premier alinéa de l'article 48. En effet, tel qu'il est proposé par le Gouvernement, il concerne uniquement les agents des trois versants de la fonction publique – territoriale, hospitalière et d'État. Or certains agents relèvent de régimes spéciaux d'assurance maladie ne prévoyant le décompte d'aucun jour de carence. L'amendement tend à faire en sorte que tous les agents publics soient concernés par cette disposition.
L'amendement no 1628 est adopté.
Il vise à parvenir à un alignement parfait des trois fonctions publiques, tant entre elles qu'avec le secteur privé, avec trois jours de carence. Cela aboutirait à une véritable équité entre le secteur public et le secteur privé.
J'en profite pour rappeler à nos collègues que le dernier rapport de la Cour des comptes, qui traite notamment de la fonction publique hospitalière, indique très clairement que la mise en place du jour de carence avait réduit de 25 % le nombre d'arrêts maladie de courte durée.
Compte tenu de la tension qui règne dans le secteur hospitalier en matière d'effectifs, une telle évolution a une véritable incidence budgétaire et mérite par conséquent qu'on y porte une attention tout à fait particulière.
La parole est à Mme Émilie Chalas, pour soutenir l'amendement no 1631 .
Il s'agit d'exonérer de jour de carence les deux premiers arrêts maladie ordinaires de l'année, qui seraient à la charge de l'employeur public. Le troisième arrêt maladie et les suivants seraient soumis à trois jours de carence. Ce dispositif vise à cibler l'abus répété de micro-absentéisme tout en compensant, en quelque sorte, la prise en charge de trois jours de carence dont bénéficient 70 % des salariés du secteur privé.
Si l'introduction d'un jour de carence est un engagement politique du Président de la République, que je ne conteste pas, j'estime néanmoins, en tant que rapporteur pour avis de la commission des lois, qu'il ne se suffit pas à lui-même pour équilibrer les situations respectives des secteurs public et privé ni surtout pour lutter contre l'absentéisme.
Ses causes et la lutte dont il doit faire l'objet sont complexes et sensibles. Elles méritent d'être éclairées et rassemblées dans un dispositif global traitant de sujets allant du management public aux métiers, en passant par la prise en charge par l'employeur public d'un contrat de prévoyance. Je vous renvoie aux douze propositions formulées dans mon rapport pour avis, chers collègues.
Plus généralement, je tiens à souligner que les données statistiques manquent pour mener une analyse fiable et exhaustive sur les trois versants.
Monsieur le ministre, si vous donnez un avis défavorable sur cet amendement, comment continuerez-vous à travailler sur l'absentéisme ?
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 1333 .
Cet article est intéressant car il rappelle des décisions prises à une autre époque, par une autre majorité. L'introduction du jour de carence dans la fonction publique incite à la responsabilité.
Toutefois, certaines dispositions méritent d'être étayées. Ainsi, l'alinéa 4 prévoit le maintien de la rémunération « lorsque la reprise du travail entre deux congés de maladie accordés au titre de la même cause n'a pas excédé 48 heures ». Tâchons de conserver une certaine logique ! Un reportage télévisé sur l'AP-HP – Assistance publique-Hôpitaux de Paris – diffusé il y a quelques années, qui fut certainement à l'origine du vote de cette mesure, mettait en évidence l'absentéisme dont souffre ce service important pour nos concitoyens et les difficultés de gestion qui résultent des micro-absences journalières. Sans stigmatiser quiconque – tel n'est pas le but – , il importe de rappeler l'impératif de continuité du service public dans certains domaines.
Certes, monsieur le ministre, l'introduction dans la fonction publique d'un deuxième jour de carence, à défaut d'en introduire davantage, a un coût. Néanmoins, s'il est possible, dans le secteur privé, de prévoir trois jours de carence, parfois assortis d'une couverture sociale prise en charge par l'employeur ou par la filière, il doit être possible d'en introduire deux dans la fonction publique sans coût. Tel est le sens de cet amendement.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 1392 .
C'est un amendement de repli, au cas où celui que vient de présenter notre collègue Marie-Christine Dalloz ne serait pas adopté. Il vise à appliquer deux jours de carence à partir du deuxième arrêt maladie de l'année civile. Il aboutit ainsi à une situation intermédiaire entre la proposition du Gouvernement et la solution qui nous semble la plus opportune au regard de l'ensemble des arguments avancés.
Afin de renforcer les arguments avancés par mon groupe, j'évoquerai une étude de Sofaxis relative à l'absentéisme dans les collectivités territoriales, publiée il y a quelques jours. Il en ressort une augmentation relativement importante : l'an dernier, on a dénombré 9,3 agents absents pour 100 employés ; le nombre a encore augmenté, pour atteindre 9,5. Cette étude corroborent les précédentes qui ont établi l'augmentation de l'absentéisme dans le secteur public depuis ue le jour de carence y a été supprimé. Y rétablir un dispositif équivalent de celui en vigueur dans le secteur privé, ou au moins proche, est une question d'égalité.
Il est défavorable.
J'ai répondu tout à l'heure, par anticipation, à Mme Louwagie. Je répondrai à Mme Chalas qu'il est possible de discuter du principe de son amendement, mais que l'engagement du Président de la République et de la majorité est limité à l'introduction d'un jour de carence. Nous en avons informé les organisations syndicales sans négociation et le peuple a tranché, si j'ose dire. L'introduction de jours de carence supplémentaires dans des conditions spécifiques peut être débattue, mais elle doit l'être en concertation avec les agents publics et sans perdre de vue le parallélisme que nous tâchons d'établir avec la protection sociale dont bénéficient les salariés du secteur privé, même si nous avons constaté tout à l'heure que le sujet est plus complexe qu'il n'y paraît.
Je vous invite cependant, madame Louwagie, madame Chalas, à vous intéresser et même à participer au travail que nous mènerons avec les agents publics, notamment à propos de la protection sociale accrue dont ils bénéficieront et des conséquences de cette évolution pour les employeurs, sur le modèle des dispositifs en vigueur dans les collectivités locales.
L'amendement no 1631 est retiré.
La parole est à Mme Émilie Chalas, pour soutenir l'amendement no 1632 .
