Le texte qui nous est soumis aujourd'hui a le mérite de codifier, donc de simplifier pour tous la lecture de ce qu'est la justice pénale des mineurs : pour les professionnels, pour l'ensemble des acteurs, mais également pour l'ensemble des Français. L'objectif est louable, mais soyons totalement honnête : il manque d'ambition, il manque de clairvoyance, d'adaptation à ce qu'est notre société en 2020.
L'ordonnance de 1945 n'est pas la première prise en compte de la délinquance des mineurs et de la spécificité que nécessite son traitement. Tout a débuté ici, le 22 juillet 1912, par l'adoption d'une loi créant pour la première fois en France des juridictions spécifiques : les tribunaux pour enfants et adolescents. Distinguant déjà les mineurs de 13 ans, irresponsables pénalement mais justiciables des juridictions civiles en chambre du conseil, et les mineurs âgés de 13 ans et plus, responsables pénalement et susceptibles d'encourir des peines diminuées de moitié par rapport aux majeurs, ce texte crée la première mesure éducative et la liberté surveillée. Même si sa portée demeurera limitée avec le maintien des colonies pénitentiaires et correctionnelles, faisons preuve d'humilité et admettons que le texte de ce jour n'est pas un bouleversement absolu en la matière, sa colonne vertébrale présentant de grandes similitudes.
En 1935, l'approche évolue quelque peu avec trois décrets-lois modifiant le droit applicable aux mineurs délinquants, victimes et en danger. Il était dit de ce texte qu'il substituait à l'enfermement, qui dépendait de la volonté du père, le placement éducatif, dont la durée dépendait de la volonté du juge, prévoyant également que lorsque la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation seraient gravement compromises ou insuffisamment sauvegardées par le fait des pères et mères, une mesure de surveillance ou d'assistance éducative pouvait être prise par le président du tribunal.
L'ordonnance du 2 février 1985 viendra remplacer une loi de 1942 instituant le juge des enfants et le régime spécial applicable aux mineurs, l'objectif étant de prendre en compte et de protéger les mineurs livrés à eux-mêmes.
Aujourd'hui, en codifiant l'ordonnance de 1945, nous nous plaçons dans cette continuité : protéger, traiter de manière spécifique, avec des juges spécialisés, sont des principes qui demeurent dans ce texte. Il est vrai que la volonté affichée n'était pas de réformer la justice des mineurs mais de permettre de répondre à leur délinquance de manière plus adaptée et plus rapide.
Force est de constater que la justice des mineurs souffre de nombre de critiques : trop lente, inadaptée, parfois totalement engorgée. Nos concitoyens ne la comprennent plus, les mineurs encore moins, qui trop souvent ne la craignent ni ne la respectent. La dualité à laquelle elle est confrontée, entre volonté d'éduquer et nécessité de réprimer les faits délictueux, ajoutée au manque de moyens et à la recrudescence des crimes et délits, ont fait que cette justice est devenue au fil du temps totalement inaudible, souffrant d'un manque total de crédibilité, tant pour les défenseurs du tout-éducatif que pour ceux du tout-répressif.
Une société qui a plus d'auteurs réitérants que récidivants a une justice en échec, et cet échec, nous ne pouvons que le constater.