Je suis très heureux de poursuivre avec vous cette matinée par l'examen de la proposition de loi visant à renforcer l'efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale.
Comme l'a appelé de ses voeux le Premier ministre lors de son discours de politique générale, les Français ont besoin d'une justice plus proche de leur quotidien au coeur des territoires, des villes, des villages et des quartiers. Nous ne pouvons négliger les attentes de nos concitoyens en matière de sécurité et de protection. C'est pourquoi l'action pénale de proximité doit être améliorée et parfois même repensée. Certaines incivilités et infractions gâchent la vie de nos concitoyens. Cette petite délinquance du quotidien doit être mieux traitée, car elle passe souvent inaperçue face à l'action publique urgente et aux actes les plus graves. Elle nuit pourtant au plus grand nombre.
Cette proposition de loi du groupe Agir ensemble s'inscrit précisément dans la feuille de route que nous nous sommes fixée afin d'améliorer la réponse des pouvoirs publics à cette délinquance. Pour cette raison, je souhaite chaleureusement remercier le président Becht.
Vous le savez, l'amélioration de la justice de proximité que j'appelle de mes voeux passe par trois vecteurs : des moyens accrus, une politique pénale volontaire et des dispositions pénales à l'efficacité renforcée.
Tout d'abord, à propos des moyens supplémentaires – le nerf de la guerre – , le budget 2021 que j'ai défendu et que vous avez voté donnera à la justice des moyens inégalés depuis vingt-cinq ans, permettant, à la fois, le rattrapage de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et le financement de mes priorités, parmi lesquelles figure bien sûr, de façon centrale, la justice de proximité. Il s'agit, rappelons-le, d'un budget exceptionnel non seulement par son montant – 8,2 milliards d'euros – , mais également par l'augmentation massive des recrutements que nous avons d'ores et déjà lancés.
S'agissant des moyens plus spécifiquement alloués à la justice de proximité, 1 100 emplois seront créés pour les services judiciaires, pour la protection judiciaire de la jeunesse et pour les services pénitentiaires d'insertion et de probation. Ce sont ainsi 13 millions d'euros qui permettront de favoriser le recrutement de magistrats honoraires ou à titre temporaire et les frais de justice bénéficieront d'une augmentation de 127 millions d'euros pour accroître l'intervention, essentielle en matière de justice de proximité, des délégués du procureur. De nouvelles unités médico-judiciaires ou d'assistance de proximité aux victimes seront créées, 20 millions d'euros bénéficieront au milieu associatif de la projection judiciaire de la jeunesse afin de renforcer la prise en charge rapide des délits du quotidien. Enfin, 10 millions d'euros seront consacrés au développement de la surveillance électronique et du bracelet anti-rapprochement. Comme vous pouvez le constater, les moyens sont évidemment à la hauteur des enjeux.
Une meilleure justice de proximité, c'est en second lieu une politique pénale volontaire qui garantit le règlement des petits litiges et la prise en charge de nos concitoyens les plus fragiles. Dans cette perspective, je souhaite une meilleure coordination de l'action judiciaire en lien avec les services préfectoraux, les maires, les élus, les associations, ainsi que les officiers du ministère public au plus près des territoires. Je crois également beaucoup au renforcement de l'activité des juridictions de proximité, à l'organisation d'audiences foraines et au développement des permanences dans les lieux d'accès au droit pour les délégués du procureur, par exemple.
Comme je l'ai indiqué dans ma circulaire de politique pénale générale du 1er octobre dernier, je souhaite accroître le périmètre d'intervention de ces délégués qui accomplissent un travail remarquable et apportent une réponse pénale de proximité et de grande qualité. Leur rôle doit être renforcé. J'ai demandé aux procureurs de la République de veiller à leur mobilisation afin qu'ils soient au plus près de nos concitoyens. Cette mobilisation doit permettre d'apporter des réponses plus réactives à la petite délinquance du quotidien.
En parfaite synergie avec la présente proposition de loi, je signerai très prochainement un décret qui permettra à ces délégués du procureur d'exercer leur mission au sein des lieux d'accès au droit ou dans tout autre lieu désigné par le procureur. Ils pourront ainsi tenir des audiences foraines. J'ai enfin voulu qu'ils jouent un rôle accru en matière de prévention de la délinquance. Ce décret leur permettra de représenter le procureur de la République dans les instances de prévention de la délinquance et dans les commissions administratives paritaires des collectivités territoriales dans l'objectif d'un meilleur traitement de la délinquance du quotidien.
L'amélioration de la justice de proximité, c'est enfin des dispositions pénales plus efficaces pour lutter contre les incivilités. Car il ne faut pas faire d'amalgame ni confondre toutes les délinquances : il y a la délinquance organisée et les violences graves faites aux personnes, actes qui nécessitent bien sûr des réponses adaptées dont la prison fait partie ; mais il y a également la petite délinquance du quotidien, celle qui parasite la vie des Français et qui nécessite, elle aussi, une réponse adaptée. Aux incivilités et aux délits de faible gravité, il faut apporter une réponse pénale rapide et constructive : tel est l'objet de la proposition de loi que nous examinons à présent.
Les dispositions de ce texte vont, je le crois, dans le bon sens, tout d'abord parce qu'elles complètent les mesures alternatives aux poursuites déjà existantes. Le procureur de la République pourra ainsi demander au délinquant de remettre en état les lieux ou les objets qu'il aura dégradés ou le contraindre à verser une contribution citoyenne à une association d'aide aux victimes. Ces sanctions, à la fois punitives et éducatives, sont les mieux à même de prévenir la récidive, s'agissant notamment des primo-délinquants.
Je crois également beaucoup à la simplification des modalités d'exécution du travail d'intérêt général, qui constitue une réponse constructive à la petite délinquance. Il n'a toutefois de sens que s'il s'applique rapidement. Plus la sanction est éloignée de la date de commission des faits et moins elle est adaptée. Or aujourd'hui, le délai moyen d'exécution d'un travail d'intérêt général est de quatorze mois ! Je dis bien, mesdames, messieurs les députés, quatorze mois ! Cela n'a aucun sens.