La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
La parole est à Mme Maud Petit, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.
Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux. Le 16 octobre, Mme la secrétaire d'État Marlène Schiappa a annoncé l'examen d'un projet de loi destiné à combattre les violences sexistes et sexuelles. Le texte devrait notamment allonger la prescription des crimes sexuels sur mineur et créer une présomption de non-consentement pour les enfants.
Nous pourrions profiter de ce formidable élan pour finaliser un autre pan de la protection des enfants face à la violence : les violences éducatives ordinaires, dites VEO, communément nommées « droit de correction ». Ces modes d'éducation usant de tapes, fessées, gifles ou autres propos dépréciatifs, pratiqués par certains parents et tolérés par la société sous couvert d'un « Cela n'a jamais fait de mal à personne », ont, nous le savons maintenant, maints effets négatifs sur le développement de l'enfant. Une claque, une fessée, si légère puisse-t-elle paraître, n'est jamais anodine. En compromettant sa confiance en lui, elles ont des conséquences durables sur l'adulte qu'il deviendra.
Cinquante-deux pays, dont vingt-deux de l'Union européenne, ont voté, sous des formes diverses, des lois d'interdiction des punitions corporelles envers les enfants. En France, cependant, il est encore possible d'avoir recours à des pratiques faisant appel à de la violence physique ou mentale, sans aucune conséquence judiciaire pour les auteurs puisqu'un droit de correction jurisprudentiel, remontant à 1819, sans aucun fondement légal, la banalise. Ces agissements sont acceptés parce qu'« infligés pour le bien de l'enfant ».
Nos enfants ne sont donc pas assez protégés par la loi en ce domaine ; ils sont pourtant les plus vulnérables. Une éducation sans coup, sans mot blessant, sans chantage est possible et ne signifie aucunement l'avènement de l'enfant roi. Il est de notre devoir de protéger nos enfants. Une législation condamnant les VEO permettrait une prise de conscience importante qu'un autre chemin d'éducation est possible. Elle pose la question, au-delà de la loi, d'un vaste changement des mentalités.
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur quelques bancs du groupe REM.
Madame la députée, le Gouvernement est particulièrement sensible à la problématique de la maltraitance sur les enfants, problématique qui a d'ailleurs été soulevée par le Défenseur des droits dans le rapport qu'il a remis lundi dernier au Président de la République. On ne peut en effet qu'être opposé à ce qu'un enfant soit soumis à des traitements dégradants. L'éducation ne peut reposer sur un droit de correction.
Notre droit prohibe d'ailleurs de longue date les violences sur les enfants, qui sont d'autant plus sévèrement punies qu'elles sont commises par les parents ou par une personne ayant autorité sur l'enfant. Ces violences peuvent être poursuivies et les sanctions pénales sont même aggravées lorsqu'elles sont commises sur des mineurs de moins de quinze ans.
En outre, l'existence de ces violences peut également être de nature à caractériser une situation de danger pour le mineur, au sens de l'article 375 du code civil, et à permettre de saisir le juge des enfants. Celui-ci pourra ainsi ordonner des mesures d'assistance éducative destinées à accompagner les parents dans leur démarche d'action éducative sans recourir à la violence.
La loi relative à l'égalité et à la citoyenneté avait symboliquement complété l'article 371-1 du code civil relatif à l'autorité parentale pour prohiber tout traitement cruel, dégradant ou humiliant, y compris tout recours aux violences corporelles. Cette règle civile, dénuée de portée pénale, avait vocation à être lue aux couples au moment de leur mariage. Le Conseil constitutionnel l'a certes censurée mais uniquement pour des raisons de forme.
Une telle disposition aurait sans doute le mérite de responsabiliser les futurs parents, sans se montrer censeur rigoriste des attitudes parfois inadaptées de la vie quotidienne. Ce sujet pourrait pleinement faire l'objet d'une réflexion parlementaire : nous pourrions ensemble nous engager en ce sens.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
Monsieur le Premier ministre, votre pouvoir nous a déjà gratifiés d'un grand nombre de curiosités en matière institutionnelle : un groupe majoritaire qui bâillonne ses députés,
Vives protestations sur les bancs du groupe REM – Applaudissements sur les bancs du groupe LR
leur interdisant de cosigner un amendement ou une proposition de loi émanant d'un autre groupe parlementaire ; un Président de la République qui, au mépris de la tradition républicaine, promulgue les lois devant les caméras de télévision, hors de votre présence, monsieur le Premier ministre, alors que c'est vous qui êtes responsable devant l'Assemblée ; vous-même, monsieur le Premier ministre, qui n'êtes pas vraiment le chef de la majorité, contrairement à vos prédécesseurs –
Protestations et huées sur les bancs du groupe REM
Applaudissements sur les bancs du groupe LR
un Président de la République qui veut charcuter nos circonscriptions électorales et mettre en place une dose de proportionnelle ; un Président de la République qui désigne, dans un simulacre de démocratie, M. Castaner chef de son parti politique
Exclamations sur les bancs du groupe REM – Applaudissements sur les bancs du groupe LR
et s'apprête, si j'ai bien compris, à le maintenir ministre en charge des relations avec le Parlement.
Cette décision, si elle était confirmée, monsieur le Premier ministre, constituerait un conflit d'intérêts caractérisé.
Ce serait une caporalisation des députés, une mise en coupe réglée de l'Assemblée nationale, avec un seul objectif : affaiblir le Parlement, …
… transformer l'Assemblée nationale en une chambre d'enregistrement et imposer un pouvoir personnel.
Protestations sur les bancs du groupe REM.
Sincèrement et en conscience, monsieur le Premier ministre, pensez-vous que cette décision serait conforme à l'esprit de nos institutions et à l'idée que l'on doit se faire de la séparation des pouvoirs dans une grande démocratie comme la France ? Je vous remercie de me répondre avec sincérité.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le président Jacob, puisque vous m'invitez à la sincérité sur un ton mesuré,
Rires et applaudissements sur les bancs du groupe REM
je vous répondrai sur le même ton avec la même sincérité.
C'est l'article 8 de la Constitution de la Ve République, que vous et moi respectons, monsieur le président Jacob, et considérons comme un point de stabilité pour notre pays, qui prévoit, comme vous le savez – je ne vous ferai pas l'injure de le citer devant vous – que le Président de la République nomme les ministres et met fin à leurs fonctions sur proposition…
… du Premier ministre, je vous le confirme, monsieur le président Jacob.
Rires sur les bancs du groupe REM.
Je suis, comme vous, attaché à la Constitution et je la respecte, comme vous, je l'espère, à la lettre.
Vous indiquez, après avoir porté sur l'action du Gouvernement un certain nombre de considérations qui vous appartiennent, et ayant choisi de consacrer votre temps de parole à des sujets qui sont véritablement de fond pour les Français…
Rires et applaudissements sur les bancs du groupe REM
Je réponds au président Jacob avec la sincérité à laquelle il m'a appelé, et il s'agace !
Mêmes mouvements.
Vous faites preuve d'une grande émotion à propos d'une décision qui n'a pas été prise, monsieur le président Jacob. Permettez-moi de vous dire rapidement qu'en 2006, …
… vous étiez un membre important et respecté d'un Gouvernement, sous l'autorité du Président de la République Jacques Chirac, dont le ministre de l'intérieur présidait un parti politique.
J'ai tendance à penser, monsieur le président Jacob, sans faire injure à M. Castaner, qu'un ministre de l'intérieur a plus de prise sur l'organisation des affaires publiques, sur le débat public ou sur les libertés publiques qu'un secrétaire d'État en charge des relations avec le Parlement.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Peut-être ma mémoire me fait-elle défaut, mais je ne me souviens pas, et vous non plus d'ailleurs, monsieur Jacob, que vous ayez manifesté à l'époque une opposition frontale à cette convergence.
Je ne vous ai pas interrompu, monsieur le président, alors laissez-moi ajouter un mot.
Je crois, monsieur le président, que l'article 8 de la Constitution permet au chef du Gouvernement de faire des propositions au Président de la République en se fondant sur ce qu'il croit utile. Et dans les propositions que j'ai à formuler au Président de la République, la seule contrainte que je m'impose n'est pas de savoir si tel ou tel est membre de telle ou telle formation politique ou si, à l'issue de tel ou tel parcours politique, l'usage veut ou non qu'on devienne ministre. La seule considération qui vaille à mes yeux, c'est de savoir si la personne que je propose pour occuper un poste au sein du Gouvernement accomplira sa mission conformément à ce que je crois être le rôle d'un gouvernement.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Ce sera, monsieur le président, la seule considération qui sera la mienne, comme, je pense, cela aurait été ou sera peut-être un jour la vôtre.
J'insiste là-dessus, monsieur le président Jacob. Je sais, indépendamment de la forme que peut prendre cet échange, que vous êtes autant que moi attaché à la Ve République, …
… mais en voulant limiter le pouvoir de nomination du Président de la République ou le pouvoir de proposition du Premier ministre, je pense que vous ne lui rendez pas un service signalé.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM. – Protestations sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. Florian Bachelier, pour le groupe La République en marche.
Monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, les récentes révélations sur la compromission de données stockées par Uber doivent nous alerter, une fois encore, sur l'importance de la bataille de la sécurité numérique.
Les États, les parlements, toutes nos entreprises, les systèmes de soins, les transports, les systèmes de défense, les circuits énergétiques, nos données personnelles, avec l'explosion de l'internet des objets, tous nos réseaux sont susceptibles d'être compromis. En d'autres termes, il est aujourd'hui devenu possible de mettre à genoux n'importe quelle puissance, étatique ou privée, si l'on maîtrise la donnée.
Parallèlement, les attaques auxquelles nous faisons face sont de plus en plus nombreuses et sophistiquées, et 99 % d'entre elles sont transfrontalières. Les cyberattaques se combinent avec des moyens cinétiques conventionnels pour mener des opérations hybrides, comme en Ukraine. C'est donc dans un paysage fragmenté, en évolution de plus en plus rapide, que la France doit trouver la voie de sa souveraineté.
Le Président de la République a tracé cette voie lors du sommet de Tallinn en septembre dernier. C'est en renouant avec le fondement même du projet politique européen, la coopération entre États, que la France pourra remporter la bataille de la sécurité numérique avec nos partenaires, l'Allemagne et l'Estonie au premier plan. C'est au niveau de l'Europe que nous relèverons le défi. Des avancées notables sont en cours au travers du règlement de protection des données personnelles, de la directive Network and Information Security, NIS, ou des discussions autour de la taxation des GAFA.
L'enjeu n'est nul autre que celui de la souveraineté française dans le siècle qui commence. Cela ne peut appeler nos clivages habituels. Nous avons collectivement perdu la bataille d'internet il y a dix ans ; nous ne pouvons pas perdre celle de la donnée aujourd'hui.
Pouvez-vous donc, monsieur le Premier ministre, confirmer à la représentation nationale l'engagement total du Gouvernement dans ce combat essentiel ?
Vous l'avez rappelé, monsieur le député, on vient d'apprendre que 57 millions de comptes Uber avaient été piratés. L'année dernière, 145 millions de comptes Equifax l'avaient également été, comme trois milliards de comptes Yahoo deux ans auparavant. Derrière ces chiffres, il y a des citoyens, des consommateurs, des salariés, des travailleurs indépendants, des TPE, des PME. La sécurité numérique est devenue un enjeu de société majeur.
Aujourd'hui, personne n'est à l'abri de ces attaques, pas même nous, pas même vous. Il s'agit de savoir quel cadre réglementaire élaborer et quelles actions mener.
S'agissant d'abord de la réglementation, vous avez rappelé le volet européen, avec une actualité pour le Parlement puisqu'un projet de transposition de la directive NIS, vous sera soumis au début de 2018, qui prévoit de renforcer les obligations des opérateurs d'intérêt vital.
Le texte le plus essentiel en la matière est le règlement général pour la protection des données, en vigueur à partir de mai 2018. Le projet vous sera présenté dans les prochaines semaines – avec Mme Belloubet, nous travaillons activement pour vous proposer ce texte le plus rapidement possible. Ce règlement va placer la protection de ces données au coeur de toutes les entreprises.
Ces deux textes prévoient aussi l'obligation de notification, aux autorités mais aussi aux clients eux-mêmes, ce qui permettra d'éviter qu'on découvre, comme dans le cas que vous venez de décrire, qu'il y a eu des fuites un après qu'elles se sont produites.
S'agissant du quotidien de nos entreprises et de nos concitoyens, il y a le volet de la sensibilisation, de la formation et de l'accompagnement. Tout cela est discuté au niveau national et au niveau européen mais aussi au niveau international et avec les acteurs privés. Nous sommes en train de réinventer le contexte.
Je voudrais conclure cette intervention en vous indiquant une adresse : cybermalveillance. gouv. fr. C'est celle du site internet mis en place par l'État avec des partenaires privés, à destination de toutes les TPE et PME qui cherchent les moyens de se sortir du piratage.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
La parole est à Mme Sophie Auconie, pour le groupe Les Constructifs : républicains, UDI, indépendants.
Monsieur le Premier ministre, alors que se déroule le Congrès des maires de France, beaucoup d'élus redoutent une perte d'autonomie financière et une politique de l'État qui reviendrait sur la décentralisation. Cette crainte, nous l'avons entendue à plusieurs reprises dans l'hémicycle, hier, je n'y reviens pas. Je voudrais aborder avec vous deux points « constructifs ».
Vous avez annoncé que 362 millions d'euros seront attribués chaque année, pendant cinq ans, pour la politique du patrimoine bâti afin de restaurer et de valoriser ce dernier dans le cadre de la stratégie pluriannuelle en faveur du patrimoine. Vous avez également annoncé des modes de financement innovants tel que le prélèvement sur les recettes des jeux de hasard dont les fonds, gérés par la Fondation du patrimoine, seront consacrés à la préservation de nos monuments, ce qui nous semble une idée intéressante.
Par ailleurs, il est prévu de créer en 2018 un fonds public incitatif doté de 15 millions d'euros pour aider les communes de moins de 2 000 habitants à sauvegarder leur patrimoine protégé et faire en sorte que les collectivités locales, comme les régions, s'engagent aux côtés de l'État.
Nous avons des idées, monsieur le Premier ministre, sur le fonctionnement de ces fonds. Donnez ainsi aux parlementaires les moyens d'intervenir dans les territoires en les associant à l'attribution des différents fonds – dont celui-ci – mais aussi, pourquoi pas, de la dotation d'équipement des territoires ruraux, la DETR !
Par ailleurs, suite aux recommandations du plan national proposé par notre ami et ancien collègue Yves Dauge, qui a également été maire de Chinon et sénateur, vous avez annoncé un plan pour la restauration et la revitalisation sociale et économique des petites et moyennes cités historiques de 4 000 à 50 000 habitants.
Après l'opération pilote qui aura été lancée en 2018 sur les centres anciens de dix-sept villes, quel calendrier souhaitez-vous tenir pour une extension de cette initiative aux villes similaires ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LC et sur quelques bancs du groupe REM.
Madame la députée Auconie, vous avez raison de poser cette question sur le patrimoine parce que votre département recèle quelques-unes de ses plus belles merveilles !
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Comme vous le savez, la ministre de la culture, qui est en ce moment même auprès des maires de l'Association des maires de France, a annoncé vendredi dernier sa stratégie pluriannuelle pour le patrimoine.
Un budget de 326 millions sera ainsi consacré en 2018 et les années suivantes à la restauration et à l'entretien du patrimoine, auxquels s'ajoutent 36 millions pour les grands projets, ce qui constitue en effet un budget de 362 millions, comme vous l'avez justement rappelé.
La ministre de la culture a fait part de sa volonté d'accorder une attention particulière aux petites communes et aux territoires en situation de désertification.
Les premières concentrent aujourd'hui plus de la moitié des monuments historiques, or, lorsque l'on sait que le tourisme, en France, ce sont 88 ou 89 millions de visiteurs et 158 milliards d'euros de consommation intérieure, un fléchage vers les petites villes, dont le patrimoine est si riche, permettrait du coup de ne plus parler de désertification rurale !
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
La parole est à Mme Cathy Racon-Bouzon, pour le groupe La République en marche.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. J'y associe mon collègue Gabriel Attal désigné, ce matin, rapporteur de son projet de loi.
Madame la ministre, vous avez présenté ce matin en conseil des ministres votre projet de loi relatif à l'orientation et la réussite des étudiants : c'est bien de cela dont il est question dans le plan « Étudiants » que vous avez co-construit en concertation avec tous les acteurs concernés pendant trois mois. Il s'agit de mieux orienter pour mieux accompagner tous les étudiants vers la réussite.
Sourires
Aucun Gouvernement n'était allé aussi loin pour réparer un ascenseur social en panne et pour tenter de donner les mêmes chances de réussir à chaque étudiant. Ce plan garantit à tous les bacheliers un droit à l'accès à l'enseignement supérieur en créant les conditions de leurs succès, en mettant fin au système injuste du tirage au sort, en renforçant l'orientation au lycée, insuffisante et inadaptée, …
C'est la nouvelle porte-parole du Gouvernement ? Elle le fait très bien !
… en prenant en compte le parcours des élèves, leurs expériences, leurs motivations et leurs projets pour les aider à choisir leur voie et en améliorant, enfin, les conditions de vie des étudiants.
Ainsi, 100 millions d'euros supplémentaires seront consacrés notamment à l'amélioration de l'offre de soins sur les campus et à la construction d'ici cinq ans de plus de 60 000 logements étudiants.
Madame la ministre, vous réparez également une injustice en mettant fin au régime d'exception des étudiants en les rattachant au régime général de la Sécurité sociale. Avec la suppression des mutuelles étudiantes, vous abandonnez un système inefficace et coûteux.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Les étudiants seront ainsi mieux remboursés et leurs démarches administratives simplifiées.
Cette mesure permet aussi de redonner du pouvoir d'achat à nos enfants : la cotisation de Sécurité sociale étudiante de 217 euros sera donc supprimée.
Sourires
Madame la ministre, nous ne souhaitons pas que cette mesure de justice sociale…
… pour les uns entraîne une casse sociale pour les autres. Pouvez-vous nous préciser l'intérêt de supprimer les mutuelles étudiantes et nous garantir que l'avenir de leurs personnels sera bien pris en compte dans cette réforme ?
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Sourires.
La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Vous avez raison, madame la députée : la question des mutuelles étudiantes est ancienne puisque, dès 2014, le Parlement avait souhaité s'en emparer. Dans le cadre de la concertation sur la vie étudiante, l'un des groupes de travail y a été spécifiquement consacré.
Je tiens tout d'abord à dire que la cotisation à la sécurité sociale étudiante était une anomalie puisque les étudiants sont les seuls à ne pas être salariés tout en cotisant afin d'en bénéficier.
Le dispositif était aussi extrêmement complexe puisque les jeunes changeaient de caisse d'assurance maladie, passant de la caisse primaire d'assurance maladie au régime de sécurité sociale étudiante, puis retournaient à la caisse primaire d'assurance maladie.
Ce sont aussi et surtout plus de 30 % des étudiants qui renonçaient à se soigner…
… à cause d'une mauvaise prise en charge.
Aussi, dès 2018, tous les nouveaux étudiants seront inscrits au régime général de la Sécurité sociale
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM
et l'ensemble des étudiants le seront à la rentrée 2019. Cela nous donnera le temps de travailler avec les mutuelles et les caisses primaires d'assurance maladie afin que les personnels chargés de la sécurité sociale étudiante puissent travailler au sein des CPAM pour s'occuper des dossiers des étudiants, comme cela avait été le cas lors de la prise en charge de La Mutuelle des étudiants – la LMDE. Comme vous l'avez rappelé, cela nous permettra aussi, conformément aux engagements du Premier ministre, de rendre 100 millions d'euros de pouvoir d'achat à l'ensemble des étudiants dès la rentrée 2018.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM. - Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Monsieur le Premier ministre, je ferai d'abord une réflexion. La question de Christian Jacob concernait le conflit d'intérêts potentiel entre la noble fonction de président de parti et celle, tout aussi noble, de ministre chargé des relations avec le Parlement, c'est-à-dire des relations avec les partis représentés ici. Sa question portait sur ce point précis et, à cet instant, notre interrogation reste pleine et entière.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LR.
J'en viens à ma question. Depuis 1958, sous la Ve République, à quinze reprises, une majorité parlementaire stable, permettant de gouverner, s'est dégagée des élections législatives. L'Assemblée actuelle permet au Président de la République de disposer d'une majorité homogène et d'avoir les mains libres. Cette assemblée permet aussi de représenter presque tous les courants de pensée majeurs de notre vie politique. Cette clarté et cette stabilité sont le fait d'une seule disposition, le scrutin majoritaire pour les élections législatives.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Ce mode de scrutin constitue un élément structurel fondamental de l'équilibre de nos institutions.
Or vous voulez réformer cette élection en panachant demain scrutins proportionnel et majoritaire. Sur ce point, nous vous appelons, monsieur le Premier ministre, à être extrêmement prudent. Regardez ce qui se passe en Allemagne, dont l'élection repose sur un scrutin mixte.
Mêmes mouvements.
Les élections ont eu lieu sans effet majoritaire pour le parti qui les a emportées et, après plus de deux mois d'interminables négociations, la Chancelière n'a pas réussi à unir des courants éloignés les uns des autres, qui devraient pourtant se mettre au service de leur pays.
Jusqu'à présent, la France a été totalement préservée de ce type de situation. En changeant ce qui fonctionne, nous pensons qu'il y a un risque de perdre deux des avantages de nos institutions que sont la cohérence gouvernementale et, surtout, la stabilité. Ma question est simple, monsieur le Premier ministre : pouvez-vous assurer au peuple de France que ces avantages importants pour la gouvernance de notre pays seront respectés demain, quoi qu'il arrive ?
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le député, comme vous le savez, le Président de la République a pris deux engagements au cours de la campagne électorale. Le premier, c'était…
… de réduire le nombre de députés, et il entend le faire, …
… car un certain nombre de nos concitoyens s'interrogent sur la composition de notre assemblée et estiment que nous pourrions utilement réduire le nombre des députés.
Son deuxième engagement, c'était en effet d'introduire une dose de proportionnelle. Mais je crois qu'il a le souci, tout comme vous, monsieur le député, d'assurer la stabilité de notre assemblée.
Peut-être est-il un peu plus optimiste que vous, et lui arrive-t-il de penser que des députés tels que vous pourraient rejoindre demain la majorité pour la rendre encore plus stable.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Mais sans doute est-ce là un excès d'optimisme.
En tout cas, il va consulter le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat, ainsi que les présidents des groupes. M. Christian Jacob pourra donc s'exprimer librement et faire valoir la parole de votre groupe.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM. – Exclamations sur les bancs du groupe GDR.
La parole est à M. Jean François Mbaye, pour le groupe La République en marche.
Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, le 4 novembre, une importante crise politique a éclaté entre le Liban et l'Arabie Saoudite, avec la démission de M. Saad Hariri depuis Riyad.
Après plusieurs jours de négociations dans un contexte difficile, la venue de Saad Hariri à Paris, sur proposition du Président de la République, a permis de trouver un début de solution à cette crise. C'est un nouvel exemple du rôle essentiel de médiateur que la diplomatie française peut jouer dans la résolution des crises et des conflits.
C'est la confirmation du bien-fondé de la stratégie de la France, qui s'adresse à tous les acteurs importants de la région. Cette stratégie de dialogue et de médiation est aussi celle qui s'applique dans les discussions pour sauvegarder l'application de l'accord sur le nucléaire iranien. Le Liban, pays membre de la francophonie, et francophile, dispose d'un système politique unique en son genre. Or la crise politique actuelle est une nouvelle déstabilisation de celui-ci.
De plus, monsieur le ministre, le Liban est, dans la région, un pays dont la stabilité est essentielle. Au fil des conflits entre Israël, la Palestine et la Syrie, le Liban a toujours joué un rôle central dans l'accueil des réfugiés. C'est d'ailleurs le premier pays au monde par son ratio entre le nombre de réfugiés et le nombre d'habitants, avec 1,5 million de réfugiés pour 5,9 millions d'habitants. De l'équilibre politique, économique et social libanais dépend l'enjeu majeur du non-embrasement de la région.
Monsieur le ministre, pourriez-vous éclairer la représentation nationale en lui disant quelles seront les prochaines actions de la France pour soutenir le Liban dans cette crise politique ?
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Mesdames et messieurs les députés, c'est aujourd'hui la fête nationale du Liban, et je me permets, en votre nom, étant donné les liens forts que la France entretient depuis très longtemps avec le Liban, de souhaiter à tous les Libanais une belle fête nationale.
Applaudissements.
Vous l'avez dit, monsieur le député, la venue à Paris du Premier ministre Saad Hariri, à l'invitation du Président de la République, a permis d'engager un processus de désescalade et de retour à la normale au Liban. Comme vous le savez sans doute déjà, le Premier ministre Saad Hariri a décidé tout à l'heure de suspendre sa démission.
Il importe désormais qu'un accord politique assure au Liban, ce pays qui nous est cher, à la fois la sérénité et une perspective de longue durée. Cet accord doit reposer sur trois principes. Le premier, c'est la stabilité et l'unité du Liban. Le deuxième, c'est le respect des institutions, en particulier de celles qui viennent d'être renouvelées par la réforme de la Constitution avec, en perspective, les élections législatives au printemps. Le troisième principe suppose – et je m'adresse, au-delà de cet hémicycle, à nos amis libanais – que tous les partis libanais fassent preuve de responsabilité et de dialogue, afin que tous ces paramètres soient réunis et que le Liban retrouve sa force. Il importe que ce pays ne soit pas intoxiqué par les conflits voisins et qu'il continue de suivre le principe de dissociation vis-à-vis de ces conflits. Dans cette perspective, nous pouvons nous attendre à ce que le Liban retrouve la paix.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM et sur quelques bancs du groupe MODEM.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour le groupe Nouvelle Gauche.
Monsieur le Premier ministre, en faisant adopter hier en première lecture, par votre majorité, le premier projet de loi de finances de la législature, vous avez apporté la confirmation à ceux qui pouvaient encore en douter que la politique que vous menez s'inscrit résolument dans l'ultralibéralisme.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe REM.
Comme nous l'avons vu ces derniers mois, vos choix aggravent les inégalités sociales entre les Français, selon qu'ils sont « premiers de cordée » ou « premiers de corvée ».
Votre budget pour 2018 aggrave aussi les inégalités territoriales, …
… déjà profondes, qui minent durement notre pacte républicain et sa promesse d'égalité, et l'exemple du logement est particulièrement criant.
Jusqu'à maintenant, les Français qui achetaient pour la première fois leur logement bénéficiaient d'un prêt à taux zéro, sous condition de ressources. Avec votre budget, ce prêt sera réservé aux logements neufs dans les grandes villes et aux logements anciens dans les petites villes et le monde rural.
Applaudissements sur les bancs des groupes NG et LR ainsi que sur plusieurs bancs des groupes FI et GDR.
Ainsi, vous privez de prêt à taux zéro les Français qui veulent construire un logement neuf à la campagne.
Par exemple, sur les 467 communes du Puy-de-Dôme, deux seulement seront éligibles au prêt à taux zéro pour du neuf. Faut-il en conclure que, pour vous, les Français des campagnes et des zones périurbaines ne méritent pas de logements neufs ?
Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.
