La protection de l'environnement est certainement le combat de cette génération et de celle qui vient. Et je vous le dis en tant que garde des sceaux, mais aussi en tant que citoyen, la justice doit bien évidemment y prendre toute sa part. Il nous faut progresser substantiellement dans cette matière.
Un rapport conjoint de l'inspection des services judiciaires et du Conseil général de l'environnement et du développement durable – CGEDD – l'année dernière a mis en lumière les difficultés et les insuffisances en ce domaine. Quantitativement, le contentieux environnemental représente seulement 1 % des condamnations pénales, contre 2 % dans les années quatre-vingt-dix. En matière civile, le constat est pire encore, puisqu'il ne représente que 0,5 % des décisions prononcées. En 2017, seules 139 personnes morales ont été condamnées à une amende pour une infraction de nature environnementale. Qualitativement, ensuite, les peines prononcées sont faibles : en 2017, la peine d'amende ferme moyenne était de seulement 27 000 euros.
Ces quelques chiffres témoignent à l'évidence de l'inadaptation de la réponse pénale, qui n'est plus à la hauteur des attentes de nos concitoyens, et nous ne pouvons l'accepter. Face à des enjeux globaux de préservation de l'environnement, la réponse se doit elle aussi d'être globale. Si le texte améliore d'une manière indispensable le cadre procédural, il sera complété par des dispositions de droit pénal matériel qui seront intégrées dans la loi « Convention citoyenne pour le climat », laquelle comportera un titre dédié à la justice environnementale.
Nous proposons ici d'étendre le mécanisme de la convention judiciaire d'intérêt public au domaine de l'environnement afin de favoriser la remise en l'état, sous le contrôle du juge, lorsque des dégradations à l'environnement ont eu lieu. Nous prévoyons aussi la création, dans chaque cour d'appel, d'une juridiction spécialisée dans le domaine de l'environnement. Le travail de la commission des lois a d'ailleurs permis de l'étendre au domaine civil, pour que le même juge puisse connaître des aspects civils et des aspects pénaux de cette matière très spécifique.
Le texte propose aussi, grâce à une nouvelle amélioration de la commission des lois soutenue par vos rapporteurs, de conférer le statut d'officier de police judiciaire – OPJ – aux inspecteurs de l'Office français de la biodiversité – OFB.
Je tiens à remercier l'ensemble des membres de la commission du développement durable, dont le travail a permis, là encore, de perfectionner le texte que nous vous présentons. Par la voix de sa rapporteure pour avis, Souad Zitouni, a notamment été actée la création d'assistants spécialisés en matière d'environnement rattachés aux nouveaux pôles environnementaux qui seront les véritables chevilles ouvrières de la justice environnementale que nous appelons de nos voeux.
Enfin, permettez-moi de saluer le travail de la rapporteure pour observation de la commission des affaires européennes, Liliana Tanguy, qui a permis d'accompagner la mise en place de cette nouvelle institution européenne tant attendue.
Vous l'aurez compris, le texte que nous examinons cet après-midi répond à plusieurs des engagements forts de ce quinquennat : l'engagement pour l'Europe, d'abord, qui fait l'identité même de cette majorité qui, depuis 2017, oeuvre, je le sais, aux côtés du Président de la République à poursuivre cet idéal européen qui porte en lui les réponses aux défis d'aujourd'hui et de demain ; l'engagement écologique, ensuite, né de l'indiscutable urgence d'agir pour préserver notre environnement en mettant en branle toutes nos institutions.
C'est mon rôle en tant que garde des sceaux que d'assurer la pleine mobilisation de la justice pour participer à ce défi majeur. Ce texte en est la première étape indispensable et je suis heureux, très heureux devrais-je dire, d'en débattre avec vous.