Intervention de Clémentine Autain

Séance en hémicycle du jeudi 3 décembre 2020 à 15h00
Carte vitale biométrique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClémentine Autain :

Ce chiffre est très éloigné du montant des fraudes aux cotisations sociales, estimé entre 6,8 et 8,4 milliards d'euros pour 2018, encore plus loin de celui de la fraude à l'impôt sur les sociétés – 27 milliards d'euros – et à des années lumières de celui de l'évasion fiscale – environ 80 milliards chaque année.

Pour améliorer les comptes de la sécurité sociale, nous devrions plutôt commencer par nous attaquer aux réels profiteurs, aux fraudeurs indécents, c'est-à-dire à ceux qui ont les moyens de contribuer mais n'ont pas la décence de payer leur dû. L'argument financier n'est pas recevable : il est un prétexte à la stigmatisation des catégories sociales les plus défavorisées.

Cette proposition de loi voudrait en outre confondre la carte Vitale et la carte d'identité, c'est-à-dire ajouter du fichage au fichage et restreindre toujours plus l'accès aux droits et à la santé. En pleine crise sanitaire, mes chers collègues, votre mesure apparaît d'un opportunisme très douteux. Que dire, en outre, des difficultés soulevées par un tel système et de ses implications pour les professionnels de santé, qui se retrouveraient soudainement chargés de contrôler l'identité de leurs patients ?

Cette frénésie du contrôle tous azimuts a des airs de dystopie et nous plonge dans un mauvais scénario d'un épisode de la série Black Mirror. Votre proposition de loi dépeint une société de la défiance, rongée par le soupçon permanent de voir en chacun de ses voisins un profiteur potentiel, pendant que la délinquance en col blanc peut dormir tranquille. Et puis, qu'allez-vous faire ensuite mes chers collègues ? Si vous défendez une proposition de loi contre une fraude représentant 5 % du montant total des fraudes aux prestations d'assurance maladie, pourquoi n'en déposeriez-vous pas une contre les recours abusifs au menu enfant, par exemple ? Dans la course à la suspicion, il n'y a jamais de ligne d'arrivée.

La mesure que vous proposez, autrefois défendue par Nicolas Sarkozy puis reprise par Marine Le Pen dans son programme présidentiel, braque le projecteur de l'Assemblée nationale sur un insecte pour mieux ignorer le fauve. J'attire donc votre attention, mes chers collègues, sur le dernier rapport de la Cour des comptes, accablant pour les résultats de la lutte contre la fraude fiscale menée par le Gouvernement. La réduction des effectifs au sein du ministère des finances, sans cesse encouragée et votée par le groupe Les Républicains, signe un manque de volonté politique évident que certains voudraient compenser par des effets de communication et de sévérité à l'égard des plus pauvres de nos concitoyens.

Il se trouve que nous votons aujourd'hui dans le contexte d'une actualité fâcheuse, pour reprendre l'expression que Mme la rapporteure avait utilisée au sujet de l'expulsion de sans-papiers sur la place de la République la semaine où était examinée en commission la suppression de la tarification sociale pour les bénéficiaires de l'aide médicale de l'État. L'actualité se révèle fâcheuse donc puisque nous avons appris hier que la maire de Puteaux, qui appartient à votre groupe chers collègues, était mise en examen pour blanchiment de fraude fiscale aggravée après avoir retiré 102 lingots d'or de son compte caché au Luxembourg. Je laisse chacune et chacun apprécier le sens des réalités et des priorités de votre texte, mais laissez-moi, au nom du groupe La France insoumise, vous dire que ce n'est pas la décence qui étouffe la droite dans cet hémicycle.

1 commentaire :

Le 22/06/2021 à 14:59, Behem a dit :

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Mme la députée, ça me rend triste pour notre pays de lire qu'un projet de loi ne conduisant qu'à lutter contre 11 millions d'euros est par conséquent inutile car la quantité négligeable. Seriez vous dans un monde à part ?

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