Deuxième point : vous supprimez l'aide personnalisée au logement – APL – en cas d'accession à la propriété. Auparavant, un couple qui gagnait 1 600 euros et payait 600 euros de mensualités pouvait bénéficier de 145 euros par mois d'APL. Avec vous, c'est fini !
Enfin, le dispositif Pinel sera désormais réservé aux grandes villes. Là encore, pour les autres, c'est terminé !
Monsieur le Premier ministre, vous faites coup double : vous créez des inégalités entre les Français et entre les territoires. Nous vous avons entendu hier au congrès des maires de France : vous leur avez dit que la dotation globale de fonctionnement ne baisserait plus. C'est vrai, tant mieux, mais les allocations compensatrices baissent, à ce stade, de 169 millions d'euros.
Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.
Votre politique du logement et celle qui touche aux ressources des communes témoignent d'un manque de considération vis-à-vis des élus locaux, qui s'échinent à rendre leurs communes attractives. Alors, monsieur le Premier ministre, le Président de la République va-t-il annoncer demain une bonne nouvelle aux maires, à savoir le retour à un aménagement équilibré ?
Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires.
Madame la députée, arrêtons s'il vous plaît les caricatures : il n'y a pas, d'un côté, une politique de la ville et, de l'autre, une politique de la campagne.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LR et NG.
Le budget que présente ce gouvernement est un budget en faveur des territoires. C'est le premier budget dans lequel les dotations globales de fonctionnement ne diminuent pas.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM. – Exclamations continues sur plusieurs bancs des groupes LR et NG.
C'est également le premier budget dans lequel l'investissement est maintenu. Donc, arrêtons la caricature qui consiste à opposer campagnes et villes.
Ensuite, madame la députée, permettez-moi d'apporter une précision et un rectificatif. La précision, c'est que le gouvernement précédent et la majorité à laquelle vous apparteniez avaient décidé d'arrêter le prêt à taux zéro à compter du 31 décembre 2017.
Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.
Ces lois ont été votées par la majorité à laquelle vous apparteniez.
Le rectificatif, c'est que le gouvernement actuel a prolongé le prêt à taux zéro dans absolument toutes les zones, pour quatre ans dans les zones tendues et pour deux ans dans l'ancien dans les zones détendues, B2 et C.
Vous avez affirmé que le prêt à taux zéro ne fonctionnerait plus dans les zones détendues ; …
… ce n'est pas vrai. Le Président de la République s'est exprimé sur ce point et le projet de loi de finances, qui vient d'être adopté en première lecture, prévoit la reconduction du prêt à taux zéro dans les zones B2 et C.
Enfin, madame la députée, le débat doit être beaucoup plus profond que cela.
Le débat sur la politique du logement renvoie à des éléments plus structurants que la seule répartition des zones A bis, A, B1, B2 ou C sur l'ensemble du territoire. Il doit porter sur une territorialisation de cette politique. L'enjeu est aujourd'hui pour nous de rendre cette politique plus territoriale, de la rapprocher du territoire, …
… car ce sont effectivement les élus locaux qui ont la mainmise en la matière…
… et qui doivent savoir encore plus comment mener ces politiques du logement.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
Exclamations sur les bancs des groupes REM et MODEM.
La parole est à Mme Stéphanie Kerbarh, pour le groupe La République en marche.
Monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, entre 2002 et 2017, la part de l'industrie française dans le produit intérieur brut est passée de 16,5 à 12,5 %. Nous sommes aujourd'hui au huitième rang mondial derrière l'Italie. Mais, aujourd'hui, la France recrée plus d'usines qu'elle n'en perd, ce qui n'était pas arrivé depuis plusieurs années. Au cours des huit premiers mois de cette année, 87 nouveaux sites industriels ont été créés pendant que 61 fermetures ont été recensées. La production dans l'industrie a augmenté de plus de 0,6 % en septembre. Au-delà de ces chiffres, il y a des salariés qui oeuvrent à la réussite de la France industrielle.
Nous sommes aujourd'hui à un tournant décisif, et la France doit accompagner la transformation de son industrie. Cela passera par le prochain plan de formation, qui permettra aux salariés de se former aux technologies de l'industrie du futur. Nous devons moderniser notre industrie et accompagner sa montée en gamme.
Lundi dernier, lors du Conseil national de l'industrie à Bobigny, le Gouvernement a présenté sa feuille de route pour la reconquête industrielle. Un audit des quatorze comités stratégiques des filières identifiées en 2010 sera lancé par le ministère de l'économie et des finances, dans le but de bâtir et de piloter efficacement la politique industrielle française.
Par ailleurs, un fonds pour l'innovation permettra, dès 2018, de soutenir l'innovation de rupture. Je salue votre plan d'action pertinent et ambitieux, …
Notre pays est riche de nombreuses ressources, de son savoir-faire industriel et sociétal. Nous avons les leviers pour réussir. Monsieur le secrétaire d'État, quelle politique européenne entendez-vous mettre en oeuvre afin de favoriser l'émergence d'un leadership mondial composé d'acteurs industriels européens ?
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.
Madame la députée, le Gouvernement nourrit, vous le savez, une ambition pour l'industrie française. Comme l'a rappelé le Premier ministre lors du Conseil national de l'industrie qui s'est tenu lundi dernier, une France sans usines n'est pas une option. L'an dernier, vous l'avez rappelé, davantage d'usines ont été créées en France qu'il n'en a fermé, et cela faisait longtemps que ce n'était pas arrivé.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes REM et MODEM.
Nous avons pour l'industrie un plan ambitieux, avec des mesures très concrètes visant à soutenir la compétitivité de nos entreprises, donc certaines ont été prises dans le cadre du projet de loi de finances récemment débattu. C'est la modernisation du code du travail ; c'est la baisse de l'impôt sur les sociétés ; c'est la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune et la mise en place d'un prélèvement forfaitaire unique ; c'est le basculement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi vers des allégements de charges pérennes pour nos entreprises.
Bref, c'est la réconciliation tant retardée du capital et du travail dans notre pays.
Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.
Au-delà de l'amélioration de la compétitivité-prix, une politique industrielle ambitieuse doit être tournée vers l'innovation, comme vous l'avez également mentionné. D'où la sanctuarisation, dans ce même budget, du crédit d'impôt recherche.
Comme vous l'avez également rappelé, un fonds pour l'innovation de rupture, doté de 10 milliards d'euros, sera créé. Enfin, le label French Fab, lancé le 2 octobre, permettra à nos entreprises de taille intermédiaire et à nos PME, qui en ont tant besoin, de conquérir des marchés à l'étranger, sous une étiquette commune et avec le maillot France.
Cette montée en gamme passe aussi, vous le savez, par un investissement dans l'éducation et la formation. Ce travail a été engagé par la ministre du travail, le ministre de l'éducation nationale et la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Enfin, nous avons une ambition européenne importante en la matière. Le Conseil national de l'industrie a pour mission de préparer la réunion des Amis de l'industrie au printemps prochain à Paris, afin de définir une position commune européenne.
Nous avons à coeur de construire des champions européens, comme nous avons commencé à le faire depuis des mois.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, arrière-petit-fils d'Africain réduit en esclavage, je partage avec tous les humanistes de notre planète l'émotion suscitée par les images d'êtres humains vendus aux enchères en Libye. Pourtant, de nombreuses organisations non gouvernementales – ONG – ont alerté la communauté internationale depuis longtemps. Et que dire du rapport accablant de l'Organisation internationale pour les migrations d'avril 2017 ?
L'Afrique a enrichi l'Europe. Qu'a-t-elle eu en retour ? Rien ! Malgré la résolution des Nations unies votée il y a quarante-sept ans, la main sur le coeur, aucun pays développé n'accorde 0,7 % de son produit intérieur brut – PIB – à l'aide au développement. La loi de finances votée hier n'échappe pas à ce désengagement. Les damnés de la terre sont pris en étau entre leur terre qui ne leur offre que l'enfer et ce mur de mer cimetière qui les sépare d'un avenir qui, de toute façon, ne saurait être pire en Europe.
En Libye, pays chargé de la gestion des frontières sud-européennes, des mafias négrières, légitimées de fait par l'Europe, prospèrent sur la misère humaine. L'émotion et l'indignation n'ont d'intérêt que si elles permettent des actions fortes, et pas seulement de « karcheriser » sa propre conscience. Cette tragédie doit nous questionner sur les effets collatéraux de l'intervention française en Libye et sur la diplomatie française en Afrique.
À l'approche de la journée internationale pour l'abolition de l'esclavage, la France s'honorerait à se doter d'un budget pour l'aide au développement digne de son rang et de son image, et à améliorer sensiblement les conditions d'accueil et de traitement de ceux qui, au péril de leur vie, arrivent au pays des droits de l'homme. Vous dites ne pas vouloir accueillir toute la misère du monde, mais que faire de celle que l'on a soi-même provoquée ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et NG.
Je vais revenir sur la question libyenne, puisque vous m'interrogez essentiellement sur ce point, et sur les actes de barbarie sur lesquels le Gouvernement s'est déjà exprimé hier. Je voudrais apporter quatre points complémentaires. Tout d'abord, la France a décidé ce matin de demander la réunion expresse du Conseil de sécurité des Nations unies pour aborder cette question. En tant que membre permanent du Conseil de sécurité, elle a la capacité de le faire, et nous le faisons.
Deuxièmement, nous souhaitons que le Conseil de sécurité s'appuie sur les avis publics des deux organismes des Nations unies que sont l'Organisation internationale pour les migrations et le Haut-Commissariat pour les réfugiés, qui feront un état de la réalité des situations en Libye, notamment la traite des migrants, que vous avez dénoncée à juste titre.
Troisièmement, les autorités libyennes, plusieurs fois alertées, y compris, monsieur le député, par mes soins, car je m'y suis rendu au mois de septembre, ont décidé de lancer une enquête sur les faits. Nous souhaitons que cela aille vite. Si la justice libyenne n'est pas en mesure de mener à bien les procédures, nous devrons engager une procédure internationale de sanction.
Enfin, chacun sait bien que la résolution de ce type de drames ne peut avoir lieu que s'il y a une solution politique, qui est aujourd'hui initiée par l'envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies, M. Salamé. Ces discussions avancent lentement, mais elles avancent. Nous souhaitons une prise de conscience par les acteurs libyens de la nécessité de répondre rapidement à ces situations dramatiques.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
La parole est à Mme Carole Grandjean, pour le groupe La République en marche.
Madame la ministre du travail, la France s'est engagée depuis plusieurs mois déjà pour une ambition européenne renouvelée. La semaine dernière, les chefs d'État et de gouvernement des vingt-sept nations européennes se sont réunis à l'occasion du sommet social de Göteborg, en Suède. La position de nos leaders européens sur les valeurs sociales européennes et sur les fondamentaux communs a évolué.
Ce rendez-vous est majeur. Il vise, en effet, à partager une vision et une ambition forte en Europe pour s'orienter vers la société de demain. Nous avons construit l'Europe avec des intérêts économiques à partager et à développer, mais cette évolution et la difficile relance de la croissance ont également conduit à fragiliser parfois nos protections sociales.
L'Europe sociale doit s'engager autour d'un programme commun : la conciliation entre économie et social, la valorisation de nos compétences, et la facilité à circuler, travailler, vivre dans les différents pays de l'Union européenne. Vingt principes ont été discutés, parmi lesquels l'égalité des chances, l'accès au marché du travail, les conditions de travail équitables, la protection sociale, la responsabilité sociale des entreprises.
L'accord du 23 octobre 2017, à l'initiative de la France, sur la révision de la directive sur les travailleurs détachés est un signal important, qui a marqué des avancées sociales concrètes. Notre défi est de relever ensemble les réalités de demain : globalisation, vieillissement de nos populations, digitalisation, etc. Pour ce faire, notre démarche doit être collectivement et socialement responsable. Elle passe par une société de compétences, une société qui donne sa place aux jeunes sur le marché de l'emploi, une société de libertés qui protège les salariés pour encourager une concurrence européenne loyale.
Quelles mesures concrètes la France compte-t-elle prendre sur la scène européenne afin que le processus de convergence qui a été développé au niveau monétaire connaisse le même succès au niveau social ? Un projet est-il engagé pour la distribution des fonds européens ? Enfin, quelle est la stratégie européenne pour influencer la transformation des compétences, dans un contexte où, d'ici à dix ans, un métier sur deux sera transformé ?
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
Madame la députée, j'ai accompagné le Président de la République à Göteborg, en Suède, vendredi dernier. Le premier enjeu du sommet social européen était de signer le socle européen des droits sociaux. Il a été signé à l'unanimité des pays européens.
Applaudissements quelques bancs du groupe REM.
À cette occasion, le Président de la République a aussi, dans l'esprit du discours de la Sorbonne, proposé à nos interlocuteurs une feuille de route sociale qui soit plus approfondie et qui aille plus loin. Pour ce faire, nous nous appuyons sur un premier succès collectif : l'amélioration significative, le 23 octobre dernier, de la directive sur les travailleurs détachés de 1996.
Maintenant, nous voulons aller plus loin dans trois domaines. Le premier est le programme Erasmus. En France, nous sommes tous très convaincus qu'il s'agit d'un programme formidable, qui a développé l'ouverture, le développement personnel et professionnel, et le sentiment d'appartenance européenne de nos jeunes. Mais une candidature sur deux est aujourd'hui refusée, faute d'argent. Le Président de la République a donc demandé le doublement du budget. Nous avons déjà obtenu, il y a quelques jours, une augmentation de celui d'Erasmus +, consacré aux apprentis.
Le deuxième axe concerne le Plan d'investissement compétences. Il y a 17 millions de jeunes sans emploi ni qualifications en Europe, et 70 millions de personne ne disposent pas des compétences de base. Dans la même logique que le Grand plan d'investissement qui sera lancé en France, le Président de la République a proposé au président Juncker un projet sur le capital humain.
Le dernier axe porte sur la convergence sociale. Comme vous l'avez dit, nous proposons de lier l'usage des fonds structurels à la convergence sociale. Par exemple, chaque pays européen devra, à terme, fixer un niveau de salaire minimum au moins égal au seuil de pauvreté. Tout cela permettra à nos concitoyens de se sentir européens, parce que l'Europe sert aussi à les protéger. C'est en construisant une Europe économique et sociale que nous la ferons vivre et que nous la renforcerons.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
Monsieur le ministre d'État, ministre de l'intérieur, vous avez commis, il y a quelques semaines, une faute inexcusable.
Sur un média national de grande écoute, vous avez en effet brisé la sacro-sainte règle « du tiers service », en révélant que le renseignement belge est l'une des sources de votre ministère pour certaines assignations à résidence de personnes suspectées de terrorisme. En faisant cette révélation, en communiquant publiquement sur des échanges d'informations entre services de renseignement, vous avez, monsieur le ministre d'État, enfreint une règle fondamentale. C'est du jamais vu.
Toute la communauté du renseignement est atterrée. Cette règle cardinale est pourtant simple : si un service de renseignement étranger vous donne une information, vous ne devez jamais la révéler à un tiers sans son autorisation. Si vous avez commis cette faute par méconnaissance, c'est, de la part d'un ministre de l'intérieur, une très grave légèreté.
Si vous avez dévoilé ces informations sciemment, c'est un comportement totalement inadmissible.
À votre niveau, monsieur le ministre d'État, il n'y a plus de frontière entre inadvertance et méconnaissance, d'autant qu'il y a déjà eu un précédent. Vous aviez déjà irrité – c'est du langage diplomatique – la ministre de l'intérieur britannique en divulguant des informations sur l'auteur de l'attentat de Manchester.
Déjà, des voix s'élèvent sur votre capacité à tenir cette fonction, l'une des plus exigeantes du Gouvernement.
Exclamations sur les bancs du groupe REM.
Nul doute que la révélation tardive, à quelques heures d'un remaniement, de votre incroyable bévue est le fait soit de vos amis politiques qui vous veulent du bien, soit des acteurs du renseignement – et c'est plus grave – qui s'inquiètent légitimement. Il est plus que temps, monsieur le ministre d'État, de mesurer l'exigence de votre fonction. Comment avez-vous pu compromettre le secret défense ? Avez-vous pu mesurer les conséquences de cette faute ? Serez-vous aussi exigeant avec vous-même que vous l'avez été avec vos subordonnés de la préfectorale ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le député, j'ai lu un article paru, je crois, hier, qui révèle une très grave information. Nous sommes aujourd'hui le 22 novembre et cet article mentionne que Gérard Collomb a révélé des choses extrêmement graves le 27 septembre dernier. Vous pouvez donc constater, entre le moment où, soit disant, j'ai commis une faute grave, et le moment où, tout à coup, on la révèle, un laps de temps qui me semble un peu long.
Qu'avais-je donc révélé ? C'était au moment de la discussion de la loi SILT – projet de loi de sécurité intérieure et de lutte contre le terrorisme – : à des députés qui souhaitaient savoir comment nous assignions des personnes à résidence et pourquoi nous ne judiciarisions pas immédiatement certaines d'entre elles, j'ai alors tout simplement expliqué que c'est parce que nous avions des informations que nous ne pouvions pas divulguer…
… et que seuls nos services secrets connaissaient. Ai-je révélé quelque chose sur un nom parmi les trente-sept ? Bien évidemment non.
Nous expliquons, tout simplement – c'est le devoir que j'ai vis-à-vis de l'Assemblée nationale et de la représentation dans son ensemble – , comment nous fonctionnons.
Il faut que nous fonctionnions en toute transparence.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
La parole est à Mme Mireille Clapot, pour le groupe La République en marche.
Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, vous étiez hier en déplacement en Birmanie et vous avez évoqué la situation catastrophique des Rohingyas, minorité ethnique musulmane de ce pays.
En effet, depuis que la nationalité birmane leur a été retirée en 1982, les Rohingyas sont victimes de nombreuses discriminations : Amnesty International qualifie la situation d'apartheid. Sur ce terreau de violences, l'Armée du salut des Rohingyas de l'Arakan, l'Arsa, a mené des attaques contre des postes de police, provoquant, en représailles, d'intenses opérations de nettoyage de l'armée birmane. Quelque 412 000 personnes ont gagné le Bangladesh pour fuir la purification ethnique. La presse et l'opinion publique ont largement relayé la situation dramatique de cette communauté. Beaucoup de mes collègues dans cet hémicycle partagent ces inquiétudes et cette indignation concernant les événements en cours à la frontière avec le Bangladesh.
Monsieur le ministre, pas plus tard qu'hier, vous avez pu rencontrer la dirigeante birmane Aung San Suu Kyi. Certes, ses marges d'action sont étroites face à une junte militaire puissante et une opinion publique défavorable. Toutefois, elle vous a présenté le plan qu'elle souhaite développer pour enrayer cette crise, arrêter la violence à l'égard des Rohingyas et envisager un retour des populations en Birmanie. Même si la situation en Birmanie est complexe, les Français demandent un positionnement fort de notre pays face à ce drame humain qui cible, hélas, une fois encore, des populations en raison de leur origine ethnique et religieuse.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire où en sont les négociations avec les autorités du pays et comment la France s'implique et va s'impliquer dans la prise en charge de cette crise humanitaire majeure.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Madame la députée, à l'heure actuelle, il y a 1 million de Rohingyas dans l'est du Bangladesh qui viennent de la province d'Arakan en Birmanie, soit volontairement soit du fait de la violence des interventions militaires. Cette situation est insoutenable. Ils sont victimes de violences et dans une situation très précaire, sans compter les difficultés inhérentes aux relations entre le Bangladesh et la Birmanie.
Le Président de la République a eu l'occasion de dénoncer à la tribune des Nations unies une véritable entreprise de nettoyage ethnique. Vous avez évoqué la réunion des ministres des affaires étrangères d'Europe et d'Asie qui s'est tenue avant-hier en Birmanie et souligné qu'à cette occasion Mme Aung San Suu Kyi a présenté une feuille de route permettant de sortir de la crise, …
… prévoyant la cessation des violences, l'accès humanitaire, la capacité pour les Rohingyas de revenir dans la province d'Arakan et le contrôle de l'ensemble de ces dispositions par une commission internationale. C'est l'application stricte des propositions faites par l'ancien secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, qui avait été mandaté pour une médiation.
Ces propositions seront mises en oeuvre. Elles ont obtenu le soutien de la Chine, du Blangladesh et de Aung San Suu Kyi, qui est dans une situation très particulière. En effet, la démocratie en Birmanie n'est pas aboutie : même si les élections, il y a deux ans, ont permis au parti d'Aung San Suu Kyi d'obtenir une majorité, la junte militaire, qui a exercé la dictature durant soixante-dix ans, conserve une place très importante. La France sera aux côtés d'Aung San Suu Kyi dans cette démarche, ainsi que d'autres pays et tous les pays européens.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
Madame la ministre des solidarités et de la santé, vous avez déclaré hier : « On n'est pas là pour offrir des montures Chanel à tout le monde. »
Le remboursement des frais d'optique, auditifs et dentaires est une promesse de campagne qui engage le Gouvernement. Il ne s'agit pas de charité, de coquetterie ; c'est un enjeu fondamental de santé publique.
Votre déclaration s'ajoute à d'autres petites phrases malheureuses prononcées par des responsables de votre majorité au sujet de nos concitoyens les plus modestes. Ainsi, dans votre nouveau monde, les chômeurs partent en vacances et, selon vos sources, affectionnent les Bahamas.
Applaudissements sur les bancs du groupe NG et sur plusieurs bancs des groupes GDR et FI. – Protestations sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.
Ce monde n'est pas le nôtre. Quel mépris de classe ! Si le nouveau monde dédaigne sans complexe la dignité des personnes précaires, alors je suis fière de dire que j'appartiens à un autre monde. Nous, socialistes, sommes aux côtés de ceux que vous avez appelés les gens de rien, les fainéants, les sans-costard.
Protestations sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.
De manière générale, nous sommes aux côtés de ceux qui n'ont reçu que votre mépris lorsqu'il aurait fallu leur manifester notre solidarité.
Applaudissements sur les bancs des groupes NG, GDR et FI, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR. – Protestations continues sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.
Après la suppression de la généralisation du tiers payant, nous sommes très inquiets quant à la portée de votre politique de solidarité. Le Président de la République a déjà déclaré qu'il ne serait pas le père Noël. Personne ne le lui demandait ! Ce que les Français demandent, c'est de recevoir leur part des richesses qu'ils contribuent à créer.
Madame la ministre, comment pouvez-vous nous faire croire en votre capacité à mener des politiques de solidarité et de dignité dans ces conditions ? Pouvez-vous revenir sur vos propos devant la représentation nationale et affirmer que, dans votre esprit comme dans le nôtre, la solidarité n'est pas un luxe et que les bénéficiaires de cette politique ne sont pas des assistés ?
Applaudissements sur les bancs des groupes NG, GDR et FI.
Exclamations sur de nombreux bancs des groupes LR, NG, GDR et FI.
Madame la députée, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Mme la ministre des solidarités et de la santé, qui se trouve actuellement au Sénat pour défendre le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe FI.
Je ne vous suffis peut-être pas, madame Autin.
Mêmes mouvements.
Cela me donne l'occasion de remercier la majorité, qui a voté hier le projet de loi de finances pour 2018,
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM
qui prévoit de très nombreuses mesures visant à augmenter le pouvoir d'achat de nos concitoyens, particulièrement de nos concitoyens les plus modestes.
Madame la députée, la question que vous avez posée est importante. Vous voulez savoir si la majorité tiendra ou non son engagement de rembourser à 100 % les prothèses dentaires et les lunettes. La réponse est « oui ».
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
Mme la ministre des solidarités et de la santé a déjà expliqué comment elle comptait, en concertation avec vous, bien sûr, mais aussi avec les représentants du monde médical et l'ensemble des complémentaires santé, aboutir au remboursement à 100 % des prothèses dentaires et des lunettes, notamment pour nos compatriotes les plus âgés, …
… qui subissent malheureusement de nombreux problèmes de défaillance visuelle, ce qui accroît leur dépendance. Ne vous inquiétez pas : comme nous l'avons expliqué lors de l'examen du PLFSS, ces dépenses seront remboursées à 100 % sans que nos concitoyens aient à débourser un euro de plus.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.
Puisqu'il me reste quelques secondes, madame la députée, …
… je veux vous dire qu'il y a dans vos propos un peu de caricature.
Dans le contexte actuel, c'est un peu dommage. Nous aurions aimé vous voir aussi mordante lorsque nous avons décidé d'augmenter toutes les allocations en faveur des personnes les plus modestes.
Le PLFSS prévoit une augmentation extrêmement importante des moyens alloués aux personnes les plus âgées.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM. – Exclamations sur de nombreux bancs des groupes LR, NG, GDR et FI.
Vous réduisez les APL ! Vous augmentez la CSG !
Lorsque nous comparons les mesures prises par le Gouvernement à vos actes lorsque vous étiez au pouvoir ou au programme beaucoup plus dur de certains autres groupes, nous sommes très fiers de notre action en faveur des gens les plus modestes.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LC.
Monsieur le ministre de l'économie et des finances, je vais critiquer une entreprise qui réussit.
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe LR.
Plus de 1,7 milliard d'euros de dividendes versés aux actionnaires, cela semble être un bon critère jupitérien de la réussite. Cette entreprise, c'est Engie, autrefois appelée GDF Suez.
Aujourd'hui, les salariés réunis en intersyndicale sont au tribunal de Nanterre, dans le cadre d'une procédure pour défaut d'information et de consultation du comité d'entreprise au sujet de la délocalisation de 1 200 emplois sur l'activité de relation clientèle en France.
Il y a dix ans, lors de l'ouverture du marché à la concurrence, Engie fermait ses accueils au public. Depuis, l'entreprise s'est séparée de près de la moitié des salariés de son service clientèle, alors que 30 % de l'activité de celui-ci était délocalisée hors de France. Désormais, c'est depuis l'étranger que l'on vous informe de cette mission de service public. Un comble !
Avec le cynisme que l'on vous connaît, vous me direz sûrement que tout cela est tragique, mais que c'est la vie des entreprises. Or, alors qu'Engie supprime des emplois et délocalise ses activités, pour un gain espéré d'environ 3,6 millions d'euros, ce sont 70 millions d'euros que l'entreprise a empochés en 2014 et 100 millions d'euros en 2015 et les années suivantes au titre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – CICE – , sans engagement ni contrepartie visant à favoriser l'emploi en France.
Pourtant, l'actionnaire majoritaire n'est autre que l'État. Mais l'État ne fait rien – pire, il encourage ces pratiques ! En baissant sa recette fiscale au profit de l'entreprise et en versant des dividendes en tant qu'actionnaire, l'État délocalise et pratique l'optimisation fiscale, notamment au Luxembourg, au détriment de l'emploi.
Ce problème peut être résolu, d'autant que le Président de la République connaît bien les dirigeants d'Engie.
Gérard Mestrallet, l'actuel président d'Engie, s'est empressé d'indiquer que Jupiter représentait un véritable espoir pour des entreprises comme la sienne, tandis qu'Isabelle Kocher, l'actuelle directrice générale du groupe, a accompagné le Président Macron dans son avion présidentiel avant son allocution devant l'Assemblée générale de l'ONU.
Elle était d'ailleurs à la manoeuvre pour effacer une dette de 1 milliard d'euros en 2012, comme nous l'apprennent les Paradise papers. Ce beau monde serait-il plus intéressé par l'argent que par le progrès social ?
