Intervention de Isabelle Valentin

Séance en hémicycle du mardi 8 décembre 2020 à 9h00
Questions orales sans débat — Effectifs de psychiatres en zones rurales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Valentin :

La pénurie de psychiatres et la disparité de leur répartition dans les territoires – au détriment des zones rurales – est particulièrement inquiétante. La situation devient de plus en plus critique. Les inégalités entre territoires se creusent et le nombre d'obstacles au recrutement tant de psychiatres que de médecins généralistes s'accroît. De plus, en Haute-Loire comme partout en France, certaines causes viennent aggraver encore le phénomène.

Ainsi la mauvaise répartition des internes, en particulier dans les zones les plus excentrées, illustre le traitement inéquitable de certains territoires. Certaines régions sont professionnellement plus attractives, quand d'autres sont de réels déserts médicaux. En Haute-Loire, les internes en psychiatrie dépendent des CHU – centres hospitaliers universitaires – de Clermont-Ferrand, de Lyon et de Saint-Étienne et ils exercent, pour la plupart, dans les villes.

L'absence de transparence dans l'attribution des postes d'internes et de docteurs juniors, l'inégalité de traitement entre le CHU et les établissements périphériques, de même qu'entre le public et le privé, la non-reconnaissance de l'exercice dans les établissements privés pour le concours de praticien hospitalier, la quasi-impossibilité d'obtenir un détachement du centre hospitalier public vers un établissement privé et l'obligation d'effectuer une année probatoire en établissement public pour les nouveaux praticiens hospitaliers constituent autant de contraintes supplémentaires qui empêchent le processus de recrutement.

Des départements – comme ceux de la Haute-Loire ou de l'Allier – se retrouvent ainsi sans interne, ce qui constitue une profonde injustice pour les patients et les établissements. La pénurie médicale actuelle met en péril la continuité et la sécurité des soins, le développement de futurs projets, voire le maintien de l'activité et la capacité des établissements à répondre aux missions psychiatriques qui leurs sont confiées.

La pénurie, qui s'aggrave au fil du temps, accroît la charge quotidienne de travail de ceux qui restent, la fatigue et le découragement faisant craindre de nouveaux départs. Les psychiatres partant en retraite peinent à se faire remplacer et la majorité des offres d'emploi restent sans réponse. La pyramide des âges concernant les praticiens en poste est une véritable source d'inquiétude.

Pour assurer la continuité des soins, de nombreux établissements font appel à des médecins psychiatres intérimaires. Avec un coût journalier qui s'élève à 606 euros, cela met les établissements – publics et privés – dans des situations financières catastrophiques. En outre, l'implication des intérimaires dans les établissements est limitée : peu ou pas de participation à la vie de l'institution, réticence à assurer les gardes et les astreintes, absence de vision à long terme pour les patients. L'intérim participe au développement d'une médecine psychiatrique à deux vitesses qui ne garantit ni la qualité du suivi des patients ni le caractère adapté des soins. À cet égard, les internes étrangers constituent une vraie richesse qui nécessite toutefois un effort important de formation de plusieurs mois à leur arrivée. Si, souvent, ils ne restent pas dans l'établissement, ils représentent tout de même un véritable appui.

Au cours de la dernière année, dans mon département, de nombreux praticiens ont quitté les établissements pour s'installer en libéral. Ces défections ont été, en grande partie, liées au classement des zones de revitalisation rurale de la Haute-Loire.

Toutes ces contraintes viennent enrayer le bon fonctionnement des établissements spécialisés en psychiatrie, alors qu'ils s'inscrivent dans des dynamiques de changement très positives, avec des modalités de prise en charge plus en phase avec la psychiatrie d'aujourd'hui et plus orientées vers les soins ambulatoires. Cette dynamique ne pourra être maintenue que si elle est soutenue par un corps médical suffisamment nombreux, disponible et motivé.

Nous le savons tous : malheureusement, la crise du covid-19 va fortement accentuer les besoins en psychiatrie. Or de nombreux départements ne seront pas en mesure de gérer l'augmentation des patients ni d'assurer un suivi de soins adapté. Monsieur le secrétaire d'État, quelles mesures comptez-vous mettre en oeuvre pour remédier au manque cruel de médecins psychiatres, au niveau national mais aussi et surtout dans les territoires plus excentrés ou plus ruraux ? Que comptez-vous faire pour assurer le placement d'internes en psychiatrie dans des départements dépourvus d'université, afin d'apporter plus d'égalité dans l'offre de soins sur l'ensemble du territoire ?

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