Il vise à exonérer les fonctionnaires enceintes du jour de carence dès lors qu'elles ne sont ni en congé maternité ni en congé pathologique prénatal, ces situations entraînant déjà une prise en charge. Bien que le statut des fonctionnaires garantisse à ses agents une égalité de traitement tout au long de leur carrière, des discriminations entre hommes et femmes existent et persistent dans la fonction publique. Bien que ce sujet ait fait l'objet de plusieurs protocoles au cours des dernières années, je tiens à insister sur le fait que ces discriminations sont systémiques. En termes de salaire, elles représentent un écart évalué à plus de 15 % dans la fonction publique d'État. Il s'agit ici de pointer du doigt une ineptie qui n'a sa place ni au XXIe siècle, ni dans la fonction publique, ni d'ailleurs dans notre société en général.
La maternité ne doit plus être une source d'inégalités persistantes. En donnant la vie, les femmes offrent une famille aux pères et un avenir à la société.
Elles ne doivent plus subir, pour cette seule raison, un ralentissement de carrière et un amoindrissement de revenu à travail égal. Cette situation devient insupportable. Il s'agit d'un vrai sujet, dépassant le cadre de la seule fonction publique : celui de la protection de ceux, en l'occurrence celles qui sont discriminées.
Quelles avancées en matière de droits des femmes enceintes dans la fonction publique, de portée plus riche et plus profonde qu'un amendement au PLF visant tout juste à exonérer du jour de carence les fonctionnaires enceintes, proposez-vous, monsieur le ministre ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM et sur les bancs du groupe GDR.
Ce sujet très intéressant mérite de faire l'objet d'une réflexion. On peut en effet estimer que les femmes en état de grossesse sont dans une situation spécifique nécessitant un traitement particulier et différencié au caractère protecteur renforcé. Pour l'heure, votre amendement n'a pas recueilli l'avis favorable de la commission, chère collègue. Cela étant, le sujet que vous évoquez est majeur. Il importe donc que le Gouvernement réponde.
Mme Chalas soulève une question intéressante.
Tout en rapprochant, d'une part, les régimes des secteurs public et privé, et, d'autre part, la situation des femmes et des hommes, nous devons aussi dialoguer avec les organisations syndicales. J'ai rapidement évoqué ce sujet avec elles lors du dernier Conseil commun de la fonction publique. En matière de jour de carence, elles avaient manifestement – je ne puis parler en leur nom – un avis défavorable à une telle mesure, en raison même du principe d'égalité entre les femmes et les hommes.
Je vous propose, madame Chalas, que nous inscrivions l'égalité entre les femmes et les hommes à l'ordre du jour d'un débat spécifique. Mme Schiappa et M. le Premier ministre nous ont encouragés, chacun dans son domaine de compétences, à y travailler, ce qui consiste, dans la fonction publique, à améliorer le respect de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes, y compris dans le cas très particulier de fonctionnaires enceintes.
Je vous propose, madame la députée, que vous retiriez votre amendement, celles-ci bénéficiant déjà du congé maternité – même si j'ai bien compris que votre amendement traite bien du jour de carence. Nous pourrons alors – et vous pourrez être associée à ces travaux – dialoguer avec les organisations syndicales, auxquelles il incombe, me semble-t-il, de formuler des propositions sur ce point. Je ne voudrais pas être contre-intuitif par rapport à leur volonté générale.
Il ne faut pas créer un régime d'exception, car beaucoup d'autre risqueraient alors de suivre.
Je m'étonne d'entendre contester, du côté gauche de l'hémicycle, le fait que l'on demande leur avis aux organisations syndicales.
Je n'oppose pas une fin de non-recevoir à cette proposition mais je souhaite qu'elle soit soumise à délibération. À défaut de retrait, je donnerais un avis défavorable.
Je suis très heureux que vous demandiez leur avis aux organisations syndicales. Mais à quoi servons-nous si nous ne pouvons prendre aucune décision ? Jusqu'à preuve du contraire, ce sont bien les femmes qui portent les enfants, malgré toutes les mimiques du rapporteur général.
Sourires.
Notre groupe est en plein accord avec cet amendement et, si celui-ci n'est pas retiré, il demandera un scrutin public.
À ce compte, monsieur le ministre, pourquoi ne pas renvoyer l'ensemble de l'article qui vise à rétablir le jour de carence à une discussion avec les organisations syndicales ? Revenez dans cette assemblée une fois que vous aurez négocié et nous verrons ce qu'elles en pensent !
Le parallèle me semble tout à fait hasardeux. Connaissez-vous ce truc que l'on appelle le peuple, monsieur le député ? Vous savez bien que le Président de la République et la majorité parlementaire ont été élus avec, dans leur programme, le rétablissement du jour de carence. C'est ce que nous avons fait valoir auprès des organisations syndicales, et j'ai bien compris que, dans leur grande majorité, elles étaient défavorables à cette mesure, mais il faut appliquer le contrat passé avec le peuple.
Je n'ai pas dit non plus qu'il fallait toujours attendre que toutes les organisations syndicales soient d'accord avec toutes les propositions. Vous êtes souverains pour voter les amendements de votre choix. Les organisations syndicales ont souhaité que nous discutions notamment de l'égalité femmes-hommes et je ne suis pas tout à fait certain – nous en avons parlé avec Mme Chalas – qu'il s'agisse là du meilleur dispositif pour garantir aux femmes enceintes travaillant dans la fonction publique de ne pas être discriminées.
J'entends toutefois sa proposition, mais je vous dis qu'il en existe sans doute d'autres et qu'il convient de mettre en avant le dialogue social. À moins qu'elle ne soit précédée d'une concertation, je suis opposé à cet amendement.
Je retire mon amendement. S'il doit être repris par la gauche, mes collègues comprendront que je m'abstiendrai lors du vote.
Sur l'amendement no 1632 , je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Amélie de Montchalin.
Le groupe REM n'a évidemment rien contre les femmes enceintes – je le dis pour avoir vécu toutes les sortes de grossesses, gémellaire et simple, ayant été enceinte à deux reprises, d'abord d'une fille, ensuite de deux garçons.
J'estime essentiel de rappeler notre méthode, qui est de travailler de façon précise et professionnelle. Cet amendement ne concerne pas les femmes couvertes pour une pathologie liée à leur grossesse ou qui se trouvent en congé maternité. En poussant le raisonnement, ce sujet pourrait donc concerner toutes les personnes souffrant d'une affection longue durée ou d'une maladie chronique, et qui bénéficient à ce titre d'une couverture maladie à 100 %. Si l'on y réfléchit bien, le sujet dépasse donc le cas des femmes enceintes.
