Intervention de Muriel Pénicaud

Séance en hémicycle du mardi 21 novembre 2017 à 15h00
Renforcement du dialogue social — Présentation

Muriel Pénicaud, ministre du travail :

Les affaires de harcèlement dont il a été question ces dernières semaines l'ont montré avec force : en l'espèce, au-delà de la perte d'emploi, il y va d'atteintes à l'intégrité de la personne.

L'incitation à la conciliation prévue par les ordonnances se traduit également par l'instauration de la rupture conventionnelle collective, qui transpose au niveau collectif ce qui a fonctionné au bénéfice des deux parties au niveau individuel. La négociation pourra définir un cadre commun de départ strictement volontaire, qui devra, comme la rupture conventionnelle individuelle, être homologué par l'administration. Vous avez, par ailleurs, à la faveur d'un amendement du rapporteur en commission, permis que le salarié dont le contrat est ainsi rompu, puisse bénéficier du congé de mobilité.

Enfin, l'une des mesures clés de clarification sera l'accès à un code du travail numérique accessible et compréhensible, répondant aux questions concrètes que se posent les chefs d'entreprise des TPE-PME mais aussi les salariés, notamment ceux en situation de handicap. Ce dispositif est significatif de notre volonté commune de rendre effectifs les droits des salariés dans leur vie professionnelle au quotidien. En ce sens, pour répondre à leurs aspirations de pouvoir mieux concilier vie professionnelle et vie personnelle, nous avons pris le parti de l'audace en établissant un droit au télétravail, sécurisé et souple. Il s'agit d'un droit opposable, dont le salarié peut demander à bénéficier ; il appartiendra à l'employeur de se justifier s'il ne peut y donner suite, et aux accords d'entreprise d'en définir les conditions.

Élargir fortement le champ de la négociation afin que les employeurs et les salariés puissent appréhender l'avenir avec confiance implique de leur donner les moyens d'être pleinement acteurs du dialogue social. Or, aujourd'hui, nous constatons que les vocations syndicales sont insuffisantes, car les élus craignent souvent de s'enfermer dans leur mandat. Par conséquent, il faut renforcer l'attractivité du mandat syndical et mieux le protéger. C'est le sens de la mission que j'ai confiée à Jean-Dominique Simonpoli, directeur général de l'association Dialogues, qui m'a rendu ses conclusions le 4 août. Il a identifié les meilleures pratiques des branches et des entreprises en matière de parcours syndicaux, et poursuit désormais sa mission avec Gilles Gateau, directeur général des ressources humaines d'Air France, pour travailler à leur mise en oeuvre avec les partenaires sociaux.

Pour remédier à cet obstacle culturel et ouvrir les perspectives d'évolution pour les représentants du personnel, nous agirons sur plusieurs leviers. D'abord, nous encourageons la montée en compétences des mandataires grâce à une garantie de moyens définie par décret et à un accès renforcé aux formations s'appuyant notamment sur un réseau de grandes écoles et d'universités volontaires. Ensuite, nous favoriserons la meilleure reconnaissance des compétences économiques, sociales et managériales acquises lors de l'exercice d'un mandat au travers du bilan de compétences. Nous encourageons d'ailleurs les accords de branche en la matière. L'une des idées est de mettre en place une task force de branche composée de binômes d'anciens représentants syndicaux et de directeurs des ressources humaines, qui pourraient conseiller et aider les petites et moyennes entreprises qui le souhaitent à mettre en place un dialogue social jusqu'à présent inexistant.

Par ailleurs, nous souhaitons aussi travailler sur l'intégration systématique des questions relatives au dialogue social dans toutes les formations en ressources humaines et en management, ce qui est aujourd'hui rarement le cas. Enfin, nous créerons un observatoire départemental de la négociation, qui aura pour mission le suivi vigilant des parcours, des carrières, de la formation des représentants syndicaux, mais aussi de la discrimination syndicale, qui est inacceptable et dont les ressorts ont été clairement mis en lumière par un rapport adopté à l'unanimité par le Conseil économique, social et environnemental.

Enfin, conformément aux engagements du Président de la République, nous évaluerons de façon transparente et efficace, non seulement, bien sûr, avec le Parlement, mais aussi avec les partenaires sociaux, les effets de la loi relative au renforcement du dialogue social. La mission d'évaluation a été confiée à Marcel Grignard, Jean-François Pilliard et Sandrine Cazes. Cette évaluation alimentera vos travaux de suivi de l'application de la loi.

Mesdames et messieurs les députés, comme l'écrivait Antoine de Saint-Exupéry : « Dans la vie, il n'y a pas de solutions. Il y a des forces en marche : il faut les créer, et les solutions suivent. » C'est pourquoi nous faisons le pari que l'intelligence collective au plus près du terrain trouvera les réponses adaptées à ses attentes, en conciliant l'impératif de compétitivité et l'exigence de justice sociale. C'est pourquoi nous créons les conditions d'un dialogue social renforcé, qui responsabilise les acteurs. C'est pourquoi les salariés pourront s'impliquer davantage dans l'évolution de leur entreprise, qui sera plus agile, et dont la croissance sera plus robuste. De la sorte, nous pourrons faire converger le progrès social et économique pour la France et les Français, et faire vivre notre héritage social, dont nous sommes fiers, en l'adaptant aux enjeux présents et à venir. Telle est notre ambition. Il vous revient aujourd'hui de vérifier qu'elle est à la hauteur du mandat que vous nous avez délivré pour répondre aux aspirations de nos concitoyens.

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