Ces ordonnances, que changent-elles ? Fondamentalement, elles modifient trois choses, qui sont déterminantes dans la manière de considérer les relations du travail, le rôle des entreprises et les protections à apporter aux salariés. Tout d'abord, elles renforcent le rôle des partenaires sociaux et de la négociation collective dans la définition des règles en matière de droit du travail. Cette réforme joue en effet la carte du dialogue social, autant dans sa méthode que dans ses objectifs : elle a reposé sur une large concertation et consacre de manière solennelle le rôle de la négociation collective au niveau de la branche comme de l'entreprise. Elle repose sur l'idée que le niveau le plus pertinent de négociation est celui de la proximité, raison pour laquelle elle prévoit de consacrer le principe de subsidiarité, en donnant la primauté à l'accord d'entreprise pour négocier les règles afin que celles-ci soient mieux adaptées aux spécificités de chaque entreprise.
Parallèlement, le rôle des branches sort considérablement renforcé de la nouvelle architecture conventionnelle prévue par les ordonnances, puisque les branches détiendront la primauté dans pas moins de treize domaines, qui concernent en particulier les conditions de travail et les garanties collectives apportées aux salariés. Là où la branche a, à l'évidence, plus de légitimité, elle sera amenée à assurer tout son rôle de régulation et de protection. C'est aussi dans cet esprit que les branches pourront être amenées à négocier sur certaines modalités de recours aux CDD ou aux contrats d'intérim, ou encore sur les conditions de recours à des CDI de chantier ou de projet. Sur tous ces points, la branche est, à l'évidence, la mieux placée pour négocier.
Faire résolument confiance au dialogue social se traduit aussi, dans les ordonnances, par le renforcement des acteurs qui le font vivre, chaque jour. Je pense, bien sûr, aux syndicats qui, lorsqu'ils sont présents dans l'entreprise, jouent un rôle incontournable en matière de négociation des accords, mais aussi aux représentants du personnel, qui ont vocation à gagner en efficacité grâce à la fusion des délégués du personnel, du comité d'entreprise et du CHSCT, sans oublier les salariés eux-mêmes, qui, notamment dans les très petites entreprises, sont des acteurs à part entière du dialogue social avec l'employeur. Les ordonnances renforcent donc ces trois catégories d'acteurs, en revalorisant les parcours syndicaux, en renforçant les capacités d'action des représentants du personnel grâce à la création du comité social et économique, et en permettant aux salariés des très petites entreprises de ratifier un projet d'accord proposé par l'employeur.
En second lieu, les ordonnances modifient sensiblement la manière de considérer les relations du travail et les conditions de sa rupture, sur le fondement d'une ligne directrice constante : le dialogue social et l'approche non conflictuelle de ces relations.