Si, cher collègue, car je passe du temps sur les amendements que vous déposez, dont j'essaie d'en comprendre les motivations sur le fond. Je ne comprends pas cet amendement qui remet en cause un pouvoir du juge, lequel est pourtant un élément de sécurisation juridique.
Même en l'absence d'énoncé clair dans la loi, je le rappelle, le juge a toujours le pouvoir de moduler dans le temps ou de reporter les effets de ses décisions pour éviter de déstabiliser la norme. Certes, le juge judiciaire utilise peu cette possibilité qui lui est offerte, mais ce pouvoir existe.
Il est d'ailleurs plus utilisé en matière administrative, comme le montrent certains arrêts célèbres du Conseil d'État de 2004, comme l'arrêt « Association AC ! et autres » ou la décision sur les recalculés, qui avait permis au juge administratif de moduler dans le temps l'effet de sa décision d'annulation de certaines modalités de calcul d'aides en matière d'assurance chômage, dont la rétroactivité avait eu des effets désastreux sur des milliers de bénéficiaires des allocations chômage.
S'il stabilise la norme juridique, ce pouvoir de modulation n'a pas toujours pour effet de favoriser les employeurs, comme vous semblez le penser, monsieur Ratenon. Elle a surtout pour objectif de ne pas créer de vide juridique ou de ne pas conduire à annuler en cascade des centaines de conventions collectives individuelles de forfait, comme cela a été le cas lorsque le juge a annulé des clauses des conventions de branche organisant le recours au forfait jour des cadres.
Pour toutes ces raisons, l'avis est défavorable.