Intervention de Laurent Pietraszewski

Séance en hémicycle du mercredi 22 novembre 2017 à 15h00
Renforcement du dialogue social — Article 4

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Pietraszewski, rapporteur de la commission des affaires sociales :

J'entends votre remarque, monsieur Vallaud, mais, sous réserve de vérification, lorsque j'ai indiqué que la réforme se faisait à droit constant, je ne visais pas uniquement et spécifiquement les dispositions relatives au CHSCT. Quoi qu'il en soit, je vais vous apporter une réponse.

D'abord, puisque vous parlez de réforme à droit constant, je crois comprendre, à la lecture de votre amendement, que vous prévoyez d'attribuer le droit d'alerte en cas de danger grave et imminent à la délégation du personnel au CSE, alors que tous les délégués du personnel n'en disposaient pas auparavant.

Ensuite, je ne suis pas favorable au rétablissement du droit d'alerte dans ces entreprises, car d'autres dispositifs, qui existent déjà et qui fonctionnent, me paraissent plus adaptés. La question qui se pose est la suivante : les salariés susceptibles d'être victimes de harcèlement ont-ils les moyens de se protéger, de se défendre, d'appeler l'attention ? La réponse est oui, fort heureusement – même si vous ne sembliez pas être du même avis lorsque nous avons soulevé à ce propos, en commission, le débat entre droits formels et droits réels. En effet, au-delà du droit d'alerte, très formel et peu usité, les salariés victimes de harcèlement disposent d'autres recours. Je les rappelle.

Parmi les outils non contentieux figure la saisine de l'inspecteur du travail, compétent pour constater toutes les infractions commises en matière de discrimination, les délits de harcèlement sexuel ou moral, ainsi que les infractions relatives aux conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité des personnes. L'inspecteur peut adresser une lettre d'observations à l'entreprise – il s'agit bien d'une phase non-contentieuse – et, si nécessaire, dresser un procès-verbal, qui sera envoyé au procureur de la République, lequel peut décider d'intenter une action contre l'employeur – ce qui inaugure alors la phase contentieuse. La saisine du Défenseur des droits est une autre possibilité.

À la question de savoir si un salarié victime de ce type d'agissements a les moyens de se protéger, la réponse est oui. Les moyens existants sont-ils efficaces ? La réponse est oui. Est-il possible d'agir de manière graduée, non-contentieuse, avant d'ester en justice ? La réponse est oui. Tous les outils existent donc déjà, et ce droit accordé aux délégués du personnel, qui n'était que formel, a été supprimé pour les entreprises de moins de cinquante salariés dans le CSE.

En outre, je précise que les salariés pourront, s'ils le souhaitent, recourir à la voie contentieuse civile, en engageant des actions de groupe devant le conseil des prud'hommes, ou saisir les juridictions pénales. La suppression du droit d'alerte dans les entreprises de moins de cinquante salariés ne laisse donc pas les salariés démunis. Je ne dis pas que c'est ce que vous vouliez dire, mais la rédaction de votre amendement pourrait le laisser croire. Les salariés pourront heureusement continuer de dénoncer les atteintes dont ils s'estiment victimes, et s'en défendre, ce qui est très important.

Ces outils me semblent plus facilement mobilisables et plus efficaces que le droit d'alerte des délégués du personnel, qui implique, si je me souviens bien, que l'employeur saisi par un salarié mène une enquête avec un délégué et prenne les dispositions nécessaires pour remédier à la situation. Autant dire qu'on agit beaucoup plus efficacement en ayant recours à l'inspection du travail. Quand, dans le cadre d'une procédure non contentieuse, un employeur reçoit un courrier de l'inspection du travail qui appelle sa vigilance sur un sujet, il y donne suite de façon efficace et rapide. S'il n'y a pas lieu de réagir car les faits ne sont pas étayés, il lui fait une réponse en ce sens. Telles sont les raisons pour lesquelles je suis défavorable à cet amendement.

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