J'ai relevé, dans le texte des ordonnances, des points positifs, comme la limitation des cas de remise en cause des accords pour vice de forme, la possibilité sous conditions, dans quelques domaines, de négocier sans syndicat dans les entreprises de onze à cinquante salariés, ou encore la fusion des instances représentatives du personnel, sous condition de rationalisation – à préciser dans les décrets.
Cependant nous pouvions quand même légitimement nous attendre à beaucoup plus d'audace, notamment au vu des promesses du candidat Macron, qui nous laissaient entrevoir une véritable libération du travail. J'aurais donc préféré un fonctionnement de l'entreprise régi par le contrat de travail, c'est-à-dire au niveau de l'entreprise, plutôt que d'assister à un renforcement des branches. Car c'est bien de cela dont il s'agit : nous passons en réalité de la loi à la branche mais nous n'arrivons pas totalement jusqu'à l'entreprise – le bloc 3 faisant exception.
J'avoue être véritablement resté sur ma faim : alors que le Président de la République voulait briser des tabous et prétendait vouloir du pragmatisme pour les entreprises, notamment les petites, le Gouvernement et sa majorité font la part belle aux entreprises de plus de 300 salariés et aux syndicats, en ouvrant implicitement la possibilité de représentation syndicale dans les petites entreprises, à partir de onze salariés.
Pour aller plus loin, à la suite du discours volontaire d'Emmanuel Macron, je pouvais aussi m'attendre à ce que le Gouvernement confère plus de facilités de licenciement aux entreprises, au-delà de l'unique critère de l'appréciation des difficultés économiques au niveau national. L'augmentation de 25 % des indemnités légales de licenciement alourdira au contraire les charges des petites entreprises, tandis que les indemnités seront plafonnées à un niveau sensiblement supérieur à celui pratiqué aujourd'hui dans les tribunaux.
Libérer et protéger nos entrepreneurs en leur assurant la liberté de gérer et d'organiser leurs entreprises avec leurs salariés, voilà ce à quoi je m'attendais, ce à quoi tous les chefs d'entreprise s'attendaient. Car, c'est bien là tout le paradoxe, il est plus facile de retrouver un véritable plein-emploi quand l'entreprise jouit de plus de liberté. Ce n'est pas en surprotégeant l'emploi que les salariés retrouveront du travail et que le chômage se résorbera. Certains pays européens voisins – notamment l'Allemagne, pour ne pas la citer – l'ont compris en adoptant des mesures bien plus audacieuses, qui leur permettent aujourd'hui de se trouver dans une situation économique bien plus positive.