Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Séance en hémicycle du jeudi 3 décembre 2020 à 9h00
Prééminence des lois de la république — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva :

En inscrivant dans le marbre de la Constitution certaines interprétations de la jurisprudence constitutionnelle, on risque par exemple de constitutionnaliser la décision du Conseil constitutionnel du 15 juin 1999 sur la charte européenne des langues régionales ou minoritaires, en vertu de laquelle la France ne peut ratifier celle-ci sans une réforme constitutionnelle. Cette décision affirme que « le principe d'unicité du peuple français, dont aucune section ne peut s'attribuer l'exercice de la souveraineté nationale, a également valeur constitutionnelle » et que « ces principes fondamentaux s'opposent à ce que soient reconnus des droits collectifs à quelque groupe que ce soit, défini par une communauté d'origine, de culture, de langue ou de croyance ».

L'adoption de cette proposition de loi dénierait ainsi à la France la possibilité, après débat, de ratifier une telle charte, de reconnaître les peuples qui la composent et qui font partie intégrante de son histoire. Elle obérerait l'accès à une autonomie politique de plein droit et de plein exercice, que notre groupe défend pour les territoires qui le demanderaient sur le fondement des principes de différenciation et d'adaptation législatives. Enfin, nous pensons sincèrement que cette proposition de loi est inutile pour combattre le fondamentalisme islamiste – sa véritable cible – , puisque notre arsenal juridique comporte déjà les moyens nécessaires pour sanctionner les atteintes à la loi sur ce fondement. De plus, l'article 1er de la Constitution est clair : « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. » Tout est dit. Je souligne, car on l'entend trop souvent de la bouche de hauts responsables ou d'observateurs divers, que le mot « une » n'apparaît plus depuis 1946 – c'était d'ailleurs une volonté du général de Gaulle – ; mais la République « une et indivisible » reste un mythe français. Qui plus est, le mot « une » ne mettrait pas en cause les autonomies politiques : à titre d'exemple, la constitution italienne dispose que « la République, une et indivisible, reconnaît et favorise les autonomies locales ».

L'article 2 entend faire respecter le principe de laïcité aux partis politiques. Très bien, mais que faisons-nous des partis démocrates-chrétiens, pour qui le christianisme constitue un socle de valeurs important ? Quand bien même nous devons défendre la laïcité, le risque d'instaurer une forme de police des courants de pensée politique semble trop élevé.

La Constitution et la loi sont déjà bien fournies pour combattre les groupuscules dangereux, que l'État ne s'est jamais privé de dissoudre.

Le combat contre l'obscurantisme religieux et le terrorisme n'est pas, ou plus, juridique ; il nécessite surtout une volonté farouche de faire respecter nos principes, et notamment celui de laïcité, sur le terrain. C'est par le renseignement, le contrôle, la répression s'il le faut que la lutte doit être menée.

Le groupe Libertés et territoires ne votera pas ce texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.