Monsieur le ministre, ma question est la suivante : comment allez-vous vous imposer, en tant qu'État stratège, pour préserver et relocaliser l'emploi en France ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI ainsi que sur plusieurs bancs des groupes NG et GDR.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.
Exclamations sur divers bancs.
Monsieur le député, la surprise aurait été que vous vous félicitiez quand une entreprise réussit et va bien. Malheureusement, vous n'êtes jamais à ce rendez-vous.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.
Les organisations syndicales d'Engie dénoncent, vous le savez, un mouvement de sous-traitance du service client et de la télévente à l'étranger, qui menacerait des emplois au sein du groupe Engie en France.
Nous avons été contactés à ce sujet par les organisations syndicales, et nous suivons ce dossier avec la plus grande attention, loin des caricatures.
Dans ce contexte, la société nous a informés que certains de ses prestataires de services de télévente lui ont signalé leur intention de faire évoluer leur offre de sous-traitance.
Elle nous a également indiqué qu'il n'était pas prévu de modifier le périmètre des emplois téléphoniques au sein de l'unité chargée de la relation client d'Engie en France. Ces emplois seront donc maintenus.
Nous serons, à l'évidence, extrêmement attentifs, en lien avec les représentants du personnel, à l'évolution de cette situation…
… dans un contexte très particulier pour le groupe Engie, vous le savez. Le groupe évolue – vous avez eu l'honnêteté de le rappeler – dans un marché de l'énergie qui connaît des mutations et des transformations importantes, liées à l'impératif de la transition écologique qui vous est chère, …
La transition écologique ne doit pas se faire au détriment des salariés. Elle doit créer des emplois !
… à l'intensification de la concurrence, avec de nouveaux entrants, et à l'évolution de la chaîne de valeur. Pour répondre à ces défis, Engie met en oeuvre un plan de transformation ambitieux depuis le début de l'année 2016. L'État, présent au conseil d'administration d'Engie, suit avec attention la réalisation de ce plan de transformation et se tiendra toujours à l'écoute des représentants du personnel…
… et des élus de ces territoires, qui sont les bienvenus à mon cabinet.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq.
L'ordre du jour appelle la prestation de serment d'une juge titulaire de la Cour de justice de la République.
Aux termes de l'article 2 de la loi organique sur la Cour de justice de la République, les juges parlementaires « jurent et promettent de bien et fidèlement remplir leurs fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes et de se conduire en tout comme dignes et loyaux magistrats ».
Je prie Mme Naïma Moutchou de bien vouloir se lever et, levant la main droite, de prononcer les mots : « Je le jure ».
Mme Naïma Moutchou se lève et dit :
Acte est donné par l'Assemblée nationale du serment qui vient d'être prêté devant elle.
Applaudissements.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de M. Sylvain Waserman.
Hier soir, l'Assemblée a commencé l'examen des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 335 à l'article 2.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 335 .
Sur le rôle des branches professionnelles, beaucoup a été dit qui laisse à croire qu'elles sortiraient renforcées des ordonnances. Plusieurs éléments viennent cependant contredire une telle affirmation. La primauté de l'accord de branche est aujourd'hui reconnue dans treize domaines, mais c'était déjà en grande partie le cas ; et lorsque la branche voit ses compétences renforcées, c'est en fait au détriment du champ de la loi. L'exemple des règles sur les recours aux CDD – contrats à durée déterminée – et aux contrats d'intérim est de ce point de vue frappant : alors que le domaine relevait jusqu'à présent de l'ordre public, auquel il était interdit de déroger, il est désormais confié à l'ordre conventionnel.
La primauté de l'accord de branche n'est finalement que relative puisque, au sein du même article, vous posez un principe avant de définir, quelques lignes plus loin, les moyens de le contourner en précisant que l'accord d'entreprise peut déroger à l'accord de branche s'il assure « des garanties au moins équivalentes ». Cette formule laisse entendre que l'adoption par accord d'entreprise de stipulations moins favorables, ou différentes de celles de l'accord de branche, serait possible dès lors qu'elle est compensée par l'octroi d'autres garanties. On voit donc la fragilité des garanties prétendument apportées au niveau de la branche. Loin de renforcer le rôle de la branche, une telle disposition démontre, une fois de plus, que le projet de loi remet en cause le principe de faveur.
La parole est à M. Laurent Pietraszewski, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l'avis de la commission.
Avis défavorable. Vous souhaitez faire des treize domaines qui relèvent de la primauté obligatoire de l'accord de branche, monsieur Dharréville, des domaines relevant de son monopole. Or cela va précisément à l'encontre d'un principe fondateur du droit du travail, selon lequel une norme de niveau inférieur peut toujours être plus favorable aux salariés qu'une norme de niveau supérieur – nous en avons d'ailleurs discuté assez longuement hier soir. Faire primer une norme conventionnelle sur une norme légale est le fondement même du principe de faveur. Je suis donc assez surpris que vous souhaitiez supprimer une disposition qui, à mon avis, va dans le sens de ce que vous défendiez hier soir et que, je suppose, vous continuez de défendre aujourd'hui.
Si je comprends bien votre amendement, sur lequel je me suis tout de même penché, vous souhaitez revenir sur l'accord d'entreprise. Or la logique de la nouvelle architecture conventionnelle, dont nous avons déjà débattu hier soir, c'est précisément de faire confiance au dialogue social et aux règles négociées, dans certaines conditions et dans certaines limites ; autrement dit, dans certaines matières, l'accord collectif ne pourra être moins favorable qu'un accord de niveau supérieur.
Par ailleurs, si ce qui vous gêne, c'est le flou relatif de l'expression : « des garanties au moins équivalentes », la précision apportée par l'amendement no 247 , que je présenterai dans un instant, devrait être de nature à vous rassurer quant à la façon d'apprécier l'équivalence des garanties.
Je donne donc d'abord la parole à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement, pour donner l'avis du Gouvernement.
À moins que vous ne souhaitiez retirer votre amendement, monsieur Dharréville…
J'entends parfaitement votre questionnement et votre crainte de stipulations qui, étant différentes, seraient moins favorables ; or ce n'est pas le cas. L'évaluation étant réalisée domaine par domaine, et au sein même du domaine, il n'y a pas d'inquiétudes à avoir sur ce sujet. Votre amendement aurait du sens si un tel risque existait mais, comme M. la ministre du travail l'a confirmé, notamment dans son rapport au Président de la République, le principe d'équivalence doit être apprécié domaine par domaine, non par substitution à l'intérieur d'un domaine. Il reviendra aux partenaires sociaux d'apprécier cette notion d'équivalence, puis au juge en cas de désaccord. Vous pouvez donc être rassuré et retirer votre amendement. À défaut, j'émettrais un avis défavorable.
Les propos que vous venez de tenir ne suffisent pas, hélas, à me rassurer sur une formule qui en a inquiété bien d'autres que moi et qui a été relevée par de nombreuses organisations syndicales. J'ai toutefois bien entendu, monsieur le rapporteur, que votre amendement no 247 essaie de préciser les choses, et nous allons l'étudier.
Par ailleurs, j4ai reçu ce matin, dans mon bureau, deux dirigeants d'une grande multinationale. Ils m'ont expliqué qu'un mouvement de grève se profilait demain sur leur site, car les salariés et les syndicats de leur entreprise s'opposent aux ordonnances, notamment à cause de la fusion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail – CHSCT – et d'autres en une instance unique, ainsi que de plusieurs autres sujets, tels que celui dont nous discutons. Ils demandent la sanctuarisation de certains principes au niveau de la branche, ce qui serait un moindre mal.
Ces dirigeants sont donc très ennuyés, comme les salariés, par votre réforme. Cet exemple me semble très éloquent s'agissant de l'efficacité, tant vantée depuis quelques jours, de votre projet de renforcement du dialogue social.
L'amendement no 335 n'est pas adopté.
La parole est à M. Laurent Pietraszewski, pour soutenir l'amendement no 247 .
Cet amendement, que je viens d'évoquer, vise à préciser les modalités d'appréciation des garanties qui doivent être apportées par la convention ou l'accord d'entreprise pour déroger aux dispositions prévues au niveau de la branche, soit domaine par domaine et non globalement, ainsi que la rédaction actuelle pourrait le laisser entendre – même si, comme l'a rappelé M. le secrétaire d'État, la lettre au Président de la République qui accompagnait ces ordonnances le précisait déjà. Cette appréciation fine correspondant aux souhaits du Gouvernement, la précision me paraît opportune.
Si cet amendement avait été adopté avant, M. Dharréville aurait peut-être retiré le sien… Au bout du compte, tout le monde devrait trouver son bonheur dans une telle garantie. Avis favorable.
La parole est à M. Sébastien Chenu, pour soutenir l'amendement no 107 .
Nous continuons à nous opposer au grignotage de l'accord de branche, que le présent amendement vise donc à faire prévaloir sur l'accord d'entreprise par l'insertion, après l'alinéa 9, de l'alinéa suivant : « L'article L. 2253-3 est abrogé. »
Avis défavorable. Votre amendement, monsieur Chenu, a pour objet de supprimer le principe de subsidiarité dont nous avons longuement parlé lors du débat sur le projet de loi d'habilitation, mais également dans le cadre de ce projet de ratification, autrement dit le principe d'une primauté de l'accord d'entreprise sur toutes les matières où ne s'applique pas la primauté de l'accord de branche. Outre qu'il paraît inopérant, votre amendement remet en question l'un des axes majeurs de ces ordonnances et de la nouvelle architecture conventionnelle, dont le principe est de faire du niveau de proximité, où l'adaptation des règles aux spécificités du terrain est la meilleure et leur degré d'acceptabilité par les intéressés le plus fort, le niveau le plus pertinent pour la négociation de la norme.
Il est important de préciser que le rôle de la branche est non seulement réaffirmé, mais clairement renforcé et défini alors que ce n'était pas le cas, et ce sur des sujets aussi essentiels que la durée du travail, la répartition et l'aménagement des horaires en matière d'équivalence ou la fixation de la durée minimale de travail à temps partiel. Ce que nous voulons, dans ces ordonnances, c'est que la norme sociale applicable dans l'entreprise soit définie au niveau de l'entreprise. L'idée même du projet de loi est de faire confiance à celles et à ceux qui ont l'expérience de l'organisation quotidienne de leur travail, et de leur laisser le pouvoir d'en décider. Avis défavorable.
L'amendement no 107 n'est pas adopté.
L'article 3 de l'ordonnance no 2017-1385 crée les « accords de compétitivité » en fusionnant les accords de préservation et de développement de l'emploi – APDE – , de maintien dans l'emploi – AME – et de réduction du temps de travail au profit d'un seul accord destiné à « répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l'entreprise ou en vue de préserver, ou de développer l'emploi ». Il s'agit d'une harmonisation bienvenue des différents accords pouvant primer sur le contrat de travail.
Afin d'être le plus adaptables possible, les accords de compétitivité sont réduits à un dispositif simple qui laisse toute sa place à la négociation collective. Cependant les anciens accords offensifs prévoyaient toujours un diagnostic partagé. L'objectif n'est pas de le rétablir systématiquement, mais seulement lorsque des baisses de salaire sont envisagées. Une plus grande transparence au sein de l'entreprise ne peut que faciliter les efforts consentis pour les salaires.
Avis défavorable. Monsieur Cherpion, vous proposez que l'employeur transmette les informations nécessaires à l'établissement d'un diagnostic partagé dès lors que la négociation porte sur l'aménagement de la rémunération. Cette disposition figurait en effet parmi les obligations de l'employeur dans le cadre d'un APDE ou d'un AME.
L'unification de l'ensemble de ces accords dans une seule catégorie regroupant les accords dits « de compétitivité » explique le choix de définir le cadre juridique à partir du plus petit dénominateur commun, lequel pourra être adapté à chaque cas. En effet, comme je l'ai rappelé hier dans mon propos liminaire, les anciens accords faisaient l'objet de cadres juridiques et mêmes de jurisprudences très différentes, au grand bonheur des avocats spécialisés.
L'idée, ici, est de laisser les acteurs du dialogue social dans l'entreprise échanger sur les modalités les plus appropriées en fonction du type d'accord négocié : accord de modulation de la durée du travail, de mobilité interne ou APDE. Dès lors qu'est envisagée une baisse de la rémunération des salariés, il semble en effet pertinent que de telles informations soient transmises en amont de la négociation, mais laissons précisément celle-ci en décider ; d'autres demandes pourront d'ailleurs être formulées au cours de l'échange. Aussi ne nous a-t-il pas semblé opportun de rendre une telle procédure obligatoire à ce stade.
L'amendement no 8 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous passons à l'amendement no 133 , sur lequel je suis saisi par le groupe Nouvelle Gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l'amendement.
Cet amendement vise à s'assurer que les accords ne puissent avoir pour effet de diminuer la rémunération mensuelle des salariés. Dans votre projet, vous n'assortissez plus la mise en place de ces accords de garde-fous indispensables. Après la disparition de la possibilité de recourir à une expertise indépendante, vous enfoncez le clou en supprimant cette autre garantie pour les salariés. Finalement, vous vous donnez pour but de maintenir la capacité de nos entreprises à être présentes sur les marchés, à chercher de nouveaux contrats, à s'adapter à des situations nouvelles – objectifs qu'au demeurant nous partageons – , mais vous le faites en mettant à mal les droits essentiels des salariés, notamment quant à la garantie d'un maintien de la rémunération mensuelle.
Cet amendement propose d'aller plus loin que le texte issu de l'ordonnance s'agissant des garanties apportées aux salariés dans le cadre des nouveaux accords de compétitivité, lesquels se substituent aux anciens APDE, AME, accords de mobilité interne et d'aménagement ou de réduction du temps de travail.
En effet, l'ordonnance prévoit que l'aménagement de la rémunération dans le cadre de tels accords doit se faire dans le respect du SMIC et des salaires minima conventionnels, fixés par la convention collective. La rémunération est entendue au sens large, comme le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, augmenté de tous autres avantages accessoires, payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au salarié au titre de l'emploi qu'il exerce.
Il est vrai que les régimes antérieurs prévoyaient toujours des garanties de cette nature ; ainsi, dans le cadre d'un APDE, l'aménagement de la rémunération ne pouvait conduire à une diminution de la rémunération mensuelle au sens large. Dans le cadre d'un AME, l'accord ne pouvait avoir pour effet ni de diminuer la rémunération horaire ou mensuelle des salariés – alors que le taux horaire de celle-ci à la date de conclusion de l'accord est égal ou inférieur à celui du SMIC majoré de 20 % – , ni de ramener la rémunération des autres salariés en dessous de ce seuil.
Tel était, disais-je, le droit antérieur. Le texte de l'ordonnance ne le reprend pas, mais comme je l'ai expliqué tout à l'heure à M. Cherpion, le but est de faire confiance au dialogue social pour fixer les règles les plus appropriées en fonction de la situation de l'entreprise. Aussi l'avis est-il défavorable.
Au fond, si je comprends bien l'amendement, il s'agit de revenir au format des accords de compétitivité que l'on connaît déjà. Pourtant les AME et APDE, qui prévoyaient l'impossibilité d'une baisse des salaires, ont été un échec : à peine dix AME ont été conclus en quatre ans, et deux APDE en un an.
Notre objectif, je le répète, est de faire confiance aux partenaires sociaux. En effet, nous parlons de cas où il existe un accord majoritaire ; or on peut difficilement imaginer qu'un tel accord, accepté par la majorité des partenaires assis autour de la table, soit totalement défavorable aux salariés, notamment en matière de rémunération. Votre amendement remettrait en cause le pari que nous faisons s'agissant de la confiance et d'un dialogue social retrouvé au sein de l'entreprise. Avis défavorable.
On voit bien les limites de l'exercice auquel vous vous livrez et les difficultés concrètes qu'il va poser. Ce projet, nous ne cessons de le dire, provoquera de la régression sociale, et nous sommes à cet égard au coeur du problème.
Aux termes de l'amendement, « l'accord mentionné au premier alinéa du présent I ne peut pas avoir pour effet de diminuer la rémunération mensuelle du salarié ». Inscrire cette garantie dans la loi, c'est bien le moins que l'on puisse faire ! Il serait très problématique que les accords ouvrent la porte à une baisse des rémunérations. La représentation nationale doit affirmer un certain nombre de règles de droit et les inscrire dans la loi. Un tel affaiblissement du code du travail est donc inacceptable. Cet amendement nous offre l'occasion d'écrire une règle normale et naturelle : faisons-le !
Je veux à mon tour insister sur l'intérêt de cet amendement. La fusion des différentes modalités d'accord conduit à une régression. Mais ne défendiez-vous pas l'idée qu'il s'agissait d'une loi de progrès ? On n'est pas ici dans l'opposition, que vous nous avez souvent renvoyée au visage, entre un droit réel et un droit formel : le droit dont nous parlons est bel et bien réel, et nous vous demandons de le confirmer.
Je mets aux voix l'amendement no 133 et j'en profite pour vous annoncer que, grâce aux progrès des systèmes d'information, vous avez désormais cinq secondes pour appuyer sur le bouton.
Sourires.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 72 |
Nombre de suffrages exprimés | 70 |
Majorité absolue | 36 |
Pour l'adoption | 12 |
contre | 58 |
L'amendement no 133 n'est pas adopté.
Cet amendement va dans le même sens que le no 8, que je viens de présenter. Eu égard à ce que m'a répondu le rapporteur, je le retire.
L'amendement no 9 est retiré.
Je préfère défendre ces amendements séparément, monsieur le président, et m'en tiendrai donc ici au no 10.
Nous restons dans le même domaine. Que l'accord soit de nature défensive ou offensive, la précision de sa durée déterminée s'impose ; s'il s'inscrit en revanche dans la continuité des accords de réduction ou de modulation du temps de travail, et a de ce fait vocation à s'appliquer de manière pérenne, il pourra être conclu pour une durée indéterminée. Tel est l'objet du présent amendement.
Défavorable, même si je comprends bien l'intention de M. Cherpion.
Contrairement aux accords portant, par exemple, sur la modulation de la durée du travail, les APDE ont bien vocation à être limités dans le temps – a priori pour un an ou quelques années tout au plus.
Toutefois, aux termes de l'article L. 2222-4 du code du travail – et selon une disposition applicable depuis la loi du 8 août 2016 – , les accords collectifs, en l'absence de toute autre stipulation, sont désormais d'une durée déterminée de cinq ans ; autrement dit, la question de la durée d'application d'un accord doit désormais être abordée dans le cadre de la négociation : si elle ne l'est pas, l'accord a, par défaut, une durée d'application de cinq ans. Je suggère, dans ces conditions, le retrait de l'amendement.
Si l'amendement n'est pas retiré, l'avis sera défavorable. Pourquoi, en effet, déroger à une règle de droit commun qu'il est important de respecter, voire de renforcer ? Au fond, le Gouvernement propose de « caler » le régime de l'accord de compétitivité sur celui de tous les accords collectifs. La durée maximale est donc de cinq ans.
Dans le cadre de cette négociation, les partenaires sociaux pourront toutefois décider librement de la durée, donc la raccourcir s'ils le souhaitent. Dans tous les cas, la durée maximale restera de cinq ans. Aussi je vous propose de conserver la référence au droit commun.
L'amendement no 10 n'est pas adopté.
Cet amendement concerne, lui aussi, l'article 3 de l'ordonnance no 2017-1385, qui fusionne les différents accords.
Pour rendre le dispositif le plus souple possible, le Gouvernement a fait le choix de retenir un motif de licenciement sui generis, fondé sur une cause réelle et sérieuse et obéissant aux règles du licenciement pour motif personnel, sans toutefois prévoir de dispositif spécifique d'accompagnement pour les salariés qui refusent de se voir appliquer l'accord, contrairement à ce qui était prévu dans les APDE. Le compte personnel de formation, le CPF, ne serait ainsi abondé qu'à hauteur d'une centaine d'heures.
Pour aller au bout de la logique de négociation encouragée par ce dispositif, il convient de faire de l'accompagnement des salariés une modalité de l'accord de compétitivité pour ceux d'entre eux qui le refusent. Il s'agit de donner la possibilité à l'employeur d'aller plus loin que le simple abondement du CPF à hauteur de cent heures.
La proposition de Gérard Cherpion a été acceptée par la commission sous réserve de l'intégration des trois sous-amendements que j'ai déposés.
Votre amendement, mon cher collègue, prévoit de rendre obligatoire, dans le cadre d'un accord de compétitivité, la négociation de mesures d'accompagnement des salariés ayant refusé l'application de cet accord, en plus de l'abondement de cent heures du CPF, disposition d'ordre public prévue par le texte.
Comme on l'a déjà souligné, le choix a été fait de rendre le contenu de l'accord de compétitivité facultatif ; en outre, il n'est pas prévu d'y mentionner des mesures d'accompagnement spécifiques dans la mesure où il peut désormais couvrir des réalités très différentes, allant de la modulation du temps de travail au champ d'un APDE.
On peut supposer que, lors de la négociation, les acteurs du dialogue social dans l'entreprise attendront davantage de concessions en matière d'accompagnement des salariés en cas de refus de l'accord s'il s'agit d'un APDE que s'il s'agit, par exemple, d'un accord de modulation de la durée du travail. Sur le contenu de l'accord, une marge de manoeuvre est donc laissée aux négociateurs, les partenaires sociaux étant les mieux placés pour cela.
Néanmoins, votre proposition s'inscrit dans la continuité du caractère facultatif du contenu des accords, qu'on a rappelé à plusieurs reprises. Ainsi, il ne me semblerait pas choquant que des APDE comportent des dispositions spécifiques sur l'accompagnement des salariés et que l'abondement de cent heures du CPF constitue un plancher, l'accord pouvant aller plus loin. Je suis donc sensible à votre amendement, sous réserve de l'adoption de mes trois sous-amendements, qui, loin de remettre votre objectif en cause, me semblent au contraire le conforter.
Le premier sous-amendement vise à changer l'emplacement de l'alinéa que votre amendement tend à insérer dans l'ordonnance, afin de le faire figurer directement après le 3° du II de l'article L. 2254-2 du code du travail. Le second vise à supprimer, dans l'amendement, la mention du V du même article, car ce paragraphe ne concerne pas les mesures d'accompagnement : il revient à l'accord de les prévoir. Le troisième sous-amendement, enfin, renvoie au montant de l'abondement du compte personnel de formation prévu par décret, tout en faisant de ce montant un plancher. Votre intention, en effet, est bien de faire en sorte que l'accord aille au-delà de ce montant minimal.
Sous réserve de l'adoption de ces trois sous-amendements, je suis favorable à l'amendement no 11 de M. Cherpion.
Le Gouvernement est lui aussi favorable à l'adoption de cet amendement, sous réserve de l'adoption des trois sous-amendements du rapporteur.
Je veux par ailleurs corriger une erreur que j'ai faite tout à l'heure : l'échéance de cinq ans ne s'applique que faute d'accord entre les partenaires sociaux ; en cas d'accord, les partenaires sociaux pourront décider d'aller au-delà.
En lisant l'exposé sommaire de l'amendement défendu par M. Cherpion, j'ai trouvé que sa proposition n'était pas une mauvaise idée car elle pourrait permettre un accompagnement renforcé au terme de la négociation. Ce même exposé sommaire laisse aussi penser que l'amendement permet des modalités d'accompagnement spécifiques, type CSP – contrat de sécurisation professionnelle – , applicables aux salariés qui refuseraient de se voir appliquer l'accord, comme c'est le cas pour les accords de préservation et de développement de l'emploi.
Mais je ne crois pas que cela soit possible dans la réalité. Dans le cas des CSP, des taux de remplacement du salaire sont prévus. Est-ce que ces taux peuvent faire l'objet d'un accord d'entreprise ? Je ne le crois pas. L'accompagnement renforcé par Pôle emploi peut-il faire l'objet d'un accord d'entreprise ? Je ne le crois pas non plus.
Cet amendement me semble donc être un faux nez, une fausse bonne idée. Si vous vous préoccupez, comme nous, de la qualité de l'accompagnement des salariés qui refuseraient l'accord, alors il faut prévoir – comme nous le proposerons par l'amendement 134 – un accompagnement spécifique digne de ce nom, qui permette à ceux qui en bénéficieront de retrouver plus rapidement un emploi.
Parmi les principes fondamentaux de notre République, qui doit être protectrice, se trouve d'abord la loi, qui a elle-même une vocation protectrice et universelle et doit traiter tous les citoyens à égalité. Parmi ces principes se trouve également l'imperium du juge, c'est-à-dire le fait que seuls les juges ont la compétence de trancher les litiges en évaluant la portée des préjudices. En fait partie, enfin, la primauté de l'accord contractuel – en l'occurrence, du contrat de travail.
Force est de constater qu'avec des accords collectifs de nature à remettre en cause les clauses substantielles du contrat de travail – salaire, lieu de travail et j'en passe – , vous vous asseyez sur ces trois principes à la fois. Cela prolonge d'ailleurs le débat que nous avons eu hier, tard dans la nuit, à propos de l'inversion de la hiérarchie des normes. Non contents de rendre la loi subsidiaire, vous rendez le contrat de travail aléatoire, subsidiaire lui aussi, et modifiable unilatéralement – sous couvert d'un accord collectif dont on sait, dans la réalité, comment il sera obtenu.
Au-delà de son caractère inopérant, cet amendement inoculerait le virus dans ce mauvais projet.
L'argumentation de M. Vallaud pose problème. Le CSP concerne des personnes licenciées pour motif économique ; or mon amendement ne concerne pas ce cas de figure, mais l'application d'un accord d'entreprise. Il vise donc un licenciement sui generis, pour lequel le CSP ne peut s'appliquer. Ma proposition, dans ces conditions, est de renforcer l'accompagnement pour les licenciements ayant lieu dans un cadre ne relevant pas du CSP.
L'amendement no 11 , sous-amendé, est adopté.
Il s'agit d'un cas très particulier : la conclusion d'un accord défensif ou offensif dans l'entreprise. Les modalités de préparation de tels accords nous paraissent trop légères. Vous supprimez l'effet de nullité de l'accord qu'entraînerait l'absence de préambule : cette suppression ne nous paraît pas souhaitable.
Je rappelle que le préambule présente de manière succincte les objectifs poursuivis. C'est une sorte de note de synthèse lisible par tous, qui permet d'améliorer la visibilité et la bonne compréhension des accords. L'intérêt pour les salariés et l'entreprise est évident : ils bénéficient d'une meilleure connaissance de la norme conventionnelle applicable. Je crois que nous pouvons tous tomber d'accord sur ce point.
Certes, par la loi du 8 août 2016, nous avions prévu de ne pas sanctionner l'absence de préambule par la nullité des accords et conventions conclus, sauf si l'accord en décidait autrement, pour éviter de faire peser une nouvelle obligation sur les organisations syndicales ; mais nous avions préservé cet effet de nullité pour les accords offensifs et défensifs dont nous discutons désormais. Pourquoi cela ? Parce que les accords – notamment les accords offensifs – réclament un diagnostic partagé. Ils participent d'une démarche prospective et ne peuvent donc pas s'appuyer sur un seul diagnostic.
Aussi est-il indispensable, à notre sens, de doter les partenaires sociaux de tous les outils permettant de réaliser ce diagnostic partagé afin d'améliorer la visibilité de l'accord pour tous les salariés.
Puisque nous sommes encore au début de nos échanges d'aujourd'hui, je m'efforcerai de convaincre M. Vallaud que son amendement est satisfait ; ayant entendu mes explications, peut-être le retirera-t-il ! Je pense en effet, si je vous ai bien compris, qu'il ne s'agit là que d'une question d'interprétation.
