Intervention de Ugo Bernalicis

Séance en hémicycle du mercredi 9 décembre 2020 à 15h00
Parquet européen et justice pénale spécialisée — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Je suis anti-Union européenne et anti-construction européenne telles qu'elles existent aujourd'hui. Cela, je l'assume à 800 % et même au-delà si vous voulez. En revanche, je suis bien sûr favorable à une coopération européenne, entre les peuples, notamment en matière de justice et de police, sous réserve que cette souveraineté soit admise par tout le monde, et que la légitimité, y compris démocratique, de ce pouvoir soit réelle.

Je rappelle que le parquet européen décidera lui-même de sa propre politique pénale – j'insiste sur ce point – et que les procureurs délégués seront en position de détachement, selon le même modèle qu'à Monaco. Cela signifie que des tentatives de déstabilisation d'un magistrat, comme nous en avons connu, seront possibles. Je ne suis pas sûr que cela se produise, et je ne l'espère pas, mais la possibilité existera.

Je vous signale par ailleurs que la chambre qui définit la politique pénale au niveau européen – il existe un deuxième collège chargé du suivi concret des affaires – peut, de son propre chef, décider de dessaisir un procureur délégué européen d'un dossier pour confier celui-ci à un autre, et ce sans rendre de compte à une quelconque instance politique démocratiquement élue. Ce n'est donc pas seulement le caractère européen du parquet qui pose problème mais le modèle que l'on nous propose en affirmant qu'il garantira une indépendance de façon pure et parfaite. Or ce n'est pas le cas, pour les raisons que je viens de donner et que je tenais à répéter afin que ce soit bien clair dans l'esprit de chacun.

J'espère bien que demain, une fois que nous serons arrivés au pouvoir, la coopération judiciaire au niveau européen sera renforcée afin de lutter entre autres contre la criminalité organisée. Or, à vous entendre parler du texte, on a l'impression que rien n'est prévu aujourd'hui en la matière et que lorsqu'un voyou passe la frontière, c'est terminé, on met la clé sous la porte. Heureusement que cela ne se passe pas comme ça aujourd'hui et que l'on poursuit les individus à travers l'Europe et à travers le monde ! J'ai évoqué plusieurs filières, dans le domaine de la délinquance économique et financière, qui dépassent largement les frontières de l'Europe et qui requièrent des moyens d'enquête assez spécifiques.

Pour le reste du texte, comme je vous l'ai dit, je suis défavorable à la nouvelle proposition d'extension de l'utilisation de la visioconférence et au fait que l'on saupoudre des éléments de justice environnementale, pour lesquels on nous invente des juridictions spécialisées alors qu'il en existe déjà deux, qui sont sous-dotées et réclament des moyens supplémentaires – je pense notamment aux JULIS, les juridictions spécialisées du littoral. Il nous faudrait aussi davantage d'enquêteurs spécialisés plutôt que davantage de magistrats spécialisés. Mais avec ce projet de loi, vous suivez une piste pas inintéressante qui consiste à donner des prérogatives judiciaires à des agents qui n'avaient jusqu'à présent que des prérogatives administratives.

J'ai l'impression que, dans cette affaire, l'objet juridique non identifié n'est pas seulement le parquet mais le texte dans son intégralité. En effet, on y parsème des morceaux de ceci et de cela, tout en appelant à nous revoir ultérieurement à l'occasion d'un autre texte dans lequel il y aura d'autres morceaux de ceci et de cela.

Je redis au nom de mon groupe que je désapprouve ce texte, à la fois sur la forme et sur le fond. Avec ce projet de loi sur le parquet européen, nous passons à côté d'une nécessaire réforme du fonctionnement de la justice française, notamment d'une réforme du parquet visant au moins – même si j'ai des propositions qui vont beaucoup plus loin – à aligner les règles de nomination des magistrats du parquet sur celles du siège.

Qu'on ne vienne pas m'expliquer que c'est la faute d'Alexandre Benalla si une telle réforme n'est pas proposée – cela n'a rien à voir. S'il existait une réelle volonté politique dans ce sens, un texte de dimension constitutionnelle ayant pour objet unique la justice verrait le jour. Or ce n'est pas prévu à l'agenda. Monsieur le ministre, je ne vous ai pas entendu évoquer la présentation d'un tel projet de loi constitutionnelle. C'est bien dommage car je pensais que c'était dans cette perspective que vous aviez été nommé.

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