Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, au commencement était le travail, le travail brut, l'activité humaine, la participation de chacune et de chacun à la réponse aux besoins de toutes et tous : le travail au commencement des biens et services. Puis, sont arrivés les grands propriétaires et le monde a été structuré en deux parties inégales aux intérêts divergents : d'un côté, les grands propriétaires – il ne s'agit pas ici de ceux qui possèdent leur appartement ou leur jardin —, de l'autre, celles et ceux qui n'avaient à vendre que leur force de travail pour vivre.
Les propriétaires ont installé des machines construites grâce au travail d'ingénieurs et d'ouvriers. Il n'y avait alors pas un grand nombre de règles : tout se jouait à l'appréciation, variable, d'un seuil d'acceptabilité par le maître des lieux et des corps. Peu à peu les ouvrières et les ouvriers des usines se sont organisés pour se défendre ensemble, si bien qu'un grand mouvement de conquête de droits est né. Les salariés se sont organisés et ont revendiqué des horaires de travail, des salaires décents ou la reconnaissance de travaux de sécurité. Ils ont créé des caisses de secours et des caisses de retraite et ont parfois obtenu de certains employeurs qu'ils y contribuent : certains ont apporté leurs réponses aux questions sociales.
Si le droit s'est d'abord construit de façon empirique, par le rapport de force, il fallait, pour qu'il prenne toute sa dimension, qu'il s'inscrive dans la loi pour s'appliquer également à chacune et à chacun. Ainsi sont advenus le droit de s'organiser en syndicat, la loi des 11 heures pour les femmes et les enfants, la journée de 8 heures, le repos hebdomadaire ou encore le droit des femmes à jouir librement de leur salaire. Toutes ces avancées, qui n'étaient pourtant que justice, avaient dû être conquises et arrachées dans la sueur, par le combat et, parfois, l'histoire en témoigne, dans le sang.
Ce mouvement a constitué une relance de la Révolution, arrêtée au milieu du gué, et de la République, qu'il a consolidée au moment où elle était encore fragile, parce qu'il portait en lui les valeurs universalistes de liberté, d'égalité et de fraternité face au pouvoir absolu de l'argent. Ce fut toujours dans l'adversité, face à ceux qui voulaient conserver leur pouvoir dominant, leurs privilèges et leurs marges. Dès qu'un droit était conquis, il s'en trouvait pour expliquer qu'il fallait, déjà, l'entraver, puis le détruire, même si cela devait prendre du temps.
Ce mouvement a, partout, dans le monde, essayé de forcer les portes et les barrages pour faire respecter la dignité humaine de celles et ceux qui vendent leur force de travail. Mais tout cela, nous dit-on, c'est fini, c'était hier, et n'a plus lieu d'être. Nous ne serions plus au temps où on se tue au travail et où des forces d'argent imposent leur loi, nous ne serions plus au temps des inégalités ni des profits indécents. Et vous voulez supprimer les règles pour que tout, ou presque, devienne discutable.
Beaucoup de choses ont changé dans le travail, dans son organisation et dans la société. Le droit social, qui a été conquis, n'y est pas pour rien, car il a fait de notre pays ce qu'il est en permettant les progrès partagés. Mais cette grande contradiction, ce pouvoir dominant des grands propriétaires, cette rentabilisation toujours plus pressante du travail, cette volonté de baisser le prétendu coût du travail, …