Comme le ministre, nous considérons qu'il est essentiel que cela passe par la concertation avec les organisations syndicales, sans quoi il ne servirait à rien d'ouvrir un débat avec elles sur les conditions de travail et la couverture maladie. Nous ne voterons pas pour cet amendement, car le sujet doit être étudié de manière sérieuse et dans le détail. Il s'agit aussi d'éviter de créer une inégalité entre les femmes enceintes et les personnes qui souffrent d'une affection de longue durée ou d'une pathologie couverte à 100 %, pour lesquelles une journée de carence s'appliquera.
Je précise que les personnes atteintes d'une affection de longue durée ou d'une maladie grave ne seront pas concernées par le rétablissement du jour de carence.
Je souligne aussi qu'une telle mesure pourrait avoir un effet de bord. Bien que découlant d'un bon sentiment, elle risquerait d'obliger les femmes enceintes à déclarer leur grossesse plus tôt. Or le défenseur des droits est régulièrement saisi par des employées de la fonction publique hospitalière, enceintes, qui se plaignent de la reconduction automatique de leur note chiffrée et soutiennent qu'elles sont de ce fait pénalisées dans leur avancement.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 90 |
Nombre de suffrages exprimés | 81 |
Majorité absolue | 41 |
Pour l'adoption | 13 |
contre | 68 |
L'amendement no 1632 n'est pas adopté.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 1766 .
En l'état de sa rédaction, l'article ne précise pas de façon suffisamment détaillée les situations dans lesquelles le délai de carence ne trouve pas à s'appliquer, à savoir le congé du blessé de guerre sur un théâtre d'opération extérieure ou dans le cadre d'une opération de sécurité intérieure, les congés pour accident de service ou du travail et les maladies professionnelles. Cet amendement y pourvoit.
L'amendement no 1766 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 48, amendé, est adopté.
Je suis saisi d'un amendement portant article additionnel après l'article 48. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement no 1873 .
Il est défendu.
L'amendement no 1873 , accepté par la commission, est adopté.
Nous abordons maintenant l'examen des articles de récapitulation, tels qu'ils résultent des votes intervenus en seconde partie du projet de loi de finances pour 2018.
Les articles 29 à 32 ne faisant l'objet d'aucun amendement, je vais les mettre aux voix successivement.
L'article 29 et l'état B sont adoptés.
L'article 30 et l'état C sont adoptés.
L'article 31 et l'état D sont adoptés.
L'article 32 et l'état E sont adoptés.
Les articles 33, 34 et 35 sont successivement adoptés.
Cet amendement vise à abaisser le plafond d'emplois de l'ACPR, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Je n'y suis pas favorable car vous semblez considérer, au moment où nous renforçons les ratios prudentiels des banques, que l'on peut surveiller davantage avec moins de moyens. Je ne suis pas opposée à l'augmentation de la productivité mais je pense qu'en matière de régulation, nous devons mettre les moyens en face des objectifs. Il arrivera ce qui arrivera si l'on se borne à se donner bonne conscience en se contentant d'afficher une volonté de contrôle.
Cet amendement est effectivement surprenant eu égard aux missions dévolues à l'ACPR. Cette autorité a pour mission la suspension et le contrôle prudentiel de grands acteurs financiers. Je ne doute pas que vous ayez largement consulté les organisations syndicales et qu'elles soient d'accord avec vos propositions, monsieur le ministre…
Il paraît inopportun d'abaisser le plafond d'emplois lorsque l'on connaît l'ampleur des missions à accomplir. Rappelons qu'à la Banque de France, à laquelle est adossée l'ACPR, la semaine sociale a été chaude, marquée par un mouvement social d'ampleur, avec une mobilisation intersyndicale. C'est bien un plan social qui est prévu d'ici 2020, puisque les effectifs passeront de 12 000 à 9 800 personnes. Ce plan social compromet la réalisation des missions essentielles de la Banque de France comme le traitement des dossiers de surendettement, met en péril le statut des agents, qu'il paraît nécessaire de protéger au regard de leur mission, et risque d'affecter en profondeur le maillage territorial, notamment en province, où les autres services publics sont déjà en recul significatif.
L'amendement no 1376 est adopté.
L'amendement no 1375 , accepté par la commission, est adopté.
L'article 36, amendé, est adopté.
Il est défendu.
L'amendement no 1931 , accepté par la commission, est adopté.
L'article 37, amendé, est adopté.
Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des articles de récapitulation.
En application de l'article 119, alinéa 4 du règlement, le Gouvernement demande qu'il soit procédé à une seconde délibération de l'article 29 et de l'état B, de l'article 30 et de l'état C, de l'article 31 et de l'état D, de l'article 45 quater et, par coordination, de l'article 28.
Par ailleurs, la commission demande qu'il soit procédé à une seconde délibération de l'article 41 bis.
Sur l'article 29 et l'état B, je suis saisi d'une série d'amendements, nos 1 à 27 , pouvant faire l'objet d'une présentation groupée.
La parole est à M. le ministre, pour les soutenir.
À l'issue de l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2018, le Gouvernement demande en effet qu'il soit procédé à une seconde délibération sur un certain nombre d'articles.
D'abord, il est nécessaire de répartir entre les différentes missions les mesures salariales transversales qui, au stade du projet de loi de finances, ont été présentées au sein de la mission « Crédits non répartis ». Parmi ces mesures figure la compensation de la hausse de la CSG pour les agents publics. En adoptant ces amendements, vous garantirez le pouvoir d'achat des fonctionnaires l'an prochain, nous en avons parlé.
D'autre part, nous souhaitons profiter de la seconde délibération pour présenter des amendements qui n'ont malheureusement pu l'être dans les délais impartis, tirer les conséquences de la suppression de l'article 53 – qui nous conduit à majorer les crédits du programme 205 « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture » – , permettre, à enveloppe constante, le financement d'un prêt à la BPI France afin de soutenir les exportations des entreprises françaises vers l'Iran.
Au-delà de ces nécessaires ajustements, nous devons assurer que toutes les dépenses nouvelles sont couvertes par des économies d'un même montant, un impératif pour le Gouvernement, qui souhaite réduire les dépenses pour baisser les impôts et réduire la dette. Il est normal que vos amendements conduisent à adopter le projet de budget en majorant certaines dépenses prioritaires pour la représentation nationale, mais cela ne peut se faire au prix de notre cible de dépenses, qui doit être strictement respectée.
Une série d'amendements d'initiative gouvernementale ou parlementaire ont donc permis d'améliorer le projet de loi de finances qui vous avait été soumis.
L'amendement no 423 a conduit à créer un programme « Jeux olympiques et paralympiques 2024 » dans la mission « Sport, jeunesse et vie associative », doté de 48 millions d'euros en crédits de paiement.