Je n'ai pas la même interprétation que vous des dispositions encadrant le régime unifié des accords de compétitivité mis en oeuvre par l'article L. 2254-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance visée. Comme vous, j'interprète ces dispositions comme rendant facultatif le contenu de l'accord ; mais ces accords doivent bel et bien comporter un préambule.
Le II de l'article L. 2254-1 précise bien que « l'accord définit dans son préambule ses objectifs » : le verbe à l'indicatif, or en droit français l'indicatif vaut impératif. Si le contenu relève d'une simple faculté, le préambule, lui, me paraît donc d'ores et déjà obligatoire.
Cet amendement me paraissant satisfait, je suggère donc son retrait.
Même avis.
Je suis satisfait, tout d'abord, de constater que M. le rapporteur partage ma préoccupation quant au caractère obligatoire du préambule. Je ne suis pas convaincu, toutefois, par l'interprétation de M. le rapporteur : l'obligation porte sur le contenu du préambule, non sur son existence même. Un sous-amendement aurait été bienvenu, à des fins de précision légistique.
L'amendement no 131 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l'amendement no 132 rectifié .
Nous souhaitons que, dans les entreprises qui ne disposent pas de délégués syndicaux, les accords de compétitivité puissent être conclus par des élus mandatés ou, à défaut, par des salariés mandatés. La négociation de ces accords nécessite évidemment une formation spécifique et l'assistance des organisations syndicales, qui apporteraient une forme d'expertise.
Je suis certain que cette mesure conviendra parfaitement à M. Cherpion, qui l'a déjà défendue dans l'une de ses propositions de loi.
J'ignorais que nos collègues Jean-Louis Bricout et Gérard Cherpion avaient travaillé en commun sur certains textes !
Sourires.
Le présent amendement, repoussé par la commission, introduit des modalités de négociation des accords de compétitivité dérogatoires au régime fixé par l'ordonnance 2017-1385. Il prévoit en effet que ces accords seront conclus prioritairement par des salariés ou des élus mandatés, à défaut d'accord syndical, alors que l'ordonnance a supprimé la priorité donnée au mandatement.
Je suis défavorable à cet amendement pour des raisons évoquées non seulement en commission, mais également hier soir, lorsque nous avons parlé du mandatement sur d'autres thèmes. Laissez-moi vous donner quelques éléments pour justifier cet avis défavorable : très peu d'accords sont négociés par des salariés ou des élus mandatés, car le mandatement, on l'a dit et répété, ne fonctionne pas de manière satisfaisante à l'heure actuelle. Il y a d'ailleurs fort à parier qu'en réintroduisant un recours obligatoire au mandatement, on priverait les entreprises de la possibilité de négocier un accord de compétitivité. Or nous souhaitons précisément leur donner la possibilité de conclure de tels accords, y compris, dans certaines conditions, en l'absence de délégué syndical.
Par ailleurs, les élus du personnel connaissent bien, en général, les enjeux de l'entreprise : ils sont donc tout à fait en mesure de négocier les accords de compétitivité. Voilà pourquoi l'avis est défavorable.
De quoi est-il question dans les dispositions que M. Vallaud propose d'amender ? De l'adaptation des modalités de négociation à la réalité des entreprises de moins de cinquante salariés en l'absence de délégué syndical. Je rappelle que 4 % seulement de ces entreprises ont un délégué syndical.
Nous prévoyons donc que, même en l'absence de délégué syndical, un accord puisse être négocié moyennant la garantie que représente l'intervention d'un élu ou d'un salarié mandaté. Ce que vous nous proposez, en gros, c'est d'en revenir à l'ancien système ; j'ai pourtant montré tout à l'heure, en citant quelques chiffres, combien il manquait d'efficacité.
Voilà pourquoi nous sommes défavorables à votre amendement. Nous continuons à faire confiance au dialogue social dans l'entreprise, lequel se déroulera dans de bonnes conditions avec la présence d'un salarié mandaté pour cela.
La position du Gouvernement est cohérente, quel que soit le ministre qui la présente !
Comme nous sommes en plein remaniement, je ne sais plus, monsieur Castaner, si vous êtes secrétaire d'État aux relations avec le Parlement ou ministre du travail...
Sourires.
En tout cas nous sommes heureux de vous avoir avec nous : cela nous donne l'occasion de présenter à nouveau les arguments que nous avons avancés hier. C'est que nous sommes tenaces !
Plutôt de renoncer à renforcer le dialogue syndical, et par là même le dialogue social, en renforçant la présence des syndicats dans les entreprises, vous avez choisi de contourner les syndicats. Dans certains pays, auxquels nous nous référons souvent, des élections syndicales sont organisées dans les entreprises à partir du moment où elles comptent deux salariés ! Vous auriez pu avoir la même ambition, mais vous y avez renoncé.
Pourquoi avions-nous formulé cette proposition, qui aurait d'ailleurs pu être combinée avec le chèque syndical, promesse de campagne non tenue du Président de la République ? Parce ce sont dans les entreprises qui ont des syndicats que l'on signe le plus d'accords. Dans 70 % de ces entreprises, il y a eu des accords ; en l'absence de syndicats, ce taux tombe à 40 %.
C'est pourquoi nous proposions de renforcer véritablement le dialogue syndical et social, ce que vous refusez de faire. Sur ce point les organisations syndicales sont unanimes : elles considèrent, pour l'instant, que le rendez-vous est manqué.
Voilà ce que je voulais vous dire, monsieur le secrétaire d'État, pour vous faire partager nos discussions de la nuit dernière.
Sourires.
L'amendement no 132 rectifié n'est pas adopté.
Il existe aujourd'hui quatre régimes différents, obéissant à quatre procédures différentes, conduisant à quatre motifs de licenciement différents et donnant lieu à quatre modalités d'accompagnement des salariés différentes. L'article visé tend à harmoniser et à simplifier ces régimes : si le salarié refuse l'accord, il commet une faute et peut être sanctionné par un licenciement. Il dispose alors d'un délai d'un mois pour refuser l'accord. Ce délai, nouveau, nous semble tout à la fois inopportun et trop court : nous proposons donc de le supprimer.
Je pensais que l'un des amendements que je défendrai bientôt permettrait de vous rassurer, mais comme cela n'a pas été avec un amendement précédent, je ne fonde plus beaucoup d'espoirs là-dessus – enfin, on ne sait jamais !
Sur le principe, l'idée de fixer un délai au salarié pour faire connaître son refus de se voir appliquer un accord de compétitivité ne me choque pas. Au reste, ce délai était déjà prévu dans le cadre des accords de maintien de l'emploi mis en place par la majorité précédente dans le cadre de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi.
C'était l'objet de l'ancien article L. 5125-2 du code du travail, abrogé par l'ordonnance no 2017-1385, puisque le régime des accords de maintien de l'emploi a été fondu dans le régime unique des accords de compétitivité.
Cela dit, j'ai moi-même déposé un amendement no 266 visant à préciser le point de départ de ce délai. Il me semble normal que celui-ci coure à partir du moment où l'employeur notifie au salarié l'existence de l'accord. Il est toutefois important, pour éviter les contentieux, que ce délai soit bien encadré et qu'il n'y ait pas de doute sur son point de départ.
Je vous invite donc, cher collègue – quoique je ne sois guère confiant quant au succès de cette suggestion – à me faire confiance et à retirer votre amendement au bénéfice de l'amendement no 266 . À défaut de retrait, l'avis serait défavorable.
Si je comprends bien, votre amendement vise à supprimer le délai d'un mois, ce qui pourrait bloquer la totalité de l'accord. Sans ce délai somme toute raisonnable, en effet, les salariés pourraient indéfiniment s'abstenir de répondre, ce qui conduirait à un blocage collectif. Une seule personne pourrait ainsi bloquer tout le processus. C'est pourquoi l'avis est défavorable.
À vous entendre, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d'État, le sujet serait théorique, et il s'apparenterait à la répartition de choux, de carottes ou de poireaux sur un étal. Mais nous parlons de salariés ! Et le sujet, c'est de savoir si un accord collectif peut remettre en cause des éléments substantiels du contrat de travail : mobilité géographique, salaire ou même définition du poste occupé. Il s'agit de la remise en cause de tout cela, et à vos yeux un délai d'un mois, pour permettre au salarié de réagir à ce qui va au bout du compte bousculer sa vie et sa famille, serait prohibitif ou exagéré. Mais de quoi parle-t-on ?
Quand on perd son boulot, la vie est broyée. Quand on aime son travail et que, du jour au lendemain, pour des raisons qui désormais pourront être simplement liées au fonctionnement de l'entreprise, on est humilié, que peut-on faire ? Un mois de réflexion, c'est beaucoup trop long à vos yeux ? De qui se moque-t-on ? Après avoir fait voter un budget pour les riches, vous persévérez dans l'humiliation de classe. Cela me met en colère ! Je veux le dire devant vous.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe REM.
L'amendement no 121 n'est pas adopté.
Puisque M. le rapporteur s'est déjà exprimé sur le sujet, je dirai que l'amendement est défendu.
Je rejoins M. Vallaud sur un point : je ne referai pas l'argumentaire. L'amendement a été repoussé par la commission.
L'amendement no 130 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Laurent Pietraszewski, pour soutenir l'amendement no 266 rectifié .
Cet amendement vise à préciser le point de départ du délai d'un mois imparti au salarié pour notifier son refus de se voir appliquer un accord de compétitivité.
L'amendement no 266 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté et les amendements no 250 rectifié , 252 , 88 et 325 tombent.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement no 327 .
La colère que j'exprime n'est pas personnelle : c'est une colère de classe. À humiliation de classe, colère de classe.
Cet amendement vise à revenir sur un sujet important : celui de la primauté de l'accord collectif sur le contrat de travail. Il s'agit, plus précisément, de supprimer des dispositions ajoutées par l'amendement du rapporteur en commission et les conséquences prévues pour les salariés qui refuseraient de se voir appliquer les accords de compétitivité dans leur nouvelle version.
Rappelons, une fois encore, que ces accords pourront être conclus même en dehors de toute difficulté économique, même pour des raisons seulement liées au fonctionnement de l'entreprise, qu'ils pourront avoir des conséquences sur la durée du travail, le niveau de rémunération, la mobilité professionnelle, donc sur le contrat de travail lui-même. Et tout cela sera imposé au salarié pour de simples besoins de fonctionnement et d'organisation ; s'il refuse, il sera licencié pour motif spécifique.
En effet, la disposition du rapporteur prévoit que l'employeur dispose d'un délai raccourci pour engager la procédure de licenciement, lequel reposerait sur un motif spécifique constitutif d'une cause réelle et sérieuse. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine conteste cette mesure qui, dans les faits, va s'apparenter à un véritable chantage à l'emploi : « Tu acceptes la remise en cause des clauses substantielles de ton contrat, ou tu fais ta valise et un chômeur prendra ta place. » Cela n'est évidemment pas acceptable lorsque l'on prétend vouloir rétablir le dialogue social.
L'amendement a été repoussé par la commission, mais je fais une demande de retrait. En effet, il me semble y avoir un malentendu sur l'amendement que j'avais fait adopter en commission, monsieur Jumel : il vise à mieux encadrer les délais impartis à l'employeur pour engager la procédure de licenciement lorsque le salarié a refusé l'application d'un accord de compétitivité. Il me semble que vous êtes plutôt demandeur, mon cher collègue, de ce type de mesures protectrices.
Sans cet amendement, l'employeur aurait pu engager ladite procédure pendant toute la durée d'application de l'accord, par exemple deux ans après sa signature, voire plus. Il s'agit donc de satisfaire à l'exigence formulée par le Conseil constitutionnel dans sa décision rendue à l'occasion d'une QPC – question prioritaire de constitutionnalité – le 20 octobre dernier s'agissant des APDE, décision dans laquelle il indique que la procédure de licenciement doit être engagée dans « un délai raisonnable ». Je pense que le délai de deux mois proposé dans mon amendement est protecteur pour les salariés. Le fait de le supprimer aurait l'effet inverse du but recherché. Je pense donc que votre amendement vient d'un malentendu, et suis presque sûr que vous opterez pour le retrait.
Avis défavorable, mais je rebondirai sur cette notion de « rapport de classes » : personne ici, qu'il soit député ou membre du Gouvernement, n'a vocation à prétendre parler au nom d'une classe, d'un groupe ou d'un collectif quel qu'il soit. Je dis bien personne.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM. – Exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR
Nous pourrions comparer nos parcours et voir ce que les uns et les autres ont fait pour prétendre parler au nom d'une classe. Je le dis d'autant plus que si je reprends la discussion précédente, ponctuée par une colère que vous aviez parfaitement le droit d'exprimer, monsieur Jumel, je constate que vous ne défendez pas une classe. La question, avec l'amendement no 121 , était en effet de savoir si une seule personne pouvait bloquer la mise en oeuvre d'un accord collectif, fruit d'une discussion avec les partenaires sociaux. Il ne s'agit pas de défense de classe là où une seule personne, si on supprimait les délais comme vous le souhaitez, pourrait bloquer l'ensemble d'un accord qui s'applique au collectif. C'est un peu comme si un individu pouvait déroger à ce qui est voté dans cet hémicycle parce qu'il le refuserait, bloquant ainsi l'ensemble de la procédure législative.
Quant à l'amendement, je rejoins la remarque du rapporteur : le délai de deux mois est protecteur ; or il est proposé de le supprimer. Je suppose que votre ambition, monsieur Jumel, est d'empêcher le licenciement, ce que j'entends parfaitement, mais votre amendement ne modifierait pas la conséquence du refus de l'accord, c'est-à-dire le licenciement, mais le délai de deux mois pendant lequel celui-ci ne peut pas avoir lieu. Cet amendement irait donc, a minima, contre votre volonté si vous ne le retiriez pas.
Nous examinons les articles les uns après les autres, mais gardons en tête la cohérence du projet gouvernemental, dont l'efficacité, nous l'avons rappelé, nous paraît douteuse en termes de créations d'emplois. Nous avons bien mesuré à quel point il était au service d'un seul objectif : la flexibilité généralisée, c'est-à-dire la liberté de licencier en paix et la possibilité de contourner les organisations syndicales à chaque fois que le coeur en dira.
Je rappelle aussi que, dans les lois d'inspiration libérale qui se sont succédé, les accords collectifs, dont vous vous prévalez, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d'État, peuvent n'avoir été conclus que par des syndicats minoritaires. Vous me permettrez donc de douter de la portée démocratique de tels accords s'imposant à tous les salariés concernés.
Je vais vous faire une proposition, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d'État : nous acceptons de retirer cet amendement si vous retirez le texte de ratification des ordonnances, puisque nous avions déjà demandé leur retrait. Je réitère ainsi cette proposition.
Sourires et applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.
Selon vous, monsieur le secrétaire d'État, les rapports de classe n'ont pas lieu d'être dans cet hémicycle ; mais je puis vous dire, pour y siéger régulièrement, qu'il y a déjà eu des rapports de classe : je pourrais en prendre quelques exemples. C'est tout à votre honneur de penser que cela n'existe pas ici, mais c'est pourtant le cas.
À moins que M. le secrétaire d'État décide de retirer les ordonnances, …
Sourires.
Pourquoi pas ? Soyons rock'n'roll !
Sourires.
L'amendement no 327 n'est pas adopté.
L'article 2 soulève une question : que se passe-t-il, au regard du respect de l'obligation d'information et de consultation des salariés, si au moins dix salariés refusent de se voir appliquer l'accord de compétitivité proposé ?
Le code du travail prévoit que l'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours réunit et consulte les représentants du personnel. De plus, la directive 98-59 du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs oblige l'employeur à consulter les instances représentatives du personnel sur les mesures de reclassement prévues.
Cette directive est claire : quelle que soit la nature du licenciement, économique ou non, les procédures d'information et de consultation des salariés sont obligatoires dès lors qu'il est collectif. C'est pourquoi nous proposons de maintenir cette obligation dans le cas où au moins dix salariés refuseraient de se voir appliquer l'accord de compétitivité.
Le principe retenu par les ordonnances, monsieur Juanico, consiste précisément à écarter l'application des dispositions relatives à la procédure de licenciement économique collectif que vous proposez de réintroduire – sans toutefois supprimer, d'ailleurs, la disposition du texte qui l'écarte explicitement, ce qui pose un problème de cohérence.
Je le rappelle, le licenciement du salarié qui refuse l'application de l'accord doit reposer sur un motif spécifique constituant une cause réelle et sérieuse. Dès lors, quel que soit le nombre de salariés concernés, la procédure applicable en matière de licenciement pour motif personnel est de droit pour ce qui concerne l'entretien préalable, la notification de licenciement et la possibilité d'assistance des salariés ; les règles de droit commun s'appliquent pour ce qui concerne le préavis, l'indemnité de licenciement et les documents remis par l'employeur à l'issue de la rupture du contrat.
Il me paraît important de rappeler que cette question a déjà été abordée quand le législateur a mis en place les accords de maintien de l'emploi en 2013. Il y avait répondu de la même manière qu'aujourd'hui en précisant que, « lorsqu'un ou plusieurs salariés refusent l'application à leur contrat de travail des stipulations de l'accord [… ], leur licenciement repose sur un motif économique » et « est prononcé selon les modalités d'un licenciement individuel pour motif économique ». Il doit donc reposer sur une cause réelle et sérieuse.
Autrement dit, votre propre majorité avait déjà répondu à cette question : je la remercie, à travers vous, pour m'avoir simplifié le travail. Avis défavorable.
L'amendement no 230 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Si le salarié refuse de se voir appliquer l'accord, l'employeur peut engager une procédure de licenciement à son encontre. Quel est alors le motif du licenciement : personnel, économique ou sui generis ? Dans le projet de loi, s'agissant de l'entretien préalable, de la notification du licenciement et du conseiller du salarié chargé de l'assister lors de l'entretien préalable, les règles retenues obéissent à celles prévues en matière de licenciement pour motif personnel. En termes d'accompagnement, le salarié conserve ses droits à indemnité de licenciement comme ses droits à l'indemnisation chômage, et l'employeur abonde son compte personnel de formation, ce dont nous nous félicitons.
Nous souhaitons surtout, à travers cet amendement, rappeler notre attachement au motif dit sui generis car il emporte les conséquences d'un motif économique et permet un parcours d'accompagnement personnalisé pour le salarié. Or il n'est fait aucunement référence à un accompagnement spécifique de type CSP, et vous appliquez des mesures relevant du licenciement pour motif personnel sur des points aussi importants que l'entretien préalable.
C'est pourquoi nous proposons de rétablir le motif sui generis ainsi que l'accompagnement spécifique. Nous rejoignons ainsi plusieurs préoccupations exprimées par plusieurs de nos collègues. Après la disparition du droit de recours à l'expertise et la suppression de la garantie du maintien de la rémunération mensuelle, vous remettez en cause les droits indispensables à l'accompagnement renforcé des salariés qui refuseraient l'accord, alors que nous souhaitons tous qu'ils retrouvent un emploi.
Il s'agit d'un amendement de repli. Ne souscrivant pas à la logique des accords de compétitivité, nous nous proposons, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, de limiter les effets nocifs de vos mesures.
L'amendement no 337 vise, en cas de refus par le salarié de se voir appliquer un accord de compétitivité, à rétablir à son bénéfice la procédure de licenciement pour motif économique. Le motif spécifique de licenciement que vous proposez ne saurait en effet se justifier puisque l'accord collectif, c'est sa raison d'être, est lié aux nécessités du fonctionnement de l'entreprise.
Vous faites ainsi peser sur le salarié – alors qu'il n'a, lui, rien demandé – la responsabilité de la cause de la rupture. Rappelons que le motif économique constituait la règle, dans la plupart des cas, avant les ordonnances.
Les accords de mobilité interne et de maintien dans l'emploi, ainsi que les accords de préservation et de développement de l'emploi faisant référence à la cause économique, nous proposons, par cet amendement, de la rétablir.
S'agissant de l'amendement no 337 , le motif spécifique de licenciement évoqué – c'est-à-dire le licenciement ad hoc qui répond au motif de licenciement pour motif personnel que vous souhaitez voir, cher collègue, supprimé au profit du licenciement économique – a déjà été validé par le Conseil constitutionnel dans le cadre des APDE.
Il a d'autant plus de raisons de s'appliquer dans le cadre d'un régime unifié que cette partie des ordonnances regroupe des accords très divers, allant de la modulation de la durée du travail au champ des APDE, comme on l'a dit précédemment.
L'amendement no 134 de M. Vallaud, quant à lui, tend à rétablir une disposition applicable, dans le cadre des APDE, aux termes de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. Cette mesure porte sur un dispositif spécifique d'accompagnement financé pour partie par l'employeur et pour une autre par Pôle emploi, puisqu'il fait alterner des périodes d'immersion et des périodes de formation.
Si ce dispositif – que je connais pour l'avoir vu fonctionner à plusieurs reprises dans ma circonscription, notamment à Lomme et à Armentières – me paraît effectivement intéressant, on peut s'interroger sur la recevabilité de cet amendement au regard de l'article 40 : je n'ai pas vraiment compris, à cet égard, comment il a pu parvenir au stade de la séance publique, même si la technique légistique me fait défaut pour en juger.
Ce dispositif était, certes, approprié dans le cadre des APDE. La lecture que j'en fais, compte tenu du fait que nous travaillons, s'agissant de ces accords, sur un régime unique – lequel peut recouvrir, comme je le disais tout à l'heure, des réalités très différentes – est qu'il n'est, en l'espèce, pas adapté. C'est pour cette raison que mon avis est défavorable.
Je rejoins évidemment les conclusions du rapporteur et émets également un avis défavorable sur ces deux amendements. J'entends leur cohérence, qui est d'élargir le statut plus favorable – notamment parce qu'il ouvre droit à des dispositifs comme le CSP, qui a eu jusqu'à présent des effets très positifs – du licenciement économique à l'ensemble des licenciements.
Nous aurions d'ailleurs pu, chers collègues du groupe Nouvelle Gauche, nous retrouver auparavant sur cet effet positif du CSP puisque, dans les conclusions que j'ai régulièrement formulées tout au long de la précédente législature dans un rapport spécial, je revendiquais, sans être jamais suivi par le Gouvernement, son élargissement.
Comme le dit Régis Juanico, j'avais pu indiquer que la baisse brutale, à 280 000 emplois aidés, prévue par le projet de loi de finances pour 2017, était une anomalie.
Oui, mon cher collègue, je l'avais écrit. Le Gouvernement actuel a porté le nombre d'emplois aidés à 320 000 : cela méritait effectivement d'être précisé, et je remercie Régis Juanico de m'avoir donné l'occasion de le faire.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.
Quoi qu'il en soit, on ne peut considérer que le refus individuel d'un accord est susceptible de caractériser un licenciement économique et, ce faisant, d'ouvrir aux droits qui s'y rapportent : en l'espèce, le licenciement n'est pas contraint et rendu inévitable par les difficultés économiques de l'entreprise, comme dans le cas d'un licenciement économique.
D'autre part, le licenciement ne résulte ici que d'un choix individuel, qui intervient de surcroît après une décision majoritaire. C'est parce qu'une telle décision est intervenue, associant les partenaires sociaux ou les représentants des salariés, qu'il n'est pas possible de considérer que le choix d'un seul salarié est consécutif à des difficultés économiques rencontrées par l'entreprise.
Il y a là une contradiction, puisque les accords de compétitivité ne sont pas forcément conclus pour une raison économique : c'est là un premier problème, dont nous avons déjà débattu.
En l'absence de cause économique, ces accords peuvent toutefois conduire à modifier les contrats de travail, donc à réviser les conditions d'engagement des salariés. Selon nous, une telle situation pose problème en elle-même.
En outre, vous venez nous expliquer, monsieur le secrétaire d'État, que dans ce cadre-là, c'est au salarié qui refuse de voir ses conditions de travail modifiées par rapport à celles initialement prévues lors de son embauche de porter la responsabilité quasi-entière de son choix. Or ces conditions étaient différentes lors de l'embauche.
Il nous paraît donc légitime, puisqu le choix sera bien souvent douloureux pour le salarié, qui ne le fera que parce qu'il s'y verra contraint, de lui accorder les conditions dont bénéficient les salariés en cas de licenciement économique.
Il s'agit d'un vrai sujet, monsieur le secrétaire d'État. Le salarié n'aura pas demandé à voir son environnement de travail substantiellement modifié à travers son contrat : c'est bien l'accord d'entreprise qui aura cet effet. Ce n'est donc pas le salarié qui se trouve à l'origine d'une telle modification.
Permettre à l'entreprise ou au chef d'entreprise de licencier, pour motif personnel, un salarié placé dans une telle situation alors même qu'il n'y est pour rien me paraît, effectivement, un peu excessif, et d'ailleurs contraire à certaines conventions internationales que la France a signées : je pense en particulier à la convention no 158 de l'Organisation internationale du travail, l'OIT. Cela pose un vrai problème.
Peut-être des jugements antérieurs ont-ils été rendus, qui ont donné raison, M. le rapporteur le rappelait, au Gouvernement de l'époque sur la question du motif personnel.
Cette disposition me paraît quoi qu'il en soit contraire à des accords que la France a signés : le Gouvernement serait par conséquent bien inspiré – et j'ai d'ailleurs entendu que vous aviez, monsieur le secrétaire d'État, déposé des amendements sur ce sujet au cours de la précédente législature – d'y regarder à deux fois.
Je vais m'abstenir sur ces deux amendements et ne pas les voter, mais ils portent sur un vrai sujet sur lequel le Gouvernement devrait réfléchir à ce qu'il fait : cela constitue en effet un motif de censure potentielle par le Conseil constitutionnel.
Sur l'amendement no 337 , je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Ces amendements, monsieur Dharréville, ont déjà donné lieu à deux prises de parole, dont la vôtre.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Il me semble qu'il est nécessaire de meubler quelque peu avant le scrutin public.
Sourires.
Plus sérieusement, s'agissant de la question juridique qui vient d'être posée, j'ai fait procéder à des vérifications qui ont même donné lieu à des échanges informels d'analyses sur la qualification : la convention no 158 de l'OIT prévoit que le licenciement peut être lié à la fois au bon fonctionnement de l'entreprise ou à un dispositif personnel. Or nous sommes bien dans le cadre d'un tel dispositif.
Il n'y a donc pas lieu de nourrir, sur ce point, d'inquiétude sur le plan juridique. Si cela n'enlève cependant rien au sérieux de la question de fond qui a été soulevée, cela constitue, à tout le moins, une réponse à la question juridique soulevée par M. Vercamer.
L'amendement no 134 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 69 |
Nombre de suffrages exprimés | 64 |
Majorité absolue | 33 |
Pour l'adoption | 13 |
contre | 51 |
L'amendement no 337 n'est pas adopté.
Le nouvel accord de compétitivité prévoit, en guise de contrepartie, un abondement de cent heures du compte personnel de formation du salarié qui refuse l'application de l'accord de compétitivité.
Ce geste, important, doit être souligné. Nous en avons discuté lors de l'examen en commission de l'alinéa 11, et l'un des sous-amendements défendus par le rapporteur satisfait la demande que j'exprime ici. Si ce dernier me confirme que tel est bien le cas, je retire cet amendement.
