Derrière ce modeste projet de loi ne contenant lors de son dépôt qu'un article unique se cache une modification d'ampleur, qui vise à substituer un code de près de 280 articles à l'emblématique ordonnance de 1945 sur l'enfance délinquante. Au-delà du volet judiciaire, l'ordonnance de 1945 incarne un choix de société. L'enfance y est pensée comme le temps de la construction, un temps non pas où l'on pardonne tout, mais où l'on considère que tout ou presque est réparable, surmontable. Cette ordonnance relève donc d'un principe politique fort, qui consiste à placer sa confiance dans chaque enfant, mais aussi dans chaque institution, et à investir de ce principe la société tout entière, pour comprendre et accompagner. Cela nous engage toutes et tous dans un pari sur l'avenir.
C'est une des raisons qui ont fondé notre opposition au choix fait par Nicole Belloubet, alors garde des sceaux, de réformer la justice des mineurs par ordonnance, au détour d'un amendement gouvernemental présenté en séance. Nous n'étions pas les seuls, mes chers collègues, à nous élever contre ce choix. Notre opinion n'a pas changé depuis ce mois de novembre 2018. Vous nous dites, monsieur le garde des sceaux, qu'il est habituel d'écarter le Parlement pour une entreprise de codification. Cela peut s'entendre pour une codification à droit constant, mais ce n'est pas le cas ici. Dans le rapport qu'elle a remis au Président de la République pour soumettre l'ordonnance à son approbation, Mme Belloubet fait d'ailleurs cet aveu : « Si les entreprises de codification se réalisent habituellement à droit constant, le Gouvernement a fait le choix de modifier en profondeur la procédure pénale applicable aux mineurs. » C'est donc bien en profondeur que vous avez choisi de modifier cette matière si délicate.
Pourtant, les innovations juridiques introduites dans la procédure pénale applicable aux enfants auraient, à elles seules, justifié un vrai débat devant le Parlement. Nous connaissons le mépris de l'actuel gouvernement pour le pouvoir législatif mais, ne vous en déplaise, c'est bien au Parlement qu'il revient de légiférer. Si certains ici s'amusent à m'expliquer que c'est ce que nous faisons aujourd'hui, je leur réponds par avance que le spectacle est effectivement beau et bien rodé mais que d'habitude, les acteurs n'applaudissent pas leurs propres oeuvres.