Monsieur le Premier ministre, arrière-petit-fils d'Africain réduit en esclavage, je partage avec tous les humanistes de notre planète l'émotion suscitée par les images d'êtres humains vendus aux enchères en Libye. Pourtant, de nombreuses organisations non gouvernementales – ONG – ont alerté la communauté internationale depuis longtemps. Et que dire du rapport accablant de l'Organisation internationale pour les migrations d'avril 2017 ?
L'Afrique a enrichi l'Europe. Qu'a-t-elle eu en retour ? Rien ! Malgré la résolution des Nations unies votée il y a quarante-sept ans, la main sur le coeur, aucun pays développé n'accorde 0,7 % de son produit intérieur brut – PIB – à l'aide au développement. La loi de finances votée hier n'échappe pas à ce désengagement. Les damnés de la terre sont pris en étau entre leur terre qui ne leur offre que l'enfer et ce mur de mer cimetière qui les sépare d'un avenir qui, de toute façon, ne saurait être pire en Europe.
En Libye, pays chargé de la gestion des frontières sud-européennes, des mafias négrières, légitimées de fait par l'Europe, prospèrent sur la misère humaine. L'émotion et l'indignation n'ont d'intérêt que si elles permettent des actions fortes, et pas seulement de « karcheriser » sa propre conscience. Cette tragédie doit nous questionner sur les effets collatéraux de l'intervention française en Libye et sur la diplomatie française en Afrique.
À l'approche de la journée internationale pour l'abolition de l'esclavage, la France s'honorerait à se doter d'un budget pour l'aide au développement digne de son rang et de son image, et à améliorer sensiblement les conditions d'accueil et de traitement de ceux qui, au péril de leur vie, arrivent au pays des droits de l'homme. Vous dites ne pas vouloir accueillir toute la misère du monde, mais que faire de celle que l'on a soi-même provoquée ?