Je dois vous témoigner ma surprise, tant je reconnais les grandes qualités de juriste de notre collègue sénateur. Peut-être faut-il rappeler la rédaction des articles 1er et 4 de la Constitution. L'article 1er précise que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. » Les énoncés sont clairs et nous paraissent tout à fait satisfaisants : ils sont largement protecteurs de nos valeurs républicaines. La jurisprudence du Conseil constitutionnel concernant l'article 1er est éclairante sur ce point. Dans sa décision du 15 juin 1999, il estime notamment que « le principe d'unicité du peuple français, dont aucune section ne peut s'attribuer l'exercice de la souveraineté nationale, a également valeur constitutionnelle » et que « ces principes fondamentaux s'opposent à ce que soient reconnus des droits collectifs à quelque groupe que ce soit, défini par une communauté d'origine, de culture, de langue ou de croyance ». Dans la décision du 19 novembre 2004, les sages soulignent que les dispositions de l'article 1er de la Constitution « interdisent à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s'affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers ».
L'article 2 de la proposition de loi tend à expliciter, dans l'article 4 de la Constitution, que les partis et les groupements politiques doivent respecter non seulement les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie, mais également la laïcité, afin de faire obstacle aux partis communautaristes. Sur ce point, comme nous l'avons indiqué en commission des lois, le groupe Agir ensemble soutient qu'il est préférable de débattre et d'enrichir le projet de loi confortant les principes républicains qui arrivera très prochainement sur le bureau de notre assemblée. Comme vous le savez, le texte du Gouvernement est très attendu et constituera un véritable véhicule législatif, plus adapté selon nous pour aborder ces problèmes liés au communautarisme, avec des débats plus longs, une étude d'impact et un avis du Conseil d'État. Autant d'éléments nécessaires pour renforcer le principe et le respect de la laïcité dans notre pays. J'aimerais vous alerter, nous alerter collectivement, mes chers collègues. Au-delà de l'inflation législative, la loi souffre d'un autre mal : celui de l'absence de normativité. Celle-ci produit un droit mou, par lequel le Parlement assure les citoyens de ses bonnes intentions, sans craindre que ceux-ci s'émeuvent par la suite de n'en pas trouver de traces concrètes dans leur quotidien. La loi perd alors de sa sacralité et ne suscite plus chez ses destinataires qu'une attention distraite.