Il faut s'adapter à son temps, certes, mais permettez-moi en cet instant de convoquer la nature humaine, la conscience des peuples et l'expérience de chacun d'entre nous. Il fut un temps, dans ma vie, où je me suis battu pour faire aboutir des adoptions. Je ne comprenais pas le calvaire imposé aux malheureux parents répondant un nombre incalculable de fois aux mêmes questions qui, d'une certaine façon, les détruisaient un peu. Un jour, les réseaux sociaux sont apparus et j'ai vu, dans des familles que je connais bien, des enfants demander : « Pourquoi m'avez-vous enlevé aux rues de Saïgon ? C'est là que je devrais être », ou bien : « Pourquoi ne suis-je pas dans les rues d'Alger ? N'est-ce pas pour votre confort personnel ? » Lorsque ces questions s'éveillent à 13 ans, se confirment à 15 ans et ne cessent pas à 18 ans, c'est terrible.
Aujourd'hui, je m'interroge sur les réactions du petit garçon ou de la petite fille qui aura deux papas, deux mamans, ou bien un seul des deux. Pourra-t-il éviter de se demander si c'est pour leur confort personnel que ses parents l'ont fait venir, ce qu'est son rôle dans la vie et pourquoi il est arrivé ici ?