Le groupe UDI et indépendants estime cette proposition de résolution, qui vise à faire évoluer la Constitution afin d'intégrer les objectifs de développement durable au processus législatif, bien inappropriée.
En effet, la France dispose d'un bloc de constitutionnalité déjà suffisamment étoffé : Constitution de 1958, Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, préambule de la Constitution de 1946, Charte de l'environnement de 2004, sans compter la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui a dégagé un certain nombre de principes. D'ailleurs, tout bon étudiant en première année de droit connaît cela.
Le bloc de constitutionnalité paraît donc déjà fourni et efficace. Bien sûr, il ne s'agit pas prendre à la légère ses évolutions possibles, qui pourraient intervenir, ici ou là, au gré de concertations communes définissant des objectifs précis. Mais si modifications il devait y avoir, elles devraient prendre en considération le réalisme des principes intégrés à la Constitution.
Or, en l'espèce, la proposition de résolution risquerait d'aboutir à une mosaïque de bonnes intentions, sans application pratique, car ces dix-sept principes semblent bien évasifs : qui peut dire, par exemple, que la proposition de loi relative à la sécurité globale respecte la « vie terrestre », la « bonne santé et [le] bien-être » ou contribue à la « réduction des inégalités » ? Et ne parlons même pas de la portée juridique de ces principes et de leur interprétation par le juge constitutionnel ! Combien de lois deviendraient automatiquement et rétroactivement inconstitutionnelles au prétexte qu'elles ne respecteraient pas un principe international aux frontières de l'idéalisme utopique ?
Rappelons d'ailleurs qu'inscrire ces objectifs de développement durable dans le marbre de la Constitution serait facilement pointé du doigt comme une redite bien maladroite de la Charte de l'environnement de 2004, qui constitue déjà une norme constitutionnelle.
En outre, n'oublions pas que les objectifs en question ont été développés par une institution internationale, l'Organisation des Nations unies – ONU – , selon un cadre international, avec un regard international ; or, comme vous l'aurez remarqué, nous ne sommes pas les législateurs du monde et notre Constitution n'est pas celle du monde, mais bien de la France : à question locale, réponse locale ! Il faut accepter l'idée que des objectifs définis à New York, bien que marqués du sceau de l'ONU, puissent ne pas correspondre à nos territoires, à notre culture et à nos institutions. Stop à l'utopie des généralités, place au réalisme et aux nuances !
Pour reprendre sur votre volonté d'évolution constitutionnelle, nous n'oublions pas la suspension du projet de réforme constitutionnelle, à l'été 2018, à la suite de l'affaire Benalla. Si vous souhaitez réellement intégrer les objectifs de développement durable, vous pouvez toujours solliciter les autres composantes de votre intergroupe pour reprendre l'examen du projet de loi constitutionnelle. Mais reconnaissez qu'en pleine crise sanitaire et économique, il existe probablement d'autres priorités.
Le groupe UDI et indépendants privilégie des solutions concrètes et réalistes, à l'image des amendements déposés lors des débats sur le projet de loi d'orientation des mobilités, le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire ou encore le projet de loi relatif à l'énergie et au climat, plutôt que l'inscription dans un cadre international volontairement peu précis. Prenons exemple sur nos compatriotes calédoniens, qui ont engagé une véritable sortie du plastique à usage unique, effective depuis le début de l'année. Nous préférons également nous inscrire dans un cadre plus adapté : celui de la collaboration avec d'autres pays européens, qui sont souvent des partenaires fiables dans la transition écologique. L'Europe a ainsi pu adopter la loi européenne sur le climat, visant à atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050.
Par ailleurs, nous tenons à souligner qu'aujourd'hui, rien n'empêche le Gouvernement et les parlementaires de faire mention des objectifs de développement durable dans leurs démarches législatives, sans qu'existe un quelconque besoin de le rajouter dans notre bloc de constitutionnalité. Nous pensons également qu'il est nécessaire de garder une certaine souplesse dans le travail législatif, sans l'alourdir plus encore par des contraintes non essentielles. Prenons garde à un certain dogmatisme juridique, qui ne ferait que paralyser l'activité législative au lieu de la stimuler : le travail parlementaire est déjà suffisamment entravé. Car enfin, on voit mal, par exemple, comment les objectifs de développement durable pourraient correspondre aux nombreux textes en discussion – et à ceux adoptés – relatifs à notre sécurité et à la lutte contre le terrorisme.
Ne voyez pas notre hostilité à ce texte comme une opposition de principe à de nobles objectifs, comme la lutte contre la pauvreté ou pour une éducation de qualité, auxquels nous sommes évidemment attachés. Cependant, au regard des arguments que je viens d'exposé, et compte tenu de la charge supplémentaire que cela ferait peser sur notre Parlement, dont le poids s'affaiblit dans notre Ve République, il ne convient pas d'intégrer à la Constitution les objectifs de développement durable.
Le groupe UDI et indépendants s'abstiendra lors du vote de cette résolution.