Intervention de Dimitri Houbron

Séance en hémicycle du jeudi 26 novembre 2020 à 9h00
Justice de proximité et réponse pénale — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDimitri Houbron, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Avant toute chose, je tiens à adresser un remerciement particulier à mon groupe Agir ensemble, notamment à son président Olivier Becht, pour la confiance qu'il m'accorde au quotidien, et particulièrement aujourd'hui, pour défendre cette proposition de loi. Je veux également vous remercier, monsieur le garde des sceaux, pour le soutien que vous apportez à ce texte, tout comme vos services, qui ont travaillé avec notre groupe pour l'enrichir encore. J'adresse enfin ma gratitude à l'administrateur de l'Assemblée et à l'attachée parlementaire de mon groupe qui m'ont accompagné dans cette démarche : sans ces travailleurs de l'ombre, nous serions bien en peine de légiférer.

Ce n'est pas sans émotion que je m'adresse à vous depuis cette tribune, à laquelle se sont succédé tant de grandes femmes et de grands hommes – je songe à Simone Veil ou à Robert Badinter – qui, aujourd'hui encore, symbolisent la grandeur de la République et guident mes pas de jeune député. Alors que l'histoire s'écrit dans ce lieu, c'est avec humilité que je m'exprime ici.

C'est avec une fierté toute particulière que je présente cette proposition de loi qui, j'en suis convaincu, permettra d'améliorer la justice de proximité et la réponse pénale. Notre institution judiciaire – parfois dévoyée, souvent incomprise, toujours engagée – doit être saluée et soutenue, parce que défendre la justice, c'est défendre l'État de droit, ce coeur battant des démocraties politiques. L'effectivité des droits, au sens que lui donne la philosophe Simone Weil, est la condition préalable à toute confiance dans la justice. Rien ne serait plus fatal à notre édifice démocratique que le sentiment d'une justice dont les principes resteraient au stade de la rhétorique, au détriment d'une analyse pragmatique de la réalité. Ce n'est qu'en garantissant cette effectivité que nous parviendrons, collectivement, à retisser et à rebâtir pleinement la confiance de nos concitoyens.

Pour rebâtir cette confiance fragilisée et lutter contre sa corrosion, il nous faut d'abord une justice capable de répondre aux défis de son temps. Les Français sont attentifs aux litiges du quotidien et au fait que les petites infractions reçoivent une réponse pénale effective, proportionnée et rapide.

Notre débat se tient alors que des tensions constantes irriguent nos territoires, ce dont les acteurs de terrain ont parfaitement conscience. Le peuple français est épris de justice. Que ce trait de notre pays soit parfois poussé jusqu'à des formes extrêmes de contestation est un fait connu. Tel est notre défi commun : refaire de l'efficacité de la justice le ciment de notre république. C'est pourquoi tous ceux qui s'attaquent à notre institution et qui fragilisent la justice et son travail portent une immense responsabilité dans la fragilisation même de notre démocratie et de notre état de droit.

Cette proposition de loi est le fruit d'un travail avec les acteurs judiciaires et pénitentiaires, d'abord dans ma circonscription bien sûr, mais bien au-delà, à travers toutes les auditions que nous menées. Je tiens à cet égard à remercier l'ensemble des acteurs auditionnés pour la richesse de nos échanges, et plus particulièrement le SPIP – service pénitentiaire d'insertion et de probation – de Douai, le procureur de la République de Douai et les avocats du barreau de Douai pour leur contribution.

Le rapport sur le travail d'intérêt général, le TIG, de mon collègue Didier Paris a également été une source d'inspiration. Plusieurs de ses recommandations ont d'ailleurs trouvé une concrétisation dans la réforme de 2019. Cette proposition de loi s'inscrit en quelque sorte dans sa continuité.

Elle est importante parce qu'elle traite d'une délinquance dont les tribunaux n'ont pas toujours la capacité de s'occuper alors qu'elle produit des effets néfastes sur la vie de nos concitoyens. Elle permettra de donner une réponse pénale certaine à la petite délinquance. Notre groupe refuse le règne de l'impunité de ceux qui, par leurs incivilités quotidiennes, fragilisent l'équilibre du vivre ensemble.