La commission, mon cher collègue, avait effectivement donné un avis favorable à votre amendement, en cohérence avec les dispositions adoptées tout à l'heure
La commission maintient donc l'avis favorable qu'elle avait exprimé lors de sa réunion au titre de l'article 88.
L'amendement no 12 est retiré.
M. le secrétaire d'État et délégué général Christophe Castaner a spontanément abordé, tout à l'heure, la question des contrats aidés qu'il connaît très bien puisqu'il a été, pendant toute la législature précédente, rapporteur spécial sur les crédits de l'emploi. Je lui rappelle à ce sujet que, pendant ces cinq années, le nombre de contrats aidés a toujours oscillé entre 400 000 et 460 000 et qu'il a toujours été voté de la même façon, c'est-à-dire une partie, à hauteur de 250 000 ou 300 000 contrats, en loi de finances initiale – vous le savez très bien, puisque vous êtes bon connaisseur de la procédure budgétaire – , puis le complément en cours d'année, soit par décrets d'avance, soit dans le cadre d'une loi de finances rectificative. Le processus a toujours été le même.
L'amendement no 135 , quant à lui, a trait à un sujet que nous avons abordé avec nos précédents amendements : le droit à l'expertise. v La possibilité de conclure des accords de compétitivité doit s'accompagner d'un tel droit, et ce quelle que soit la taille de l'entreprise. Ce droit était d'ailleurs inscrit dans les APDE et financé par l'employeur ; or il a disparu de votre projet de loi.
La qualité du diagnostic analysé et partagé sur la situation de l'entreprise est à nos yeux indispensable en l'espèce. Comment comptez-vous permettre aux organisations syndicales de l'entreprise de disposer d'informations de qualité si vous supprimez les outils de ce diagnostic ? C'est pourquoi nous proposons de réintroduire le droit à l'expertise.
Cet amendement a été, cher collègue, repoussé par la commission. Vous proposez que les instances représentatives du personnel puissent mandater un expert-comptable dans le cadre de la négociation d'un accord de compétitivité. Or, au-delà du fait que votre amendement renvoie au comité d'entreprise – dont je rappelle qu'il a vocation à être absorbé par le comité social et économique, le CSE, comme nous le verrons en examinant la troisième ordonnance – – , il est en réalité satisfait à mon sens.
En effet, l'article L. 2315-92 du code du travail, dans sa rédaction issue de cette même ordonnance, prévoit bien que le CSE « peut décider de recourir à un expert-comptable de son choix : [… ] pour préparer les négociations prévues aux articles L. 2254-2 et L. 1233-24-1 », autrement dit lors de la négociation d'un accord de compétitivité.
À défaut de retrait de cet amendement, mon avis serait par conséquent défavorable.
Il est important de ne pas laisser penser que nous restreindrions aujourd'hui la possibilité d'information, donc de recours à des expertises – qui existait auparavant – en cas d'inquiétude forte et légitime des représentants des salariés.
Il est prévu que les frais d'expertise relatif à une consultation portant la situation économique et financière de l'entreprise soient intégralement pris en charge par l'employeur.
Cette prise en charge est également intégrale si cette même consultation porte sur la politique sociale et les conditions de travail et d'emploi, sur un projet de licenciement collectif pour motif économique d'au moins dix salariés sur une période de trente jours et, enfin, si elle porte sur un risque grave constaté dans l'établissement. Vous savez que ce dernier dispositif a souvent servi à porter à la connaissance des salariés et des syndicats un certain nombre d'informations essentielles.
En revanche, dans certains cas, notamment lors de consultations récurrentes sur les orientations stratégiques de l'entreprise ou de consultations ponctuelles demandées à tel ou tel moment et ne comportant aucun dispositif d'alerte les légitimant totalement, il est prévu que ceux qui en font la demande y contribuent à hauteur de 20 %, l'entreprise y contribuant, elle, à hauteur de 80 %.
Cette disposition vise également à éviter les mesures dilatoires ainsi que la multiplication de dépenses occasionnées par des études stratégiques, ou par des commandes pas forcément adaptées à une inquiétude potentielle, ou qui peut même la susciter.
Je rappelle, s'agissant des mesures de contrôle essentielles comme de la légitime information des salariés, que la totalité des fonds nécessaires est prise en charge à 100 % par l'employeur. Nous baissons en revanche à 80 % le taux de cette prise en charge au cas où l'expertise demandée paraîtrait superfétatoire.
Ai-je bien compris, monsieur le secrétaire d'État ? Vous dites que les organisations syndicales pourraient s'adonner à des manoeuvres dilatoires ?
Oui, cela peut arriver.
Non, je n'ai pas dit cela. Ne jouez pas à cela !
Reconnaissez que cela peut prêter à confusion – ce qui serait préoccupant.
Je pense pour ma part qu'il faut conserver les garanties qui permettent aujourd'hui aux organisations de salariés de défendre les intérêts sociaux et économiques de l'entreprise. Tel est l'objet de l'amendement.
Quant au fait d'obliger le comité social et économique à contribuer à hauteur de 20 % aux études qui seront réalisées, …
Dans certains cas seulement !
… peut-être aurons-nous l'occasion d'en reparler tout à l'heure, mais là aussi, les instances vont se trouver face à un choix difficile : soit diligenter les études nécessaires, soit continuer à fournir les services sociaux et culturels actuellement assurés par les comités d'entreprise. Je pense que cette opposition que l'on est en train de créer va poser problème ; cela soulèvera des questions de priorité. Il me semble que l'on ferait mieux de laisser les choses en l'état. Les études doivent être financées par l'employeur : cela me semble parfaitement normal.
L'amendement no 135 n'est pas adopté.
L'article 4 de l'ordonnance relative au renforcement de la négociation collective met en place une « présomption de légalité » des accords d'entreprise. Sachant que leur négociation est favorable aux employeurs, une telle présomption signifie qu'un employeur pourra imposer aux salariés des clauses régressives, voire illicites, en toute impunité. À défaut de contestation, dans un délai de deux mois, par l'opposant à l'accord, lequel opposant devra démontrer que l'accord n'est pas légal, l'accord d'entreprise s'imposera, même s'il est illicite. On croit rêver ! Vu que vous réduisez par ailleurs le temps syndical, on mesure bien le danger que représente cette mesure.
En outre, votre texte permettra au juge déclarant illicite un accord de ne pas en tirer immédiatement les conclusions ; cet accord pourra ainsi produire des effets juridiques.
De même que le plafonnement des indemnités prud'homales, la présomption de légalité nous paraît être un chèque en blanc au patron qui souhaite délibérément piétiner les droits des salariés. C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 4 de l'ordonnance.
L'amendement a été repoussé par la commission. Cette mesure, cher collègue, a principalement pour vocation de sécuriser les accords collectifs, ce qui est, à mon sens, dans l'intérêt de tous, y compris des organisations syndicales de salariés.
Tout d'abord, le texte ne prévoit pas de présomption de légalité des accords collectifs ; une telle présomption serait d'ailleurs juridiquement intenable. L'option n'a donc pas été retenue par le Gouvernement, qui a préféré rappeler que la charge de la preuve reposait sur le demandeur, conformément à une règle de base du droit civil, dont l'utilisation n'est pas nouvelle en droit du travail.
Ensuite, la fixation d'un délai de deux mois pour toute action en nullité d'un accord collectif, au lieu du délai antérieur de droit commun, qui était de cinq ans et qui constitue, aux termes de l'article 2224 du code civil, le délai de prescription en matière civile, ne concerne que l'action en nullité. Elle ne vise pas à empêcher ou à restreindre dans le temps la contestation de la légalité d'un accord, qui peut être soulevée à tout moment par un salarié à l'occasion d'un litige individuel, si ce salarié estime qu'une clause qui lui est appliqué n'est pas légale.
Il ne s'agit donc pas, comme vous le laissez entendre, d'instituer une sorte d'immunité pour les accords collectifs, mais de sécuriser ceux-ci en limitant les délais de recours en nullité. Une fois que les parties ont eu connaissance de l'accord publié, si celui-ci pose problème, un délai de deux mois est suffisant. Avis défavorable.
Je ne pourrai balayer la totalité de l'article 4 de l'ordonnance, mais vous ne pouvez pas dire, monsieur Wulfranc, que même s'il est illicite, un accord s'appliquera, car il s'agit là d'un jugement personnel. Il existe un principe simple en droit civil, qui est que l'on doit fournir les éléments qui tendent à prouver qu'un accord peut être qualifié d'illicite, comme vous venez de le faire. Tel est l'enjeu de cet article : que l'on ne puisse pas dénoncer un accord d'entreprise comme illicite par principe, mais qu'il faille établir qu'il l'est. Cela reprend un principe fondamental du droit civil, qu'il n'est pas illogique d'appliquer en la matière : il appartient à celui qui conteste le caractère licite d'un document de donner les raisons pour lesquelles il le considère comme illicite. Cette référence au droit civil me semble importante.
Ensuite, se pose la question du délai. Il me semble qu'en deux mois, on a tout le temps de prendre connaissance d'un accord et de déterminer s'il est contestable ou illicite – car je ne nie pas qu'un accord puisse l'être – , afin d'engager les recours prévus et démontrer ce caractère illicite.
Le principe retenu est simple : si l'on considère quelque chose comme illicite, on doit établir qu'elle l'est. Cela me paraît plutôt un bon principe. C'est en tout cas celui qui régit le droit civil en France aujourd'hui.
Monsieur le secrétaire d'État, je ne sais pas si la chose est illicite, en tout cas elle est illisible. Le Président de la République souhaite qu'après les ordonnances, le code du travail soit plus simple, plus attractif et plus « émoustillant » pour les entreprises.
L'article L. 2262-15 du code du travail, tel que modifié par l'ordonnance, serait ainsi rédigé : « En cas d'annulation par le juge de tout ou partie d'un accord ou d'une convention collective, celui-ci peut décider, s'il lui apparaît que l'effet rétroactif de cette annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, que l'annulation ne produira ses effets que pour l'avenir ou de moduler les effets de sa décision dans le temps, sous réserve des actions contentieuses déjà engagées à la date de sa décision sur le même fondement. » Supprimer cet article ne changerait pas grand-chose et simplifierait à coup sûr le code du travail !
On est bien là dans la logique d'un code du travail « jivaro » : tout est réduit ! En l'occurrence, ce que l'on réduit, ce sont les délais : deux mois pour contester un accord comportant des dispositions pouvant être complexes, dans le cadre d'un droit du travail en cours de complet remodelage, avec des trous qui apparaissent dans la loi, une grande complexité dans le rapport avec les branches, une inversion de la hiérarchie des normes et une mise en cause du principe de faveur, eh bien, pour un responsable syndical, un militant syndical ou un salarié, c'est un délai qui paraît extrêmement court, qui plus est s'agissant d'accords qui seront conclus en contournant les organisations syndicales ou en s'en passant. Je ne crois pas que cette disposition, couplée à tout ce que nous sommes en train d'examiner et qui a déjà été pour partie adopté, soit de nature à renforcer le dialogue social dans notre pays.
On prend toujours du plaisir à lire les codes juridiques, monsieur Taugourdeau – celui-ci en particulier. Moi, tous les soirs, je lis le code général des impôts et j'y prends un grand plaisir : cela m'aide à m'endormir !
Sourires.
Bien évidemment, il importe aussi de rendre tout cela accessible.
Inutile de crier – même quand on est sympathique, vous hurlez, monsieur Di Filippo. Vous allez vous casser la voix !
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Mais n'hésitez pas : si La République en marche vous intéresse, vous êtes le bienvenu ; vous pouvez même avoir la double appartenance !
Exclamations sur les bancs du groupe REM.
Elle est un peu étroite, en revanche !
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Exclamations sur les bancs du groupe REM.
Pardon ? Vous pensez que c'est illégitime ?
Eh bien vous, en réduisant le débat politique à ce genre d'anathèmes, vous n'honorez pas la fonction que vous incarnez !
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Et si vous pensez que l'on fait de la politique pour la rémunération, vous devriez revoir votre ambition.
Je voudrais maintenant revenir à la question de l'accessibilité de l'information, qui me paraît essentielle. Pour favoriser cette accessibilité, nous prévoyons un code du travail numérique, qui fonctionnera avec des mots-clés. Par exemple, un boulanger souhaitant recruter en apprentissage une personne en situation de handicap pourra, d'ici à 2020, entrer ces mots-clés pour trouver la réponse. Le diagnostic d'illisibilité que vous avez établi, monsieur Taugourdeau, est parfaitement juste.
Monsieur Dharréville, il ne faudrait pas laisser penser que le délai de deux mois pour s'opposer à un accord s'imposera à tous. Il ne concerne que les recours engagés par une organisation syndicale, dont on peut penser qu'elle dispose de moyens d'ingénierie. En revanche, s'agissant des personnes, qui ne disposent pas de cette ingénierie, il s'agit d'un recours par voie d'exception, qui n'a pas de limite dans le temps.
L'amendement no 87 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l'amendement no 136 .
Cet article prévoit que les nouveaux accords sont présumés négociés et conclus conformément à la loi. Il appartient à celui qui conteste la validité d'un accord d'apporter la preuve que cela n'est pas le cas. Selon nous, ce n'est pas une bonne chose, d'autant que la base de données relative aux conventions et accords de branche n'a toujours pas vu le jour. En commission, la ministre avait promis qu'elle nous indiquerait la date de mise en service. Pourrions-nous la connaître ?
Contrairement à ce que suggère l'amendement, le texte, je le répète, ne prévoit pas de présomption de légalité des accords collectifs. Une telle présomption serait juridiquement intenable. L'option n'a donc pas été retenue par le Gouvernement, qui a préféré rappeler, comme je l'ai dit tout à l'heure aux collègues siégeant à la gauche de l'hémicycle, que la charge de la preuve reposait sur le demandeur, ce qui est une règle de base du droit civil.
Avis défavorable.
Même avis.
L'amendement no 136 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Nadia Ramassamy, pour soutenir l'amendement no 97 .
Cet amendement est assez proche du précédent, mais je vais quand même le défendre.
Il est institué une présomption simple de conformité de la convention ou d'un accord collectif à la loi. Le salarié qui en contestera la légalité supportera donc la charge de la preuve.
Or le salarié est la partie faible qui doit être protégée. Il a souvent peu de moyens à sa disposition, ce qui peut le décourager d'agir en justice.
Cet amendement propose de renverser la présomption simple de conformité de la convention ou de l'accord collectif à la loi, et de faire peser la charge de la preuve sur l'auteur de cette convention ou de cet accord. Cela permettrait de renforcer les droits des salariés en leur assurant une meilleure protection juridique et, dans le même temps, responsabiliserait les rédacteurs de chaque convention ou accord.
Cela rejoint ce que nous venons d'évoquer. L'amendement tend à renverser la charge de la preuve en matière de contestation d'un accord collectif en faisant reposer la responsabilité sur les auteurs de l'accord. Or l'ordonnance n'opère aucune innovation juridique : elle se contente de reprendre le principe posé par l'article 1353 du code civil. En proposant que la charge de la preuve repose sur les auteurs d'un accord collectif, vous posez un principe exorbitant du droit commun.
Qui plus est, celui-ci serait particulièrement difficile à mettre en oeuvre, car il est possible de contester la validité d'un accord de manière directe, mais aussi indirecte : un salarié peut contester une stipulation d'un accord qui s'applique à son contrat de travail. Demander aux auteurs de l'accord, qui ne sont pas parties au litige, de prouver la légalité de l'accord me paraît impraticable. Avis défavorable.
Même avis. Cet amendement, qui inverse la charge de la preuve, conduirait, en cas d'accord, à une mise en cause systématique des partenaires sociaux ayant négocié l'accord. Parce qu'il aurait comme effet de fragiliser grandement le dispositif conventionnel négocié avec les partenaires sociaux et les salariés élus ou désignés, il ne me semble pas aller dans le bon sens.
L'amendement no 97 n'est pas adopté.
L'accord collectif ne peut être une zone de non-droit. Le droit au recours contentieux doit rester ouvert à toute personne ou organisation concernée. Le délai de deux mois qui encadre les conditions de recours contre les accords collectifs nous semble trop court.
Cette disposition s'inspire du rapport Combrexelle, qui propose de prendre exemple sur les règles applicables au contentieux des actes réglementaires. Mais un acte réglementaire peut toujours être contesté par voie d'exception. Or le texte ne dit rien à cet égard. Si l'on considère que la chose est implicite, on peut s'en réjouir ; mais un ajout serait utile pour lever toute ambiguïté.
Par ailleurs, il est toujours possible de demander l'abrogation d'un texte réglementaire devenu illégal. Le projet de loi ne prévoit aucune disposition à ce sujet. Une précision serait pourtant utile : d'une part, un accord n'a pas d'auteur unique ; de l'autre, la demande collective d'abrogation ne fait pas naître de décision implicite de rejet.
Avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles évoquées précédemment. Je rappelle que le délai de deux mois ne concerne que les actions en nullité d'un accord : il ne s'agit pas d'empêcher la contestation, dans la durée, de la légalité d'un accord.
Un salarié peut donc contester à tout moment la légalité d'un accord qui lui est appliquée, s'il estime, lors d'un litige individuel, qu'une clause de cet accord n'est pas légale. Nous ne mettons donc pas en place une sorte d'immunité des accords, comme j'ai cru le comprendre de votre argumentaire, monsieur Juanico. Nous cherchons simplement à sécuriser les accords, en limitant les délais de recours en nullité.
Avis défavorable également. J'ai déjà évoqué ce sujet, notamment dans ma réponse à M. Dharréville, en précisant bien la distinction entre, d'un côté, les organisations syndicales pour lesquelles ce délai de deux mois s'appliquera et, de l'autre côté, le salarié individuel, qui, à tout moment, pourra agir contre un accord.
Ne nous y trompons pas : le délai de deux mois est quasiment un délai de droit commun. Pour avoir été maire pendant plusieurs années – je ne le suis plus depuis quelques mois seulement – , je sais que tous les actes administratifs pris par un maire ou une municipalité, qu'il s'agisse d'un refus de permis de construire ou de l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, peuvent faire l'objet d'un recours dans un délai de deux mois.
Ces deux mois sont donc un délai de droit commun, dont on ne peut pas penser qu'ils menacent la liberté d'action, surtout qu'ils ne s'appliquent pas aux particuliers, lesquels peuvent à tout moment contester le contenu d'un accord collectif. S'ils considèrent que certaines des dispositions de l'accord ne leur sont pas favorables, ils peuvent l'attaquer.
Le délai de deux mois est donc le délai classique pour contester des actes administratifs. On peut considérer qu'un plan d'action négocié dans l'entreprise n'est pas méconnu par les salariés et que toutes les organisations syndicales ont eu le temps d'être saisies et d'agir sur ce sujet.
L'amendement no 137 n'est pas adopté.
Le code du travail encadre les conditions dans lesquelles une partie prenante peut contester la légalité d'un accord collectif.
Dans votre entreprise de démantèlement du code du travail, monsieur le secrétaire d'État, vous entendez aussi rendre difficile l'accès à la justice. Par ces ordonnances, vous voulez en effet diminuer à deux mois le délai durant lequel une action peut être engagée contre un accord collectif.
Mes chers collègues, rendez-vous compte de la difficulté de faire ce type de recours contre des accords de plusieurs dizaines de pages, multipliant les renvois à d'autres accords, d'autres codes, d'autres usages ! Nous-mêmes, en tant que parlementaires, pouvons parfois être dépassés par la technicité des textes que nous avons à étudier. Imaginez le sentiment d'inconfort dans lequel vous allez plonger des salariés qui, eux, ne sont pas accompagnés de collaborateurs. Voulez-vous vraiment renforcer la démocratie sociale ? On peut légitimement se poser la question.
Voudriez-vous plutôt réserver le droit à la justice à ceux qui ont les moyens de se payer les conseils d'un spécialiste ? Ce délai est beaucoup trop court ; concrètement, il annihilera toute possibilité de contester un accord. Ainsi, vous pénaliserez en priorité les salariés les moins organisés. Vous mettrez même en difficulté les petits employeurs qui ne disposent pas d'une expertise juridique. Ce délai nous paraît donc contraire au principe d'accès universel à la justice.
Aussi proposons-nous de le remplacer par un délai de deux ans, afin de permettre aux salariés et aux petits employeurs de disposer d'un réel accès à la justice.
Cet amendement, malgré sa créativité, a été repoussé par la commission. Je ferai en revanche preuve d'une grande régularité dans ma réponse, qui restera identique.
La plupart du temps, les salariés qui veulent attaquer un accord collectif en contestent la légalité, non la nullité. Je peux comprendre que ces ordonnances puissent paraître complexes, vous le souligniez tout à l'heure, chers collègues, mais ce délai ne concerne que les actions en nullité.
Il n'y a donc pas d'inquiétude à avoir pour le salarié qui, à titre personnel, souhaite contester des éléments qui s'appliquent à son contrat de travail.
Même avis. Je ne compte pas répéter mon argumentaire sur ce sujet pour la quatrième, cinquième ou sixième fois, mais revenir simplement sur ces salariés et petits employeurs que vous évoquiez en concluant votre intervention, madame la députée.
Le salarié, je le répète, n'est pas tenu par ce délai de deux mois. En inscrivant une échéance de deux ans, madame la députée, vous limiterez la possibilité d'action du salarié au-delà des deux ans. Parce que je suis très attaché à la défense du droit des salariés, je suis défavorable à cette modification, qui instaure une limitation n'existant pas à l'heure actuelle.
Quant au « petit employeur », expression qui me semble un peu péjorative, il aura négocié cet accord avec ses salariés. Je serais assez étonné qu'il se fasse imposer un accord qu'il ait envie de contester, et ne s'avise pas d'agir dans le délai de deux mois.
Tout cela me semble donc provenir d'une agitation liée à l'idée que les accords seraient forcément mauvais. Chacun a le droit de le penser, mais les salariés, je le redis, ne sont pas concernés par cette limite à deux mois, ni à deux ans. Diminuer leurs droits ne serait pas une bonne idée. Le petit employeur, lui, est parfaitement conscient de la discussion qui a lieu dans sa petite entreprise. Dans ces conditions, le délai de deux mois pour agir me semble largement suffisant.
Je rappelle que ce délai est celui du droit commun, s'agissant de la contestation des actes fondamentaux, dans la vie quotidienne, de nos administrations.
J'entends bien que le délai concerne l'action en nullité, mais un employeur n'a pas cinquante avocats dans ses bureaux. Comment peut-il savoir si ce qui a été décidé avec ses salariés est possible ou non ? Il ne pourra pas tenir ce délai de deux mois, s'il constate que ce qui a été conclu ne convient pas.
Je ne fais que vous alerter sur ce point, monsieur le secrétaire d'État. Nous ne disons pas forcément que toutes les dispositions sont mauvaises. Je l'ai déjà dit hier, mais vous n'étiez pas présent, monsieur Castaner.
Il y a de très bonnes entreprises, de très bonnes décisions, de très bons accords. Mais parfois, des erreurs sont commises. Un délai de deux mois pour des employeurs qui n'ont pas d'avocats ou de juristes pour les aider est réellement trop court. Nous appelons donc votre attention sur ce point.
Il ne faut pas tomber dans une vision caricaturale. En réalité, comment les choses se passent-elles ?
Je viens de recevoir un message téléphonique où il est question d'une entreprise agroalimentaire de ma circonscription, Davigel : « Création d'une holding spécifique, sous l'égide de Sysco, groupe américain, regroupant les activités industrielles, en France, Davigel et Brakes, indépendantes de l'entité de distribution. Dieppe et Tôtes intégrées dans la nouvelle entité Distribution ; Offranville serait rattachée à une holding Usine, créée pour cela. »
Dans la foulée, on annonce évidemment la possibilité d'une remise en cause dans les quatre mois qui suivront cette nouvelle entité complexe d'accords qui pourront, le cas échéant, modifier la structuration de l'emploi dans les entreprises concernées. Mais je ne veux pas faire l'oiseau de mauvais augure : nous venons d'avoir l'information, et après tout nous n'en savons encore rien.
Et ensuite ? Les syndicats sont confrontés à des employeurs qui viennent accompagnés des meilleurs experts, avocats, financiers, y compris ceux qui savent aller dans les paradis fiscaux pour échapper à l'impôt. Alors que les salariés sont confrontés à une telle situation, le projet de loi réduit la capacité de saisir les comités d'entreprise pour avoir une expertise, une alerte, des moyens.
Après cela, les salariés devront vérifier et mesurer les conséquences que pourra avoir l'accord collectif sur l'emploi dans les entreprises concernées par ces modifications. Et devant tout cela, monsieur le secrétaire d'État, vous nous dites qu'il faut de l'ingénierie !
Mais enfin, les syndicats ne sont pas des start-up, mais des militants, des bénévoles, qui, armés de leurs convictions, de leur sens des réalités, ont vocation à défendre les salariés.
La manière dont le projet de loi raccourcit les délais et inverse la charge de la preuve, ne prend pas en compte ces réalités, ni la complexification des industries…
Vous me remerciez, monsieur le président, mais c'est moi qui vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de prendre en compte cette réalité pour les salariés.
Je ne vous sentais pas à l'aise avec l'expression « petit employeur », monsieur le secrétaire d'État : de fait, il faudrait plutôt parler d'un employeur de petit effectif.
Tout employeur, qu'il le soit d'un petit nombre de salariés ou patron du CAC 40, a face à lui le même code pénal et le même code du travail. Mais le patron du CAC 40 a quand même plus de moyens pour se défendre que celui qui n'emploie que trois ou quatre salariés.
L'amendement no 293 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement no 294 .
Cet amendement vise à supprimer la disposition permettant de rendre non rétroactif un accord collectif déclaré illégal.
L'ordonnance relative au prétendu renforcement de la négociation collective permet au juge qui prononce l'illégalité d'un accord collectif d'interdire tout effet rétroactif de sa décision. Un accord collectif qui aurait diminué le salaire mensuel des salariés, comme cela est désormais possible, pourrait ainsi être jugé illégal sans que cela ne déclenche une compensation financière pour ceux-là.
De même, il serait possible de ne pas payer des heures supplémentaires travaillées à des salariés, si l'accord qu'a proposé l'employeur a été déclaré illégal.
En réalité, monsieur le secrétaire d'État, vous faites payer aux travailleurs les conséquences d'accords collectifs frauduleux que l'employeur a proposés.
Cet article est scandaleux : il sécurise les employeurs face aux conséquences de leurs actes frauduleux, en conditionnant la possibilité, pour les salariés, d'obtenir une compensation s'ils en pâtissent. Nous en demandons donc la suppression.
La commission a repoussé ces deux amendements. Je dois vous avouer une forme d'incompréhension.
Si, cher collègue, car je passe du temps sur les amendements que vous déposez, dont j'essaie d'en comprendre les motivations sur le fond. Je ne comprends pas cet amendement qui remet en cause un pouvoir du juge, lequel est pourtant un élément de sécurisation juridique.
Même en l'absence d'énoncé clair dans la loi, je le rappelle, le juge a toujours le pouvoir de moduler dans le temps ou de reporter les effets de ses décisions pour éviter de déstabiliser la norme. Certes, le juge judiciaire utilise peu cette possibilité qui lui est offerte, mais ce pouvoir existe.
