Intervention de Jennifer De Temmerman

Séance en hémicycle du jeudi 26 novembre 2020 à 15h00
Accès au vaccin contre le covid-19 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJennifer De Temmerman :

Tout d'abord, je souhaite saluer le travail de notre collègue Vincent Ledoux, qui est sans nul doute le travail d'un humaniste face à un monde en crise. Nous avons tous en tête les chiffres de cette pandémie : près de 50 millions de cas ont été enregistrés dans le monde, plus d'un million de personnes ont perdu la vie. Mais il existe d'autres chiffres, ceux de la pauvreté, de la faim, des inégalités et de la déscolarisation, qui explosent. Le Fonds des Nations unies pour l'enfance, l'UNICEF, estime ainsi à plus de 10 000 par mois le nombre de décès supplémentaires d'enfants.

À travers le monde, nous reculons sur le chemin des objectifs de développement durable ; un vaccin sûr et efficace serait une première étape vers une société plus responsable et durable. Les annonces multiples sur les avancées dans ce domaine rassurent tout autant qu'elles inquiètent. Pendant deux semaines, nous avons assisté à une véritable surenchère des laboratoires. Si l'on peut se féliciter du dynamisme de la recherche et du développement, il faut savoir raison garder. En réalité, aucun résultat définitif n'a été publié : seuls ont été donnés des résultats préliminaires, encore en attente de confirmation. Il est donc regrettable que ces études donnent lieu à des communiqués de presse avant de faire l'objet d'articles scientifiques.

Si endiguer la pandémie est essentiel et si développer un vaccin est déterminant, il importe de faire preuve de réalisme quant au calendrier. Alors que le processus complexe de mise au point d'un vaccin peut demander dix à quinze ans, l'urgence sanitaire a poussé à raccourcir ce délai, qui pourrait s'établir entre douze à dix-huit mois.

La prudence doit continuer à guider notre action, et la mise au point du vaccin contre le covid-19 ne doit souffrir aucun compromis dans les processus visant à garantir l'efficacité et l'innocuité du produit afin de protéger les droits de chacun. Sur ce point, je vous invite à consulter l'article 4 de la convention d'Oviedo, qui énonce que toute intervention dans le domaine de la santé, y compris la recherche, doit être effectuée dans le respect des normes et des obligations professionnelles.

Les travaux scientifiques devront également se poursuivre après l'autorisation de mise sur le marché pour que le monde tire profit de l'existence de plusieurs vaccins, pour qu'il soit tenu compte des besoins de populations diverses et que l'on puisse observer les effets à long terme de la vaccination.

La pandémie ne connaît aucune frontière, c'est pourquoi imaginer une action uniquement nationale serait aussi inefficace qu'inhumain. Une action internationale coordonnée est incontournable, a fortiori quand on voit que certains pays ont déjà commencé à agir de manière isolée : en Europe, par exemple, la Hongrie s'apprête à importer des doses du vaccin russe sans l'accord de l'Agence européenne des médicaments.

Le plan d'attribution des vaccins contre la covid-19, également connu sous le nom de COVAX, constitue l'initiative phare en ce qui concerne l'allocation des vaccins au plan mondial. Codirigée par l'OMS, GAVI, l'Alliance du vaccin, et la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies – Coalition for Epidemic Preparedness Innovations, CEPI – , l'initiative mobilise des fonds auprès des pays adhérents afin de soutenir la recherche, le développement et la fabrication d'un large éventail de vaccins et d'en négocier le prix.

Si tous les pays n'ont pas pu contribuer à la même hauteur, nous devons garantir l'accessibilité, aussi bien technique qu'économique, à tous. Des universitaires ont critiqué le fait que les pays riches donateurs pourront probablement vacciner 20 % de leur population avant même que les autres ne puissent en vacciner 3 % – ce qui n'aurait aucun sens dans le cas d'une pandémie mondiale comme celle que nous connaissons.

Il est nécessaire de rappeler que l'accès à la santé, qui est le troisième des dix-sept objectifs de développement durable, est un droit humain fondamental et universel. Face à une crise mondiale, la réponse ne peut être qu'unanime et le multilatéralisme reprend tout son sens. À l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, nous prônons une approche globale et commune, ce qui suppose aussi bien de réfléchir au choix des vaccins qu'à la stratégie de vaccination pour attribuer les doses de manière éthique et équitable, en déterminant notamment les groupes de population prioritaires.

Il faudra aussi penser la communication autour de cette campagne de vaccination, car il est inconcevable de la rendre obligatoire en raison de ses conditions particulières de développement. L'adhésion des populations se gagnera par la transparence, et cela implique d'anticiper afin d'éviter les pénuries du début de crise. Nous ne pouvons plus reproduire les mêmes erreurs et laisser dicter notre action par notre manque de moyens.

Une vraie stratégie, précise et transparente, doit donc être déterminée, non pas uniquement contre la pandémie actuelle, mais contre toutes les pandémies potentielles, et c'est pourquoi les deux derniers points de la proposition sont également importants. Pour toutes ces raisons, solidaire face à cette pandémie, le groupe Libertés et territoires votera en faveur de ce texte.

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