Les mesures alternatives aux poursuites permettent de servir ces impératifs. Elles sont les vecteurs d'une réponse pénale certaine et rapide aux petits délits du quotidien, en donnant la possibilité de sanctionner sans incarcérer là où, nous le savons, l'incarcération est désocialisante et criminogène. Si les courtes peines de prison ostracisent et, souvent, radicalisent les petits délinquants, les mesures alternatives aux poursuites et le travail d'intérêt général constituent un tremplin vers la réinsertion et placent la responsabilité individuelle au coeur du dispositif. Tel est le sens des articles 1er et 2.

L'article 1er porte sur les mesures alternatives aux poursuites. Lorsqu'une infraction est commise, le procureur de la République dispose de l'opportunité des poursuites. Il décide donc si les faits reprochés à la personne nécessitent qu'elle soit poursuivie ou non. Depuis 1999, une troisième voie pénale est instituée : les fameuses mesures alternatives aux poursuites. Elles permettent au délinquant, dont le casier judiciaire, en général, est vierge, et qui reconnaît les faits, de voir son dossier classé et son casier rester vierge s'il respecte les mesures prononcées par le procureur.

En d'autres termes, elles constituent une chance, accordée par le ministère public au délinquant. Mais attention, cette possibilité offerte n'est pas gratuite. Pour en bénéficier, le délinquant doit se plier aux obligations prononcées à son endroit par le procureur ou par son délégué. En cas d'échec de ces mesures, le parquet engagera bien évidemment les poursuites pénales classiques.

Parmi les mesures alternatives aux poursuites permises par cette proposition de loi, le procureur ou son délégué pourront demander au délinquant de remettre en état ce qu'il a dégradé, selon le principe : « Tu casses, tu répares » – un concept auquel les membres de mon groupe sont particulièrement attachés, notamment mon collègue Pierre-Yves Bournazel, qui défendait déjà cette idée lors de la campagne des élections municipales.

Ils pourront également exiger que l'objet ou le produit du délit soient remis aux autorités, ou demander au délinquant de ne pas entrer en contact avec les victimes, coauteurs ou complices et, enfin, de s'acquitter d'une contribution citoyenne auprès d'une association agréée d'aide aux victimes.

L'article 2, qui s'est enrichi des amendements adoptés en commission des lois, vise à favoriser le recours au travail d'intérêt général, sanction pénale infligée par la justice à une personne ayant commis une infraction et qui prévoit que celle-ci doit travailler gratuitement pendant une durée fixée par le juge. Cette mesure efficace, plébiscitée à la fois par les magistrats et par l'opinion publique, contribue à la réinsertion – qui doit être encouragée – de l'individu en lui donnant une vraie place dans la société.

Cette proposition de loi autorise les fonctionnaires des services pénitentiaires d'insertion et de probation à prendre la main sur la mise en oeuvre de ces travaux d'intérêt général. Cet ajustement procédural permettra de fluidifier considérablement l'articulation entre le prononcé et l'application effective des TIG. L'arsenal juridique existe, notre loi permettra donc de donner aux magistrats les moyens d'appliquer réellement ces mesures.

L'article 3 de cette proposition de loi prévoit de renforcer l'effectivité des sanctions prononcées en matière contraventionnelle et de faciliter le recouvrement des amendes forfaitaires en instaurant une minoration du montant de l'amende pour les contraventions de la cinquième classe lorsqu'elles sont forfaitisées.

L'article 4 prévoit enfin des ajustements nécessaires à une plus grande efficacité des recours devant la chambre criminelle de la Cour de cassation et des cours d'assises d'appel.

Vous l'aurez compris, sans révolutionner la justice pénale, cette proposition de loi se veut utile et pragmatique. Enrichie par le travail de collègues appartenant à d'autres groupes politiques, elle semble nous rassembler au-delà des étiquettes. J'y vois le signe d'une avancée significative pour notre institution. Je remercie encore l'ensemble des députés des différents groupes pour la teneur des débats en commission et pour la richesse de nos échanges.

Nous ne ferons jamais de la justice autre chose qu'une instance humaine et, de ce fait, forcément imparfaite. C'est précisément pour cette raison que nous continuerons sans doute à avoir des débats interminables sur des sujets à propos desquels, parfois, nous resterons irréconciliables. C'est aussi pour cette raison que nous ne renoncerons jamais à offrir ce qui forge notre vocation et notre rôle : l'espérance légitime que les Français doivent placer dans la justice. Celle-ci ne doit jamais se départir de sa part d'humanité et de l'espoir qu'elle suscite auprès de nos concitoyens.

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