Il est d'ailleurs plus utilisé en matière administrative, comme le montrent certains arrêts célèbres du Conseil d'État de 2004, comme l'arrêt « Association AC ! et autres » ou la décision sur les recalculés, qui avait permis au juge administratif de moduler dans le temps l'effet de sa décision d'annulation de certaines modalités de calcul d'aides en matière d'assurance chômage, dont la rétroactivité avait eu des effets désastreux sur des milliers de bénéficiaires des allocations chômage.
S'il stabilise la norme juridique, ce pouvoir de modulation n'a pas toujours pour effet de favoriser les employeurs, comme vous semblez le penser, monsieur Ratenon. Elle a surtout pour objectif de ne pas créer de vide juridique ou de ne pas conduire à annuler en cascade des centaines de conventions collectives individuelles de forfait, comme cela a été le cas lorsque le juge a annulé des clauses des conventions de branche organisant le recours au forfait jour des cadres.
Pour toutes ces raisons, l'avis est défavorable.
En ramenant de trois à deux ans le délai dans lequel la restructuration des branches devra intervenir, on ouvre une période transitoire entre la publication des ordonnances et le 1er mai 2018, pendant laquelle les employeurs pourraient être tentés de faire adopter des accords minoritaires portant sur un champ de négociation élargi. C'est un danger qu'il n'est pas dans les intentions du législateur de créer. Voilà pourquoi nous vous proposons de revenir sur cette réduction de délai.
Défavorable.
Il ne vous aura pas échappé, mon cher collègue, que le contexte a changé depuis la mesure généralisant les accords majoritaires l'an dernier : les ordonnances, c'est d'ailleurs l'objet de notre débat, accordent beaucoup plus de place aux accords d'entreprise.
Merci de le dire : je vois que j'ai été compris et que vous les avez bien lues !
Il est donc important que la date d'entrée en vigueur de la généralisation des accords majoritaires soit avancée, pour que les accords d'entreprise soient pleinement légitimes. Je ne suis donc pas favorable à ce que l'on revienne à la date du 1er septembre 2019.
L'amendement no 153 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 267 rectifié .
Cet amendement vise à codifier l'obligation incombant à l'employeur d'« informer [… ] de la disponibilité des adresses des organisations syndicales de salariés représentatives dans la branche dont relève l'entreprise sur le site du ministère du travail », dans un souci d'accessibilité du droit et afin de valoriser la négociation collective et le dialogue social dans l'entreprise. J'espère et j'imagine qu'il va recueillir de nombreux suffrages, y compris à gauche de l'hémicycle.
L'amendement précise également que ce sont les salariés qui sont les destinataires de cette information, bien que cela me semble aller de soi.
Cet amendement rédactionnel est bien utile. Avis favorable.
Je confirme à M. le rapporteur que le droit à l'information est pour nous précieux, mais, ici, notoirement insuffisant.
L'amendement no 267 rectifié est adopté.
La parole est à Mme Laurence Trastour-Isnart, pour soutenir l'amendement no 14 .
La primauté de l'accord d'entreprise s'appliquera à compter du 1er janvier 2018, tandis que la généralisation des accords majoritaires ne sera effective que quatre mois plus tard, en mai 2018.
Or la généralisation des accords d'entreprise ne peut être soutenue qu'à plusieurs conditions : que la branche soit forte, pour couvrir les entreprises qui ne sont pas en mesure de conclure un accord ; que l'accès à la négociation soit facilité dans les petites entreprises ; et que les accords d'entreprise bénéficient d'une vraie légitimité, du fait de leur caractère majoritaire dans les entreprises concernées.
Il est donc proposé ici de reporter l'entrée en application de l'extension de l'accord d'entreprise, afin de l'aligner sur la date de généralisation des accords majoritaires.
Défavorable.
La logique des ordonnances veut que la nouvelle architecture conventionnelle puisse s'appliquer le plus rapidement possible. C'est ce qui explique le souhait que la primauté de l'accord d'entreprise entre en vigueur au 1er janvier 2018.
S'agissant des accords majoritaires, l'entrée en vigueur de leur généralisation a déjà été avancée de plus d'un an par les ordonnances. En effet, elle ne devait initialement s'appliquer, en vertu de la loi du 8 août 2016, qu'au 1er septembre 2019. Cette date, on l'a dit, a été avancée au 1er mai 2018. C'est important : il n'y aura que quatre mois de décalage entre l'entrée en vigueur de la primauté de l'accord d'entreprise et celle de la généralisation des accords majoritaires.
Lors des auditions, les organisations représentatives d'employeurs ont jugé ce délai tout à fait raisonnable ; quant aux organisations syndicales, si certaines avaient des questions et des inquiétudes, d'autres trouvaient elles aussi la mesure cohérente.
Le décalage ne me paraît pas de nature à nuire à la cohérence d'ensemble du dispositif.
Même avis.
Vous parlez en permanence de sécurisation, mais deux des amendements que nous venons d'examiner auraient permis de sécuriser un peu plus les dispositifs que vous proposez, et auxquels je demeure bien sûr foncièrement opposé. Pendant quelque temps, les vannes vont être grandes ouvertes : c'est un vrai danger pour les droits de beaucoup de salariés de notre pays.
L'amendement no 14 n'est pas adopté.
Sur l'amendement no 297 rectifié , je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'article 2, amendé, est adopté.
La parole est à M. Michel Larive, pour soutenir l'amendement no 297 rectifié .
L'article 8 de l'ordonnance du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective introduit une grande inégalité entre les salariés selon la taille de leur entreprise en matière de négociation des accords collectifs. En effet, il dispose que, dans les entreprises de moins de vingt salariés, l'employeur pourra faire adopter un accord d'entreprise sans négociation avec les représentants des salariés, par la voie d'une consultation validée par les deux tiers des salariés. L'employeur pourra d'ailleurs renouveler cette consultation autant de fois que nécessaire à l'adoption de l'accord. Notre amendement tend à supprimer cette disposition.
L'organisation collective des salariés dans leurs syndicats est le moyen pour eux de rééquilibrer un rapport de force asymétrique avec leur employeur. Par ailleurs, nous appelons l'attention sur le risque d'inconstitutionnalité de cet article : l'article 8 du préambule de la Constitution de 1946, qui fait partie du bloc constitutionnel, proclame le droit pour les travailleurs de « participe[r], par l'intermédiaire de [leurs] délégués, à la détermination collective de leurs conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ».
Considérant les difficultés des salariés des petites entreprises à s'organiser syndicalement, nous proposons par cet amendement de créer un dispositif de représentation syndicale territoriale dans les entreprises dont l'effectif est inférieur à cinquante salariés dans un même département. Les élus auront pour mission de désigner des délégués pour aider les salariés des PME qui ne disposent pas de représentation syndicale à négocier leurs accords d'entreprise. Ainsi, plutôt que détruire l'organisation collective des salariés au prétexte de la faible présence des syndicats dans les petites entreprises, comme le fait le Gouvernement, nous proposons une solution qui renforce le pouvoir des salariés.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
La commission a rejeté cet amendement.
Il s'agit d'un débat que nous avons eu assez longuement hier, mais puisque vous revenez sur ce terrain, mon cher collègue, comme vous y incite d'ailleurs l'ordre du code, je vous réponds à nouveau bien volontiers.
Il y a dans votre proposition une créativité que je tiens à souligner : vous avez imaginé une instance qui se situe en quelque sorte à mi-chemin entre les commissions paritaires régionales interprofessionnelles et les observatoires. Vous comprendrez que je préfère en rester à celles qui sont déjà prévues : les observatoires, qui accompagneront le dialogue social, et les CPRI, toutes récentes puisqu'elles ont été installées le 1er juillet dernier.
Quant au fond, vous voulez supprimer la possibilité pour les salariés de ratifier un projet d'accord de l'employeur dans les entreprises de moins de onze salariés, ou de moins de vingt salariés lorsqu'elles sont dépourvues de représentants du personnel–
Murmures sur les bancs du groupe FI
ou, du moins, vous proposez un autre dispositif ; je vous ai bien compris, et j'y arrive ! Il s'agit d'un dispositif de représentation syndicale territoriale, que vous appelez comité départemental de représentation des salariés des PME.
Cela revient à rétablir, sous un autre nom et peut-être avec une autre teneur, une forme de mandatement syndical.
Nous en avons parlé hier ; je vous dirai la même chose aujourd'hui : on constate qu'aujourd'hui le mandatement syndical ne fonctionne pas comme il le devrait. Partout où il fonctionne, il demeurera, et c'est tant mieux ; partout où il pourra être institué, il le sera ; et là où il n'existe ni mandatement ni délégué syndical, d'autres possibilités seront ouvertes dans les entreprises de moins de vingt salariés, ou de moins de onze salariés, pour passer des accords de telle sorte que, dans ces entreprises aussi, les choses avancent, dans l'intérêt de l'entreprise, mais aussi des salariés.
Avis défavorable.
Même avis.
L'amendement met sur un pied d'égalité les entreprises de moins de onze salariés et les entreprises de onze à cinquante salariés. Or, de toute façon, les entreprises de moins de onze salariés ne peuvent pas avoir de délégué syndical, car aucune élection professionnelle n'y est prévue. Dans ces conditions, le fait d'adopter la même approche dans les deux cas poserait un problème de droit.
On peut tout à fait imaginer de poser en principe le mandatement syndical automatique et obligatoire, sous toutes ses formes possibles. Mais ce n'est pas le choix du Gouvernement. C'est le vôtre ; il est parfaitement légitime. En revanche, il changerait totalement la nature du dispositif proposé par le Gouvernement.
S'agissant de l'instance départementale à laquelle il a été fait référence, il faut avoir conscience du fait qu'elle existe déjà, et peut d'ailleurs correspondre aux besoins du chef de petite entreprise – pour reprendre le terme adéquat – dont nous parlions tout à l'heure. Il s'agit de l'observatoire d'analyse et d'appui au dialogue social, qui peut être mobilisé dans le cadre de la discussion d'une convention collective, pour apporter les éclairages techniques nécessaires le cas échéant.
Ce avec quoi nous sommes en désaccord, c'est votre résignation à l'insuccès du fait syndical : les bras ballants, vous dites « ça ne marche pas », et vous vous y résolvez.
Vous renvoyez à des négociations sans représentant syndical. Mais, je le disais hier, si 96 % des employeurs pensent que leurs salariés sont capables de défendre eux-mêmes leurs intérêts, seuls 45 % des salariés en sont convaincus, ce qui illustre bien l'écart hiérarchique qui les sépare.
Ce qui aurait été enthousiasmant, ce qui aurait représenté un vrai pari, une vision moderne du dialogue social, ç'aurait été le développement du fait syndical, qu'appelaient de leurs voeux plusieurs syndicats, comme en Allemagne, comme au Danemark, comme en Belgique, où les taux de syndicalisation sont très élevés. Mais vous y avez renoncé parce que, lors des audiences, vous avez fait droit à une vision rétrograde du dialogue social, au point de vue des divers représentants patronaux qui vous ont dit : « Nous sommes d'accord avec votre réforme, dès lors que vous ne faites pas rentrer les syndicats chez nous ! »
Je m'inscris dans la continuité de ce qui vient d'être dit. Vous évoquez l'échec du mandatement, alors que vous n'avez pas assez de recul pour tirer aussi vite des conclusions aussi nettes, et vous renoncez à élaborer un mandatement efficace, qui aurait pu trouver sa place dans le paysage du dialogue social. Vous renoncez aussi à appuyer, au moyen de dispositions publiques, le développement du syndicalisme dans certaines entreprises, notamment les PME et TPE, où il se heurte aujourd'hui à des difficultés.
C'est le drame de cette réforme que vous nous proposez tout en parlant de dialogue social : le contournement que déplorent les organisations syndicales elles-mêmes à la lecture de votre projet.
Monsieur le rapporteur, vous invoquez la possibilité maintenue de faire appel au mandatement, mais les dispositions que vous introduisez créent une forte incitation à s'en passer, de sorte que c'est vous qui le rendez obsolète. Il faudrait l'assumer.
Comme l'ont bien dit Boris Vallaud et Pierre Dharréville, ce n'est pas parce que le syndicalisme ne fonctionne pas qu'il faut l'éliminer. Dans cet hémicycle, on aime à nous dire que nous devrions imiter le reste de l'Europe. Or le syndicalisme fonctionne très bien en Europe. Mais, au lieu de chercher à faire en sorte qu'il en aille de même en France, on décide de s'en passer. Non, il ne faut pas s'en passer car c'est important. Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de délégué syndical dans une entreprise de moins de onze salariés que les salariés ne peuvent pas se syndiquer.
Si l'on n'aide pas ces syndicats à grandir et à être plus puissants, on n'aidera pas les salariés à se syndiquer ; or les syndiqués reçoivent des formations qui peuvent aussi aider leurs employeurs à trouver des accords.
À plusieurs reprises depuis hier soir, notre collègue Boris Vallaud nous a rappelé ces chiffres sur le nombre de patrons qui considèrent que leurs salariés ne peuvent pas se défendre eux-mêmes et sur les salariés qui le penseraient également.
Je veux rappeler un autre chiffre, cité par un dirigeant d'une des plus grandes centrales syndicales françaises. La mesure la plus plébiscitée dans les ordonnances est justement celle permettant aux salariés de se passer de leurs délégués syndicaux pour conclure un certain nombre d'accords : 70 % des salariés y sont favorables. Et ce même dirigeant syndical, se livrant à une petite introspection, affirme que les dirigeants syndicaux devraient peut-être s'interroger.
Oui, c'est effectivement Laurent Berger qui rappelle ce chiffre dans les colonnes de Libération. Il en tire la conclusion que cela tient au fait que les dirigeants syndicaux ne sont pas proches des salariés des PME et que les syndicats ont peut-être à se réinventer et à s'interroger sur la manière de ramener les salariés vers eux.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.
Deuxième point : que peuvent faire les pouvoirs publics à ce sujet ? Selon moi, la meilleure manière de ramener les syndicats dans l'entreprise, c'est de donner ce que Muriel Pénicaud appelle du « grain à moudre », c'est-à-dire de faire en sorte que l'accord d'entreprise décide de beaucoup plus de choses. Si l'on peut décider de plus de choses dans les entreprises grâce à l'accord d'entreprise, cela intéressera les syndicats.
Nous allons même plus loin en mettant en place un observatoire du dialogue social dans ces entreprises. L'observatoire analysera les accords passés dans les entreprises et les syndicats auront accès à ces données, qui seront rendues publiques. Vous le voyez, nous encourageons les syndicats à venir dans les TPE et les PME : nous ne pouvons donc pas vous laisser dire le contraire !
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 78 |
Nombre de suffrages exprimés | 76 |
Majorité absolue | 39 |
Pour l'adoption | 12 |
contre | 64 |
L'amendement no 297 rectifié n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l'amendement no 154 .
Le présent amendement a pour objet la remise d'un rapport – cela faisait longtemps ! Il est nécessaire de faire un bilan avant de généraliser l'accord majoritaire au 1er mai 2018. La loi de 2016 prévoyait la remise d'un rapport d'évaluation au Parlement avant le 31 décembre 2018 : quid de ce rapport ? Nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport d'évaluation avant le 1er mars 2018 pour prendre en compte l'accélération du calendrier.
La commission a repoussé cet amendement avec un avis défavorable de ma part. Je comprends l'intention de votre amendement, qui s'inscrit dans la droite ligne de ce que votre majorité a fait voter l'année dernière. Cela étant, demander la remise d'un rapport d'évaluation sur des accords majoritaires pour le 1er mars 2018 me paraît inutile car vous savez comme moi que l'entrée en vigueur des accords majoritaires n'a concerné, pour l'instant, que les accords sur la durée du travail, les congés et les repos. Or, quelques mois à peine après l'entrée en vigueur de cette mesure, très peu d'accords majoritaires ont pu être conclus sur ce sujet, en tout cas pas suffisamment pour espérer une évaluation fiable. Voilà pourquoi je donne un avis défavorable à votre amendement.
Même avis.
J'interviens moins pour défendre l'amendement que pour exercer un droit de suite. Laurent Berger, tout comme un certain nombre d'entre nous appartenant à de vieux partis du vieux monde, pose la bonne question : comment un système de partis à bout de souffle peut-il se rénover ?
Pour ma part, je ne crois pas à la société post-partis, qui signerait le retour des intérêts particuliers. Je ne crois pas à la fin de la politique ; je ne crois pas à la fin des clivages. Ce n'est pas parce que nous nous posons la question de notre faiblesse que nous devons considérer que tout est terminé.
Je vois bien la tentative de disqualification des corps intermédiaires, les « On s'en passe », les « On passe par-dessus ».
Mais la vraie question qui nous est posée est la suivante : comment, dans une démocratie vivante, prend-on les faiblesses et les échecs en compte ? Voilà ce que pensent aussi un certain nombre de nos concitoyens. Ils se demandent comment se remettre en question, être en proie au doute plutôt qu'être en permanence habités par des certitudes et par une forme de petit positivisme, de petite science, qui, en réalité, font faire de grandes erreurs.
Il s'agit également d'un droit de suite dans le débat intéressant qu'a lancé Laurent Berger. Je vous suggère d'assumer de manière décomplexée le projet que vous défendez : c'est le libéralisme, le laisser-faire, le laisser-passer. C'est considérer que la loi est un obstacle. C'est considérer que les corps intermédiaires, notamment les organisations syndicales, sont des obstacles à la liberté de licencier, de modifier les clauses substantielles du contrat de travail, de rémunérer les dividendes au détriment du travail. C'est cela, votre projet ! Un projet vieux comme le libéralisme !
Or, plutôt que d'assumer ce projet, vous l'entourez de « poudre de perlimpinpin », de « grain à moudre », de « Meunier tu dors, ton moulin va trop vite ! » Mais le moulin à détricoter le modèle social va trop vite ; le moulin à détricoter le socle de la République qui protège va trop vite. Nous ne vous laisserons pas faire, car nous pensons que le laisser-faire et le laisser-passer ne sont rien d'autre que la loi du plus fort contre le plus faible. Voilà pourquoi nous mettons autant de conviction à combattre votre projet vieux comme le libéralisme.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
L'amendement no 154 n'est pas adopté.
Je suis saisi d'un amendement, no 304 , portant article additionnel avant l'article 3.
La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour le soutenir.
Il faut assumer ses choix et la façon d'exprimer son idéologie. J'en viens donc au titre de l'ordonnance « relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales » : ce titre nous paraît particulièrement mensonger.
Il n'y a rien de nouveau, en premier lieu, dans ce qu'instaure cette ordonnance. Au contraire, elle nous fait revenir au moins quarante ans en arrière, avant l'entrée en vigueur des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT.
Ensuite, le dialogue social n'est en aucun cas promu dans le cadre de cette ordonnance : en fusionnant les instances représentatives du personnel en une seule, elle affaiblit les représentants des salariés.
Vous utilisez une novlangue qui retourne le sens des mots pour travestir vos vieilles recettes libérales en attribut d'un nouveau monde. Vous faites ainsi du Orwell, lequel fait dire au régime oppresseur qu'il décrit dans 1984 : « La guerre, c'est la paix. La liberté, c'est l'esclavage. L'ignorance, c'est la force » – à moins que cela ne soit de votre collègue Gérard Collomb !
Vous tentez de nous faire croire, dans votre novlangue orwellienne, que la régression, c'est le progrès social ; que le retour en arrière, c'est l'avenir ; que le vide des discussions, c'est l'espace du dialogue. Nous ne sommes malheureusement pas ici dans un roman d'anticipation, mais dans la réalité d'un archaïsme social que subissent déjà plusieurs centaines de milliers de salariés.
Ainsi, conformément à l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et de clarté de la loi, et afin de vous faire assumer les idées que vous défendez, nous vous proposons de renommer cette ordonnance de la façon suivante : « Ordonnance rétablissant l'organisation archaïque d'un monologue patronal dans l'entreprise et favorisant l'entrave et la dévalorisation de l'activité syndicale. »
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Votre argumentaire ne fait pas dans la nuance ni dans la subtilité, cher collègue ! En la matière, l'archaïsme n'est pas de notre côté ! Cet amendement, en lui-même, se passe de commentaire. Nous avons manifestement deux visions antagonistes de l'ambition portée dans l'ordonnance no 2017-1386. Pour ma part, j'éviterai de caricaturer votre position ; j'aurais apprécié que vous évitiez de caricaturer l'ordonnance.
La parole est à Mme la ministre du travail, pour donner l'avis du Gouvernement.
Il y a de longs silences qui veulent dire beaucoup ; j'aurai donc le même avis défavorable que le rapporteur.
L'amendement no 304 n'est pas adopté.
La parole est à M. Pierre Dharréville, premier orateur inscrit sur l'article 3.
L'article 3 a pour objet de fusionner l'ensemble des instances représentatives du personnel au sein d'une instance unique. Mais vous allez plus loin puisque de nombreuses dispositions dans les ordonnances limiteront les pouvoirs et les moyens desdits représentants du personnel dans les entreprises.
En l'état du projet de décret, la fusion se traduira par moins d'élus. Ainsi, dans une entreprise de 220 salariés, le nombre d'élus du personnel passera de quinze à onze titulaires : est-ce une façon sérieuse de renforcer le dialogue social ? J'ai discuté avant-hier, dans ma circonscription, avec les salariés d'une entreprise de cette taille, qui avait également fait ce calcul – dans toutes les entreprises de France, on est en train de calculer !
Une mesure nous indigne particulièrement : la suppression des CHSCT. En supprimant cette instance, vous supprimez l'instance de représentation la plus proche de l'activité, du travail réel. Ses réunions sont l'occasion de discussions, de décisions d'expertise, d'améliorations des conditions de travail, avec ce sujet exclusif à l'ordre du jour. Les CHSCT n'ont cessé de prendre de l'importance ces dernières années pour devenir des acteurs incontournables dans la prévention des risques professionnels, qu'ils soient physiques, chimiques ou organisationnels. Cette montée en puissance des CHSCT s'est faite alors que se développaient de nouveaux maux du travail, comme les maladies psychosociales, quand les pathologies classiques liées au port de charges se maintenaient à un niveau élevé.
Je citerai l'exemple du golfe de Fos, dans ma circonscription des Bouches-du-Rhône : des études montrent que des grandes entreprises laissent travailler des salariés dans un environnement particulièrement dangereux. Dans ce cadre, les élus du personnel jouent un rôle essentiel au sein des CHSCT pour contraindre les entreprises à réduire les effets néfastes sur la santé des salariés. Ces CHSCT se retrouvent même entre eux, dans la même zone, pour échanger. Avec ces ordonnances, vous casserez des initiatives en faveur de la santé au travail telles que celle que je viens de citer.
M. le rapporteur a souhaité que l'on ne caricature pas les postures des uns et des autres dans ce débat. Pour ne pas tomber dans la caricature, je veux souligner que, souvent, l'intelligence ouvrière et l'intelligence syndicale permettent de sauver et même de développer l'emploi.
J'ai eu l'occasion, la semaine dernière, au moment de l'examen de mon rapport pour avis sur les crédits de la mission « Industrie », de citer les multiples exemples dans lesquels cette intelligence a permis non seulement d'engager le renouveau industriel, mais de préserver des territoires.
Cela a été le cas chez Alpine Renault à Dieppe, chez Saint-Gobain Desjonquères au Tréport, chez les Jeannette à Caen, chez M-Real à Alizay : chaque fois que les comités d'entreprise ont eu la possibilité d'étayer leur analyse avec une expertise, ce que votre ordonnance rendra plus difficile demain, ils ont préservé des emplois et défendu des territoires.
D'autre part, la fusion des instances conduira les salariés à faire des arbitrages schizophréniques. Comment défendre utilement le pouvoir d'achat des salariés quand les dépenses liées à la sécurité et à la santé au travail seront mises dans la balance ? Comment prétendre améliorer les conditions de vie des salariés lorsque les scandales qui se multiplient sur la santé au travail deviendront la variable d'ajustement dans la fusion des instances que vous préconisez ? Voilà un sujet qu'il nous semble utile de creuser dans ce débat : peut-être cela vous permettra-t-il, sans caricature, de revenir en arrière sur votre mauvais projet.
La fusion des instances représentatives du personnel n'est et ne sera jamais acceptable. Chacune d'entre elles joue un rôle bien différencié et nécessaire à la démocratie sociale en entreprise. Qu'il s'agisse des revendications du quotidien, de la santé, des conditions de travail, chaque élu a un rôle spécifique tout en restant ancré dans la réalité de son entreprise.
La création par ces ordonnances du comité social et économique détricote ce maillage au plus près de la réalité du travail et des salariés. Ces ordonnances prétendument destinées à renforcer le dialogue social font tout l'inverse.
Vous entérinez ici trois régressions majeures. Premièrement, la fusion de ces missions dans une seule instance va introduire une grande complexité dans le rôle de représentant du personnel, ce qui risque de dissuader les salariés de s'engager dans une mission plus complexe et déconnectée des réalités du terrain.
Deuxièmement, la suppression du CHSCT en tant qu'institution autonome est scandaleuse car elle contribue à diluer les questions de santé au travail, qui sont pourtant fondamentales à l'heure où les techniques managériales augmentent les risques psychosociaux. Les accidents du travail sont nombreux et ces CHSCT avaient toute leur place.
Troisièmement, la fusion de ces instances va diminuer le nombre d'élus et ceux qui subsisteront devront assumer plus de missions avec autant d'heures de délégation. Là encore vous réalisez le vieux rêve du MEDEF de faire des délégués du personnel des professionnels éloignés des problématiques du terrain. Ce n'est pas la proximité que vous préconisez.
La fusion de ces instances est donc dangereuse et contribue encore un peu plus à faire pencher la balance en faveur des patrons. C'est intolérable, et c'est pourquoi nous demandons la suppression de ces dispositions.
La parole est à Mme Nadia Ramassamy, pour soutenir l'amendement no 94 .
Les instances représentatives du personnel ont pour rôle de faire le lien entre les salariés et les dirigeants. Pour être efficaces et légitimes, elles doivent être proches des salariés. Or fusionner ces instances va contribuer à les professionnaliser et ainsi éloigner les syndicats des salariés.
Il est nécessaire de préserver des syndicats de proximité, qui représentent au mieux les intérêts des salariés. Cet amendement propose donc la suppression de l'article 3 du projet de loi de ratification des ordonnances.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Vous venez d'adopter la première ordonnance, qui permettra notamment de contourner les syndicats dans les petites entreprises en renvoyant la négociation syndicale à une simple relation sociale, en permettant à l'employeur de décider seul dans les entreprises de moins de vingt salariés, en privant un tiers des salariés français du droit d'être représentés et défendus par des syndicats.
C'est dans ce climat de défiance à l'égard des syndicats que nous entamons l'examen de l'ordonnance sur la place des acteurs du dialogue social et des moyens qui leur sont accordés. Je dois vous dire que le nombre d'amendements déposés par notre groupe – près d'une vingtaine – , témoigne de notre inquiétude.
Lors des auditions, tous les syndicats ont rappelé que votre texte est marqué par un déséquilibre profond entre flexibilité d'une part et sécurité d'autre part. En effet vous ne cessez de renvoyer la négociation au plus près du terrain en nous demandant de faire confiance tout en vous obstinant à réduire les prérogatives et les droits accordés aux représentants des salariés.
Je n'en citerai que quelques exemples : d'abord, la disparition pure et simple du CHSCT pour lui préférer la création d'une commission spécifique « santé, sécurité et conditions de travail » qui ne sera obligatoire que dans certains cas ; ensuite, l'inquiétante suppression du droit d'alerte dans les entreprises de moins de cinquante salariés, que vous avez même privées du droit d'alerte en cas de danger grave et imminent, tel que le harcèlement ; enfin, la remise en cause incompréhensible du droit et de l'accès aux expertises qui sont pourtant un outil essentiel à un dialogue social de qualité.