L'amendement no 545 a majoré de 25 millions d'euros les crédits du programme « Jeunesse et vie associative » de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » afin de tirer les conséquences de la suppression de la réserve parlementaire à compter de l'été 2018, monsieur le rapporteur général.
Trois amendements, nos 1138 , 1256 et 546 , relatifs au plan étudiant du Gouvernement, ont tendu à majorer les missions « Recherche et enseignement supérieur », « Enseignement scolaire » et « Sport, jeunesse et vie associative », respectivement de 15,5 millions, 2,3 millions et 2,2 millions.
L'amendement no 1034 a lancé une expérimentation intitulée emplois francs à hauteur de 11,7 millions.
L'amendement no 695 a majoré de 1,5 million la subvention pour charge de service public de l'opérateur Atout France.
L'amendement no 1178 a minoré de 7 millions les crédits de la mission « Économie ». Comme cela vous a été annoncé en première partie, il s'agissait de tirer les conséquences du vote, lors de l'examen de l'article 19, de l'amendement du Gouvernement tendant à réévaluer de 7 millions le plafond des ressources affectées à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
Le Gouvernement est satisfait des échanges qu'il a pu nouer avec le Parlement, même s'ils ont conduit à augmenter les dépenses de 100 millions d'euros. Aucune action ne saurait être exonérée d'efforts, en dehors de la défense et de l'aide publique au développement, qui font l'objet d'engagements du Président de la République.
Enfin, par coordination, la seconde délibération tire les conséquences de l'ensemble de ces votes sur l'article d'équilibre, en procédant aux ajustements techniques qui en résultent.
Le PLF prévoyait un déficit budgétaire de l'État de 82,9 milliards d'euros. À l'issue de la discussion budgétaire sur la première partie, le solde budgétaire a été dégradé de 200 millions d'euros, passant de 82,9 milliards à 83,1 milliards d'euros.
S'agissant des recettes, cette dégradation de 200 millions est la conséquence de divers amendements adoptés en première partie. Il s'agit principalement : du report au 1er janvier du recentrage du crédit d'impôts pour la transition énergétique, le CITE, pour 11,5 millions ; du maintien pour une année supplémentaire de l'exonération de la taxe d'habitation relative à l'habitation principale ainsi que du dégrèvement de la contribution à l'audiovisuel public en faveur de foyers qui auraient dû, cette année, bénéficier des dispositions de lissage et de sortie pour 166 millions d'euros ; d'amendements divers, dont l'un visant à augmenter les recettes non fiscales au titre du prélèvement sur les agences de l'eau.
Nous avons examiné tous ces éléments en première partie et je n'y reviendrai pas car votre amendement ne concerne pas le volet des recettes du projet de loi de finances. Il s'agit désormais de tenir compte des votes intervenus, comme vous l'avez précisé, dans la seconde partie relative aux dépenses, à hauteur de moins 7 millions d'euros.
Votre amendement maintient le plafond des dépenses nettes à 325,7 milliards d'euros. Autrement dit, vous avez choisi de financer par des économies complémentaires les différents crédits votés, qui font l'objet des amendements nos 1 à 29 .
Par exception, vous avez baissé le plafond de dépenses de seulement 7 millions d'euros, afin de tenir compte de l'amendement du Gouvernement qui a relevé le plafond de 7 millions d'euros des ressources affectées à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
Compte tenu de cette modification très légère du niveau de dépenses, le déficit budgétaire de l'État est maintenu à 83,1 milliards d'euros, comme en première partie.
L'avis sera donc favorable sur l'ensemble des amendements.
Faute d'avoir eu le temps de calculer la somme des plus et des moins, pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, les économies que vous avez prévu de réaliser au total, par ces amendements, afin de couvrir les dépenses supplémentaires qui ont pu être votées au cours de la discussion ?
Cela a été précisé dans mon exposé, mais il est vrai que je l'ai lu rapidement. L'économie concernera l'intégralité des postes de dépenses, à l'exception de la défense et de l'aide publique au développement, et s'élèvera à 106 millions d'euros.
Si j'ai bien compris, ces 106 millions de dépenses supplémentaires seraient gagés sur le protocole PPCR ?
Non : sur tous les postes de dépenses, sauf la défense et l'aide publique au développement.
Les amendements nos 1 à 27 , modifiant l'article 29 et l'état B, sont successivement adoptés.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement no 28 à l'article 30 et l'état C.
L'amendement no 28 , modifiant l'article 30 et l'état C, accepté par la commission, est adopté.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement no 30 à l'article 31 et l'état D.
L'amendement no 30 , modifiant l'article 31 et l'état D, accepté par la commission, est adopté.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement no 29 à l'article 31 et l'état D.
L'amendement no 29 , modifiant l'article 31 et l'état D, accepté par la commission, est adopté.
Rappel au règlement
Au titre de l'article 58, alinéa 1, du règlement, relatif au déroulement de la procédure, je souhaite intervenir à propos de l'article 41 bis, issu de l'amendement no 1658 , arrivé à la hussarde, dirai-je, au titre de l'article 88 du règlement, alors qu'il aurait dû au moins être examiné dans le cadre de la mission relative aux relations avec les collectivités territoriales. Ce procédé est indigne du Gouvernement et de notre assemblée.
Cette manoeuvre politicienne et cynique est d'autant plus regrettable…
Exclamations sur les bancs du groupe REM
… que nos concitoyens ont espéré, en juin dernier, en renouvelant cette assemblée, ne plus vouloir voir à l'oeuvre de tels agissements.
Sur le fond, s'agit-il d'un cavalier budgétaire, méritant d'être traité dans le cadre des articles non rattachés ?
Si vous vous exprimez sur le fond, ce n'est pas un rappel au règlement et je vous inscris pour intervenir sur l'article.
Exclamations sur les bancs du groupe REM.
M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, pendant toute une séance, nous a expliqué que nous ne pouvions pas faire d'exception à un certain nombre de règles relatives aux collectivités territoriales, mais c'est tout le contraire qui se produit ici !
Pourquoi Gérard Collomb n'a-t-il pas présenté cet amendement dans le cadre de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ? Est-ce par manque de courage ? Si ce n'est pas le cas, il aura sans doute celui de venir en séance répondre à nos questions.
Mêmes mouvement.
Je réitère ma demande, au nom du groupe Les Républicains, de pouvoir entendre s'expliquer le ministre d'État, Gérard Collomb, en charge de la mission « Relation avec les collectivités territoriales ».
