En France, le seuil de pauvreté est fixé à 1 063 euros par mois. Pour répondre à votre objectif d'un socle citoyen, votre mécanisme supposerait logiquement une allocation du même montant, au moins. Or le SMIC net s'élève cette année à 1 219 euros par mois : le salaire minimum ne représenterait donc que 156 euros de plus que le revenu universel. Bien sûr, en France, les bas salaires sont trop faibles ; il y a là un combat à mener, une cause que nous devons faire progresser ensemble. Toutefois, chers collègues, osons dire les choses : alors que tous s'accordent désormais sur le fait que le travail, pour de multiples raisons, doit être d'urgence remise en valeur dans notre pays, prenez garde que le revenu universel ne devienne une prime à l'inactivité.
Votre argumentation repose notamment sur une comparaison internationale : vous avez cité l'Allemagne, l'Espagne, le Japon, qui réfléchissent à un tel dispositif. Mais ils n'ont pas de système de protection sociale analogue au nôtre ! Si l'on compare taux de pauvreté et revenu médian de la population, les chiffres d'Eurostat comme ceux de l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, révèlent que la France couvre davantage la pauvreté que ces trois pays. Nous devons à l'évidence poursuivre nos efforts en matière de lutte contre la pauvreté ; le système français n'en reste pas moins l'un des plus protecteurs au monde.
Vous promettez l'éradication de la pauvreté par ce revenu universel, dont vous considérez que le montant relève du dialogue social. Ce n'est pas possible ; nous ne sommes pas d'accord. Recourir au dialogue social est une astuce par laquelle vous évitez d'en venir à la réalité budgétaire. Ni les minima sociaux, ni l'impôt, auquel s'adosse le système, ne dépendent du dialogue social : en la matière, c'est au Parlement qu'il revient de décider. Concernant le revenu universel, vous ne pouvez rejeter la responsabilité de la décision sur les partenaires sociaux. Votre simulation suppose une allocation au niveau du RSA et un taux d'imposition moyen de 32 %. Or, dès lors que l'on porte votre revenu universel à 1 063 euros par mois, minimum requis, je le répète, pour éradiquer effectivement la pauvreté, il en résulte un doublement de son coût. Sous l'angle de la soutenabilité, l'idée que vous nous soumettez est donc très largement contestable. En outre, la moitié de la population française ne paie pas l'impôt sur le revenu ; même avec un mécanisme adéquat, le fait de la mettre à contribution pourrait susciter des résistances et des conflits.
Vous avez raison de mettre ce débat sur la table, et notre groupe est tout à fait favorable à une réflexion franche sur le travail, sur l'activité pour tous, sur la protection sociale, sur la lutte contre la pauvreté. Cependant, en l'état, telle qu'elle est formulée, nous ne suivrons pas votre proposition.