Je voudrais à présent insister sur la portée de cette proposition de loi. En quoi sera-t-elle utile – puisque nombre de collègues m'ont interrogée sur ce point en commission ?
Sur le plan juridique, si le Conseil constitutionnel a reconnu, dans sa décision du 19 novembre 2004, l'interdiction à quiconque « de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s'affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers », il n'a pas évoqué la situation des autres secteurs, notamment associatifs et économiques. Le Conseil n'a pas non plus évoqué la question des revendications identitaires liées à l'origine, comme le prévoit l'article 1er de la proposition de loi – vous n'en avez rien dit, monsieur le garde des sceaux.
Or la défense des valeurs républicaines ne peut s'arrêter au seuil d'une entreprise, d'un cabinet médical ou d'un club de sport. Il ne s'agit évidemment pas d'intervenir dans la sphère privée mais bien de clarifier le cadre constitutionnel concernant les acteurs privés. Si des outils existent, comme l'adaptation des règlements intérieurs des entreprises depuis la loi El Khomri de 2016, le risque contentieux est le plus souvent supporté à titre individuel par celui qui fait primer l'intérêt général sur les intérêts particuliers d'une minorité.