J'ai formulé cette demande vendredi dernier, sachant qu'il y aurait une seconde délibération, pour ne pas surprendre le Gouvernement à la dernière minute sur cette question essentielle.
Seconde délibération
L'amendement Collomb a vraiment la vie dure ! De quoi s'agit-il ? D'accorder une exception à la seule métropole lyonnaise. En 2016, vous le savez, a été voté le transfert de 25 % d'un quart de la CVAE – cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – des départements vers les régions. L'an dernier, nous avons découvert, trop tard, un amendement du Gouvernement qui créait une exception et maintenait ces 25 % pour la seule métropole de Lyon. En seconde lecture du projet de loi de finances pour 2017, nous avons décidé, avec Mme la rapporteure générale, en commission des finances, qu'une telle exception n'était pas possible, en ce qu'elle posait un problème évident de rupture d'égalité et créait une véritable injustice. Nous avons donc adopté un amendement, en commission des finances, l'an dernier, à l'occasion de la nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2017.
Cet amendement est venu en séance. J'ai sous les yeux le compte rendu de la deuxième séance du vendredi 16 décembre 2016.
J'y indique : « le Gouvernement a fait voter un amendement en première lecture qui modifie le texte initial en créant une exception et une seule pour la métropole de Lyon [… ] La commission des finances a donc estimé que cette disposition posait un problème d'équité : on ne peut pas réserver un sort particulier à une collectivité. »
La commission a donc adopté un amendement de retour au droit général.
Un débat a eu lieu. La secrétaire d'État chargée des collectivités territoriales, assise aux côtés du secrétaire d'État chargé du budget et des comptes publics, M. Eckert, s'est opposée à cet amendement, en indiquant que Lyon était « une collectivité à statut particulier ».
Mais le Gouvernement a été battu ! Quand des problèmes d'équité se sont posés, la précédente majorité s'est honorée à plusieurs reprises à ne pas suivre le Gouvernement. Je vous demande d'en faire autant ce soir !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Dans le nouveau monde, on nous promettait que prendraient fin le clientélisme, les manoeuvres politiciennes, les petits arrangements entre amis. Or l'article 41 bis est un concentré de clientélisme, de manoeuvres politiciennes et de petits arrangements entre amis.
Exclamations sur les bancs du groupe REM.
En l'espèce, on veut rendre service à M. Collomb, ministre d'État, en créant une rupture d'égalité, ce qui, au-delà de l'aspect moral, pose un véritable problème constitutionnel.
De surcroît, vous soustrayez à la région Auvergne Rhône-Alpes un certain nombre de financements. Le président de la région s'est exprimé à ce sujet.
Exclamations sur les bancs du groupe REM.
Il les estime à plusieurs millions d'euros. Nous avons très bien compris votre manoeuvre : une déclaration de guerre contre une région. Surtout, vous bafouez l'égalité entre les régions et entre les collectivités. Cette rupture d'égalité enfreint la Constitution. Nous ne nous priverons pas de déposer un recours.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Sur l'article 41 bis, je suis saisi par les groupes Nouvelle Gauche et Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Valérie Rabault.
J'ai entendu beaucoup de choses, depuis quelques jours, sur cet article. Je remercie le président Gilles Carrez, Christine Pires Beaune et Patrick Hetzel d'avoir rappelé les faits.
Cet amendement avait déjà été déposé l'an dernier, en dernière minute, comme cela vient de se produire, par les quatre députés lyonnais, qui, j'imagine, ont pris leurs instructions auprès du ministre de l'intérieur, ancien maire de Lyon.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Il est arrivé en dernière minute. C'est la même rédaction que l'an dernier – ne vous fatiguez pas à le lire, c'est un copier-coller, ce qui va plus vite à rédiger.
Arrivé au dernier moment, il avait donné lieu à un avis de sagesse en commission, mais nous nous sommes montrés plus attentifs en nouvelle lecture. Et qu'avons-nous découvert ? Qu'en France, Lyon a un statut particulier. Je veux bien qu'il s'agisse de la ville des Lumières, mais cela ne l'autorise pas à disposer de sa propre loi. La loi de la République s'applique de la même façon à tout le monde !
Certains diront que cette exception concerne les transports. Mais ne nous avez-vous pas promis, à chaque disposition relative aux transports, une grande loi relative aux transports en 2018 ? Vous l'avez tous dit, n'est-ce pas ? Pourquoi ne mettez-vous pas Lyon dans cette loi transports ? Ce serait beaucoup plus simple…
… et beaucoup plus juste !
Mes chers collègues, nous déposerons un recours auprès du Conseil constitutionnel pour rupture d'égalité – pour rupture d'égalité, je pèse mes mots.
Exclamations sur les bancs du groupe REM.
Comme l'a rappelé le président Carrez, l'an dernier, la majorité à laquelle j'appartenais a eu le courage de voter contre le Gouvernement, qui voulait faire créer, en catimini, une rupture d'égalité.
Mes chers collègues du groupe majoritaire La République en marche, je vous invite à faire pareil – c'est pourquoi nous avons demandé un scrutin public – afin que l'égalité, voulue par notre Constitution, soit respectée, …
… et qu'il n'y ait pas de petits arrangements avec la ville de Lyon, que nous aimons beaucoup, ainsi que ses Lumières.
Applaudissements sur les bancs des groupes NG, LR et GDR.
Je me suis aussi inscrite dans ce débat car j'ai eu la surprise qu'un journaliste m'appelle et me dise que j'avais donné un avis favorable à cet amendement l'an dernier. Il suffit de regarder la vidéo pour voir que c'est faux ; je tiens à le préciser ici.
Je remarque d'ailleurs que l'amendement n'avait pas été présenté dans le cadre de l'examen des articles non rattachés mais dans celui des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Je n'avais pas pu donner d'avis en commission, puisque cet amendement, en première lecture, n'avait été présenté qu'en séance, au dernier moment. Le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, M. Baylet avait alors affirmé : « Le présent amendement vise à préciser que la quote-part de CVAE dévolue à la métropole de Lyon n'est pas affectée par les dispositions de l'article 89 de la loi de finances pour 2016 ». Autant vous dire qu'avec une explication tellement sibylline, je ne pouvais pas me prononcer. C'est pourquoi j'avais donné un avis de sagesse, après quoi l'Assemblée avait adopté l'amendement.
Entre la première et la nouvelle lectures, nous avons effectivement eu le temps de nous pencher sur cette mesure.