Madame la ministre, aux défis de l'implantation des syndicats, de leur modernisation, de leur développement, de leur questionnement même, par Laurent Berger notamment, vous auriez pu répondre en développant les commissions paritaires régionales interprofessionnelles que vous préférez tuer dans l'oeuf ; en instaurant le chèque syndical, qui permettrait de renforcer le taux de syndicalisation, partant du principe que les salariés auront envie d'adhérer à un syndicat dès lors qu'ils participeront à son financement ; en proposant des mesures de lutte contre les discriminations syndicales ; en organisant des élections dans les TPE. Mais vous ne faites rien de tout cela. Au premier défi, vous préférez répondre qu'elles ne fonctionnent pas. Au deuxième, vous avez purement et simplement renoncé. Au troisième, vous nous renvoyez à un groupe de travail. Au quatrième, vous ne l'envisagez même pas.
Voilà pourquoi nous proposons la suppression de cet article.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement no 300 .
Cette ordonnance met à mal le dialogue social. Vous réduisez les responsabilités syndicales en rendant la négociation possible sans syndicat. Vous fusionnez des instances représentatives du personnel aux missions pourtant bien distinctes.
Ce n'est pas par goût pour la complexité que délégués du personnel, comités d'entreprise, comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail sont séparés, mais bien parce que ces trois instances remplissent des missions bien différentes et qui devaient être distinctes. Désormais, celles et ceux qui étaient chargés de se concentrer sur la sécurité et la santé des salariés seront aussi associés aux réflexions sur la situation économique et financière de l'entreprise, et vice-versa. Pourtant, personne n'envisagerait de confier sa santé à un économiste ou son épargne à un médecin !
Enfin, l'égalité professionnelle est également menacée par la fusion des instances représentatives. C'est ce qu'explique le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle dans un avis publié le 8 septembre dernier où il souligne que « les femmes seront particulièrement pénalisées par la fusion des IRP et la disparition du CHSCT ». En effet, le CHSCT permet de mettre en place des actions de prévention et de protection, notamment dans les cas de harcèlement et violences sexuelles, et son expertise s'est considérablement renforcée, en particulier sur les risques « invisibles » auxquels sont exposés les métiers à prédominance féminine. Au regard de l'actualité récente, des mesures en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes sont nécessaires.
À la lumière de l'ensemble de ces éléments, nous vous demandons de retirer cette ordonnance.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Je ne vous surprendrai pas en vous disant que la commission a repoussé ces amendements et que j'y suis défavorable. Je voudrais, comme mes collègues l'ont fait tout à l'heure, étayer cet avis de quelques arguments expliquant pourquoi il est important de ratifier cette deuxième ordonnance.
En premier lieu, la création du comité social et économique et du conseil d'entreprise répond à un véritable défi de simplification et d'efficacité de ces instances. Je connais tout autant que vous leur fonctionnement et je pense que cette ordonnance permettra une véritable simplification sans que nous y perdions en qualité.
Deuxièmement, l'ordonnance que vous souhaitez supprimer contient d'autres dispositions importantes visant à favoriser et à valoriser l'exercice des responsabilités syndicales et de représentation, notamment en renforçant l'entretien de fin de mandat pour les titulaires de mandats syndicaux, ainsi que l'obligation de formation de l'employeur pour les salariés mis à disposition des organisations syndicales de salariés. Voter pour ces amendements serait donc voter pour la suppression de ces dispositions qui sont des avancées notables en matière de reconnaissance des parcours syndicaux et de la responsabilité syndicale.
L'ordonnance permet également le maintien, à la charge de l'employeur, de la rémunération intégrale des salariés bénéficiant d'un congé de formation économique, sociale et solidaire. Nous avons peu parlé jusqu'à présent de ces dispositions favorables aux salariés qui exercent des responsabilités syndicales. Pourtant ce congé concerne près de 50 000 salariés chaque année.
Voilà pourquoi je suis défavorable à ces amendements.
Mon avis est évidemment défavorable, mais je voudrais saisir cette occasion de préciser certains points sur la fusion des IRP dont nous avons déjà parlé en commission et au moment du projet de loi d'habilitation.
Pour moi, il y a deux enjeux principaux, et d'abord un enjeu de simplification.
Cette simplification est souvent réclamée par les salariés eux-mêmes, qui ont du mal à se retrouver dans ces quatre modes de représentation. Ils ne voient pas toujours très bien pourquoi c'est aussi compliqué. D'autre part, la pratique – j'ai moi aussi une certaine expérience en la matière – montre qu'il y a énormément de doublons, les mêmes sujets étant évoqués à plusieurs reprises selon le contexte. En termes d'énergie et de temps consacrés à discuter des vrais enjeux de l'entreprise, il n'est pas sûr que le système actuel soit le meilleur.
Nous sommes d'ailleurs un des très rares pays à compter plusieurs instances représentatives du personnel. Ce n'est pas parce qu'il y a une seule instance qu'on en fait moins, notamment en termes de prévention ou d'accidents du travail. Nous ne sommes d'ailleurs pas très bons dans ce domaine en comparaison d'autres pays européens où n'existe pourtant qu'une IRP. Vous voyez qu'il n'y a pas de corrélation entre les deux.
Mais l'intérêt n'est pas seulement de simplification. Pour moi, ce qui fait véritablement l'intérêt du CSE ou du conseil d'entreprise, c'est le fait que, dans la vie des entreprises et dans la vie des salariés, les sujets sont interconnectés. Je prendrai l'exemple des risques psychosociaux que vous avez évoqué et qui me paraît d'autant plus important que ces risques augmentent.
Pour le rapport que Christian Larose de la CGT, Henri Lachman de Schneider Electric et moi-même avions consacré à ce sujet, nous avions entendu de nombreuses personnes et soigneusement étudié la question. Nous avions constaté qu'environ 20 % des cas de risques psychosociaux avérés étaient liés à des comportements inacceptables, parfois de managers, parfois de collègues, ou à des relations difficiles avec les clients. Mais la plupart des cas étaient dus à des décisions de stratégie, d'organisation ou de management, par exemple à la mise en place d'un nouveau système d'information, à la mise en oeuvre des fameuses ERP – Enterprise Resource Planning –, à l'éloignement des centres de décision de l'usine, qui rend la décision très anonyme.
Nous avons constaté aussi que les modes de management matriciels, où le salarié doit en référer à deux lignes hiérarchiques à la fois et faire lui-même la synthèse, renforcent le sentiment d'isolement et d'incapacité à atteindre ses objectifs.
Le fait de pouvoir discuter en même temps de la dimension organisationnelle et managériale, de ses conséquences sociales, sur les conditions de travail ou sur les risques psychosociaux, permettra un débat de qualité. Pour cela, il faut que certains aient creusé le sujet, mais je peux témoigner que le chef d'entreprise ne participe jamais au CHSCT : c'est toujours quelqu'un du service des ressources humaines qui y assiste. Par conséquent, les liens entre la stratégie, le management, l'organisation et la santé et la sécurité au travail sont très peu pris en compte, moins en tout cas que dans des pays où la même instance traite de tout ce qui concerne l'entreprise et les salariés. L'organisation du travail a un lien avec les risques psychosociaux, avec la sécurité au travail et avec la prévention.
Toutes les compétences sont évidemment transférées au CSE, et les obligations restent les mêmes, qu'il s'agisse de prévention, de santé ou d'accidents du travail.
Vous avez évoqué le nombre de représentants syndicaux dans les CSE. Le décret ne fixe pas un nombre mais un plancher. C'est par la négociation dans chaque entreprise que sera fixé le nombre de représentants. Le plancher actuel est très en deçà de la réalité de beaucoup d'entreprises. Le nombre de personnes exerçant un mandat sera forcément moindre – elles sont aujourd'hui 600 000.
En revanche, après concertation avec les partenaires sociaux, nous avons non seulement maintenu la totalité du nombre d'heures mais, surtout, nous avons fait ce qui ne l'avait jamais été : ces heures pourront être mutualisées entre délégués et annualisées, ce qui, au total, augmente leur nombre potentiel en le faisant passer de 20 à 25. Nous ne sommes donc pas en train de diminuer les moyens.
Tous les thèmes convergent. Il faut avoir une approche économique et sociale des problèmes de l'entreprise qui corresponde à la réalité de ce que vivent les salariés, à la réalité de l'évolution de l'entreprise, à ses marchés, à son organisation, à son management, aux conditions de travail, à l'égalité hommes-femmes. Toutes ces questions sont liées et c'est pourquoi nous avons besoin d'une instance unique.
Des évaluations seront réalisées dans quelques années et je vous parie que le CSE aura beaucoup plus d'impact et de pouvoir de discussion que les structures actuelles, parce qu'il disposera d'un panorama complet sur l'entreprise, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, puisque chacune des instances la voit à travers sa petite fenêtre.
Je dirais même que cette nouvelle situation sera très exigeante pour les entreprises, car la transparence sera beaucoup plus grande, puisque toutes les questions, toutes leurs interactions feront l'objet d'un dialogue social et économique.
Enfin, j'ai déjà évoqué dans mon propos liminaire les moyens dont disposeront les nouveaux délégués : renforcement de la formation, parcours de carrière, lutte contre la discrimination syndicale, nombre d'heures mutualisées.
Tous les moyens sont donc réunis pour faire réussir ces nouveaux comités sociaux et économiques au profit des entreprises et des salariés.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Votre ton est paisible, madame la ministre, plutôt sympathique et, à vous écouter, on pourrait presque se laisser endormir – au sens psychologique, j'entends. Mais la réalité à laquelle nous sommes confrontés peut contredire sensiblement vos propos.
Management par les coûts, objectifs de profitabilité toujours plus importants conduisent à des cadencements qui, dans l'industrie, peuvent entraîner des risques psychosociaux non négligeables. Sur mon territoire, les salariés viennent précisément de déclencher un droit d'alerte en risques psychosociaux. L'entreprise a dépensé beaucoup d'énergie pour s'y opposer, prétextant que cela coûtait trop cher. Votre ordonnance n'étant pas encore appliquée, elle n'y est pas parvenue et a donc déclenché une contre-expertise, qu'elle finance elle-même, pour démontrer que les risques psychosociaux n'existent pas. Or, demain, avec votre projet, la fusion en une seule instance des structures qui touchent à ces questions amputera les moyens financiers au service des salariés pour faire jouer leur droit d'alerte lorsque le capital d'une entreprise est bousculé, modifié, et pour faire jouer leur capacité à saisir un cabinet d'expertise pour identifier les risques psychosociaux.
Enfin, nous disposons d'une simulation avant et après ordonnances quant au nombre de salariés, d'expertises, d'intelligences mises au service des thématiques dont nous parlons. Dans les entreprises comprenant entre 50 et 74 salariés, l'écart sera de quatre, entre 400 et 500 salariés, de 12 – six salariés mobilisés en moins dans le CSE. Ce sont autant d'expertises, de disponibilités, d'énergie confortant le dialogue social qui seront égratignées, abîmées, dégradées. Vous devez l'entendre !
Les expériences des uns et des autres sont toujours intéressantes, mais elles ne valent ni statistiques ni études d'impact. Telle est bien d'ailleurs la faiblesse de ce texte : vous pariez pour la confiance précisément parce que vous ne savez rien de son impact !
Sourires.
Vous n'avez réalisé aucune étude d'impact nous permettant de considérer les choses avec sérieux, alors que, avec notamment les CHSCT, nous pouvons disposer du nombre d'accidents de travail depuis les lois Auroux à nos jours et constater que le nombre d'accidents mortels a diminué de façon drastique, ce qui est tout de même un progrès.
S'agissant du CHSCT, quelle est l'inquiétude des salariés ? Que cette discussion devienne accessoire quand vous pensez qu'elle sera centrale. Vous justifiez votre point de vue en disant que les patrons n'allaient pas aux réunions des CHSCT, mais je n'y peux rien s'ils ne placent pas ces questions-là au premier rang de leurs priorités. C'est cela, le vrai problème ! On aurait pu décider que les CHSCT sont obligatoirement présidés par le PDG. Je ne souscris donc pas à votre analyse.
S'agissant de la réduction des moyens, je dispose des mêmes chiffres que mes collègues.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 73 |
Nombre de suffrages exprimés | 71 |
Majorité absolue | 36 |
Pour l'adoption | 12 |
contre | 59 |
L'article 3 est adopté.
Je me suis replongé dans l'histoire et sur ce qui a conduit à la création des instances : les délégués du personnel en 1936 ; les comités d'entreprise à la Libération, en 1945, avec le Conseil national de la Résistance ; les négociations formelles au niveau des entreprises en 1968 ; et, enfin, les CHSCT et les lois Auroux. Ainsi, sous couvert de modernisation, d'innovation, de simplification, vous proposez un retour en arrière d'au moins trente-cinq ans.
Je vous invite à vous replonger – pas seulement dans l'histoire du mouvement social mais dans la réalité du monde économique et social – sur ce qui a présidé à la création de lois prévoyant des instances avec des prérogatives, des missions différenciées et des moyens pour les accomplir. Vous verrez que cela reste d'une profonde actualité.
Cependant, vous vous apercevez que l'affaire est mal engagée. Vous confirmez donc la suppression des délégués du personnel, mais vous compensez en partie votre erreur en prévoyant la possibilité, par accord, d'en réintroduire dans les entreprises de moins de 50 salariés. Vous supprimez les CHSCT, puisque tel est votre projet et qu'il faut répondre au MEDEF, mais, en même temps, vous rattrapez un peu cette erreur en prévoyant une commission obligatoire sur la santé et les conditions de travail, mais seulement dans les entreprises de plus de 300 salariés. Ce bricolage, madame la ministre, en dit long !
Je partage cette demande d'évaluation, mais pas dans quatre ans, pas dans cinq ans ! Comptez sur nous pour procéder très rapidement à une évaluation qui démontrera que non seulement votre projet aura aggravé la situation des salariés, mais qu'il aura été inefficace économiquement et favorisé des licenciements qui, demain, seront moins indemnisés, y compris lorsqu'ils résulteront de violations manifestes des principes fondamentaux du droit.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l'amendement no 155 .
Peut-être le système n'est-il pas des meilleurs, peut-être faut-il le simplifier, mais, en ce qui concerne la santé au travail et la prévention, il me semble l'on doit s'entourer de précautions et ne pas agir dans la précipitation. C'est pourquoi, par le présent amendement, nous souhaitons revenir à l'organisation antérieure du dialogue social dans l'entreprise.
En 2015, une réforme structurelle, dite loi Rebsamen, a procédé à des modifications importantes que le Parlement n'a toujours pas évaluées.
Vous proposez la fusion des institutions au sein d'une même instance, le comité social et économique. Mis en place dans les entreprises d'au moins 11 salariés, il dispose d'attributions différentes en fonction de la taille de l'entreprise : de 11 à 49 salariés et au-delà de 49 salariés.
Voilà ce qui justifie cet amendement.
La commission a rejeté ces amendements. Ils sont les premiers d'une assez longue série visant à s'opposer à la création du comité social et économique en plaidant le rétablissement des instances de représentation antérieures : délégués du personnel, comités d'entreprise, comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Sans surprise, j'y suis défavorable.
Je rappelle que les attributions respectives des différentes instances – nous avons eu l'occasion d'en débattre lors de la discussion de la loi d'habilitation, au rendez-vous de laquelle le Gouvernement a été – n'ont pas disparu, mais qu'elles ont été transférées à la nouvelle instance. D'ailleurs, de nombreux articles définissant les attributions et les modalités de fonctionnement du nouveau comité social et économique se contentent de reprendre mot pour mot les anciennes attributions, soit des délégués du personnel, soit du comité d'entreprise, soit du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Le fait de réunir ces compétences au sein d'une seule instance et dans les mains des mêmes représentants permettra de gagner en efficacité – j'ai essayé de vous faire partager mon expérience tout à l'heure, tout comme Mme la ministre. Cette fusion sera bénéfique pour les salariés, puisque les revendications seront centralisées, donc mieux audibles, mieux partagées. Elle le sera également pour les représentants du personnel, qui disposeront d'une vision large, exhaustive des enjeux de l'entreprise dans le cadre de leurs attributions. Elle le sera, enfin, pour les employeurs, qui auront désormais des interlocuteurs uniques, notamment dans le cadre des informations et consultations du comité.
Enfin, je ne veux pas croire que vous l'ayez fait volontairement, mais je vous ai entendu parler à de nombreuses reprises, lorsque vous défendiez vos amendements, de « disparition », voire de « suppression ». Mais les instances ne disparaissent pas, elles ne sont pas supprimées : elles fusionnent, avec les mêmes prérogatives, les mêmes possibilités d'action.
Je suis donc défavorable à ces amendements.
Certes, il n'existe pas d'études d'impact, mais on ne part pas de rien. Démonstration. Vous connaissez sans doute la délégation unique du personnel, où les instances étaient regroupées : CHSCT, délégués du personnel, comité d'entreprise. Cela existe donc depuis très longtemps. La loi Rebsamen a élargi ce champ puisque c'était possible pour les entreprises jusqu'à 299 salariés et, dans ce cadre, comme avec notre nouvelle institution, chaque institution conserve ses règles de fonctionnement.
Exemple : dans une entreprise qui doit malheureusement se restructurer, le comité d'entreprise peut actuellement recourir à un expert-comptable ; les membres de la nouvelle institution pourront recourir à l'expert-comptable.
Autre exemple : accident du travail, suicide. Actuellement, le CHSCT peut recourir à un expert parce qu'il estime qu'il existe un danger grave et imminent. Dans la nouvelle institution, ce sera toujours possible.
Arrêtez donc de dire que les institutions disparaissent ! Ce n'est pas vrai !
Je pratique déjà cela chaque jour – à moins que je ne m'invente une vie ! Allez voir ce qui se passe dans les entreprises, parce que vous êtes vraiment de mauvaise foi !
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Depuis le début de notre discussion, j'ai bien entendu qu'il n'y a pas d'inversion de la hiérarchie des normes, qu'il n'y a pas de remise en cause du principe de faveur, qu'il n'y a pas de suppression du CHSCT, et ainsi de suite. Le débat est intéressant, et j'admets que nous n'ayons pas le même point de vue. L'habillage sémantique dont vous faites preuve est fort habile, je le reconnais, mais nous savons qu'il y aura des conséquences et c'est d'elles que nous parlons dans ce débat parlementaire, où nous avons fait valoir un certain nombre d'arguments – tout comme vous, d'ailleurs. Nos désaccords sont connus.
Ce que vous appelez la simplification des instances du personnel, à laquelle vous prêtez toutes les vertus, peut aussi avoir quelques inconvénients. Vous fondez de nouvelles instances appelées à renforcer le dialogue social avec une des parties – les organisations syndicales de salariés – qui sont majoritairement, essentiellement, en désaccord avec les modifications que vous proposez. C'est quand même un petit problème, dont il faudrait discuter.
S'agissant du CHSCT, en le fusionnant, vous le supprimez de fait, monsieur le rapporteur. On peut jouer sur les mots, mais la réalité est là. Cela s'apparente à de l'ennoyage, si l'on veut.
Nous allons continuer de défendre ces instances. Je ne sais pas très bien sur quoi vous vous fondez pour dire qu'elles ne fonctionnent pas et qu'elles n'ont pas produit les effets escomptés. Il faudrait faire un bilan de l'action des CHSCT, mais pour les renforcer. Enfin, vous nous avez un peu reproché de défendre l'existant, au travers de nos amendements.
Il est vrai que, par cet amendement, nous défendons l'existant, car il nous semble préférable à ce que ce que vous proposez. Mais je vous rassure, et vous allez le voir dans la suite de nos débats, nous avons des propositions à vous faire pour renforcer le rôle de ces instances.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Ma question vient sans doute un peu à contretemps, mais, entre les 100 % pour et les 100 % contre, il est parfois difficile de faire entendre ma voix très modérée.
Sourires.
Malgré tout, je reviens à la charge avec ma question. Pour avoir fréquenté ces différentes instances représentatives dans une vie antérieure, au sein de plusieurs entreprises, je reste persuadé d'une chose : qu'on les fusionne ou pas, ce qui importe, c'est la manière dont on les fait vivre et l'investissement personnel que chacun y met.
Je voudrais maintenant vous poser une question qui m'est venue à la lecture des ordonnances. Si le CHSCT est fongible dans cette instance globale, pourquoi prévoir la possibilité de recréer une commission CHSCT ? N'est-ce pas précisément parce qu'il a un rôle particulier ?
C'est une simple question que je me suis posée.
Par ailleurs, je partage les inquiétudes de mes collègues s'agissant de l'absence d'étude d'impact. En effet, ces ordonnances ont suscité de grandes attentes dans certaines entreprises et il importe que nous mesurions l'impact de leur mise en oeuvre. Vous avez dit que 600 000 personnes avaient aujourd'hui une fonction élective en tant que représentants syndicaux. Or ce nombre va être réduit. Sait-on dans quelles proportions ? Vous avez indiqué par ailleurs que les salariés récupéreraient toutes les heures. Une personne ayant deux mandats cumulera-elle le nombre d'heures des deux fonctions ? Au sein d'une entreprise, le volume global d'heures de représentation restera-t-il rigoureusement le même, malgré la fusion de ces instances ? Ces questions intéressent beaucoup les chefs d'entreprise, comme les salariés concernés. Je vous remercie par avance pour vos réponses.
Cet amendement s'inscrit à la fois dans la philosophie des ordonnances et dans le prolongement des auditions que la commission a menées.
Afin de favoriser la négociation collective et le dialogue social dans l'entreprise, cet amendement propose d'élargir les cas dans lesquels une organisation syndicale représentative peut désigner un délégué syndical en dehors des élus ayant obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des élections professionnelles.
Cela vise à éviter l'absence de délégué syndical dans les entreprises en permettant à une organisation syndicale représentative, au cas où tous ses élus ayant obtenu 10 % refusent par écrit d'être désignés délégué syndical, de nommer un autre candidat sur la liste ou, à défaut, un adhérent au sein de l'entreprise.
Je suis favorable à cet amendement, qui a le soutien des organisations syndicales. Il peut en effet arriver qu'une entreprise se retrouve dans une situation de « carence », qu'elle ait bien une organisation syndicale, que des élections aient lieu, mais qu'il n'y ait pas de candidat parmi ceux qui ont obtenu plus de 10 % des suffrages. Or il serait absurde qu'il n'y ait pas de représentation syndicale, alors même qu'il y a bien une organisation syndicale, qu'elle est bien implantée et que des élections ont lieu. Cet amendement permettra à l'organisation syndicale de désigner quelqu'un, après s'être assuré – cela va de soi – qu'il n'y a pas de candidat, afin qu'aucun problème d'ordre interpersonnel n'entre en ligne de compte.
La question posée par notre collègue du groupe Les Républicains n'était pas bête du tout.
Sourires.
En fusionnant les instances, on réduit effectivement d'une manière substantielle le nombre de salariés militants, bénévoles, engagés en leur sein, et on augmente le nombre d'heures qu'ils consacreront à cette activité.
J'ai envie de faire un parallèle avec l'Assemblée dans laquelle nous siégeons. Des salariés connectés à la réalité de leur entreprise, travaillant et se confrontant aux réalités du travail en même temps qu'ils siègent dans les instances représentatives, ce sont des salariés efficaces, qui savent de quoi ils parlent lorsqu'ils défendent la santé, l'hygiène et la sécurité au travail, qui sont légitimes pour faire entendre leur voix, un peu comme les parlementaires quand ils sont ancrés dans un territoire.
Des parlementaires hors sol, ce sont des parlementaires qui risquent de voter des lois en décalage avec les réalités des territoires. De même, des salariés et des représentants de salariés hors sol, pour ainsi dire avalés par la fusion des heures, la fusion des instances, le mélange des genres et les arbitrages auxquels ils devront participer, ce sont des syndicalistes affaiblis. C'est la raison pour laquelle je me dis que, derrière les objectifs généreux de renforcement du dialogue social que vous affichez, il y a en réalité un affaiblissement des forces syndicales et de la qualité du dialogue social, qui aboutira à un renforcement du laisser-faire et du « laisser-licencier ».
Je trouve que votre question est intéressante, cher collègue, parce qu'elle permet finalement d'avoir une vision assez claire de l'idéologie de ce mauvais projet. Et il est bon parfois d'avoir une lecture idéologique d'un projet pour en comprendre les mauvais effets.
Je pense, comme Sébastien Jumel, qu'il serait effectivement souhaitable que les questions de notre collègue du groupe Les Républicains reçoivent une réponse.
Par ailleurs, en tant qu'ex-syndicaliste, et pour avoir siégé dans des CHSCT, je peux vous dire que nous n'arrivions jamais à épuiser l'ordre du jour. Et vous allez m'expliquer qu'en fusionnant les instances et en diminuant le nombre de représentants, nous allons faire mieux ? C'est comme à l'Assemblée nationale : nous avons déjà du mal à faire tout notre travail et vous allez nous expliquer que nous ferons mieux en réduisant le nombre de députés ? Il s'agit toujours de faire mieux avec moins. Je sais que c'est votre théorie, mais il va falloir admettre que cela ne fonctionne pas.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.
L'amendement no 352 est adopté.
Puisque vous tenez absolument à instituer un comité social et économique, nous vous proposons, par cet amendement, d'étendre sa mise en place aux entreprises d'au moins cinq salariés. Les très petites entreprises sont en effet les grandes perdantes de votre réforme, puisque vous privez les salariés qui y travaillent de toute forme de représentation syndicale.
En commission, vous avez rejeté notre amendement en invoquant deux raisons. Premièrement, la mise en place du CSE dès cinq salariés risquerait de mettre à mal les pratiques de dialogue social informel. Deuxièmement, les contraintes imposées aux chefs d'entreprise seraient disproportionnées, notamment en termes d'organisation d'élections professionnelles.
Votre deuxième affirmation trahit votre double discours sur les bienfaits du modèle allemand de cogestion. Vous l'invoquez quand il vous arrange, mais vous le rejetez quand il vous dérange. Je rappelle qu'en Allemagne, le conseil d'établissement est prévu à partir de cinq salariés. Ce conseil d'établissement allemand exerce les fonctions qui sont assurées, en France, par le comité d'entreprise, les délégués du personnel et le CHSCT, mais également des prérogatives exercées par le syndicat et, pour certaines questions, par l'administration du travail.
Vous devriez donc être particulièrement séduit par notre amendement, si vous souhaitez réellement aller vers un système de cogestion à l'allemande.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l'amendement no 22 .
Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements nos 23 , 24 et 25 . Ils ont tous pour objet de limiter les effets de seuil – une question que j'ai évoquée à plusieurs reprises lors de l'examen de la loi d'habilitation.
Permettez-moi de rappeler quelques chiffres. Selon l'INSEE, il existe 2,6 fois plus d'entreprises de quarante-neuf salariés que de cinquante ; 1,7 fois plus d'entreprises de dix-neuf salariés que de vingt ; et 1,8 fois plus d'entreprises de neuf salariés que de dix. Ces chiffres montrent bien l'importance de l'effet de seuil : des chefs d'entreprise hésitent à embaucher le salarié supplémentaire qui les fera passer au niveau supérieur et leur causera un surcroît d'obligations administratives ou fiscales. À une époque où un certain nombre d'entreprises connaissent des difficultés financières, il n'est pas étonnant que des TPE et des PME hésitent à passer le cap.
