Tâtonnements, fluctuations, revirements : c'est par ces mots que nous pouvons qualifier la stratégie de dépistage du Gouvernement depuis le début de l'épidémie de covid-19. Les évolutions de la doctrine en la matière ont été davantage dictées par les moyens à disposition que par l'état des connaissances.
Nous avons tous en mémoire les difficultés d'approvisionnement des premiers mois, les pénuries de réactifs et d'écouvillons pour les tests de dépistage, ou même de machines permettant de traiter les prélèvements dans les laboratoires. Il a fallu attendre l'été pour que chacun puisse se faire tester, avec ou sans symptômes. Malheureusement, l'ouverture des tests à l'ensemble de la population n'a pas marqué la fin de la confusion. Elle a certes rassuré, mais elle a engendré des retards : certains de nos concitoyens ont parfois dû attendre plus de cinq jours pour obtenir leurs résultats. Ces délais ont compliqué la gestion de l'épidémie au lieu de l'améliorer.
L'autorisation des tests antigéniques a elle aussi été tardive, mais ces derniers, nous le savons, ne sont pas totalement fiables et sont insuffisants pour un dépistage efficace. Du temps, il en a fallu aussi pour que les laboratoires publics de recherche, ceux de la gendarmerie et les laboratoires vétérinaires soient autorisés à réaliser des dépistages. Dans les faits, ils ont été insuffisamment sollicités.
Enfin, nous regrettons l'absence de remontée systématique des informations et l'accompagnement parfois inadapté des personnes. De nombreux médecins traitants nous disent leur incompréhension. Les résultats des tests positifs ne leur sont pas communiqués alors qu'ils les ont eux-mêmes prescrits à leurs patients. Faute de coordination et d'organisation, la méthode utilisée ne peut donner des résultats satisfaisants.
Les ARS et la Caisse nationale d'assurance maladie ont parfois été débordées. Elles n'ont pas toujours pu mener correctement les enquêtes épidémiologiques, ni le suivi des personnes positives et des cas contacts. Je pense à la demande d'enquête de séroprévalence que nous avons faite en Corse : elle n'a pas pu être mise en oeuvre du fait des lourdeurs administratives. Le Président de la République a lui-même reconnu l'échec, à ce jour, de la stratégie « tester, tracer, isoler ».
Ces différents constats dessinent des voies d'amélioration pour notre stratégie de dépistage. Les politiques menées à l'étranger doivent par ailleurs nous inspirer. Néanmoins, nous devons nous garder du raisonnement simpliste selon lequel il faudrait dupliquer dans nos territoires ce qui marche ailleurs.
Tel est précisément le reproche que l'on peut faire à la proposition de résolution. De manière plus ou moins explicite, elle promeut la généralisation du dépistage systématique. A priori, cette stratégie paraît séduisante, mais nous devons évaluer précisément sa faisabilité et son intérêt.
En premier lieu, nous ne pouvons écarter la question des personnes asymptomatiques. Pour ces dernières, le virus n'est pas détectable les deux ou trois premiers jours de la maladie. L'utilisation des tests antigéniques est également peu indiquée.
Par ailleurs, une telle stratégie apparaît difficile à appliquer à l'échelle du pays, du fait de la taille de la population, d'autant que la généralisation du dépistage systématique implique la répétition du test à quelques semaines d'intervalle. Aussi, si le Gouvernement choisissait de s'engager dans cette voie, faudrait-il au préalable améliorer notre capacité matérielle et logistique, ce qui nécessiterait de faire preuve de l'anticipation qui nous a jusqu'ici systématiquement fait défaut.
Hier, le Premier ministre s'est finalement montré plutôt favorable à une expérimentation massive dans trois territoires. La métropole de Lille s'était déjà portée candidate. Reste désormais à savoir quels critères seront retenus pour choisir les deux autres territoires et sur quelle base le Gouvernement se déciderait à enclencher un éventuel déploiement national.
Depuis le début de la crise, nous prônons une meilleure prise en compte des spécificités territoriales dans la stratégie nationale. La réponse à la crise ne peut être uniforme partout.
Enfin, il est impératif de rappeler que la question du dépistage est indissociable de celle de l'isolement. À plusieurs reprises, le groupe Libertés et territoires a invité le Gouvernement à opter pour un accompagnement pédagogique et un suivi humain au plus près des personnes. Sans cet accompagnement et ce suivi, toute stratégie de dépistage sera vaine.
Chers collègues, il va de soi que toutes les stratégies doivent être interrogées afin que les situations de confinement et de déconfinement ne se répètent pas inlassablement. Notre population souffre sur tous les plans. Or la rédaction choisie pour cette proposition de résolution est floue et ambiguë.