M. Carrez a alors déposé un amendement visant à la supprimer. Il a été voté en commission des finances et, à nouveau, en séance, contre l'avis du Gouvernement, tout simplement parce qu'il s'agissait d'une mesure dérogatoire et clientéliste, qui comportait, de plus, un argument totalement faux, fondé sur les transports.
Je vous rappellerai seulement, parce que M. Carrez n'en a pas fait état, que le même problème s'était posé avec l'Île-de-France. Plusieurs de collègues, de droite et de gauche, avaient déposé des amendements pour expliquer que la situation de la collectivité de Paris, commune et département, étant particulière, il convenait de lui attribuer le produit de la CVAE. Là aussi, nous nous sommes honorés à refuser ces amendements, afin que la région conserve la CVAE.
Dans les deux cas, nous avons eu une position cohérente et non clientéliste.
Applaudissements sur les bancs des groupes NG, LR et GDR.
Je voudrais dire quelques mots, après les excès des propos qu'ont tenus nos collègues.
Je tiens à rappeler que cette nouvelle collectivité territoriale, la métropole de Lyon, n'a rien à voir avec les autres métropoles de France : c'est une collectivité territoriale de plein exercice, qui cumule les compétences d'une communauté urbaine et d'un conseil départemental.
Madame Louwagie, monsieur Carrez, vous aviez certainement voté en faveur de la loi MAPTAM – loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles – , donc de cette collectivité d'exception.
D'autres exceptions ont été accordées à Lyon, par exemple celle de garder la compétence en matière de développement économique : la métropole de Lyon est le seul département de France à détenir cette compétence.
Elle présente donc certaines particularités.
Le produit de la CVAE a été affecté aux régions avant tout pour financer les coûts des transports – transport non urbain ou transport scolaire.
Si, madame Rabault : les 25 points de CVAE pour les régions correspondent aux transports.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
La métropole de Lyon a gardé la compétence pleine et entière en matière de transports scolaire et collectif. C'est pourquoi la région Auvergne-Rhône-Alpes reverse la quasi-totalité du produit de cette taxe à la métropole de Lyon, sauf le montant lié au dynamisme fiscal.
C'est bien à ce propos que nous avons un point d'opposition avec le président de la région : sur le dynamisme fiscal, généré avant tout par le travail que nous accomplissons dans la métropole et par ses compétences économiques.
Monsieur Carrez, je crois que vous connaissez très mal notre territoire.
Madame Louwagie, je vous regarde droit dans les yeux, puisque vous nous avez appelés la dernière fois à nous regarder dans la glace. Mais comment pouvez-vous dire une telle chose ? Bien sûr que nous nous regardons dans la glace ! Nous n'avons aucune honte ! En matière de clientélisme, M. Wauquiez pourrait donner des leçons, au lieu de proférer des menaces !
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
La réalité est tout autre que celle qui a été décrite, puisqu'en vérité il ne s'agit pas d'accorder une exception inégalitaire mais de corriger une inégalité persistante. Comme vient de l'exprimer excellemment notre collègue Rudigoz, Lyon bénéficiant des compétences d'un département, ses relations avec la région doivent obéir à un certain nombre de règles.
Voici ce qui est moderne : prendre en compte les singularités territoriales pour faire en sorte que les services rendus à la population soient financés par des dotations budgétaires transférées et accordées de manière équilibrée.
Oui, il est moderne d'adapter les règles à la singularité des territoires et aux décisions précédentes. C'est pourquoi nous voterons évidemment cet amendement juste, de bon sens et très moderne !
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Je viens d'entendre qu'on était moderne quand on était capable de s'adapter à la singularité des territoires.
Je suis élu d'un département, l'Ardèche, dans lequel ne passe ni transport ferré de voyageurs ni autoroute. Je vous demande, monsieur le ministre, chers collègues, de traiter la singularité de ce territoire, en accordant à ce département une fraction de la CVAE que vous voulez verser à la métropole de Lyon !
Applaudissements sur les bancs des groupes NG et LR.
M. Baylet déclarait, il n'y a pas si longtemps : « Le transfert de la fraction de CVAE n'est pas subordonné à un transfert de compétences ».
Vous êtes en train de créer un régime de faveur, un régime d'exception, que vous aurez à expliquer pendant cinq ans, à chaque fois que d'autres territoires, comme mon département et bien d'autres, réclameront eux aussi un régime de faveur.
Applaudissements sur les bancs des groupes NG, LR et GDR.
… parce qu'il fallait que ce débat ait lieu. Cet amendement a été présenté extrêmement rapidement, et je regrette que le ministre de la cohésion des territoires, en charge des collectivités locales, ne soit pas présent. Vous êtes en train de tenter de créer un régime de privilèges pour la métropole lyonnaise.
Exclamations sur les bancs du groupe REM.
Pour toutes celles et tous ceux qui n'habitent pas Lyon, c'est difficilement compréhensible !
Vous changez les règles. Que se passe-t-il pour les autres métropoles, pour les autres départements ?
Vous dites que Lyon est à la fois une métropole et un département. Mais comment se passent les choses dans les départements ? Il y a eu ce débat dans les Hauts-de-France, entre la région Picardie et le département de l'Oise. Il a été tranché simplement, par la loi.
J'aime aussi beaucoup Lyon – la question n'est pas là – , mais je voit mal pourquoi on devrait être injuste envers l'ensemble de la France pour créer un régime d'exception ou de privilèges pour la métropole lyonnaise.
C'est là où le bât blesse. Dans ce type de débat, pour éclairer l'Assemblée nationale, il faut que le ministre chargé du sujet soit présent. Que M. Collomb vienne s'expliquer, bien qu'il soit à la fois juge et partie. S'il ne veut pas venir, la ministre placée auprès de lui peut le remplacer. Il me semblerait naturel que le Gouvernement ait au moins la volonté d'expliquer les choses.
Je regrette en outre que cet amendement n'ait pas été présenté, s'il devait l'être, lors de l'examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », qui s'est déroulé la veille du débat controversé. Cela aurait été plus juste, plus normal, dans le cadre d'un débat apaisé.
Comme vient de le rappeler Éric Woerth, je regrette tout d'abord de n'avoir pas reçu de réponse à la demande du groupe Les Républicains sur la présence de M. Collomb.
Cet amendement est insupportable : c'est une inégalité forte, une rupture d'égalité, au sein de la région Auvergne-Rhône-Alpes elle-même, au bénéfice de la métropole. Et cela se fait au détriment des habitants de la région, hors métropole. Cela contrevient à tous les principes qui doivent nous guider dans cette assemblée, principes que vous voyez représentés ici, avec le symbole de la justice.