Je propose donc, avec ces amendements, de relever les seuils, pour les faire passer de onze à vingt et un, ou de cinquante à soixante, par exemple.
Sur l'amendement no 156 , je suis saisi par le groupe Nouvelle Gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
Je vais d'abord répondre à notre collègue Francis Vercamer sur la question des seuils, dont il a déjà été question en commission. Il y a une forme de cohérence et de récurrence dans la démarche de notre collègue sur ce sujet et il trouvera sans doute que je fais moi aussi preuve de cohérence et de récurrence. Mais c'est une bonne chose que nous puissions en discuter.
Comme vous le savez, cher collègue, il a été décidé, dans ces ordonnances, d'adopter un angle de réforme qui ne se limite pas à la seule question des seuils. En effet, on a préféré fluidifier le dialogue social en permettant à toutes les entreprises de disposer des mêmes capacités d'adaptation, en fixant de nouvelles modalités de négociation des accords, et ce, essentiellement dans les très petites entreprises, qui n'en bénéficiaient pas. On a également octroyé de nouvelles compétences aux branches professionnelles en matière d'accompagnement des petites entreprises dans le développement du dialogue social, avec des clauses types qui seront dans les accords de branche.
La fusion des instances représentatives du personnel permettra également d'assouplir les charges de gestion des entreprises, tout en améliorant la représentation des salariés et le dialogue social dans les entreprises. La question des seuils, qui vous préoccupe, se posera donc moins dans ce cadre-là. Pour ma part, je pense que la définition arbitraire de nouveaux seuils d'effectifs proposée dans vos amendements risquerait, à rebours de la logique que vous poursuivez, de créer de nouvelles rigidités, car celles qui existent aujourd'hui à un certain seuil existeraient demain à un autre. Il n'y aurait donc qu'une translation de ces rigidités.
À titre personnel, je suis attaché à ce que les représentants du personnel existent dans les entreprises dès onze salariés. Je serai donc défavorable à votre série d'amendements.
J'en viens à l'amendement défendu par Jean-Louis Bricout et qui vise à instaurer un nouvel effet de seuil au sein des très petites entreprises en imposant la création, dès cinq salariés, d'un CSE. Il a également été rejeté par la commission, car le seuil de onze salariés est aujourd'hui bien intégré par les entreprises. Étendre cette disposition aux entreprises de cinq salariés risquerait de bouleverser les pratiques de dialogue social informel de ces entreprises, en imposant notamment au chef d'entreprise de ces très petites et petites entreprises des obligations d'organisation – notamment celle des élections.
Voilà pourquoi je suis défavorable à ces deux amendements.
Je suis défavorable à ces amendements, comme le rapporteur. S'agissant des seuils, monsieur Vercamer, nous risquons effectivement de n'assister qu'à une translation de l'effet de seuil que vous dénoncez.
Par ailleurs, il faut tenir compte du fait que les formes de management changent progressivement en fonction des effectifs de l'entreprise. Il est clair que, dès que l'on atteint le chiffre de quinze ou vingt salariés, ce qui implique l'existence de chefs d'équipes, le contact direct avec les salariés ne se fait plus de la même manière que dans une entreprise de quatre ou cinq salariés, dans laquelle le patron est un compagnon et travaille en général avec ses salariés.
Par ailleurs, nous allons énormément simplifier l'organisation des entreprises de plus de cinquante salariés, puisqu'elles n'auront plus qu'une seule instance, alors qu'elles en comptaient trois jusqu'ici, en plus des délégués syndicaux.
Pour répondre à la question relative au nombre d'heures, dans les entreprises comptant plus de cinquante salariés, le nombre d'heures minimal qui sera prévu par décret, et qui correspond au nombre d'heures actuel, sera compris entre 18 et 34 par mois et par délégué, selon les sujets. On ne peut donc pas parler, au sens strict, de professionnalisation, puisque les représentants n'exerceront pas ces fonctions à temps plein. Mais ils seront mieux formés, feront carrière, bénéficieront d'un bilan de compétence, ce qui fera d'eux des interlocuteurs de grande qualité, capables de prêter leur voix aux salariés.
On m'a interrogée aussi sur les commissions relatives à l'hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail. D'une certaine façon, tout chef d'entreprise pourra créer, en accord avec les partenaires sociaux, les comités qu'il voudra, à partir du CSE. Si nous avons insisté sur le fait que l'on peut en créer un dans ce domaine-là, c'est précisément pour indiquer que ces sujets doivent être traités au sein du CSE, car c'est là qu'on a le point de vue le plus complet. Mais s'il est besoin d'une expertise préalable, ou si certains veulent explorer le sujet plus en profondeur, la création d'une commission peut être la solution.
La possibilité de créer une commission était une manière de répondre à ceux qui affirmaient que l'on n'aurait plus le temps de traiter autant de sujets. Si tel est le cas, le CSE peut créer une sous-commission. Selon moi, le fait d'examiner tous les sujets ensemble permettra de gagner en efficacité, et le même temps sera consacré à cette tâche demain, pour le plus grand bénéfice des salariés et des entreprises.
Sur l'amendement no 22 , je suis saisi par le groupe Les Constructifs : républicains, UDI, indépendants d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont.
Je vous remercie, madame la ministre, d'avoir répondu à la question de mon collègue Fabien Di Filippo.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 76 |
Nombre de suffrages exprimés | 73 |
Majorité absolue | 37 |
Pour l'adoption | 9 |
contre | 64 |
L'amendement no 156 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 76 |
Nombre de suffrages exprimés | 69 |
Majorité absolue | 35 |
Pour l'adoption | 10 |
contre | 59 |
L'amendement no 22 n'est pas adopté.
Le calcul de l'effectif pour la mise en place du CSE est modifié par vos ordonnances : le seuil d'au moins onze salariés doit être atteint sur douze mois consécutifs. Antérieurement, cette durée était de douze mois, consécutifs ou non, au cours des trente-six derniers mois.
De plus, le CSE disparaît automatiquement dès que le seuil de cinquante salariés n'est pas atteint pendant douze mois. Auparavant, l'employeur avait simplement la possibilité de le supprimer, au bout de vingt-quatre mois, consécutifs ou non. La suppression devient désormais impérative.
Par cet amendement, nous proposons de revenir aux dispositions législatives antérieures. Bien qu'il garde la même dénomination partout, le CSE n'a pas les mêmes attributions selon que le nombre de salariés est inférieur ou supérieur à cinquante.
Cet amendement vise à rétablir le mode de calcul de l'effectif pour la mise en place du CSE tel qu'il existait antérieurement à la publication des ordonnances. Il me pose au moins deux problèmes : d'abord, il est incompatible avec l'article L. 2311-2 du code du travail, qui prévoit d'autres modalités de calcul de cet effectif ; ensuite, il vise à supprimer les dispositions définissant les cas dans lesquels le CSE doit exercer les attributions récurrentes d'information et de consultation lorsque l'effectif dépasse cinquante salariés. Cet amendement a été repoussé en commission. Avis défavorable.
L'amendement no 157 est retiré.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l'amendement no 23 .
Monsieur Vercamer, les amendements no 22 à 25 visent-ils à modifier les seuils uniquement pour la création du CSE ou bien aussi pour les autres obligations juridiques de l'entreprise ?
L'amendement no 23 n'est pas adopté.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l'amendement no 24 .
L'amendement no 24 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Pour arranger tout le monde et éviter de possibles défaillances lors de la fusion des instances représentatives du personnel, nous proposons, par cet amendement, de rétablir le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail dans toutes les entreprises de plus de cinquante salariés.
Vous voulez fusionner toutes les instances représentatives du personnel au sein du CSE. Le CHSCT, les délégués du personnel et le comité d'entreprise seraient ainsi confondus. Pourtant, les missions du CHSCT sont bien différentes de celles des autres instances représentatives du personnel : il dispose d'une autonomie juridique qui lui permet d'enquêter sur les conditions de travail des salariés ; ses membres se font force de proposition pour sauvegarder et améliorer les conditions de travail, et leurs conclusions engagent l'employeur.
Le CHSCT est une conquête importante du mouvement ouvrier, dans la mesure où sa création a permis aux salariés d'obtenir une souveraineté sur la prévention des risques auxquels ils sont exposés au travail, qu'ils soient physiques ou psychosociaux.
À une époque où les nouvelles méthodes de management sont source de nouveaux risques tels que le syndrome d'épuisement professionnel, le fameux burn-out, il nous semble essentiel de maintenir cette instance dans ses pleines prérogatives et de garantir son autonomie à l'égard des questions de gestion financière auxquelles le CSE l'associerait.
La santé et la sécurité doivent être totalement détachées des considérations économiques et budgétaires, car, comme nous le savons tous, le résultat de la course au moins-disant en matière de conditions de travail, ce sont les 1 115 victimes du Rana Plaza en 2013, les 1 099 victimes de la catastrophe de Courrières en 1906 et les 2 000 victimes d'accidents du travail en France chaque année.
Enfin, à un moment où les situations de harcèlement sexuel sont trop nombreuses, il nous semble vital que les salariés disposent d'une instance indépendante, autonome et protectrice. Mes chers collègues, j'espère pouvoir compter sur votre intérêt pour la santé des salariés et sur votre soutien en vue d'adopter cet amendement.
Cet amendement a été repoussé en commission, et vous ne pourrez pas compter sur mon soutien, monsieur Larive, pour plusieurs raisons.
Sur la forme, tel qu'il est rédigé, votre amendement tend à supprimer les attributions du CSE en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail sans pour autant rétablir le CHSCT. Si nous l'adoptions en l'état, il n'existerait plus d'instance exerçant ces attributions. Je me doute que telle n'était pas votre intention.
Sur le fond, je suis opposé à votre proposition. Comme je l'avais expliqué lors de nos débats sur le projet de loi d'habilitation, la fusion des instances doit permettre aux représentants du personnel de rendre compte plus efficacement des revendications des salariés auprès de l'employeur ou de ses représentants, y compris en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail. Le CSE agira donc dans un sens positif : il fera remonter ces revendications vers l'employeur.
De plus, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, les attributions du CHSCT n'ont pas disparu : elles ont été transférées au CSE. Celui-ci continuera à jouer un rôle de prévention et de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Vous êtes opposé à la fusion des instances représentatives du personnel au sein d'une instance unique, mais, sur le fond, ce qui vous intéresse, c'est que l'on continue à travailler sur la prévention et la santé des travailleurs. Cela nous tient tous à coeur, et tel sera bien le cas.
Je termine par un point technique. Ceux d'entre nous qui ont participé à des CHSCT s'en souviennent sans doute : le CHSCT se réunissait quatre fois par an. Or les ordonnances prévoient que le CSE abordera les questions qui relevaient du CHSCT avec la même fréquence. On ne pourra donc pas – et c'est tant mieux – travailler moins sur la prévention et la santé des salariés au sein de cette instance unique qu'on ne le faisait précédemment avec une instance spécifique. L'instance fusionnée disposera bien des mêmes prérogatives que le CHSCT auparavant.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 67 |
Nombre de suffrages exprimés | 65 |
Majorité absolue | 33 |
Pour l'adoption | 10 |
contre | 55 |
L'amendement no 310 n'est pas adopté.
Mon intervention sera un peu longue, mais le présent amendement traite d'un sujet majeur, qui nous préoccupe tous : les atteintes aux droits des personnes. Alors que, jour après jour, l'actualité nous rappelle que des faits de harcèlement moral ou sexuel terribles se produisent dans tous les milieux, vous n'ouvrez le droit d'alerte au CSE en cas de danger grave et imminent que dans les entreprises de plus de cinquante salariés.
Dès lors, une question se pose : considérez-vous qu'il n'est pas nécessaire d'attribuer au CSE un droit d'alerte en cas d'atteinte aux droits des personnes dans les entreprises de moins de cinquante salariés ? On s'est souvent plaint des effets de seuil ; celui-ci paraît infondé et particulièrement choquant. Il nous paraît important de lever cette ambiguïté : le CSE doit avoir le même droit d'alerte dans toutes les entreprises, qu'elles emploient plus ou moins de cinquante salariés.
Si ma mémoire est exacte, lors de l'examen de cet amendement en commission, monsieur le rapporteur, vous avez affirmé que la réforme se faisait à droit constant. Depuis lors, nous avons procédé à l'audition d'un certain nombre d'experts, et tous ont été formels : vous supprimez bien le droit d'alerte dans les entreprises de moins de cinquante salariés.
Je vous rappelle que l'actuel article L. 2313-2 du code du travail prévoit que les délégués du personnel – dont la présence était obligatoire dans les entreprises de plus de dix salariés – disposent bien de ce droit d'alerte. Contrairement à ce que vous affirmez, nous ne sommes donc pas dans le cadre d'une réforme qui se ferait à droit constant.
C'est pourquoi nous proposons de rétablir le droit d'alerte en cas de danger grave et imminent en matière d'atteinte aux droits des personnes en l'attribuant aux représentants des salariés dans les entreprises de plus de dix salariés. Nous aurions évidemment bien du mal à comprendre un désaccord de votre part.
J'entends votre remarque, monsieur Vallaud, mais, sous réserve de vérification, lorsque j'ai indiqué que la réforme se faisait à droit constant, je ne visais pas uniquement et spécifiquement les dispositions relatives au CHSCT. Quoi qu'il en soit, je vais vous apporter une réponse.
D'abord, puisque vous parlez de réforme à droit constant, je crois comprendre, à la lecture de votre amendement, que vous prévoyez d'attribuer le droit d'alerte en cas de danger grave et imminent à la délégation du personnel au CSE, alors que tous les délégués du personnel n'en disposaient pas auparavant.
Ensuite, je ne suis pas favorable au rétablissement du droit d'alerte dans ces entreprises, car d'autres dispositifs, qui existent déjà et qui fonctionnent, me paraissent plus adaptés. La question qui se pose est la suivante : les salariés susceptibles d'être victimes de harcèlement ont-ils les moyens de se protéger, de se défendre, d'appeler l'attention ? La réponse est oui, fort heureusement – même si vous ne sembliez pas être du même avis lorsque nous avons soulevé à ce propos, en commission, le débat entre droits formels et droits réels. En effet, au-delà du droit d'alerte, très formel et peu usité, les salariés victimes de harcèlement disposent d'autres recours. Je les rappelle.
Parmi les outils non contentieux figure la saisine de l'inspecteur du travail, compétent pour constater toutes les infractions commises en matière de discrimination, les délits de harcèlement sexuel ou moral, ainsi que les infractions relatives aux conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité des personnes. L'inspecteur peut adresser une lettre d'observations à l'entreprise – il s'agit bien d'une phase non-contentieuse – et, si nécessaire, dresser un procès-verbal, qui sera envoyé au procureur de la République, lequel peut décider d'intenter une action contre l'employeur – ce qui inaugure alors la phase contentieuse. La saisine du Défenseur des droits est une autre possibilité.
À la question de savoir si un salarié victime de ce type d'agissements a les moyens de se protéger, la réponse est oui. Les moyens existants sont-ils efficaces ? La réponse est oui. Est-il possible d'agir de manière graduée, non-contentieuse, avant d'ester en justice ? La réponse est oui. Tous les outils existent donc déjà, et ce droit accordé aux délégués du personnel, qui n'était que formel, a été supprimé pour les entreprises de moins de cinquante salariés dans le CSE.
En outre, je précise que les salariés pourront, s'ils le souhaitent, recourir à la voie contentieuse civile, en engageant des actions de groupe devant le conseil des prud'hommes, ou saisir les juridictions pénales. La suppression du droit d'alerte dans les entreprises de moins de cinquante salariés ne laisse donc pas les salariés démunis. Je ne dis pas que c'est ce que vous vouliez dire, mais la rédaction de votre amendement pourrait le laisser croire. Les salariés pourront heureusement continuer de dénoncer les atteintes dont ils s'estiment victimes, et s'en défendre, ce qui est très important.
Ces outils me semblent plus facilement mobilisables et plus efficaces que le droit d'alerte des délégués du personnel, qui implique, si je me souviens bien, que l'employeur saisi par un salarié mène une enquête avec un délégué et prenne les dispositions nécessaires pour remédier à la situation. Autant dire qu'on agit beaucoup plus efficacement en ayant recours à l'inspection du travail. Quand, dans le cadre d'une procédure non contentieuse, un employeur reçoit un courrier de l'inspection du travail qui appelle sa vigilance sur un sujet, il y donne suite de façon efficace et rapide. S'il n'y a pas lieu de réagir car les faits ne sont pas étayés, il lui fait une réponse en ce sens. Telles sont les raisons pour lesquelles je suis défavorable à cet amendement.
Je partage l'avis défavorable du rapporteur, pour les raisons qu'il a très bien présentées. Nous voulons tous nous assurer que les salariés aient des recours en cas de problèmes sérieux. J'insisterai un instant sur la situation actuelle, en prenant l'exemple terrible du harcèlement sexuel, qui a émergé dans l'actualité depuis quelques semaines. Dans la pratique, la voie aujourd'hui privilégiée n'est pas le droit d'alerte, mais le recours à l'inspection du travail, qui, l'année dernière, a permis 2 400 signalements sur le sujet.
Cela étant, nous savons très bien que, malgré les lois et le droit, nous avons encore beaucoup à faire en la matière, dans l'entreprise comme dans le secteur public, à l'école ou dans la rue. J'ai saisi, la semaine dernière, les partenaires sociaux pour qu'ils fassent des propositions d'ici au 15 décembre. Pour l'instant, leurs premières pistes ne tendent pas à créer de nouvelles dispositions juridiques, puisque les outils existent.
Cela dit, beaucoup reste à faire sur la prévention, la formation, la sensibilisation de l'entourage, car le plus difficile est l'exercice des droits. Il ne faut pas forcément ajouter des couches de droit, mais faciliter l'exercice réel des droits existants.
Je profite de votre amendement pour préciser un élément qui n'a pas de rapport direct avec votre question, mais qui y est lié. Il faut s'assurer que les personnes puissent recourir aux dispositifs et à l'arsenal juridique. À cet égard, ils peuvent utiliser tous les outils rappelés par le rapporteur sur les différents sujets qui les concernent.
On assiste aujourd'hui à une libération de la parole, et on s'aperçoit que beaucoup de femmes harcelées trouvent désormais le courage de le dire et de porter plainte. Cependant, nous avons besoin d'une libération, non seulement de la parole, mais aussi des yeux et des oreilles de ceux qui ont été témoins de ces harcèlements, et qui ne disent rien, ce qui est sans doute aussi grave que d'en être l'auteur.
Aussi, vous avez tort de confondre les droits individuels des salariés harcelés à se défendre, par le biais de l'inspection du travail ou par le biais juridictionnel, et le droit d'alerte des délégués du personnel, car ils sont les yeux et les oreilles qui doivent maintenant se libérer pour dénoncer ce qu'ils voient. Ce dont vous devriez vous inquiéter, c'est que ce droit ne soit pas utilisé pour cela. En le maintenant ou en le promouvant, vous ne retireriez rien ; au contraire, vous iriez dans le sens de l'histoire, qui est celui de la libération de la parole, des yeux et des oreilles. Ainsi, je maintiens que nous avons besoin de ce droit d'alerte.
Jusqu'à présent, quand on constatait un décalage entre un droit formel et un droit réel, on se demandait comment faire pour que ce droit fondamental s'exerce réellement. Dans le nouveau monde, lorsqu'il y a un décalage entre droit formel et droit réel, on supprime le droit formel. C'est non seulement absurde, mais cela va aussi à l'encontre des discours actuels sur le harcèlement sexuel. Vous confondez le droit d'une victime à se défendre, heureusement préservé, avec le droit d'alerte d'un délégué du personnel, protégé dans sa mission et dans son rapport avec l'employeur. Il s'agit d'un dispositif supplémentaire de protection, y compris en cas de harcèlement sexuel sur un lieu de travail.
Contrairement à ce que vous dites, nous ne proposons pas d'en rajouter une couche, mais de préserver un droit d'alerte qui existe déjà dans l'arsenal du droit du travail.
Je vous incite donc à la sagesse, à la raison, au pragmatisme et, pour une fois, à ne pas être dogmatique en refusant un amendement de l'opposition. Je vous invite également à vous engager à faire la promotion d'un droit insuffisamment utilisé, pour qu'il le soit, demain, le plus souvent possible, dans l'intérêt des valeurs qui nous rassemblent et qui fondent un consensus politique : combattre efficacement, par tous moyens, le harcèlement sexuel, notamment sur le lieu de travail.
Pour répondre à mes collègues et ajouter un élément à la réflexion, je précise que, si le droit d'alerte est formel, le devoir d'alerte ne l'est pas. Prenons l'exemple extrêmement concret d'un membre du CSE dans une entreprise de moins de cinquante salariés, qui dispose d'éléments objectifs l'incitant à penser que quelqu'un est victime de harcèlement. Il s'en assurera peut-être ou se servira de son mandat pour traiter l'affaire avec diligence, et il disposera d'ailleurs d'heures de délégations prévues à cet effet. Mais, s'il a la conviction qu'il y a un problème, nous savons tous qu'il alertera directement l'inspection du travail. La procédure est extrêmement fluide, et votre objectif sera atteint.
Sur le fond, l'enquête est peu représentative, peu opérationnelle et ne sert pas à grand-chose, contrairement à l'intervention d'un tiers. On oublie trop souvent de rappeler que le rôle de l'inspection du travail est aussi de conseiller les entreprises. Elle est extrêmement utile. Telle est la différence entre le devoir d'alerte et le droit d'alerte.
Je demande une suspension de séance.
Le scrutin public a été annoncé : il ne peut pas y avoir de suspension de séance !
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt heures.
« On ne connaît pas la position du Gouvernement ! » sur les bancs du groupe LC.
Je maintiens l'avis défavorable du Gouvernement sur l'amendement no 158 .
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 76 |
Nombre de suffrages exprimés | 62 |
Majorité absolue | 32 |
Pour l'adoption | 13 |
contre | 49 |
L'amendement no 158 n'est pas adopté.
C'est un amendement de repli. Le progrès ne sera pas complet, c'est dommage. Vous avez rejeté l'amendement qui visait à garantir le droit d'alerte aux représentants du personnel dans les entreprises de plus de dix salariés au motif que nous n'agissons pas à périmètre constant, alors qu'il aurait été possible de profiter de l'occasion présentée par ce texte pour améliorer les droits des salariés, en considérant qu'accorder aussi le droit d'alerte en cas de danger grave et imminent était souhaitable. Vous n'avez pas été sensibles à cet argument : c'était malheureusement prévisible.
Nous vous proposons donc maintenant de rétablir le droit existant, en permettant aux représentants du personnel dans les entreprises de plus de dix salariés de disposer du droit d'alerte en cas d'atteinte aux droits des personnes.
Monsieur le rapporteur, en commission vous avez rejeté notre proposition en tenant des propos qui nous ont émus. Au motif qu'il ne serait pas assez utilisé – vous l'avez répété – , il faudrait supprimer ce droit, qui ne serait qu'un droit formel. Je n'argumenterai pas davantage : je l'ai fait suffisamment, et si je n'arrive pas à vous convaincre sur des sujets aussi importants, …
Une question a été posée : les amendements no 158 et 159 de M. Vallaud sont différents – il le sait fort bien, en raison même de son expérience. Si les arguments que vous avez développés ont du sens, j'espère que vous en avez également trouvé dans ma réponse, même si vous ne la partagez pas entièrement. Cet échange a permis de décrire très concrètement la situation dans les entreprises.
L'amendement no 158 visait à ajouter, aux précédentes prérogatives des délégués du personnel, d'autres, pour danger grave et imminent, qui n'étaient pas celles des délégués du personnel des entreprises de moins de cinquante salariés. L'amendement no 159 propose, lui, le retour au droit antérieur en ce qui concerne les dispositions relatives aux délégués du personnel des entreprises de moins de cinquante salariés, notamment les dispositions propres au droit d'alerte, dont vous avez souligné l'intérêt en matière de médiation. C'est pourquoi j'émets un avis favorable.
Comme l'a fort justement souligné le rapporteur, ce n'est pas là la forme d'intervention qui est utilisée aujourd'hui, y compris en cas de danger grave ou imminent ou en cas de harcèlement. Cependant, même si je crois beaucoup plus au recours à l'inspection du travail, il vaut mieux rendre possibles toutes les formes d'expression sur le sujet. C'est la raison pour laquelle je suis favorable à l'amendement no 159 .
Si l'amendement no 330 , que nous avons déposé, est à peu près similaire à celui de Boris Vallaud, que nous examinons, je me félicite toutefois que celui-ci permette d'aboutir sur un sujet très important. Se passer d'un moyen d'agir aurait été une grave erreur.
Le débat que nous avons eu a manifestement permis de faire bouger les lignes, alors que le début de la discussion ne nous avait pas laissés présager une telle possibilité. J'apprécie cette ouverture, je ne le cache pas, d'autant que nous sommes loin d'avoir épuisé toutes les questions relatives au travail, qui est le sujet qui nous occupe. Cette ouverture justifie, à nos yeux, la poursuite de l'action que nous menons dans l'hémicycle – je le dis en référence au débat difficile que nous avons eu hier soir sur le rôle du Parlement.
Dans les entreprises d'au moins onze salariés, les délégués du personnel ont toujours disposé d'un droit d'alerte en cas d'atteinte au droit des personnes. Ce droit est essentiel : il concerne une question très grave et doit donc être maintenu. Compte tenu de la dimension symbolique très forte du droit d'alerte, il faut en conserver d'autant plus la possibilité, que l'intervention des délégués du personnel peut avoir, dans certaines circonstances, plus de poids qu'une autre.
Je remercie le rapporteur et la ministre, dont je connais l'engagement ancien sur ces questions – je tiens à le souligner. Il faut savoir que 20 % des femmes ont dû faire face à un harcèlement sexuel au cours de leur vie professionnelle : trois victimes sur dix n'en ont parlé à personne et dans 69 % des cas la situation n'a pas été portée à la connaissance de la direction de l'entreprise dans laquelle ces personnes travaillaient. Or le droit d'alerte est efficace dans 41 % des cas, notamment en permettant de saisir les prud'hommes en référé.
Certes, il aurait été préférable que tous nos amendements aient été examinés avec la même attention. Toutefois, soyons modestes : nous demandons juste le maintien du droit existant.
J'ai voté le précédent amendement, parce que je suis pour la suppression des seuils. Lorsque, aux contraintes propres à un seuil, on en ajoute de nouvelles, on rend plus difficile encore sa suppression un jour. L'amendement concerne les entreprises d'au moins onze salariés : je le voterai également, même si je pense que le droit d'alerte devrait être indépendant de toute question de seuil.
Ce droit vise un phénomène sociétal qui n'a rien à voir avec le travail.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LC, NG et GDR.
Madame la ministre, moi qui suis favorable à la suppression des seuils de zéro à 300 salariés, je pense qu'une telle disposition devrait ignorer la notion même de seuil.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 83 |
Nombre de suffrages exprimés | 79 |
Majorité absolue | 40 |
Pour l'adoption | 79 |
contre | 0 |
L'amendement no 159 est adopté.
Applaudissements sur tous les bancs.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi ratifiant diverses ordonnances pour le renforcement du dialogue social.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures dix.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Catherine Joly