Nous sommes évidemment d'accord sur les grands principes, et nous le serions d'autant plus s'ils étaient déclinés et affirmés dans ce code article après article, ce qui n'est pas le cas de l'avis du défenseur des droits, que je ne suis pas le seul à partager.
La nouvelle défenseure des droits, dans l'avis qu'elle a rendu il y a quelques jours, écrit : « En définitive, le régime s'agissant des mineurs tend à s'aligner sur celui des majeurs, ce que la défenseure des droits ne peut que regretter. » Bien évidemment, je ne reprendrai pas tous les arguments qu'ils ont développés : je vous renvoie à la saine lecture des avis en question, puisqu'ils sont disponibles pour qui veut les lire.
Nous aurions pu profiter de l'examen de ce texte pour mettre en circulation de nouveaux mots. Plutôt que d'évoquer « l'enfance délinquante », nous pourrions parler d'« enfants en conflit avec la loi », comme le font certains pays, ce qui revient à affirmer la primauté de l'éducatif sur le répressif. Quand on considère le mineur comme un délinquant, on a plutôt envie d'apporter une réponse pénale.
Le code est beaucoup trop long pour que j'égrène tous les sujets : il me faudrait au moins une heure et demie. J'aborderai seulement un élément qui me semble central et fondamental : le temps, donnée essentielle, dans la vie bien sûr, mais en particulier dans la justice des enfants.
Vous avez introduit le principe de la césure. La plupart des gens, pour ne pas dire la quasi-totalité des professionnels, sont d'accord avec ce principe. Mais vous avez eu la mauvaise idée de l'enserrer dans des délais tellement contraints – au moins dix jours et au maximum trois mois – qu'on se demande pourquoi instaurer cette césure, et pourquoi fonctionner de la sorte. C'est d'ailleurs assez étrange, puisque ces mêmes délais sont, dans le droit actuel, ceux de la comparution à délai rapproché, c'est-à-dire l'équivalent de la comparution immédiate pour les mineurs, que tous les professionnels pointent comme étant très éloignée de l'idéal de justice.
C'est donc ce modèle que vous prenez pour les délais de la césure. Aujourd'hui, en cas de mise en examen, il n'y a certes pas de délai de trois mois mais on peut instaurer des mesures éducatives présentencielles qui permettent, non de perdre du temps, puisque les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse interviennent dès ce moment-là, mais de travailler sur les faits, et sur la reconnaissance des faits. Puis arrive l'audience, fixée au bon moment, et non absolument à trois mois, de sorte que l'enfant ait pu faire un travail sur ce qui s'est passé et comprendre pourquoi il est là aujourd'hui, ce qui est également intéressant pour la victime – car, pour elle aussi, le délai de trois mois est expéditif ! Bref, vous croyez que votre audience de culpabilité en trois mois est un gain de temps. Mais il ne suffit pas que le juge dise que l'enfant est coupable pour que le mineur ait fait un travail sur lui-même, sur sa propre culpabilité ! C'est à cela que sert cette période. Vous, trois mois après l'audience de culpabilité, vous proposez de discuter de la peine.