L'article qui a été adopté, au-delà de la fausse complexité technique dans laquelle il nous plonge – M. Ferrand nous le présente comme un dispositif venant corriger une inégalités – ,…
… n'a qu'un objectif, il faut le dire : permettre à la métropole de Lyon de capter la part dynamique de la CVAE, de façon totalement dérogatoire et injuste, lésant tous les habitants de la grande région et introduisant une inégalité entre cette région et les autres régions françaises.
Comme cela a été dit, un tel dispositif n'est pas proposé pour la région parisienne. Vous le voyez d'ailleurs dans la rédaction de l'article, qui commence par les mots : « Par exception ».
Vous reconnaissez donc vous-même, dans l'amendement qui s'est transformé en article, qu'il s'agit d'une exception.
Derrière, j'y vois un conflit d'intérêts politique majeur entre une collectivité – la métropole – et l'État. Ce conflit n'est pas digne de la manière dont nous devons légiférer pour notre pays.
Chers collègues, au nom de l'égalité, pour nos concitoyens, votez pour la suppression de cet amendement, devenu l'article 41 bis !
En tant qu'élue du département de l'Isère, j'appartiens à la région Auvergne-Rhône-Alpes, dont il est question maintenant, et je tiens à ce que les intérêts de tous les habitants d'Auvergne-Rhône-Alpes soient préservés.
Cet article n'a aucun fondement puisqu'il s'appuie sur le dynamisme de la dotation de compensation transférée.
Dans tous les transferts de taxes, dans toutes les dotations de compensation, quelle que soit les collectivités concernées, d'une commune à une intercommunalité, par exemple, la part dynamique n'est jamais prise en compte : la seule référence est l'année n.
Pourquoi y aurait-il cette particularité pour le Grand Lyon, si ce n'est pour faire plaisir aux Lyonnais et, je suis désolée de le dire, au ministre Collomb ?
Je m'oppose bien évidemment à cet mesure. Nous avons aussi une métropole grenobloise. Pourquoi ne pourrait-elle pas aussi obtenir des compensations ? La particularité de la métropole lyonnaise n'est pas avérée. Les compensations se feront au détriment de l'ensemble des habitants de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Applaudissements sur les bancs du groupe NG.
Cet amendement pose un véritable problème de fond. J'ai souvent travaillé sur la question des territoires ruraux et des métropoles. On nous dit toujours, avec raison, qu'il ne faut pas opposer les uns et les autres, que les métropoles sont des phares, des locomotives, qui concentrent une grande partie de l'économie, et qu'elles doivent aussi diffuser et rendre à l'ensemble du territoire cette concentration économique. Dans ce cas-là, c'est bien mal parti, car on voit que la métropole capte cet avantage…
… et surtout, qu'elle ne le redistribue pas, mais faut voter un régime de faveur pour le garder. Il y a donc un débat à ouvrir, une question de fond à traiter pour bien mettre en relief le rôle des métropoles dans l'aménagement de l'ensemble de notre territoire.
Dans la discussion, il me semble que beaucoup d'entre nous font l'impasse sur une singularité, que l'on ne peut pas évacuer d'un trait de plume : nous avons ouvert ici, par la loi, une expérimentation unique en France ; la métropole de Lyon résulte de la fusion d'une intercommunalité – catégorie dans laquelle entrent toutes les métropoles – et du département, sur le territoire de cette métropole.
Cela induit une particularité. Certes, la loi est uniforme, mais la métropole de Lyon est le seul exemple de collectivité, en France, à avoir ce statut particulier. Cela a effectivement des conséquences, notamment sur les questions de compétences ou les questions fiscales. Nous nous trouvons ici au coeur du sujet.
Oui, mes chers collègues, la métropole de Lyon est une collectivité unique, dotée de caractéristiques particulières. !
Et c'est nous, parlementaires, qui avons créé cette collectivité nouvelle, y compris ceux qui font aujourd'hui partie de l'opposition. Nous sommes d'ailleurs nombreux – comme Mme Battistel à propos de Grenoble – à espérer des évolutions législatives qui permettront à d'autres métropoles de se constituer sur ce modèle. Mais, pour cela, il nous faut continuer d'avancer en procédant aux adaptations nécessaires, y compris fiscales.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Je veux réagir aux propos de ma collègue sur la métropole de Grenoble, que je représente comme députée.
Premièrement, la métropole de Grenoble n'a rien demandé de tel. Deuxièmement, il ne s'agit pas du tout des mêmes profils de compétences. Son intervention était donc totalement hors de propos.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.
Après avoir entendu tout cela, je me dis que j'ai bien fait de venir participer à ce débat !
Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.
On nous explique que Lyon a un statut particulier parce qu'il s'agissait auparavant d'une communauté urbaine, qui a acquis les compétences d'un département. Parfait. Paris n'est pas dans le même cas ? Il me semble bien que si.
Je voudrais vous rappeler, mes chers collègues, que les transferts de compétence prévus par la loi NOTRe, portant nouvelle organisation territoriale de la République, s'accompagnent systématiquement d'un transfert de moyens financiers. En l'occurrence, la loi NOTRe n'a transféré aucune compétence spécifique, à part celle du développement économique – dont j'ai bien entendu qu'elle relevait elle aussi d'un régime particulier – , à cet OVNI, créé sous une autre majorité, qu'est Lyon. Et pourtant, vous lui transférez des moyens, au détriment de la collectivité territoriale régionale, qui, elle, a les compétences mais plus les moyens. C'est extraordinaire ! Franchement, c'est inédit !
La prochaine fois que vous serez tentés de parler d'équité ou d'égalité des territoires, épargnez-nous ce genre de discours, ou nous vous opposerons le cas de Lyon ! Déjà, M. Collomb, quand il siège au banc du Gouvernement, ne cesse de citer la ville de Lyon – dans la nuit de mercredi à jeudi, en deux heures, on a dû avoir droit au mot « Lyon » au moins vingt-huit fois. Vous pourrez vérifier.
Exclamations.
Vous battez tous les records : Lyon, sans compétences, mais avec des moyens ! Je le répète : c'est extraordinaire ; du jamais vu !
On est en train d'octroyer un privilège à Lyon pour des motifs qui, aux yeux de La République en marche, sont fondés. En dernière instance, il y aura un juge de paix : le Conseil constitutionnel. On verra alors ce qu'il en est de l'égalité.
Applaudissements sur les bancs des groupes NG et LR.
Je m'excuse d'abord de ne pas vous suffire.
