Nous examinons ce matin le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et les gouvernements des États membres de l'Union monétaire ouest-africaine. Cet accord, conclu le 21 décembre 2019 entre le Président de la République et le président de l'UMOA, est une réforme monétaire majeure. Soixante-quinze ans après la création du franc CFA, et compte tenu de l'histoire qui lie la France et les pays de l'UMOA, le sujet revêt une importance particulière.
À l'exception de la Guinée-Bissau, les pays membres de l'UMOA, que sont le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo, furent des colonies françaises. Ces pays ont aujourd'hui encore le français comme langue officielle ; ils utilisent le franc de la communauté financière africaine et leur système monétaire trouve ses origines dans la coopération monétaire instaurée lors de la colonisation, bien qu'il ait très largement évolué au fil des années.
Aujourd'hui, le rôle de la France n'est plus prépondérant dans la gouvernance de la zone franc et notre pays ne participe plus à l'élaboration et à l'application des politiques communes. Il subsiste néanmoins des règles et une présence françaises, sources de préjugés coloniaux persistants, qu'il convient de lever.
C'est bien une nouvelle étape dans les relations entre notre pays et ceux de l'Afrique de l'Ouest qui va s'ouvrir et l'accord qui nous est proposé change pour commencer la dénomination de la monnaie : le franc CFA s'intitulera désormais l'eco.
Deuxièmement, la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest n'aura plus pour obligation de déposer la moitié de ses réserves de change auprès de la Banque de France et sera donc désormais souveraine pour placer ses avoirs dans les actifs de son choix.
Enfin, troisième changement, la France se retirera des instances de gouvernance de l'Union économique et monétaire ouest-africaine, où elle était encore représentée jusqu'à présent.
Ces trois modifications sont d'importance. Ce sont bien l'indépendance et la liberté financières de l'UMOA qui sont aujourd'hui affirmées. Mais notre pays ne se désintéressera pas pour autant de l'avenir de cette organisation et la France conservera un rôle de garant financier pour ses huit pays membres, continuant ainsi à leur apporter un soutien.
Quant à la valeur de l'eco, elle demeurera indexée sur le cours de l'euro, de manière à éviter toute spéculation sur la monnaie ou encore une fuite des capitaux. L'eco sera donc lui aussi protégé, ce qui constitue un gage de confiance pour les citoyens et les investisseurs, ainsi qu'un gage d'efficacité pour les engagements commerciaux. Cela permettra d'avoir une zone de croissance avec une inflation maîtrisée.
Je suis persuadé que la parité avec l'euro est un élément capital qu'il fallait préserver. Il suffit d'observer les ravages qu'ont provoqués l'hyperinflation ou un effondrement monétaire dans un certain nombre de pays au cours de leur histoire, même récente.
Aussi, mes chers collègues, même s'il reste encore de nombreux obstacles à franchir, cette réforme que nous engageons est une étape préalable dans la réalisation du projet de monnaie unique pour l'ensemble de la CEDEAO. Le groupe Les Républicains soutient l'accord proposé et votera donc en faveur du projet de loi.
Mais au-delà des aspects technique et financier qui nous sont présentés, il nous semble important d'insister sur le fait qu'une union monétaire seule ne peut réussir et fonctionner durablement sans qu'une certaine convergence des économies soit opérée et, partant, sans qu'une intégration, ou du moins une coopération politique renforcée, soit réalisée entre ses États membres.
Plus encore, ne négligeons ni les modalités pratiques ni les aspects psychologiques qu'implique ce changement de monnaie, de pièces et de billets pour les populations. Son appropriation par les citoyens, la société civile, l'opinion publique des pays concernés revêt une importance capitale. Il convient donc que les parlements nationaux, le comité interparlementaire de l'UEMOA, les intellectuels et toutes les instances démocratiques s'en saisissent, afin que cette question sorte du seul cercle restreint des chefs d'État et de gouvernement.