Intervention de Liliana Tanguy

Séance en hémicycle du mardi 8 décembre 2020 à 15h00
Parquet européen et justice pénale spécialisée — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLiliana Tanguy :

Je m'exprime aujourd'hui en tant que rapporteure d'observation sur le projet de loi. Mon rapport pour la commission des affaires européennes se consacre au titre Ier, qui adapte le droit national au règlement européen de 2017 portant création du parquet européen. Cette nouvelle autorité est un grand pas pour la coopération judiciaire européenne. Sa compétence porte sur les fraudes aux intérêts financiers de l'Union. Malgré le caractère consensuel de la lutte contre la fraude, certains États membres se sont opposés à la mise en commun des compétences permettant de poursuivre ces infractions ; c'est regrettable, car les intérêts financiers européens sont moins bien poursuivis au niveau national – la fraude aux subventions, en particulier, fait l'objet d'un taux de signalement très faible, y compris en France. L'absence d'unanimité quant au projet de parquet européen n'a pas empêché vingt-deux États membres d'avancer ensemble dans le cadre d'une coopération renforcée.

Le résultat est un organe collégial – avec son collège de vingt-deux procureurs européens – et décentralisé – puisque les procureurs européens délégués exerceront, dans chaque État membre, la conduite concrète des enquêtes et des poursuites. Pour cela, le parquet devra coopérer étroitement avec les autres organes de coopération judiciaire que sont Europol, l'OLAF et surtout Eurojust. Les membres du collège d'Eurojust, en particulier, seront des interlocuteurs privilégiés. L'accord de coopération entre le parquet européen et Eurojust, négocié ces derniers mois, permettra aux deux institutions de traiter ensemble des affaires complexes, pouvant concerner des États qui ne participent pas au parquet européen.

Beaucoup a été dit sur le projet de loi. Mes travaux me permettent de conclure qu'il s'agit d'un texte satisfaisant et équilibré, qui répond aux grands objectifs fixés par le règlement européen. Il crée les procureurs européens délégués en droit français – préalable nécessaire au lancement des travaux du parquet – , et prévoit des garanties d'indépendance à l'égard du ministère public français. Signalons que plusieurs pays, dont l'Allemagne et la Slovaquie, ont d'ores et déjà désigné leurs procureurs européens délégués. Cela doit nous engager à voter le texte, afin de permettre, nous aussi, l'installation du parquet européen : déjà repoussée par la crise actuelle, elle était envisagée pour le mois de novembre 2020 ; la nouvelle échéance qui se dessine est le mois de mars prochain.

Désormais, l'enjeu est de créer les conditions adéquates, en termes budgétaires et humains, pour que le parquet européen commence à exercer sa mission dans les conditions les plus favorables. Au niveau européen, il serait opportun que la France plaide en faveur d'une augmentation de la dotation budgétaire du parquet, afin, notamment, que l'échelon central, à Luxembourg, puisse recruter suffisamment de personnel. Le commissaire à la justice Didier Reynders, que nous avons auditionné hier, est partisan d'une hausse de l'enveloppe budgétaire du parquet, fixée à 37,7 millions d'euros pour l'année 2021. Un bon démarrage est fondamental pour que le parquet européen démontre sa pertinence : mieux il sera doté, lus il sera susceptible de rapatrier les fonds détournés dans le budget européen, ce qui créera un cercle vertueux.

J'en viens à l'élargissement des compétences. Dès le discours qu'il a prononcé à la Sorbonne en 2017, le Président de la République a évoqué la lutte contre le terrorisme comme une compétence possible du parquet européen. Un tel élargissement est souhaitable : l'actualité récente a montré que ce type de criminalité s'attaquait de plus en plus à des valeurs européennes ; c'est donc une réponse européenne qui peut y remédier.

Par ailleurs, comme vient de le souligner M. le ministre, la France et de l'Union européenne font preuve d'un réel volontarisme quant à la protection de l'environnement – en témoignent les orientations politiques fortes prises par le gouvernement français et la Commission dans le cadre du pacte vert pour l'Europe. Le climat, la qualité de l'air ou encore la biodiversité sont des biens communs, que tous les Européens ont intérêt à sauvegarder. La définition d'infractions aux intérêts environnementaux au niveau européen pourrait ainsi s'accompagner d'une compétence européenne en matière de poursuites. Ces extensions possibles des compétences du Parquet européen me semblent pertinentes pour le futur. Face aux crises, j'ai la conviction que la voie européenne est celle de la raison.

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