Rires. – Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Lorsque le débat de l'an dernier a eu lieu, je n'étais pas dans l'hémicycle car j'avais démissionné de mon mandat de député – je suis désolé de ne pas avoir cité Tourcoing vingt-huit fois, mais je ferai mieux la prochaine fois ! Certains protagonistes du débat de cet après-midi étaient en revanche présents. Un amendement du Gouvernement visait effectivement à supprimer une inéquité. Il me semble que le Gouvernement avait déposé cet amendement en novembre, et que Gérard Collomb avait choisi de soutenir l'actuel Président de la République, alors candidat, en opposition au gouvernement, dès le mois de mai. Je ne pense donc pas que c'était alors une mesure clientéliste ; cet argument me paraît peu fondé. D'autant que, si les uns peuvent soutenir Gérard Collomb, les autres pourraient défendre Laurent Wauquiez. Ce n'est pas si grave.
Les arguments visant les personnes ne me semblent donc guère fondés.
Ce qui est l'est davantage, c'est la singularité incontestable de la métropole de Lyon, dont nul ne peut ignorer qu'elle se confond avec le département, ce qui constitue une novation.
Madame Rabault, monsieur Carrez, vous qui avez bien plus d'expérience et de sens politique que moi, il est étonnant que vous ne vouliez pas comprendre que le conseil départemental de la Seine est antérieur à la loi NOTRe et à la loi MAPAM, et que cet ensemble n'est pas comparable avec la métropole de Lyon puisque c'est la ville de Paris et non une métropole qui se confond avec le département.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Je comprends bien qu'il s'agit d'avancer des arguments pouvant étayer une censure du Conseil constitutionnel. C'est précisément pour répondre à ces arguments que je me permets de prendre la parole à cette heure assez tardive, où tout le monde a envie d'aller se restaurer. En réalité, il n'y a pas là d'inéquité.
La jurisprudence du Conseil constitutionnel…
Exclamations sur les bancs du groupe NG.
Vous invoquez l'immoralité ; même si vous aviez raison, je ne suis pas sûr que le Conseil constitutionnel retiendrait ce type d'argument, fort heureusement.
Soyons objectifs, il s'agit d'une métropole qui se confond avec un département : pour employer une expression de juriste, c'est vraiment une situation sui generis, qui échappe au droit commun ! Elle est la seule dans ce cas. D'ailleurs, chaque fois que nous présentons et que vous votez une disposition, nous prévoyons une exception pour la métropole lyonnaise.
Pour ces raisons, vos arguments ne tiennent pas la route. Ils valent sans doute le coup politiquement, pour chacune et chacun d'entre vous ; mais ils ne sont pas valables du point de vue constitutionnel.
Voilà pourquoi le Gouvernement maintient sa position et souhaite que, au terme de cette seconde délibération, l'article reste en l'état.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.
Soyez courageux, ou vous serez déjugés par le Conseil constitutionnel !
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 104 |
Nombre de suffrages exprimés | 101 |
Majorité absolue | 51 |
Pour l'adoption | 87 |
contre | 14 |
L'article 41 bis est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement no 32 à l'article 45 quater.
L'amendement no 32 modifiant l'article 45 quater, accepté par la commission, est adopté.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour une explication de vote sur cet amendement.
Monsieur le président, je sais d'expérience que, quand on procède à la va-vite en fin de séance, on vote sans savoir ce que l'on fait. Cet amendement n'est pas sans conséquences, puisque – tout le monde le sait peut-être, mais moi, je ne le savais pas – il ramène de 1,5 à 1,3 le coefficient multiplicateur de la taxe sur les surfaces commerciales, la TaSCom. En millions d'euros, combien cela représente-t-il, monsieur le ministre ?
Exclamations.
L'amendement no 32 ne faisant qu'ouvrir une possibilité en seconde délibération, il ne présente pas de montant. Il fait écho à une discussion que vous avez déjà eue dans cet hémicycle.
La parole est à M. Bruno Millienne, pour une autre explication de vote sur cet amendement.
Nous sommes favorables à cet amendement. Je remercie le Gouvernement d'avoir négocié cette baisse avec nous. Cela nous laisse deux ans pour étudier l'opportunité d'une diminution ou d'une augmentation. Nous verrons ensuite ce qu'il en est, sachant que les collectivités peuvent procéder à une augmentation du coefficient multiplicateur de 0,05 point par an. Nous pourrons ainsi évaluer précisément l'efficacité de cette mesure en faisant du fine tuning.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour un complément à son explication de vote.
Je suis surprise d'entendre notre collègue du MODEM expliquer que cet amendement est le fruit d'une négociation avec le Gouvernement. Certes, cela arrive, mais j'ai cru comprendre, certaines rumeurs étant arrivées à mes oreilles, que le résultat de cette négociation était la contrepartie du vote de l'amendement relatif à la métropole de Lyon.
Protestations sur les bancs du groupe REM.
Je vous invite à démentir cette rumeur, si vous le souhaitez. Mais cela pourrait expliquer que le ministre soit passé aussi vite sur cet amendement, qui a été mis aux voix avant même que nous sachions de quoi il s'agissait.
En toute chose, il faut savoir rester calme.
Je l'entends bien. Et si je me suis contenté de répondre « Défendu » sur cet amendement, c'est parce que, comme toujours quand on parle de Lyon, j'ai faim, comme vous !
Sourires.
Le groupe MODEM pourrait en dire quelques mots : j'ai discuté avec le président Fesneau, car l'amendement a pour origine une prise de position de son groupe ; mais le Gouvernement ne négocie jamais avec aucun groupe politique sur le vote des amendements.
Votre argumentation me paraît fallacieuse, madame Rabault. Je pensais que vous me teniez en plus haute estime.
Je vous estime, oui. Pour d'autres membres du Gouvernement, c'est plus compliqué…
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement no 31 à l'article 28 et état A.
Sans vouloir prolonger inutilement nos débats, je veux saluer l'ensemble des collègues de mon groupe, qui se sont puissamment mobilisés quand d'autres, à ma droite, le sont infiniment moins – sans doute pour cause de meeting…
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Si mes collègues sont là, c'est parce que, depuis le début, nous croyons à ce que nous faisons et à ce que nous votons. Au moment de voter ce dernier amendement, je tenais à souligner que notre mobilisation est bien à la mesure de notre motivation !
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe REM.
L'amendement no 31 , modifiant l'article 28 et l'état A, est adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2018 auront lieu demain, mardi 21 novembre, après les questions au Gouvernement.
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2018 ;
Discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi no 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures quarante-cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Catherine Joly