Intervention de Cécile Untermaier

Séance en hémicycle du mardi 8 décembre 2020 à 15h00
Parquet européen et justice pénale spécialisée — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

S'agissant du titre Ier, la transposition du règlement relatif au Parquet européen n'appelle pas de notre part d'observations au fond. C'est une belle avancée institutionnelle, le résultat d'un travail de nombreuses années, dont le pas décisif est franchi aujourd'hui. On doit rappeler ici le rôle de Christiane Taubira.

L'institution d'un parquet européen, doté d'un statut d'indépendance et intégré à notre système national, pose toutefois plus que jamais la question de la nécessaire indépendance statutaire du parquet français. La seule réponse est de revisiter le statut du parquet et d'imposer que le Conseil supérieur de la magistrature – CSM – propose la nomination des plus hauts magistrats de l'ordre judiciaire, comme cela avait été engagé par la proposition de loi constitutionnelle présentée sous le quinquennat précédent. Dans l'esprit de cette harmonisation, il importe que la France se hisse au niveau des autres États membres. Le rapport de la commission européenne pour l'efficacité de la justice – CEPEJ – , récemment publié, confirme que ce budget, même majoré, ne permet pas un fonctionnement efficient de la justice.

La question de la justice spécialisée, et plus spécifiquement de la justice pénale environnementale, consacrée à l'article 8, a suscité, pour sa part, l'essentiel des amendements, révélant une attente forte sur ce sujet. La mission conjointe des ministères de la justice et de la transition écologique rappelle, à l'appui de ses recommandations, dont seulement une partie est reprise ici, que « notre espèce est en capacité de provoquer sa propre extinction après avoir détruit les grands équilibres de la planète » et qu'il est urgent de nous doter d'un arsenal préventif et pénal efficace pour prévenir et condamner à réparation les atteintes à l'environnement.

Ce texte ne porte pas cette ambition, ni celles de la convention citoyenne pour le climat. Un autre texte devrait s'en charger, nous dit-on. Quoi qu'il en soit, rapprocher justice et environnement est essentiel et en cela, le texte va dans la bonne direction.

La création de juridictions spécialisées composées de magistrats formés à la question environnementale se justifierait par la technicité et la complexité du droit de l'environnement. Elle est en toute hypothèse le résultat d'une activité judiciaire indigente s'agissant des litiges environnementaux. Vous l'avez dit, monsieur le ministre, le contentieux environnemental représente seulement 1 % des condamnations pénales et 0,5 % des actions civiles, des chiffres dérisoires au regard de la protection de l'environnement, qui constitue à juste titre une préoccupation première des citoyens.

S'il y a trop peu de constatations et de contentieux, c'est qu'il y a trop peu d'inspecteurs de l'environnement en capacité de dresser un constat et trop peu de poursuites ordonnées par les procureurs : pour poursuivre, il faut une enquête et un dossier. C'est la loi de l'impuissance et donc de l'impunité.

En matière fiscale, la convention judiciaire d'intérêt public a démontré son efficacité. L'étendre au domaine environnemental, comme ce texte le prévoit, pourquoi pas, à condition de considérer que l'écologie n'est pas la fiscalité et que l'atteinte aux biens n'est pas l'atteinte, souvent irréversible, à l'environnement : un préjudice écologique ne se répare jamais vraiment. Il ne s'agirait pas, par ce dispositif réparateur, de banaliser un tel préjudice. Une telle convention ne peut donc être calquée sur le modèle de la fraude fiscale, et c'est pourquoi nous proposerons des amendements tenant compte de l'enjeu écologique.

C'est ainsi que nous demandons que les associations de protection de l'environnement agréées soient associées en amont de la conclusion de la convention judiciaire, pour éclairer le magistrat. La complexité exige la diversité des analyses et l'inscription dans la loi d'une telle mesure sera de nature à rassurer tous ceux qui oeuvrent à la protection de l'environnement.

Par ailleurs, la convention ne doit pas évacuer le risque réputationnel pour la personne mise en cause. Toute décision de justice doit avoir une force pédagogique et afin de renforcer le caractère dissuasif des sanctions pécuniaires, il importe, dans un souci de transparence, de garantir une publicité de la convention dans la presse. La convention est un outil permettant un traitement plus rapide d'un litige ; elle ne perd pas de son attractivité par ces deux préconisations.

Le rapport ministériel « justice et environnement » dont je viens de parler recommande que les préfets soient évalués sur leurs capacités à protéger l'environnement et à prévenir ses atteintes, au même titre que leurs autres compétences. C'est une belle recommandation, tirée du constat que ce n'est pas le cas actuellement. Rappelons que la loi ASAP, par ailleurs fortement censurée par le Conseil constitutionnel, les invite pourtant à baisser la garde sur ce sujet, en chevauchant des procédures pourtant destinées à prévenir le risque d'atteinte à l'environnement.

Enfin, l'article 12 vient concrétiser la promesse faite par Nicole Belloubet de revenir sur le dispositif de la loi Macron qui n'avait pas pu être mis en place et d'inscrire dans la loi la convention volontaire obligatoire, qui se pratique déjà depuis longtemps. Nous proposons simplement que ce dispositif fasse l'objet d'un texte réglementaire fixant, avec la profession, les règles élémentaires de ce fonctionnement, afin de la protéger des conséquences anti-concurrentielles. Il s'agit là de s'inspirer des conventions volontaires obligatoires consacrées par le code rural et de la pêche maritime.

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