Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du mardi 21 novembre 2017 à 21h30
Renforcement du dialogue social — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous entrons, avec ces ordonnances, dans le domaine central de la vie au travail, de l'équilibre des relations d'entreprise, et in fine du pacte social. Nous vivons dans une société mondialisée, largement tertiarisée. L'affaiblissement du cadre familial et des corps intermédiaires contribue à transposer dans l'entreprise les problèmes individuels. C'est une des raisons pour lesquelles nous devons répondre le plus justement possible aux besoins des hommes, tout faire pour conserver la dignité humaine au travail.

Bien des combats ont été menés contre la précarisation des travailleurs. Bien des auteurs ont souligné l'unicité des choses : dimension matérielle et lutte pour le pouvoir d'achat, bien sûr, mais aussi respect de l'intégrité physique et morale, intégration des travailleurs à l'intelligence de l'acte de production, lutte contre la course à la productivité menée au détriment du bien-être. Dans un marché globalisé, marqué par une concurrence à outrance entre entreprises, entre États et même entre générations, il est indispensable que perdurent des règles du jeu sociales protectrices.

Le texte qui nous est présenté engendre nécessairement de fortes inquiétudes ; il est discutable par bien des aspects.

Limiter au secteur d'activité national l'appréciation du motif économique, c'est permettre aux grands groupes de mettre en place des plans de licenciements, même si ces groupes sont prospères au niveau international.

Fusionner les différentes instances, jusqu'à présent spécialisées dans les domaines économiques, de santé et de sécurité, c'est conduire à des pertes de compétences.

Imposer un plafonnement des indemnités en cas de licenciement abusif, c'est exonérer l'entreprise de l'obligation incombant à tout citoyen d'assumer ses responsabilités, et nier au salarié le droit d'obtenir la réparation intégrale de son préjudice.

Octroyer des accords d'entreprise, éventuellement signés par des salariés ne disposant d'aucun accompagnement syndical, c'est sécuriser l'entreprise au détriment du salarié.

Par ailleurs, nous le savons, le travail de nuit, le travail dominical, le déficit de protection des salariés en télétravail ou le congé de maternité peuvent se transformer en espaces de pression voire de chantage.

Tout cela emporte notre appréciation négative, même si nous prenons acte des efforts accomplis en faveur de l'apprentissage, des indemnités légales de licenciement ou du congé mobilité.

Vous prévoyez des accords de branche. Nous souhaitons que ceux-ci ne ferment pas la porte à la possibilité d'accords régionaux. Le Syndicat des travailleurs corses émet le voeu d'aller vers une meilleure adaptation aux réalités de terrain, aux spécificités d'un tissu économique et social particulier – dans le cas de la Corse, un milieu insulaire avec une écrasante majorité de TPE et des contacts très personnalisés dans l'entreprise. Ce même syndicat souhaite que la collectivité unique de Corse soit consultée à propos des conditions éventuelles d'adaptation des lois, sur le modèle des départements et territoires d'outre-mer.

Si la légitimité du chef d'entreprise ne peut être contestée – il assume en effet la responsabilité générale de l'entreprise tout en étant le garant de son organisation et de son développement – , il est important de regarder la réalité de l'ensemble des relations humaines au travail. À ce titre, nous plaidons pour la prise en compte des sciences humaines dans les écoles de gestion. Face au management à la mode multinationale, dépourvu de tout sentiment, nous préférerions un management de proximité, social et humain, même si nous ne faisons pas d'angélisme : nous n'ignorons pas les difficultés actuelles ni la dureté de la compétition économique internationale.

Pour conclure, nous constatons, non sans désolation, que, dans le monde, les impératifs immédiats de gestion l'emportent de plus en plus sur les droits de la personne. La marchandisation des relations sociales n'est pas notre option politique. Nous nous plaçons dans la lignée de la philosophe Simone Weil, de Jean Auroux, d'Albert de Mun, de tant d'humanistes, tant d'hommes et de femmes différents mais qui ont partagé une certaine vision de la question sociale. Nous affirmons que, quelles que soient les difficultés économiques, on ne saurait occulter la légitimité du fait syndical, la priorité à l'amélioration des conditions de travail, la participation des travailleurs, ni la responsabilité sociale de l'entreprise. Travailler plus pour gagner plus, cela peut certes couvrir une partie des réalités sociales. Nous préférerons, pour notre part, travailler mieux et vivre mieux.

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